N'Kpa était une fille de la forêt profonde et, si elle était capable de nager avec brio dans le courant d'une rivière, peu profonde, tout ce qui venait de la frapper l'avait suffisamment épuisée pour que l'exercice de nage forcée dans des eaux aussi sombres qu'inconnues achève son état.
La jeune femme était sonnée et avait de grosses difficultés à tenir son corps hors des vagues qui parfois la submergeaient. Par bribe, elle pouvait entendre des cris, des paroles, mais de sa bouche ne sortait plus rien. Elle tenta en vin de saisir un espar, qui sous son poids roula sur lui-même et la précipita en dessous de lui. Un effort et elle toussait, crachant une tasse d'eau salée qu'elle venait encore d'avaler. Étrangement, ses mouvements étaient peu gênés par l'armure de cuir et elle ne s'en aperçut aucunement. Par instant N'Kpa voyait le navire sauveur et tout le monde qui s'activait dessus. La panique l'a saisi craignant qu'il parte sans elle. Elle allait crier, quand la force de l'épave créa une turbulence liquide qui comme un tourbillon de succion attira la jeune femme sous les eaux. 
 (Ô Moura déesse des océans, je t'en conjure plaide mon appel devant Zewen, je ne veux pas mourir. J'aime un de ces fervents adorateurs et je le suivrais pour payer ma dette…) 
 Alors, un miracle survint, comme si la déesse avait entendu sa supplique. Soudain, un petit bras vint s'enrouler autour de son torse. Pas celui puissant de son compagnon pour qui son coeur chavirait. Non, juste celui d'une enfant, celui de Aïshala'h la jeune humoran
 muette qui la ramena à la surface, juste à temps. Les poumons de la shaman inspirèrent une violente goulée
 d'air salvatrice. La demoiselle de race, s'acharna à traîner et secourir sa consœur plus âgée au travers des débris, corps et survivants hagards du bateau naufragé.
N'Kpa n'en revenait pas, se laissait porter par la jeune fille. Son coeur était plus serein et la panique l'avait abandonnée. 
 (Ô grande déesse soit louée, merci, de m'avoir entendue. Je m'acquitterai d'une offrande une fois de retour à terre pour te remercier de ton intervention.) 
 Elle tourna la tête vers sa soeur de race et lui sourit. Ayant assez récupéré et reprit confiance, le navire sauveur bien moins loin qu'il n'y paraissait, elles arrivèrent juste au moment où on leur lançait un boute. Aïshala'h l'attacha et elles furent toutes les deux halées sur le pont.
Il fallut un moment pour les deux jeunes femmes pour réaliser leur bonheur et leur chance.
N'Kpa se tourna vers la petite, elle ne put parler, mais la serra dans ses bras, posant sa tête dégoulinante sur la sienne. Forte de cette émotion elle lui souffla quelques mots pleins de douceur dans sa langue natale. Des soigneurs passaient de blessé en blessé apposant leurs mains. Enfin, elle se releva, aperçut Sirat tenant la petite Fée. 
Sirat !  cria t-elle avec joie.
Elle allait se précipiter, lorsque Haak'mam arriva en se balançant tenu à un cordage, avec grande agilité sur le pont. Un regard en arrière sur l'océan alors que le navire sombrait et il ordonna de faire achever les rescapés du bateau esclavagiste. N'Kpa horrifiée fronça les sourcils, ouvrit la bouche pour protester lorsqu’une petite main lui serra la sienne et la tira vers le bas. La jeune femme baissa les yeux vers Aïshala'h qui la toisait d'un regard sans pitié. Les arbalètes sifflèrent rapidement.
Le capitaine se tourna alors vers les jeunes filles et se félicita de les voir à bord. La shaman avait un air renfrogné à travers ses nattes collantes qui lui tombaient sur le visage.
Elle était furibonde, de n'avoir pas pu sauver les animaux et de l'acte odieux du capitaine. N'Kpa n'acceptait pas cet acte, la vie étant si chère à ses yeux. Elle serrait les poings les griffes lui pénétrant dans les paumes, lorsque le capitaine les invita dans sa cabine.
Elle passa près de Sirat, lui jeta un regard noir et emboîta le pas de Haak'Mam…