Un peu moins de trois géants de large sur quatre de haut, c'est la taille que j'estime en parcourant un long couloir fait de pierres jaunes. Je n'ai aucune idée du matériau qui le compose, mais tant que ce n'est pas juste du sable aggloméré qui risque de tomber en poussière au-dessus de mon crâne, cela n'a aucune espèce d'importance. Ce qu'il y a d'évident, c'est que le boyau sentant le renfermé et la poussière est en pente et s'enfonce dans le sol. Je me demande si mon histoire de montagne éventrée pour façonner l'endroit ne ferait pas sens finalement. En tous cas, contrairement à l'humain en tenue de mage, savoir que l'endroit a peut-être été foulé par ces foutues divinités ne me fait pas m'extasier. Je suis davantage de l'avis de la femelle rousse concernant la solidité espérée de l'endroit, gardant un œil sur ce plafond ancien.
Le dernier ajout à cette troupe trop grande prend les devants sans attendre personne, et se retrouve dans la situation cocasse de ne plus pouvoir progresser. Un effondrement a eu lieu, bouchant le couloir suivi jusque-là. Et pas de chance, un autre passage transversal offre les possibilités d'aller d'un côté ou de l'autre. L'elfe renifle, soupire et finit par proposer que le groupe se sépare. Plus incroyable encore, il précise pourquoi en pointant son dégoût pas franchement dissimulé pour les humains. J'avise Dae'ron et esquisse un sourire en coin.
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Mes spirales doivent me jouer des tours. J'ai cru entendre un géant avoir un peu de bon sens."
Le Protecteur roule des yeux pendant que le blondinet humain approuve et s'accroupit pour voir le sol. Je hausse les épaules, mais suis content qu'il finisse par vouloir aller vers l'ouest, à l'opposé de l'elfe. Prestement, j'agrippe l'une de mes torches, vole jusqu'à celle tenue par l'esclave du félin domestique et l'allume. Je me dirige ensuite à l'exact opposé, jetant un regard ouvertement méprisant au rôti sur pattes.
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Au moins un point sur lequel nous concordons.", fais-je avant de me tourner vers le Protecteur.
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Je vais avec Nessandro et Adar. Au cas où...", commence-t-il avant de se reprendre et de se frotter la nuque. "
Nous trouverions quelque chose de lié aux aurores. Pour que notre nouveau compagnon ne soit pas perdu."
Je hausse un sourcil puis les épaules. Quelle explication bancale. Pas totalement fausse, mais pas franchement complète non plus. Je préfère de toute façon l'avoir à mes côtés. Qui sait ce que nous pouvons rencontrer là-dessous ? L'endroit serait assez vaste pour encore abriter des saloperies d'arctosas. Sa magie curative pourrait servir. Pourvu qu'il ne la gaspille pas sur le porteur de lance.
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Soyez prudents de votre côté, d'accord ?", fait-il de sa voix recelant un brin d'inquiétude.
Et toujours sa foutue empathie. Ma langue claque d'elle-même. J'ai hâte de m'y mettre et d'en finir. Mon instinct reprend le dessus. Dans cet endroit confiné et ancien, rien ne dit qu'une vieille magie ou des traquenards ne sont pas encore actifs. Tout pavé dépassant du sol ou creux suspect dans les parois, plafond compris, n'est pas à négliger.
Je jette un œil derrière moi, mémorisant l'intersection. Toutefois, deux précautions valant mieux qu'une, je lisse l'une de mes ailes entre deux battements et en retire une plume tordue par ma mauvaise posture de repos. Il ne me faut que quelques instants pour la coincer entre deux débris de l'éboulis et la faire pointer vers l'Est, dans la direction que je vais prendre.
À peine ai-je fini que je rejoins le Protecteur et indique le passage d'un signe de tête. Sans parler non plus, Dae'ron récupère la torche de mes mains. Je n'ai aucune idée de ce qui a motivé son geste. S'il craignait que je prenne les devants en laissant par exemple l'elfe seul dans la pénombre... C'est que, par mes ailes, il me connait de mieux en mieux ! Ma langue claque une nouvelle fois tandis que j'avise le couloir, non sans m'être assuré avoir mon arbalète à portée de main.
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