((( Lien vers le message précédent )))Nous rentrâmes dans l'auberge rapidement, sans avoir échangé un mot de plus. De toute façon, les rues étaient remplies d'Orananais plus pressés les uns que les autres, et nous aurion peiné à papoter.
En plus, j'étais troublée. Troublée par le charme d'abord du voleur, qui opérait sur moi comme si j'étais encore une midinette de quinze ans, troublée par le simple fait que je puisse songer à ce trouble qu'il provoquait en moi et puis surtout, troublée par ma propre conduite. C'est vrai, cela n'avait jamais été dans mes moeurs de me conduire ainsi avec un homme. Alors celui-ci... Non, c'était vraiment trop... Etrange.
" Kanumi ! " lançais-je, avec un sourire large, malgré mes songeries moins joyeuses
Le tenancier de l'auberge me rendit un large sourire, visiblement heureux de me revoir. Il fit d'ailleurs, avec une joie qui s'étiola bien vite quand il vit paraître dans mon dos le brigand :
" Jinann ! Comment ça... .. va ?"Je me retournais vers le voleur. L'air surpris de Kanumi ne m'était pas coutumier. J'observais donc plus longtemps le voleur : ses cheveux noirs encadraient son beau visage à la peau claire, toutefois tannée faiblement par le soleil, ses beaux yeux acier, gris, avaient une contenance particulière. Il portait une chemise à jabot noire, ouverte, qui laissait entrevoir la musculature de son torse, et la faible pilosité qui y était implantée, et des braies de la même couleur, ajustés, serrés dans des bottes de cuir montantes qui grimpaient jusqu'à ses genoux. A sa ceinture trônait seulement une bourse pleine, usée. Celle que j'avais pillée tout à l'heure.
" Bien, bien. Et toi ?"Il marmonna quelque chose, et envoya au voleur un regard noir qui fit sourire le jeune homme. J'eus voulu m'excuser du comportement indécent du jeune homme, mais hélas, je ne le pouvais. N'aurait-ce donc pas paru suspect, aux yeux de l'aubergiste ?
Certes, je n'avais rien à lui prouver, mais tout de même. Je ne tenais pas à ce qu'il ne se fasse des idées.
" Je prendrais un jus de pêche..."Le brigand eut un petit rire amusé, un éclat très court, qui me fit arquer un sourcil. Qu y avait-il de drôle à boire un jus de pêche ?
" Et tu me serviras une margarita." commanda le brigand, en s'installant avec non-chalance à une chaise.
Je soupirais, tandis que Kanumi ne releva même pas les yeux vers moi. L'avais-je offensé en amenant ici le voleur ?
Pourtant, je le rejoignis. Il était trop tard pour que je fasse marche arrière, et son air de dandy me séduisait lamentablement. Je me doutais bien que je ne devais pas être la première à m'abandonner dans les filets du voleur, mais tout de même...
J'étais un peu vexée de me laisser avoir comme cela, et en même temps, me laisser aller me faisait un peu de bien.
- Jinann, c'est ça... Un beau prénom de bourgeoise...fit-il, avec suffisance, tandis que Kanumi apportait déjà les boissons, déposant avec une certaine brutalité la margarita
Il eut un sourire suffisant, encore, en coin. Moi, je le trouvais grossier. Et en même temps, cet air revêche, et séducteur en même temps m'envoûtait. Il but rapidement sa margarita, en trois grosses gorgées, sans attendre que je n'ai ne serait-ce que posé les lèvres sur mon jus de pêche.
Je ne me comprenais pas. Il s'agissait d'un homme qui avait essayé de me voler, et qui m'insultait.
- Détrompez vous, fis-je avant d'ajouter, froide,
et puis, si vous en être capable, réfléchissez : une noble dame ne se promènerait pas avec seulement cinquante yus.- Oh... Vous êtes vexée ? s'amusa le voleur, moqueur
- C'est que vous êtes vexant.- Arf... Donc j'avais bien raison. Vous êtes bien douillette, mademoiselle...Sa suffisance m'agaçait maintenant. Il semblait ne pas entrevoir les limites qu'il y avait à la décence.
Tout de même ! Il tentait de me voler, je le contrais, lui reprenait mon dû, le faisait venir dans cette auberge sympathique, et déjà il m'insultait !
- Et vous avez bien trop de panache ! Quelle leçon aurais-je à recevoir de vous, un voleur à la manque ? A peine vous ai-je frôlé que vous êtes tombé à la renverse ! Je me levais déjà, furieuse. Un vague sourire était imprimé sur ses lèvres. Quelle audace, vraiment. Il attrappa mon bras tandis que je passais à côté de lui :
" Vous en avez trop peu, hélas. Voyez-vous donc... Par peur de la rumeur, vous ne buvez pas une goutte d'alcool, et restez guindée. Excusez moi d'être sincère, jeune fille, mais voilà, si vous n'êtes pas une bourgeoise, pourquoi vous en donnez vous les airs ?", fit il, avant de lâcher mon bras, voyant que je m'étais arrêtée, et repris, en retournant la tête,
" C'est d'un ridicule, ces filles publiques qui jouent les grandes dames..."Sans attendre, ma main heurta la joue fine du brigand. Il me regarda. Me détailla, s'attardant sur ma poitrine dont on appercevait la forme, moulée dans cette vieille robe noire, et fit :
" Allons... Quand vous aurez un peu vieilli, revenez me voir... Les prudes ne m'intéressent pas."Il se leva, me bouscula, et sans la moindre civilité supplémentaire, salua Kunami, qui grogna quelque chose, et quitta la taverne, me laissant en plan, avec les quinzes yus que je lui avais pris, sa margarita vide, et mon jus de pêche...