N'Kpa ne prêta pas attention au dialogue dans son dos, entre le pirate et Sirat. La jeune femme décidée et fière de son baiser volé, s'engageait dans l'escalier qui menait à la ménagerie, quand une poigne de titan happa son bras et l'immobilisa.
La surprise était lisible sur son visage comme un nuage dans un ciel bleu. La remontrance du colosse la fit froncer les sourcils, une main s'arma pour décocher une gifle et son regard vira au pourpre sous l'effet de la colère qui montait.
Parfois l'attitude matérialiste, désinvolte et égoïste de Sirat l'énervait passablement. Elle partageait des sentiments très forts avec le colosse. Son cœur s'emballait lorsque qu'il posait son regard sur elle, ou l'effleurait de ses grosses paluches. Jusqu'à présent, elle arrivait à lui pardonner ses écarts, dans l'éventualité d'un avenir commun, d'un but plus lointain, très féminin... maternelle ; mais pas là, pas en cet instant tragique...
Fille de Yuimen, impétueuse, elle ne pouvait pas admettre que l'on puisse sacrifier des êtres innocents à une mort certaine, sans essayer de faire quelque chose.
Bien que le ton de Sirat était posé, sans agressivité, l'argument du géant ne tenait pas la route à ses yeux. Il n'allait pas la convaincre aussi facilement, elle ouvrit la bouche pour cracher son venin, tel un naja dressé…
C'est la seconde phrase de Sirat, qui l'empêcha de répondre. Son geste resta en suspend et son regard changea. Le rappel d'un père existant à la recherche de sa fille, connu de son ami devant elle, était l'électrochoc qui ébranla ses convictions. N'était-elle pas partie de sa forêt dans le but de retrouver ce père qu'elle n'avait fantôme ?…
Les bruits du combat redoublaient de violence et le bateau criait son agonie dans la plainte de chacune de ses membrures sous la pression des flots. Moura la déesse l'appelait dans son royaume…
Elle leva un regard nimbé d'humidité vers le visage de son ami, jeta un œil en contre bas, d'où provenait les cris des bêtes sentant la fin inéluctable. Elle posa une main maternelle sur la petite fée toujours inconsciente dans sa ceinture de toile. Un autre regard vers Aïshala'h qui attendait la suite, d'un air stoïque, la fin de l'orage qui animait le couple Humoran.
Le capitaine intervint, son œil froid s'adressa à la jeune femme, sa tirade appuya son dédain et justifia le pourquoi de sa présence et de son combat. Elle l'avait mis en échec par sa parade et bousculé par ses propos. L'homme l'avait peut-être mauvaise, atteint dans son for intérieur, sa fierté, son état de mâle dominant pendant un instant menacé par une aventurière et de surcroît humanoïde ? ... Se dit-elle... Heureusement, il n'y avait pas eu d'autres témoins que Sirat et Aïshala'h. Alors... Qu'en serait-il advenu dans le cas contraire ?
Les arguments de "Sir Commandeur", étaient irréfutables. Elle acceptait l'idée bien lointaine pour elle de mettre un terme aux agissements de cette race impie. S'ils pillaient, tuaient d'autres peuples, des femmes et des enfants, comment rester sans agir ? Si le commandant borgne n'était pas intervenu, que seraient-ils advenu de Sirat, de la gamine et d'elle-même ?
L'image de Rosa la mystérieuse se présenta à son esprit. Son amie Shaakt était si différente et portait un tel lourd fardeau d'appartenir à un peuple que le monde entier exécrait. Elle eut le sentiment de comprendre sa méfiance, sa froideur.
Bien que les paroles du commandant à son tour la blessèrent dans sa propre fierté et dans ses convictions profondes, N'Kpa ressentit la boule qui se formait au creux de son estomac. Les arguments de Sirat et ceux du capitaine réuni se défendaient... Cependant, comment accepter de laisser ces pauvres créatures disparaître dans une souffrance si atroce que la noyade, enfermées dans leur cage, sans transgresser ce pour quoi elle s'était toujours battit ?
L'idée même de tomber dans cette grande eau sans fond, monde des profondeurs obscures, des créatures invisibles et des dieux inconnus, était un cauchemar, presque une phobie...
C'est la dernière tirade, l'ultimatum du Capitaine qui décida N'Kpa à abandonner… temporairement... son idée de sauver les animaux prisonniers.
Lorsque l'homme disparut avaler par la lumière de l'écoutille ouverte au dessus de leurs têtes, elle posa une main sur le torse musculeux de son ami et le fixa de ses prunelles miel larmoyantes. 
 Ô Sirat, je suis d'accord, allons aider le capitaine à tailler en pièce ses monstres. Mais par Gaïa et Yuimen, si Zewen le maître du destin nous préserve, je veux que tu me promettes que nous irons casser les serrures des cages pour offrir une chance aux animaux de pouvoir s'en sortir? 
 Sa voix n'était qu'un trémolo implorant de compassion.