Enfin arrivé, c'est cette pensée qui trotte dans ma tête depuis que j'aperçois la porte. Le soleil m'indique qu'elle se situe vers le nord ouest, et un bout de sapin s'échappant du côté de la muraille lointaine m'indiquait une forêt. Une fois de plus ma vision m'aide grandement, et je sais qu'une bousculade bien placée me permettrait de trouver refuge. Cependant, ma réflexion subite me tire toujours la même révérence d'un ton brusque mais ô combien ironique, m'hurlant diverses informations que je savais exactes, comme le fait que je n'ai jamais visité ladite forêt alors que mes compagnonnes la connaissaient probablement par coeur, et autres stratèges brisés par cette petite voix dans ma tête qui me ruinait petit à petit.
Jamais je ne me suis senti aussi soulagé de voir enfin les rues bien pavés de la ville. Comparé à Exech, la ville que je fréquentais depuis ma tendre enfance, c'était soit moins impressionnant que Tulorim mais tout de même assez massif et intéressant.
Alors que l'intersection des diverses rues se fait enfin voir, je sens la pression du cheval sur mes chaînes se faire légère, avant de voir carrément lesdites chaînes percuter mollement ma cuisse, détachées. Les pensées fourmillaient dans ma tête, massacrés sans aucune pitié par ma réflexion, toujours la même tueuse d'idée qui sévissait avec la même ardeur, tout le temps.
Avant même de pouvoir tendre les bras pour observer un peu mes liens, un bras me tire subitement vers le cheval, me forçant à observer la cavalière, maintenant à contrejour, ce qui, bien sur, m'empêche de distinguer laquelle des dames me tient à sa merci. seule la chevelure me laisse penser que mon agresseuse me tient maintenant en laisse, et sa voix vient vite le confirmer :
C'est bon, les filles, je l'emmène, ne vous en faites pas.
La pression se faisant de nouveau ressentir, je n'ai bien sûr toujours pas le temps de réagir que nous nous enfoncions dans une ruelle pour le moins étrange, tournant, passant tout droit, pour qu'elle dépose finalement mes bagages devant une porte et n'entre, ne me laissant qu'un petit sourire avant de m'attacher avec le cheval.
Le regard passionant entre l'équidé mâchant une herbe folle perçant le pavé et le mien analysant la composition des mouvements de sa mâchoire fut très longue, mais en valut la peine. J'avais beau chercher et rechercher, son armure n'y était plus, elle était vêtue des bandages similaires à ceux que ma tribu portent habituellement, un léger masque de soie et une capuche bleue ciel, en soie également, rabattue sur ses épaules, ne gênant même pas sa chevelure. Elle était de ma tribu, c'était obligé.
Sans mon turban, ma mâchoire devrait toucher le sol tant ma surprise est grande, néanmoins, je ne peux m'empêcher de penser que je suis attaché à côté de mon propre cheval par une personne qui pourrait presque faire partie de ma famille. Et maintenant, je la vois, impuissant, sortir une clé de la besace pendante à sa ceinture et me détacher comme si de rien était, me libérant en plus de mes menottes.
Le reste, je l'imaginai déjà, une folle me séquestrant dans une maison isolée parmi d'autres parceque j'appartiens à une ethnie qu'elle avait du refouler depuis maintenant des années, sa tenue traditionnelle aurait obligatoirement perfectionné son bronzage, autrement. Je la vis ouvrir la bouche un bref instant, commençant une explication d'une voix enveloppante et douce, ne collant pas vraiment à sa personnalité.
Bien, Pygmalion, je te dois des explications. Je suis Amàni, une ami d'enfance. Je suis parti après que l'on t'ai déclaré mort, suite à cette rixe. J'ai finalement erré seule pendant un petit moment, avant de faire une pause ici. C'est là que l'on m'a proposé le poste de milicienne et...
C'est marrant, en ce moment, il y a des trucs que je ne comprend vraiment pas. Notamment le fait que là, tout de suite, elle plaque ses mains sur mes joues et m'embrasse fougueusement au moment où l'une de ses amis passait, nous prenant probablement pour un couple nomade standard.
Appréciant tout de même le moment, ma réflexion subite, encore une fois activée, annihila l'idée même de la repousser, au risque de me priver d'un agréable moment. La milicienne était passée mais elle ne lâchait pas. Puis, une fois son entrave achevée, elle reprit :
Tu embrasses mal. Bref, j'ai accepté ce métier mais je me suis retrouvé en un rien de temps aux frontières, en plein désert. Je ne l'avais pas fui pour rien, tu sais ? Mais passons. J'ai donc cherché tous les moyens possibles pour repartir, mais ma vie ici s'est sédentarisée, petit à petit. Enfin, si je gagnais beaucoup d'argent, je resterai probablement, mais entre les bijoux, la nourriture et l'entretien de mon équipement, pas moyen.
Quand nous étions jeunes, tu me parlais souvent d'une caravane, et l'idée est restée depuis dans un coin de la tête. Je sais que brigand ne sied pas très bien à une gentedame telle que moi, mais tu fais un choix : je te livre à la milice pour complicité avec Qassim, un voleur que nous connaissons bien, où tu m'emmènes, et tu récupères ton cheval et ton arme.
Si vous comptez, merci beaucoup, car je peux dès maintenant ajouter une prouesse étonnante à son palmarès, elle venait de me chipper les lames de mon cestus droit, les plaquant maintenant dans son dos. Inutile d'essayer de les récupérer, je pourrais m'empaler la main où me faire empaler par elle, n'ayant aucune connaissance de son habileté aux lames. Et bien sur, je devais me résoudre :
J'accepte à quelques conditions. Tu restes dans ta tenue traditionnelle. Tu te prends ton propre cheval. Et surtout, tu ne me reprends pas ma griffe.
D'un hochement de tête accompagné d'une bouille enfantine, elle me faisait oui de la tête. Les filles, c'est vraiment sournois.
_________________
Pygmalion, Voleur des Dunes, niveau 3, Quelque part dans le désert...
|