Sirat n’avait jamais osé faire quelques choses d’aussi intrépide et hors de son champ de compétence, à mesure que ses pieds quittaient le sol et qu’il prenait de la vitesse il se le répétait. L’air frappait son visage et sa bouche se crispait dans un masque concentré et circonspect. A vrai dire il n’avait que rarement été sur des bateaux, des petites barques de pécheur de temps à autres dans sa jeunesse. Se balancer du haut d’un navire à l’aide d’un cordage était une chose inédite et il ne s’en cachait pas, mais ce qui était fait était révolu et tous les espoirs de l’enchanteur se fondaient sur son objectif. A mesure qu’il approchait, il perçut une perte de vitesse, l’abdomen gras et luisant de l’arachnide paraissait pourtant si proche. Il étira son bras au maximum pour la frapper, mais son glaive, accompagné d’une fumerolle opale, ne fit qu’effleurer la panse noirâtre, lui dessinant une légère strie qui ne la fit aucunement souffrir.
 Le colosse se pliant aux affres de la gravité repartit aussitôt dans le sens inverse, reprenant une certaine allure qui n’était pas sans l’inquiéter sur les aléas de sa future réception. Il eut au moins le plaisir d’apercevoir l’araignée se déstabiliser et manquer sa victime. N’kpa était sauve, pour le moment et Sirat en remercia Zewen, tandis qu’il sentait le vent lui glacé le dos tant sa chute s’accélérait. 
Il plissa les yeux, espérant le contact avec le sol moins douloureuse et préparant son corps aux affres de la douleur qu’allait subir son dos. C’est alors qu’il éprouva quelques choses d’étrange, un changement au creux de son âme, aux plus profonds de ses tripes. Sa magie qui faisait partie de son organisme, était en train de se modifier. Il la sentait s’enfler et s’altérer, à la manière d’une pâte que l’on pétrie. Cette sensation lui était inconnue et elle s’imposa à la peur de la douleur. Impérieuse elle s’immisça dans ses fibres, arrachant chaque parcelle d’alchimie qui était lié à sa chair. Il discerna les fluides de terre s’exhaler rapidement, vaporeux, lui donnant la nausée. Il s'accumulait, formant une masse informe et tourbillonnante dans son ventre. Elle paralysait chaque parcelle de son organisme. Angoissé, malade, Sirat relâcha la corde, déposséder peu à peu de sa lucidité, il ne discerna pas le réveil d’Haak'Mam et ses hurlements pour galvaniser ses hommes. Quelques choses avait touché la magie et elle dévorait toutes les autres perceptions, pas seulement sur lui, mais l’occultisme entier de Yuimen venait de se modifier. Ce don qu’on lui avait offert et qu’il avait eu tellement de mal à s’approprier, venait de lui éclater au visage, comme une vasque gorgée d’eau que l’on eut jeté au sol. Éclabousser non de liquide mais de fluides Sirat se perdit dans ce torrent, sa conscience qui l’imprégnait perdit prise, le déposant dans un état de veille, percher en transe entre réalité et rêve.
"Réveille-toi…" Le pouvoir amasser bouillonnait en lui, frappant chaotiquement sa substance, l’entrainant dans un marasme de pensée et d’image toutes plus incongrues et sans rapport les unes aux autres. Il perçut sa mère, son oncle, l’histoire naïve qu’un troubadour comptait, son frère, Guasina et sa candeur, n’kpa et ses yeux ambrés, ses rondeurs dont il ne se lassait pas de se délecter, il appréhenda des troupes armés, des combats des guerres, tout se mélangeait.
"J’ai dit réveille-toi…"La voix féminine et infantile prit le pas sur l’ébullition des fluides. Peu à peu ils reprenaient une nouvelle place définit, leur effervescence semblait se tarir, il ne resterait bientôt que de légère ondée à la surface de l’eau et elle ne tarderait pas à disparaitre. Au fur et à mesure il se réappropria son espace et ouvrit les yeux. 
"Enfin…"Il ne put savoir d’où venait cette remarque cristalline, encore plongé dans un voile obscure. Il gouta son essence, elle n’avait plus la même saveur, les sensations avaient changés et cela à jamais.
"Tu t’y habitueras, cet ainsi on y est obligé, c’est passé on ne peut plus y toucher."Il releva la tête pour apercevoir une jeune femme, l’air juvénile à la peau glabre. Complètement nue, elle arborait une poitrine menue et ferme, sur laquelle retombaient ses cheveux bouclés mordoré en cascade éparse. Elle se tenait devant lui droite comme un i, la tête en l’air devant la masse du colosse, ce qui découvrait un cou gracile. La salle qui l’entourait était tamisé par des petites bougies et encombrés par des montagnes de grimoire, de parchemin amasser en monticule, recouvrant jusqu’à la surface des murs. 
"Qui êtes-vous et où suis-je ? "Elle esquissa un sourire charmeur et sans lui répondre elle continua.
"Tu comprendras aisément qu’il est temps que tu te dépêches."Vexer d’être ainsi ignorer, Sirat fronça les sourcils avant de tempêté.
"Je ne te permets pas, gamine, libère moi sur le champ !"Elle lui retourna une moue dubitative, écarquillant ses grands yeux cobalt, puis sa mine laissa place à une joie qu’à la manière d’une enfant elle ne chercha pas à cacher. Elle avança alors vers lui, lascivement découvrant une douce cambrure et des hanches abondantes. La lumière se reflétait sur sa peau la chamarrant de reflets bleuté et opalescent. Il n’aurait su dire si elle était jeune ou adolescente ou si elle baignait déjà dans l’âge adulte. Elle se colla contre lui, le visage perdu dans son regard, ses seins  effleuraient son torse. Sa cuisse remonta droite contre la sienne, balançant sa jambe derrière celle de l’enchanteur. Elle l’emprisonna, joignant ses bras délicat sur sa carrure.
"La terre, j’ai toujours eu un faible pour vous, si brutale, si sauvage, abrupte et si fier."Elle déposa son visage contre le cœur de l’humoran et soupira. Il n’osait pas bouger, crisper et ne sachant pas comment réagir.
"Je suis Fanil cadette des Seshats, je tiens avec mes sœurs le livre de Zewen, je suis la gardienne du passé et de la genèse. "Elle s’arrêta, comme pour laisser le temps à son prisonnier de saisir ce qu’elle venait de dire. 
"Je ne comprends pas.""Tu viens de le sentir pourtant, ton cœur, lui, le sait, tu ne peux me mentir. Je viens te guider, ce mouvement dans les fluides, tu découvriras bientôt qui en est son responsable. Tu devras affronter ses forces, ses nuées nuisibles cendrée qui veulent figer notre univers." Elle s’exprimait à la manière d’une petite fille gâtée, son visage s’était rembrunit. Elle fit volte-face et afficha un large sourire. Elle faisait preuve d’une telle immaturité qu’elle le surprenait et le désarçonnait. Il sentait ses courbes se frotter contre lui, collant son ventre tiède contre sa carcasse.  Il se détendit et spontanément passa ses bras autours d’elle.
"Je suis impatiente de te voir dans toute ta splendeur, agir pour le destin. Hâte toi, ton chemin est encore long, mais je sais que tu ne tarderas pas à voir destiné. Je te donne se présent."Grimpant sur la pointe de ses pieds pour atteindre le guerrier, elle déposa alors un léger baiser sur la commissure de ses lèvres,. Il sentit son souffle chaud contre sa joue. Un flash de lumière intense éclaira alors la pièce, aveuglant Sirat. Quand il rouvrit les yeux, il se trouvait, encastré dans le bois et les caisses du bateau. Celle-ci avait dû amortir sa chute. Le songe s’était envolé.
"Etait ce un rêve ?"Une explosion, formée d’éclaire écarlate, illuminait le pont, il jaugea la situation pour comprendre que la tarentule venait de subir une attaque de plein fouet et vacillait à présent. Elle chuta inerte suivant le projectile qui l’avait percé. Elle s’écrasa dans un puissant craquement. Elle reprit alors forme humaine et dans ce mausolée de poutre, gisait le shaakt.
 Sirat resta un instant perplexe, puis il pensa à N’kpa, l’image de Fanil s’estompa dans son esprit ainsi que toutes les questions qui auraient pu venir à lui. Il tenta de se relever, mais de forte douleur lui saisir les lombaires. Son dos était parsemé de courbature, mais il se redressa, il contempla fiévreusement le mat pour voir si son amie si trouvait.  Il ne la voyait plus, soit elle s’était échappé de son écrin, soit… la réponse le paralysa de terreur. Il boita jusqu’au reste du shaakt, il y découvrit la petite fée, gisant à côté. Il la récupéra doucement dans ses grandes paluches, puis il explora les décombres du navire, inquiet, scrutant chaque recoin, tentant d’apercevoir sa compagne.
"N’KPA !!"Hurla-t-il de sa voix rauque, dans la tempête de fracas qu’entrainait le galion qui coulait.