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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 16 Déc 2011 16:12 
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À son tour, l’elfe me fait part de ses expériences d’aventurière et de guerrière. Elles sont fort différentes des miennes et pourtant, lorsqu’elle affirme les trouver moins « remplissantes » que les miennes, je réponds :

« Ah mais toute vie est différente dans ses expériences et ses aventures. Et chacune a autant de valeur, car chacun la mène où il veut, ou peut la mener. »

Ainsi, l’elfe est fiancée… Sans doute quelque chose que je ne connaitrai jamais.

« Félicitations pour tes fiançailles. Ton promis a de la chance de t’avoir. »

La discussion, petit à petit, s’amenuise, et je ne trouve rien à dire de plus pour le moment. Je continue à marcher dans ces boyaux obscurs, éclairé par ma pierre de lumière. À un moment, je dérape sur le sol lisse, et me promets de faire plus attention à l’endroit où je pose les pieds.

« Attention, ça glisse. Je crois qu’on ferait mieux de se concentrer sur nos pas. »

Et le silence reparait. Après un moment, l’espace autour de nous devient à nouveau plus vaste, et je peux remonter sur Lune, pour chevaucher au pas dans ce couloir infini. Les heures passent, monotones, et se ressemblent, finalement. Petit à petit, tout le groupe des amants s’est retrouvé, dans une marche en file indienne à cheval, au même rythme, éclairé par ma pierre.

Et alors que j’ai perdu totalement la notion du temps, au loin, j’aperçois une lueur. Elle ne peut signifier qu’une chose :

« Là, c’est la sortie ! »

Et j’accélère le pas de mon cheval, qui se dirige dès lors au petit trop vers la sortie de ce tunnel. Je range ma pierre dans ma bourse, et arrivé à l’orée de cette grotte interminable, je suis ébloui par les tons chauds du soleil couchant.

Ynorie, nous voilà !

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 16 Déc 2011 21:59 
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Précédemment: Lui faire confiance?


Mathis répondit avec autant de franchise qu' Oryash venait le faire et elle apprécia. La peau blanche avait une façon bien à elle d'appréhender les choses. Il avoua ne pas être un guerrier ou un soldat et que durant l'attaque il n'avait cherché qu'à sauver sa peau, ce que chacun avait tenté de faire. Pour ce qui était de la promesse qu'il avait fait, Oryash avait vu juste, ce n'était que pour assurer sa sécurité qu'il s'était joint à eux.
A cette réponse, la jeune femme afficha une esquisse de sourire, bien vite remplacer par une douleur qui lui vrilla le flanc alors qu'elle se redressait avec son aide. Mais une fois debout, ce ne fut pas la même puisqu'elle se sentit partir, ne tenant pas sur ses jambes.

Avant même qu'elle ne s'écroule, le blondinet la rattrapa et la souleva de terre. Et sans comprendre ce qui se passait Oryash se retrouva dans les bras de Mathis puis installée sur la monture de ce dernier. Suite à quoi il l'enfourcha sans perdre de temps calant la peau blanche contre son torse.
Elle voulut protester, se rebeller, mais ne le fit pas. De toute façon elle n'aurait jamais tenu seule en selle même avec toute la meilleure volonté du monde. Elle ne fit qu'une observation....

"Mon cheval. Il me faut mon cheval."

Elle bougea légèrement et siffla l'animal. Une première fois, puis une seconde avant qu'il ne se manifeste enfin. La veille, elle n'avait pas eu la force de s'occuper de lui comme elle le devait, si bien que l'animal arborait encore ses harnachements.

"Herumor, le seigneur noir. C'est une bonne monture, je ne peux la laisser ici ."

Elle voulut se pencher légèrement afin d'attraper le licol de ce dernier, mais fut arrêtée dans son geste par une douleur. Elle ne voulut pas que cela soit dit et tenta une fois de plus de saisir l'animal en vain. Elle grogna furieusement contre elle même, tel un animal sauvage. Un grognement sourd qui se répercuta contre les parois de la grotte.

Puis soudain deux yeux brillants dans l'obscurité et un autre grognement tout aussi sauvage. Herumor eut un hennissement avant de taper des sabots sur le sol pierreux.
La peau blanche chercha à identifier ce qui avançait vers eux avant qu'elle ne reconnaisse la silhouette en question. Elle soupira soulagée.

"Nous ne craignons rien. C'est juste mon compagnon de route."

Apparut alors un animal de belle taille, à allure inquiétante, ressemblant à un loup en beaucoup plus gros et plus grand avec sur sa tête deux cornes pouvant envoyer la foudre s'il se sentait en danger.
Pour Oryash le fait de mentionner cet animal sauvage comme un compagnon n'avait rien d'inhabituel alors que le commun des mortels aurait pris les jambes à son cou et détalé comme un lapin.

"Je crois qu'il va faire route avec nous. As-tu déjà eu l'occasion d'approcher un tel animal ?"demanda-t-elle soudainement à Mathis"En temps normal c'est un être solitaire mais celui là me suit partout depuis que je l'ai sauvé d'un triste sort."

La peau blanche semblait avoir repris un peu d'énergie depuis l'arrivée du Woger comme s'il exerçait sur elle un effet bénéfique, mais ce n'était qu'une façade. Après quelques minutes, elle se laissa aller contre Mathis, ne refusant pas de se laisser conduire.

"Je te revaudrais ça."

Remerciements, menaces, aller donc savoir.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 16 Déc 2011 22:08 
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Cromax exprima son point de vue sur ma vie que je ne devais pas diminuer face à la sienne, la mienne avait été bien remplie également. Puis il me félicita pour mes fiançailles me disant qu’il était chanceux de m’avoir. Je fus contente d’entendre ces mots sortir de sa bouche après le petit accrochage que nous avions eu. J’entendis alors un bruit de glissement, Cromax venait-il de se blesser ? La réponse fut immédiate, il me demanda de faire attention à la route pour le moment car elle glissait. Sa phrase ressemblait à une fin de conversation, le silence était pesant pour moi. Ma claustrophobie revint alors.

(Tout va bien Aenaria, ne paniques pas.)

Ne pas paniquer n’était pas évident pour moi mais j’avais ma faera pour me rassurer sur mon sort dans ce tunnel. Puis quelques secondes plus tard, le boyau prit une forme plus grande permettant à un cavalier d’être sur sa monture aisément. Cromax remonta alors en selle, je l’imitai et le suivis au pas. Je pouvais entendre des bruits de sabots au loin derrière moi, certainement le reste de notre petit groupe qui avait suivi. La route fut bien monotone, à vrai dire, je passai plus de temps à ne exploser de peur qu’autre chose.

Puis vint un phénomène étrange, une lueur qui n’était pas émise par la mystérieuse pierre de Cromax, serait-ce la lumière du jour ? Notre chef exprima alors ce que je venais de penser tout bas, nous approchions de la sortie.

(Youpi !!!)

Je lançai ma monture à la suite de celle du sindel qui avait forcé l’allure devant moi. Plus quelques secondes et je pourrai de nouveau sentir les chauds rayons du soleil sur ma peau. Je trépignai intérieurement d’impatience, je voulais forcer encore plus la vitesse de Célestion mais le sol était encore glissant, mieux valait éviter un accident maintenant, alors que j’étais si proche de ce but tant recherché.

Et ce fut la délivrance, je pus voir le soleil brillait alors qu’il dispensait les dernières lueurs de la journée. Nous étions sortis de ce tunnel en vie et il n’y avait aucune peau verte à l’horizon. J’inspirai profondément plusieurs fois de suite afin de calmer définitivement les battements de mon cœur. Comme c’était bon de retrouver l’air frais des plaines !

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 17 Déc 2011 05:30 
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Bien qu’à bout de force, la valeureuse guerrière s’inquiétait pour son destrier. Celui-ci, un fier étalon noir affublé d’équipements entièrement blancs, ne daigna se montrer qu’après le deuxième sifflement de sa maîtresse. Craignant de perdre sa précieuse bête, Oryash, malgré la douleur qui la sévissait encore, s’étira et tenta en vain d’attraper l’animal. Découragée par son échec, elle laissa échapper un grondement furieux qui fit écho sur les murs de pierre pour se répondre dans le long tunnel. Je comprenais son acharnement et sa colère, je n’aurais laissé ma Bella, ici seule, j’avais besoin d’elle.
Je profitai donc que le cheval porte son regard ailleurs, pour m’emparer sournoisement de ses brides blanches, que je m’empressai de fixer à ma selle.

Puis j’entrepris de rassurer la belle. Puisqu’elle était tout contre moi, je lui murmurai tout simplement à l’oreille :

«Ne t’inquiète plus et repose-toi pour reprendre des forces. Attaché à ma selle ton Hémuror suivra docilement ma Bella.»

La proximité aidant, j’avais laissé tomber le vouvoiement.
Sitôt mes paroles prononcées, un étrange grognement se fit entendre. Sans le vouloir, ma partenaire de selle avait sans doute provoqué la colère d’un animal vivant dans ces cavernes. Hémuror, hennissant et piaffant, s’inquiéta autant que moi, de ce cri insolite et sauvage.

Sur mes gardes, tout en continuant d’avancer, ma dague dégainée, je scrutai avec appréhension le sombre tunnel. Deux yeux brillants ne tardèrent à se montrer, mais avant que je n’eus le temps d’envisager un quelconque plan, la guerrière me confia connaître cet animal. Oryash m’apprit qu’elle avait sauvé la vie de cet étrange mastodonte qu’un néophyte pourrait confondre avec un loup si ce n’était de ces deux cornes qui ornaient sa tête. Depuis ce jour, il la suivait partout, comme un compagnon de route.

J’eus un court moment envie de lui demander si elle adopterait le même comportement avec moi, mais je me retins, je pouvais enfin converser calmement avec elle, je n’avais aucunement l’intention d’aviver sa colère. Cette femme de caractère m’informa sur les mœurs et coutumes de cette étrange bête. Répondant à son interrogation, je lui avouai ne jamais avoir vu un tel animal de ma vie.

« Non, seulement j’en ai jamais approché, mais j’en ignorais l’existence jusqu’à maintenant.»

Toujours aussi friand d’en connaître plus, je l’écoutai attentivement me parler de son tout récent et fascinant compagnon de route. Sans que j’en connaisse la raison, Oryash se détendit enfin, me signifiant qu’elle me rendrait mon geste.

«Je l’espère bien !» Lui répondis-je tout bas avec une teinte d’humour.

Sans le savoir, elle me rendait bien au-delà de ce que je pouvais lui donner. Une présence à mes côtés, la chaleur d’un corps féminin contre le mien constituait un bien-être que je n’avais pas goûté depuis bien trop longtemps.

Cette journée calme et sans histoire, contrastant avec celle d’hier, me plaisait bien. Certes, cette caverne s’avérait un peu froide, mais la beauté de ses murs, de ses pierres, des galeries creusées sans doute naturellement, compensait grandement le premier désagrément. Prudemment, je guidais Bella dans ce tunnel, en maintenant tout de même une bonne allure afin de ne pas perdre de vue la lumière fournie par le cavalier de tête, sans doute Cromax.

À part quelques insectes sur les parois rocheuses, et quelques rares envolées de chauve-souris, sans doute surprises par la lumière, on ne fit aucune autre rencontre.
Bien que long, le trajet ne fût pas ennuyant, de petites pentes descendantes suivit de courbes, puis de pentes ascendantes. Le plafond devint assez bas à un moment m’obligeant à me pencher. J’aurais pu, tout comme ceux devant moi, mettre pied à terre, mais je préférai me pencher et soutenir la belle qui ne pouvait ni marcher, ni tenir seule en selle.

Les heures s’écoulèrent ainsi, nos chevaux se suivant à la queue leu leu, sous la lumière d’une pierre magique. Puis la cavité s’agrandit et j’entendis Cromax, en début de file, annoncer que l’excursion dans la grotte prenait fin.
Alors que les autres cavaliers augmentèrent le rythme, je conservai le mien, afin de ne pas trop brusquer Oryash.
Sitôt sorti de la caverne, je guidai Bella afin de m’approcher des autres cavaliers, la guerrière blottie dans mes bras et Hémuror à ma suite. Il m’importait de bien entendre les consignes données par leur chef. Attendant patiemment celles-ci, les yeux ouverts, je savourais la splendide vue du soleil couchant alors que mon corps profitait de ses derniers rayons pour se réchauffer.

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Dernière édition par Mathis le Mer 4 Jan 2012 15:12, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 17 Déc 2011 16:30 
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Précédemment: Pas le choix


Il est vrai qu'Oryash n'était pas au mieux de sa forme et se laisser prendre en charge par un étranger ne lui plaisait guère, mais elle n'avait d'autre choix de toute façon. Et puisque cet homme avait l'aval de Cromax pour se joindre à eux, elle ne pouvait que lui accorder un minimum de confiance. Il est vrai qu'elle aurait préféré reprendre la route seule sur le dos de sa monture, mais Fenris ne lui avait pas fait ce cadeau. ainsi bon grés, mal grès ,elle s'était contrainte à chevaucher sur le destier que Mathis, installée contre lui, les bras de ce dernier l'enserrant.
La sensation n'était pas désagréable il est vrai, mais elle n'était pas en mesure de l'apprécier réellement. S'il n'avait pas s'agit de cet homme en particulier et si Oryash avait été dans son état normal, les choses auraient été toutes autres.

Alors qu'elle venait de pester contre elle même dans un grognement de rage, ne pouvant atteindre son cheval, Mathis dans un moment d'inattention d'Herumor en avait profité pour l'attraper par le licol et l'attacher à sa selle, rassurant la jeune femme et lui intimant de se reposer. Elle n'avait pas répondu à cette invitation sachant parfaitement que de toute façon elle n'avait d'autre choix. Chose étrange, il venait tout à coup de la tutoyer et elle détourna légèrement le visage vers lui comme si cette familiarité lui paraissait étrange.
Quand le second grognement avait surgit, Mathis s'était emparé de sa dague craignant une attaque d'un animal sauvage, avant qu'Oryash ne vienne à poser une main sur celle du chasseur de prime.
Comme pour le dissuader d'un geste fou. Après les quelques explications de la peau blanche, il avoua ne pas savoir que de tel animaux pouvaient exister et cela n'étonna en rien Oryash.

" D'ordinaire cet animal ne se trouve que sur Nosvéris, ma patrie. Je suppose que celui-ci a été capturé très jeune avant d'être acheminé sur Nirtim pour ensuite être vendu. Fort heureusement, il faussé compagnie à ses geôliers. Fenris dans sa grande bonté lui a accordé une seconde chance de vivre libre. Peut-être pourras-tu un jour le caresser, s'il le veut bien."

Le jeune homme sembla rassuré quand Oryash lui confia qu'il ne les attaquerait pas. La Phalange de Fenris sans remis donc à son cavalier pour le rester du chemin à parcourir, dans cette grotte. Le chemin lui paraissait très long et leur progression ne fut pas toujours aisée. Bien que Mathis soit un bon cavalier, dirigeant sa monture avec dextérité, il arrivait parfois que la progression soit plus laborieuse de part le fait qu'il doive le faire avec Oryash en selle avec lui.
A un moment donné la jeune femme s'endormit sans même s'en rendre compte, bercée par les pas de Bella. Aussi ne se rendit-elle pas compte du chemin accomplit durant cette journée de chevauchée. Ce n'est qu'en sentant la chaleur du soleil couchant sur son visage qu'elle ouvrit les yeux. Elle se frotta les yeux quelques secondes avant de se rendre compte qu'elle s'était complétement laissée contre Mathis. Elle se redressa aussitôt comme si ce contact ne lui plaisait pas ou au contraire comme s'il lui plaisait trop, allez donc savoir avec un tel tempérament.

Elle inspira longuement avant de se rendre compte que tous étaient là. Elle fronça les sourcils, n'aimant pas sa situation, ni la posture dans laquelle elle se trouvait. Qu'allaient donc-t-ils penser en la voyant ainsi? Un fardeau voilà ce qu'elle était et comme elle se percevait. Machinalement elle chercha Herumor, et le vit toujours à la suite de Bella et à quelques mètres derrière, le Woger.
Un sourire naquit sur son visage alors qu'elle croisait le regard de Mathis.

"Je pense pouvoir me débrouiller seule à présent. Puis-je descendre?"

Une demande alors qu'en d'autres circonstances, Oryash aurait plutôt ordonné qu'il la laisse descendre.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 8 Jan 2012 03:15 
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Alors que mon esprit errait dans la fosse du sentiment d’inutilité, une maigre partie de ma conscience réalisait que quelque chose clochait. Je n’avais pas percuté sur quelques paroles d’Oryash tant j’étais préoccupé par son état et les faits vinrent me frapper en pleine face quand Cromax haussa le ton dans un hébétement mêlant stupeur et horreur.

(Morte… Salymia est… morte.)

Les mots résonnèrent dans mon esprit et leur ombre voila mon âme d’un linceul suffocant. Une boule naissait dans mon ventre, tiraillant mes entrailles.

(Je ne la connaissais pas depuis longtemps, mais c’était un compagnon de route. Nos liens étaient bien maigres, tout juste tissés par l’urgence de la mission et renforcé par une magie commune dont j’avais partagé mon expérience. Mais c’était un membre de notre groupe, cette équipe qui court vers une mission plus que périlleuse et cette mort, tragique et soudaine, sonnait le glas pour nous. C’était comme un rappel du destin nous renvoyant à la fragilité de nos vies, écrivant en lettres de sang dans le ciel « ce n’est que le début »)

Perdu dans un tourbillon de pensées décadentes, je n’arrivai pas à répondre au maigre sourire d’Oryash, ni à me décider de bouger pour installer le campement dans la grotte pour le reste de la nuit comme nous l’indiquait Cromax. Il avait beau tenter de garder un certain ordre après la débâcle de cette embuscade nocturne, je n’arrivais pas à sortir de ma transe, comme si le fait d’avancer confirmerait la situation. Je me raccrochai à la vaine illusion que mon immobilisme empêchait le monde de tourner.

Ce fut alors un geste maladroit de la phalange de Fenris qui brisa la torpeur dans laquelle je m’enfonçais progressivement. La rudesse des combats l’avaient éprouvée et elle trébucha, se rattrapant à mon bras. Son contact me ramena à la réalité et je la soutins le temps qu’il lui fallu pour se redresser. Je tendis une main aidante vers elle, mais me ravisa rapidement. Je la connaissais depuis peu seulement, mais j’avais pu cerner suffisamment de son caractère pour savoir qu’elle risquait de prendre un tel geste pour une insulte envers elle et que l’accepter serait un aveu de faiblesse. Elle confirma mes pensées en allant se blottir dans un coin, sans demander assistance pour ses blessures. Je regardais sa blanche silhouette se lover en un œuf contre la paroi rocheuse, me sentant étrangement triste pour elle.

Lorsque je pus enfin me défaire de ces émotions qui étranglaient ma raison depuis la fin du combat, je pris conscience de mon environnement. Le brasier crépitait tranquillement, éclairant de lumières dansantes le campement segtek en ruine. Mes compagnons avançaient un à un vers le fond de la faille pour pénétrer dans la grotte, évitant soigneusement les cadavres pavant le chemin. Un pan de falaise, effondré par le sort du shaman, s’étalait en une multitude de rochers couvrant plusieurs tentes des peaux-vertes et sûrement quelques corps… Tout le monde semblait mal au point et en dépit de la magie curative d’Aenaria, je sentais que je ne devais pas être mieux que les autres.

D’un pas chancelant, je m’approchai de la hyène dont j’avais fini par rompre le cou. Un œil non averti n’aurait pas pu différencier le mage transformé du simple animal et j’avais peine à croire que quelques instants plus tôt, c’était un pillard puant, un misérable et lâche segtek. Je passai ma main sur mon cou, caressant la cicatrice encore fraiche.

(Quel fils de chacal putride ! Il a bien faillit m’égorger !)

Rageur, je fus envahi d’une furieuse envie et, sans vraiment me rendre compte de la proportion de mes actes, je pris un rocher de la taille d’une poule, le levai au dessus de ma tête à deux mains avant de l’envoyer avec violence pour éclater le crâne de la bête. Un bruit immonde s’ajouta au choc de la pierre et je détournai le regard pour ne pas contempler l’œuvre du ressentiment que j’avais accumulé durant la nuit.

Je me dirigeai vers Pynoa que les filles avaient ramené et récupérai mon sac avant de me diriger vers la grotte pour avoir un semblant de sommeil avant l’aube. A l’entrée du boyau rocheux, je me calai en position à moitié assise contre la paroi pour faire face au feu. Je m’emmitouflai dans ma couverte désormais trouée à plusieurs endroits, plus pour sentir un voile réconfortant m’enserrant que pour me protéger du froid, puis fermai les yeux.

Après de longues minutes à retourner mes pensées dans tous les sens, je les rouvris, incapable de m’endormir. L’adrénaline se déchainait encore dans mes veines et le choc de la perte de Salymia me refusaient la paix que l’on trouve dans le sommeil. Abruti de fatigue, je laissai mon regard errer sur le champ de bataille, ou plutôt le charnier, qui s’étalait devant nous.

(Le monde est cruel… et la vie si fragile… Les passions et les plus vils instincts peuvent en quelques minutes ravager des années de création…)

Je ruminai pendant un moment sur les affres de ce monde tourmenté, puis je finis par amener mes pensées sur la pauvre elfe qui avait trouvé une mort sordide dans son sommeil.

(Où peut-elle être maintenant… Des brides de mémoire que j’ai de l’enfer, le domaine de Phaïtos craint… J’espère qu’elle ne tombera pas dans les bas-fonds que l’on a explorés. Phaïtos, maître de la mort, je sais que tu es loin de me devoir une faveur, mais accueille correctement Salymia… Et Gaia, Yuia, elle était votre servante et suivait vos voix. Ayez pitié de son âme et prenez soin d’elle. Qu’il en soit fait selon vos volontés.)

Il était difficile de savoir pourquoi je m’investissais autant dans cette prière pour une femme qui était il y a peu une inconnue. C’était plus qu’une simple compassion, qu’un basique sens du devoir d’agir « correctement ». Après plusieurs minutes, j’en distillais une raison plus insidieuse. Je voulais étouffer ma culpabilité ; une culpabilité stérile d’être là alors qu’elle ne l’était plus, de ne pas m’être réveillé plus vite, de ne pas avoir agit autrement, de ne pas avoir changé les choses. Il fallait que je fisse quelque chose, que je fusse utile et pas vainement observateur de la terrible et injuste faucheuse.

Mes imprécations et mes réflexions ne s’éternisèrent pas et la fatigue eut tôt finit d’écraser ma vigilance et mon inquiétude pour me plonger dans un sommeil peuplé de cauchemars dont je ne pus rien retenir si ce n’était une violence exacerbée, une rage consumant le monde, et la mort, la mort dévorant tout sur son passage.


L’arrivée du soleil fut un moment assez pénible, imposant un réveil cruel après un sommeil trop court. Mon corps endolori me rappelait avec vivacité les horreurs nocturnes de la veille et me lever pour m’étirer me poussa à lâcher un grognement de douleur.

(Et voilà le retour de la vie d’aventurier… Je dois avouer que je me passais bien de ce genre de réveil quand je sortais d’un lit moelleux chez dame Margault en sentant le parfum enchanteur d’un pain grillé accompagné d’infusions raffinées…)

Avec dépit, je sortis de mon sac un crouton qui commençait à être rassis et une pomme et m’approchai en boitant encore légèrement des braises fumantes du feu de camp pour me réchauffer un peu et émerger de l’humidité de la rosée matinale. Le groupe se réveillait peu à peu, mais les paroles étaient rares et on sentait une atmosphère grave autour du campement. C’est à ce moment que Cromax s’adressa à tous, nous remerciant pour le courage dont on avait fait preuve la veille. Ces mots étaient comme un baume, mais la blessure de l’âme était encore fraiche et ses paroles réveillèrent la douleur du deuil. On avait vaincu, mais nous avions souffert. Ma gorge se noua et de mauvaises pensées m’envahirent l’esprit, tournant autour d’une principale interrogation : qui allait être le prochain ?

Je dus me griffer au sang la cuisse pour sortir de mes réflexions morbides et accorder à nouveau mon attention au chef d’expédition. De toute sa prestance, Cromax donna les indications sur la marche à suivre pour la journée, essayant de ramener les amants vers un voyage normal, si tant était que nous pussions y arriver. Je fixai intensément mon amour. Il ne m’avait jamais paru aussi désirable et aussi lointain à la fois. J’avais envie de sauter dans ses bras, mais je ne m’en sentais pas capable et j’avais l’impression que ce n’était pas le moment, pas les bonnes conditions.

Tout le monde pliait bagage et je devais faire de même pour éviter d’être à la traine. En ramassant mes affaires, je me rendis compte que non loin semblait se trouver un coin réservé au shaman des pillards. Des étagères dans la roche portaient une collection de bibelots divers et la plupart du temps abimés, ainsi qu’une série de fioles. Un chaudron plus loin devait servir à faire des décoctions magiques et des grigris à base d’os et de cuir paraient l’ensemble pour planter un décor sinistre. Je débouchai une des petites bouteilles pour en renifler le contenu. Une odeur infâme s’en dégageait et je remis le bouchon de liège prestement pour soulager mes narines. Furetant encore un peu pendant que les autres continuer leurs préparatifs, je me mis à jouer avec un sablier au bois usé et je me mis à fixer les grains de sable descendre un par un. Le verre semblait déformer le passage étroit et le sable donnait l’impression de danser plus qu’il ne chutait. C’était vraiment étrange et je cherchais à comprendre.

Tout à coup, je fus bousculé par un des chevaux montés qui passaient pour pénétrer dans la grotte. Je me rendis compte alors que j’avais du examiner le sablier pendant un long moment sans m’en apercevoir, comme s’il m’avait hypnotisé. Choqué par mon retard soudain et sa cause, je renversai le sablier sur le coté puis, après une seconde de réflexion, le fourrai dans mon sac ainsi que quelques autres babioles présentes.

(J’ai vaincu ce shaman, je mérite bien ses possessions en compensation. Puis il vaut mieux qu’ils soient dans mon sac plutôt qu’accessibles pour les segteks survivants qui repasseront dans quelques jours chercher ce qu’ils peuvent récupérer, surtout s’il y a des objets aussi particuliers que ce sablier.)

Il devait y avoir beaucoup d’affaires sans valeur ni intérêt, des breloques bonnes à être jetées au feu, mais je n’avais pas le temps de regarder de plus près et je me hâtai de rejoindre Pynoa pour allait à la suite des autres. L’étalon se montra plus réceptif que la veille et accepta que je montasse sur son dos sans broncher. Peut-être que l’approche en douceur, sans courir, ni fulminer, ni menace tout être vivant des alentours, devait y être pour quelque chose.

D’une légère impulsion de mes talons, je guidai Pynoa vers la grotte dans une marche tranquille. Du coin de l’œil, je vis Mathis qui aidait Oryash à rejoindre sa monture malgré ses blessures.

(Finalement, il a réussit à l’amadouer… Elle qui l’avait menacé sans vergogne la veille.)

Une fois dans le tunnel, je pus entendre les sabots des chevaux résonnaient comme des tambours dont les échos se répercutaient sur les murs lisses. L’air était moite et sentait le renfermé. A chaque pas de mon cheval, je m’enfonçais un peu plus dans l’obscurité et la noirceur semblait imprégner l’atmosphère comme une brume portuaire de Bouhen. Ceux de devant, sûrement grâce à Aenaria, avait une lumière magique pour les éclairer, mais mon retrait m’imposer une autre source de lumière pour avancer sans risques. Ralentissant Pynoa, je pris la torche encore intact dans mon sac, puis l’allumait avec mon briquet à amadou. Il était plus dur de tenir les rênes avec une seule main, mais le rythme n’était pas trop soutenu et je faisais suffisamment attention pour réussit à manier la torche et la bride de mon cheval à la fois.

Très vite, nous étions entourés de ténèbres, oppressés par la montagne s’élevant au-dessus de nos tête, à avancer dans le tunnel. Je pensais encore au combat de la veille et une curiosité ressortit de mes pensées.

(Mathis, qui n’était pas si confiant envers nous, aurait eu une bonne dizaine d’opportunité de s’enfuir. L’embuscade nous a tellement surpris par le nombre que personne ne faisait attention, il aurait été simple de prendre un cheval puis la poudre d’escampette. Et plus tard, il a suivi Cromax alors qu’il ne lui devait aucune loyauté, d’autant plus avec la situation périlleuse que c’était.)

La veille, j’avais encore quelques doutes sur ce messager innocent, mais il avait fait ses preuves cette nuit et non seulement il avait gagné ma confiance, mais aussi une certaine admiration. Il s’en était relativement bien sorti dans son duel contre l’un des chefs des segteks et son sang-froid ne faisait aucun doute.

(Et quand le combat fut finit, Cromax et Duncan était presque mourants et moi je n’étais guère qu’un magicien clopinant vidé de sa magie. Encore une fois, une bonne opportunité pour lui de s’enfuir. Mais il a tenu parole et s’est révélé être un allié sûr.)

Mon esprit continuait sa dérive et je me rappelais un peu plus clairement du combat qui avait eu lieu. Je n’avais pas vu beaucoup de mes compagnons à l’œuvre, mais le fier guerrier qu’était Duncan avait montré l’éclat de son talent sur le camp segtek. Il avait protégé Cromax face à une horde de peaux-vertes teigneux avec un courage sans faille. Il promettait d’être d’un grand secours sur le champ de bataille.

Le chemin était tortueux et, plus d’une fois, Pynoa s’était arrêté à cause d’un obstacle face auquel je devais le guider un peu plus attentivement. Lorsque c’était une simple stalagmite ou un éboulement un peu instable, ce n’était pas trop ardu, mais une pente glissante me donna du fil à retordre et mon cheval se cabra suite à un mauvais geste de ma part le faisant déraper des pattes avant. Je ne pus rester en selle que grâce aux parois proches qui me donnèrent un appui suffisant pour garder l’équilibre. Après cet incident, je n’eus pas d’autres problèmes, si ce n’est quelques passages bas de plafond obligeant à courber l’échine.

Le trajet fut assez silencieux pour ma part, je ne me sentais pas d’humeur pour discuter comme dans les premiers jours alors que nous étions endeuillés par la fin tragique de Salymia. Le voyage tournait au cauchemar plus tôt que ce que l’on craignait et c’était un mauvais signe. C’est donc taciturne que j’avançais, la mine sombre et le geste mécanique, dans le boyau sombre. Après de longues heures, je perçus une lueur indistincte devant. D’abord faiblarde, elle s’intensifia au fur et à mesure de notre progression et bientôt ma torche fut inutile pour guider ma monture.

Le bois de celle-ci était vraiment bien consumé à son extrémité et je pouvais dire d’expérience qu’elle n’aurait pas tenue bien longtemps. Inutile donc de chercher à la conserver. D’un geste laconique, je la jetais à moitié éteinte entre les rochers non loin de la sortir avant de me tourner avec ardeur vers la lumière et l’air frais.

> Suite

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 31 Déc 2012 14:35 
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Pendant encore deux jours, Azra marcha parmi les montagnes. Heureusement, la route était correctement entretenue, ce qui permettait de progresser assez vite, mais plus le temps passait plus l'éloignement de la civilisation se faisait sentir. Partout autour, se dressaient les fières montagnes du centre de Nirtim, pointant comme les crocs acérés d'un dragon vers le ciel. Les arbres n'étaient presque plus que des conifères et les sommets enneigés - Ô merveille dans leur blancheur d'os ! - semblaient à porté de la main.
La solitude était parfois difficile à supporter, mais Azra rechignait à invoquer Rendrak sous le seul prétexte de lui tenir compagnie. Il continuait donc à avancer, seul.

Un nouveau soir. Une nouvelle nuit à passer. Ce n'était pas désagréable mais les paysages inhabituels contribuaient à fatiguer l'esprit. Un marchand ayant accepté de glisser quelques mots au jeune homme lui avait dit de se méfier des bandits. Il veillait donc à se faire discret, quitte à marcher parfois en dehors de la route. Lorsqu'il faisait un feu, le soir, il usait du pouvoir de son bracelet pour se dissimuler. C'est donc ce qu'il fit ce soir là aussi. Puis, il s'enroula dans sa cape et s'endormit.

Dans le monde ténébreux de son esprit, la liche couverte de joyaux s’affairait. Depuis qu'il avait lu le livre sur les lord nécromants, Azra trouvait Chandakar très agité, ou du moins encore plus que d'habitude. Son hôte allait et venait, traçant des symboles étranges dans l'air, semblant exécuter un rituel complexe avec des instruments qu'il n'avait pourtant pas dans les mains.

« Que fais-tu ? »

« Ce que je fais ? Ce que je fais ? Je ne débats dans une situation atroce. Prisonnier, oui, prisonnier... »

« Tu ne me possèderas pas si facilement... » menaça Azra, déterminé à ne pas le laisser faire.

« Je peux aussi me libérer... »

Le garçon ouvrit des yeux ronds :

« C'est possible ? C'est vraiment possible ? »

« Je l'espère, sinon... »

Silence. Il continua a tracer des arabesques improbables. Que répondre ? Azra souhaitait autant que lui que tout cela cesse. Ils prendraient chacun leur chemin et, avec un peu de chance, il n'entendrait jamais plus parler de lui.
Hélas, il ne se faisait pas trop d'illusions à ce sujet. Chandakar n'en aurait pas fini avec lui...

« Pourquoi paniquer maintenant ? »

« Le monde subit de nombreux changements, et tu n'en as pas réalisé la plupart. Il faut que je retrouve mes pouvoirs si je veux pouvoir y survivre... »

« Des changements ? s'étonna Azra. Quelles changements ? »

Qu'est-ce qui pouvait se passer à l'échelle du monde qui puisse les concerner ?

« Te souviens-tu de ta première crise ? Elle nous a durement secoué... pas que nous, d'ailleurs. Quelqu'un d'autre est arrivé et à semé le chaos dans la magie. Cette... créature est venu d'ailleurs, comme moi, semble-t-il. Et elle représente une menace pour mes projets. »

Un frisson. Qu'est-ce qui pouvait bien représenter une telle menace ? Est-ce que ça serait aussi dangereux pour lui ?

« De quelle créature parles-tu ? D'Oaxaca ? »

« Non, elle se nomme Brytha. Et elle ne nous voudra pas du bien car je fait parti de tout ce qu'elle hait. Cet entité d'ampleur divine cherche à égaliser le monde et la magie alors que je cherche à faire changer les choses. Elle cherche l'équilibre entre le bien et le mal alors que ma seul raison d'être est de briser les équilibres pour gagner du pouvoir... Mais qu'importe. Elle ignore encore mon existence. Tant que nous évitons de faire trop parler de nous, elle se consacrera à étendre sa domination sur ce qui lui semblera des menaces plus urgentes. Non, ce n'est pas le plus grave actuellement, il existe pour nous des dangers plus directes... »

Décidément...

« Lesquels ? Que je sache au moins de quoi je vais mourir... »

« Tal'Raban... Tu te diriges droit vers lui, tu te souviens ? »

« Ce serait plus simple si tu m'expliquais... »

Chandakar se décida enfin à arrêter de tourner en rond. Dans un cliquettement de bijoux et un tourbillon de volutes chaotiques, il fit face à son hôte, et le ton mesuré, presque détaché qu'il utilisait jusque là se changea une une rage froide. La transformation était saisissante et Azra recula d'un pas devant les vagues de haines à l'état pur qui formaient un vent bien réel dans ce monde spirituel.

« J'ai une revanche à prendre. Il m'a trompé et il doit payer. »

Le pire, c'est que sa voix exprimait fréquemment l'indifférence ou la folie, mais cette fois-ci, la rage était si absolue qu'elle peinait à éclater, comme si aucun être n'aurait pu exprimer un sentiment aussi fort. Mais Azra commençait à en avoir marre lui aussi et il décida qu'il pouvait bien se montrer un peu imprudent cette fois-ci, si ça pouvait enfin apporter quelques éclaircissements.

« Allons donc, tu dois te venger de la moitié du monde, qu'est-ce qu'il a fait de plus que les autres ? »

L'orage ne sembla pas encore éclater malgré l'audace du garçon. La réponse, presque neutre, en fut désarmante par sa surprise :

« Que sais-tu des treize ? »

« Hum... ce sont des méchants qui seraient au service d'une demi-déesse qui était pourtant sensé être morte depuis longtemps... »


« Ce sont des immortels ! Ils sont revenus dans notre monde et y ont ré-invoqués Oaxaca. C'est un procédé de haute magie... très complexe... »

Le silence tomba sur le monde ténébreux de l'esprit d'Azra. Tout semblait plus sombre et tourmenté que jamais : des volutes verdâtres se tordaient dans le ciel aux nuages noirs, le sol lui même se dissolvait et se recréait dans un magma crépusculaire semblable à quelque marais de poisons malsains.

« Et alors ? » tenta d'insister Azra.

Les yeux de la liche flamboyèrent et le monde se tordit. Un flot de sensations et d'images déferlèrent dans la tête du garçon.

Une caverne obscure. Il était assis sur un trône de pierre. Autour, deux coupes suspendues au plafond brulaient et diffusaient une faible lueur inquiétante.
L'homme tremblant qui lui avait été annoncé par les spectres gardiens vint se prosterner devant lui.

« Seigneur Chandakar, je viens humblement à vos pieds pour porter la parole de mon maître, le grand Tal'Raban. »

Azra resta sans rien dire, son crâne posé sur sa main osseuse. Après un temps, il murmura :

« Parle... »

L'époque des grandes conquêtes était terminé. Il vivait en ermite dans cette caverne avec ses serviteurs mort-vivants, menant des expériences qui le portaient toujours plus loin dans les secrets des fluides. Autrefois, il avait été l'un des plus terribles lord nécromants. Il avait fondé une sinistre tour depuis laquelle il dominait le monde des êtres inférieurs.
Puis, les paladins et les inquisiteurs écarlates étaient venu. Ils l'avaient pris par surprise et il s'en était sorti de justesse. Il avait perdu sa tour, ainsi que de nombreux parchemins magiques irremplaçables.
Il n'était pas le premier à tomber sous les coups de ces fanatiques, il ne serait pas le dernier.
L'age d'or des nécromanciens était passé. Mais ils existaient toujours. Ça et là, certains tentaient de regagner les pouvoirs d’antan. Mais, lui, il ne s'occupait plus de cela, se contentant de suivre les évolutions du monde de loin. Le pouvoir, la conquête... cela pourrait reprendre un jour... s'il trouvait un pouvoir particulièrement exceptionnel... Mais pas maintenant. Il était las. Il avait le temps, désormais... tout le temps du monde.

Mais depuis peu, des nouvelles étranges étaient parvenus, rapportées par ses spectres. Un nouveau lord nécromant était apparu. Terrible et sans pitié, Tal'Raban éliminait les autres nécromanciens les uns après les autres pour absorber leurs armées, et il semblait que rien ni personne ne puisse s'y opposer.
Certains, qui connaissaient les légendes, affirmaient que seul la puissante liche Chandakar pourrait être assez forte pour le vaincre.
Il n'en était pas sûr lui même. Il avait vu de quoi était capable ce Tal'Raban et doutait de pouvoir en venir à bout.

« Mon maître souhaite vous parler. Il est intéressé par la grandeur de vos pouvoirs et estime qu'il serait possible de réaliser un échange profitable... »

Dans son âme, une voix criait. Comme dans un cauchemar dont on connait le dénouement sans pouvoir l'éviter, il se criait à lui même de refuser. Mais il avait peur de Tal'Raban, c'était l'unique vérité. Il n'osait le contrarier. Le mieux serait de s'allier à lui, pour récupérer ses parchemins, par exemples, qui étaient entreposé au temple de Kendra Kâr en attendant que leurs sortilèges de protections ne se dissipent et qu'ils puissent être brûlés. Ensuite, il aurait l'occasion de le poignarder dans le dos... ou de s'enfuir.

« Soit. Tu diras à ton maître que je le rencontrerais sur le site de la bataille des plaines mortes. »

Ce haut lieu de son histoire, l’endroit où il avait vaincu le nécromancien Anko Drouk... il y serait plus rassuré. Après tout, ce Tal'Raban n'était qu'un arriviste, et il était Chandakar, l'Unique...
D'ailleurs, le vrai pouvoir des nécromanciens, celui qui dépasse même la magie de l'ombre, lui serait d'une grande aide ici. Il allait donc l'utiliser. Ce serait l'occasion de savoir ce que valait vraiment vraiment ce Tal'Raban...
Il se pencha en avant alors que l'homme se relevait, l'air un peu soulagé :

« Mais tu n'as guère besoin d'y emmener ton corps. Ton âme suffira... »

Le messager répondit par un regard terrorisé. Puis, il tomba, raide mort. Son âme, lorsqu'elle reviendrait porter le message, serait un fameux avertissement. Ce parvenu vantard aurait affaire à un vrai défi, cette fois-ci...

… mais ce ne fut pas le cas. Tal'Raban l'avait dupé. Il avait tiré de lui par la flatterie ce qu'il voulait savoir, puis était reparti. Il se dirigeait vers Kendra Kâr, pour récupérer pour lui même... non pas les parchemins... mais LE parchemin.
Le plus terrible héritage de Chandakar, celui que lui même n'aurait jamais utilisé.

Le secret de l'immortalité.

Grâce au parchemin et à tout ce qui y était écrit, Tal'Raban pourrait porter le mal jusqu'à ses sommets. Dès qu'il l'aurait convenablement étudié, il saurait comment devenir à jamais invincible. Le prix à payer était lourd, mais le cercle qui naîtrait deviendrait presque impossible à rompre. Le mal auto-entretenu... la résurrections d'Oaxaca comme prix de l'immortalité.

« NON !!!!!!!! »

Il s'était battu. Il avait levé l'une des plus grandes armées de mort-vivants jamais vu. Il s'en était suivit une terrible bataille. Terrible mais vaine : Tal'Raban remporta la parti. C'est là que Chandakar décida qu'il lui fallait mieux accomplir le rituel qui lui ferait quitter le monde. Il ne reviendrait que quand il aurait la force de remettre de l'ordre dans tout ça.

Il ne sut même pas que quelques valeureux aventuriers avait arrêtés et tués le nécromancien avant qu'il ne retrouve le parchemin.

Il fut emprisonné dans des mondes étranges, mais acquis tout de même le pouvoir dont il avait besoin pour retourner les choses, même si le remède devait être pire que le mal.
Il était trop affaibli, cependant. Et lorsqu'il revint, ce fut pour voir que, par delà la mort, Tal'Raban avait réussi, avec l'aide de 12 compagnons maléfiques, et notamment des nécromanciens Herle Krichok et Gadory, à retrouver et utiliser le parchemin depuis les enfers.

Il était trop tard. Tout était de sa faute. Le monde courait à sa perte, et il en était entièrement responsable. Volant invisible dans la nuit de Yuimen. Hurlant sa colère et sa folie, il erra dans les ténèbres, cherchant toujours un moyen de se racheter, ou au moins de se venger.

« Je le jure devant Zewen lui même ! Je n'aurais pas de repos tant que Tal'Raban ne sera pas mort... définitivement ! »

Et il trouva le moyen : ce jeune garçon, descendant d'un de ses frères.


Azra.

(Que la magie tremble et que les dieux s'éveillent ! Ombre portée sur le monde ; cris d'agonie à travers les plaines et par delà les montagnes ! Rien ne m'arrêtera tant que Tal'Raban n'aura payé le prix de sa félonie ! Rouge sera la terre de Nirtim, et de tous les autres continents ! Ceux qui ont voulu échapper à Phaïtos finirons par comparaître devant lui ! Par foi jurée, je les renverrais au néant qu'ils n'auraient jamais dû quitter !)

Azra se leva d'un bond et se précipita vers Omyre. C'est là que se trouvait Tal'Raban ! C'est là que se trouvait sa cible ! Il marcha, marcha, encore et encore, toute la nuit durant. Drapé dans les ombres de la nuit, il avançait aussi vite qu'il pouvait, jusqu'à ce que l'épuisement le fasse tomber à terre.
Il se réveilla le matin et marcha. Quand il fut fatigué, il marcha encore. Puis il ralentit le pas et s'effondra. Lorsque ses jambes furent remises, il repris son chemin et le temps passa, à marcher et marcher encore. Il n'y avait plus de jour, plus de nuit, juste une grisaille sans fin et une mission qui devait être accomplie.
À un moment, la pluie tomba, cela lui permis de se désaltérer et de continuer. Mais bientôt, il y eu aussi la faim. Il enrageait après ces déconvenues qui ralentissaient l'accomplissement de sa mission...

… mais il commençait aussi à réaliser la folie qui l'avait saisi. Il avait traversé une bonne parti des montagnes lorsqu'il parvint à se forcer à une courte pause. Il se rappela aussi qu'il avait des rations et en mangea un peu en marchant. Que lui arrivait-il ? Qu'avait donc fait Chandakar ? Il essaya de l'appeler mais n'eut aucune réponse.
Combien de temps s'était écoulé ? L'étrange sortilège relâchait peu à peu son emprise et Azra prenait la mesure de l'énormité de la révélation. Chandakar n'était pas devenu fou sans raison. Il avait été avide de pouvoir, puis, après une amère défaite, avait basculé vers une mode de vie plus calme, à défaut d'être moins maléfique. Mais il avait été rattrapé par le destin. Il avait créé des sortilèges qui auraient dû rester secret et qui avait attirés plus terrible encore que lui. Depuis, il était engagé dans une nouvelle course au pouvoir sous prétexte de la vengeance afin de masquer la culpabilité qui le rongeait.

De la pitié. C'est réellement ce qu'Azra ressentit pour lui à cet instant. De la pitié envers cette âme brisé qui s'était engagé si profondément dans la damnation qu'elle ne pouvait même plus exprimer ce qui lui restait d'humanité.

Chandakar n'était pas un tueur mégalomane. C'était un fléau incontrôlable et incontrôlé, une enveloppe vide qui poursuivait ses buts comme un automate fou, détruisant tout sur son passage sans y prêter attention. Il avait atteint un stade où il ne pouvait même plus se détester. Il niait l'existence et les souffrances de ses victimes autant qu'il niait sa propre existence.

La voix mystérieuse revint alors. Mais, loin de son ton grave et mystérieux habituel, elle semblait plus douce et même légèrement féminine :

(C'est pour cela qu'il doit mourir. Il n'est même plus capable du suicide, il est au delà. Il ne se rend même plus compte que sa mort serait préférable non seulement pour les autres, mais aussi pour lui-même.)

« Que... que m'a-t-il fait ? » rauqua Azra.

Il avait l'impression d'avoir presque perdu l'usage de la parole.

(Il a modifié ton esprit. Il y a imprimer une mission. J'ai bien peur que tu ne puisses jamais t'en détacher totalement. Si tu m'avais trouvé un nom, j'aurais sûrement pu t'épargner cela...)

« Mais bon sang, qu'est-ce que cette histoire de nom? »

(Parle plutôt dans ta tête ! Il pourrait t'entendre et il est un fléau pour les êtres comme moi ! C'est une autres des raisons pour lesquels je veux t'aider à le détruire. Mais quand tu parles avec moi, il ne peux nous entendre...)

(Bon, d'accord, mais vas-tu me dire qui tu es?)

(Je ne pourrais tout te dire tant que tu ne m'auras pas nommé. Je suis une faera. C'est ma nature...)

(Une faera?)

(Je suis né aux origines du mondes et on savoir porte loin, jusqu'à ton avenir, que j'ai perçu comme potentiellement exceptionnel. C'est pourquoi je t'ai choisi.)

La lumière se fit dans l'esprit du jeune homme.

(Le bracelet!)

(Oui. Cette idiote de prêtresse pensait que Phaïtos lui-même commandait au bracelet, mais c'est moi ! Je me suis lié à toi. Mais ce que j'ai commencé de mon côté, tu dois le terminer du tiens. Tu dois me donner un nom, et alors, je pourrais vraiment t'aider et te conseiller.)

(Ce serait plus simple si nous pouvions parler face à face...)

(Cette nuit, alors. Tu dormiras. Tu en as bien besoin.)

(Mais...)

(Tu dormiras ! Tu te rends à peine compte que tu as faillit mourir ! Chandakar s'est épuisé à un sortilège qui aurait pu te rendre fou, et il aurait été plus prisonnier que jamais...)

(Alors je... je vais essayer de dormir...)

Azra se prépara mentalement à s'arrêter enfin vraiment de marcher. C'était dur. Très dur.

(La ville de Luminion est loin?)

(Non, à quelques kilomètres.)

(Alors je vais faire une dernière pointe jusqu'à elle.)

(Non ! Tu es épuisé.)

(Allé ! Je trouverais un abri pour mieux dormir, promis!)

Un silence, puis, de la voix de qui a pesé le pour et le contre et annonce solennellement le résultat de sa réflexion :

(Très bien, mais tu t'arrêteras dans la première maison que tu trouveras sur ta droite.)

La pause avait semblé un peu étrange, comme quelqu'un qui chercherait rapidement dans les pages d'un livres avant de fournir sa réponse.

(Euh, d'accord... mais pourquoi, tu as vu quelque chose dans mon avenir si je m'y arrête?)

Mais la voix s'était tu. Il grommela avec mauvaise humeur jusqu'à arriver dans la ville, sous un ciel gris et pluvieux.

Arek

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Merci et à Inès pour la signature
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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 11 Avr 2013 15:35 
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Prévoyants, les vétérans de la garde avaient posté leur campement sur une crête permettant de surveiller les collines environnantes tout en gardant leur bivouac et leurs montures à l’abri des regards. L’endroit était si adapté aux embuscades et autres filouteries que le sol gardait les marques de plusieurs passages, de débris abandonnés et d’autres reliquats de feux de camp. Traces anciennes toutefois, le site ne semblait pas avoir reçu de visites en cette saison ; ce qui rassura tout le monde quant à de potentielles mauvaises rencontres.

Les retrouvailles de Victorin et Calimène se déroulèrent dans la plus pure simplicité. Echangeant une accolade ravie, l’un et l’autre s’inspectèrent mutuellement et longuement comme pour s’assurer du bon état de santé de son vis-à-vis. Puis, sans s’attarder plus, Calimène se libéra de l’étreinte de l’ancien Capitaine pour partager les saluts empressés des deux autres membres de la petite expédition.

A peine l’essentiel fut-il partagé que les deux soldats originaires de Kendra-Kâr la pressèrent de questions. Depuis trois mois qu’ils avaient quitté leur cité et leurs familles ils étaient avides d’actualités récentes ; surtout si celles-ci concernaient la vie quotidienne de la capitale.

« Les fêtes estivales avaient-elles été marquées par un défilé coloré cette année ? » ou « Trouvait-on encore de ce pain aux olives sur le marché des carmes ? » succédaient à des « Quel est le champion aux arènes ce mois-ci ? » et des « La récolte de myrtalis est-elle déjà bien avancée ? ».

Pour ces hommes jetés sur les routes et dans l’adversité en récompense de leur participation à la résolution de l’affaire dite « des Empoisonneurs », la simple évocation d’un présent leur étant pour l’heure interdit suffisait à leur mettre un peu de baume au cœur. Les premières semaines, ils avaient vécu dans la peur de voir leur famille ou leurs amis maltraités en leur absence mais rien ne s’était produit. Loin de montrer un signe d’apaisement de la situation, Calimène avait conjecturé qu’une série de meurtres ou de tentatives d’intimidation aurait certifié de manière trop voyante que certains des commanditaires de cette sinistre conspiration agissaient encore à Kendra-Kâr.
Les principaux témoins ayant été expédiés dans le nord – où les routes sont trompeuses et les accidents fréquents – suffisait pour l’instant à la bonne tenue de leurs affaires. Aussi, afin de laisser leurs familles à l’abri de représailles, ces hommes courageux de la garde menaient désormais une vie d’errance dans les montagnes et menaient une mission pour laquelle personne n’attendait leur retour ; encore moins leur succès.

Et c’est du moins ainsi, à parler de banalités dans la bonne humeur, qu’ils reprirent la route ensemble.

X X X



Deux journées de plus suffirent à rejoindre le reste de la troupe. Composée de deux groupes de six hommes, elle était constituée de bon nombre d’ancien et de quelques nouvelles têtes ; probablement des durs à cuire. Concernant ces derniers il était fort probable que la purge opérée à propos du peloton de Victorin ait donné des idées à des supérieurs en mal de calme dans les rangs ; ce qui avait eu pour conséquence l’adjonction de quelques soldats supplémentaires dont personne ne pleurerait à terme la disparition.

Personne ne céda en cette occasion aux échanges de nouvelles et les discussions prirent un tour bien plus protocolaire. Une tension palpable se propagea d’un membre à l’autre de l’équipée et en l’espace d’une poignée d’instant le silence marqua son empreinte sur la scène. Tous savaient désormais que l’heure était venue de procéder aux derniers pas jusque-là précautionneusement repoussés et monter à l’assaut de la forteresse endormie.

Certes, ces deux dernières semaines chaque membre du groupe avait eu l’occasion d’en tester les défenses et les contours, d’en observer les usages et d’apprendre quelles attitudes retenues permettraient d’investir la place sans heurts. Et pourtant, l’appréhension gagnait et pour la conjurait chacun affutait ses meilleurs arguments. Pour la plupart, il s’agissait d’huiler convenablement les courroies de leurs arbalètes. Pour d’autres vérifier que ses armes glissaient bien dans leurs fourreaux était suffisant. Gors dévisageait la première muraille d’un air concentré, comme s’il était en train d’y lire un message seulement accessible à ses yeux. Soldat généralement affable et volubile, il se tenait à distance respectueuse de la première rangée de pierre.

« Voilà la Forteresse que je te décrivais dans mon précédent courrier, Calimène » confirma Victorin à voix basse.

Mille fois fantasmée lors des dernières journées la trouvaille se dévoilait et Calimène possédait enfin sous les yeux le site identifié par Victorin et ses hommes.

A flanc de montagnes des murs d’enceintes hauts et intacts, répartis en deux lignes suivant peu ou prou le même alignement. L’une et l’autre paraissait encore solide et certainement installée sur une solide dalle de roche. Si la hauteur de la première avoisinait les cinq mètres, la haie minérale suivante accédait à plus de dix mètres du sol. Le peuple du Mertar était peut-être court sur patte mais son arrogance forcenée en avait fait des architectes hautains et ambitieux ; tout autant que talentueux.

Une porte d’airain et de bronze encore juchée sur ses gonds marquait l’entrée de la première muraille et c’est d’un élan conjoint que des lierres conquérants avaient pris possession de l’étendu minérale. La multiplication des herbes rendait l’ascension de la première muraille particulièrement aisée et en dehors de la destruction de ces parasites l’intégrité de la muraille serait compromise face à tout assaillant un brin revendicatif. A défaut de pouvoir servir à repousser un assaillant organisé et déterminé, cette muraille serait tout à fait apte à refouler les bêtes sauvages de la contrée ; fonction qui devait d’ailleurs être celle de ce premier mur du temps des bâtisseurs.

L’espace entre les deux murailles se révéla aménagé pour recevoir des montures et entreposer quelques anciens ateliers. Depuis combien d’années la rouille et l’humidité avaient rongé le métal et le bois de concert ; il était impossible de le certifier avec exactitude. Toutefois, dans cet espace vide, Calimène se sentit comme observée aussi pressa-t-elle le pas pour venir se flanquer dos à la seconde muraille. N’avisant aucun danger immédiat mais privée d’une arme de jet – dont elle n’aurait de toute manière guère su faire usage – elle tira hors de son fourreau son épée longue. Dans le mouvement, lent et mesuré, le métal chanta contre le métal en une gamme légère que beaucoup appréhendèrent comme un signe peu engageant.

Victorin, suivi de Gors, passèrent les premiers la porte principale. Ouvrant la route de la pointe de leurs carreaux, ils s’infiltrèrent rapidement dans l’enceinte principale. Deux à deux le reste des hommes avança à leur suite, contrôlant de leurs armes un coin de bâtiment ou des fenêtres trop longtemps restées aveugle.

Les bâtisses s’élevaient pesamment, à la manière ramassée et compacte des Nains. Ici on construisait pour durer et l’écho des âges résonnait bien après la disparition des occupants des lieux. Chaque toit semblait présenter une plateforme accessible et crénelée, d’où il était possible d’observer les quelques allées environnantes. Et en dehors de l’aspect massif des édifices l’ensemble ne manquait pas de grandeur.
Victorin marqua le pas et sembla se détendre. Il n’en était pas à sa première inspection des lieux et prenait plus que quiconque ses marques sur ce site étrangement rendu aux exigences des bois et des forêts. Son attitude relaxa immédiatement ses comparses qui s’éloignèrent les uns des autres et redressèrent peu à peu la tête ; moins certains finalement de prendre un mauvais coup qu’il ne l’aurait parié avant d’entrer sur le site. L’ancien Capitaine désigna les lieux d’une main tendue, soulignant du geste ses explications.

« La première muraille ne semble avoir vécu que pour éloigner les bêtes sauvages ; ce qui présage de temps anciens où le commerce se faisait ici florissant s’il fallait pouvoir circonvenir aux besoins en place, en nourriture et en sécurité de caravanes pouvant s’installer dans l’espace laissé libre entre les deux fortifications » commenta Victorin en conduisant Calimène à l’entrée de la seconde muraille.

De la main, il caressa le flanc de la porte de bois, de bronze et d’airain qui gisait de côté, encore suspendue à une partie de ses gonds.

« La porte de la seconde muraille est encore solide. Bois et métaux ont été traités avec attention et en-dehors de son caractère bancal, elle pourrait retrouver toute son utilité si nous pouvions la redresser. Car il s’agit là du principal système défensif de la forteresse. Certes le Bastion derrière nous est solide – les Nains bâtissaient pour durer – mais ses connexions avec la muraille sont autant de points faibles. Peut-être s’agit-il là d’une erreur de conception de la part des architectes ou est-ce ma sagacité qui n’arrive pas à préciser les intentions des commanditaires des travaux. » Conclut-il provisoirement.

Calimène ausculta à son tour la porte.

« La porte a été enfoncée de l’intérieur vers l’extérieur » introduisit-elle avec prudence. Elle constata aussitôt la gêne prononcée de l’ancien Capitaine.

« C’est ainsi fait ; effectivement » constata-t-il d’une voix souple.

« Ce qui explique le bon état général des fortifications. Peu importe la nature de l’assaillant, la première information d’importance est que les habitants ou les soldats du lieu sont sortis de la forteresse ; et à la hâte en plus » précisa-t-elle en constatant que la porte avait été enfoncée de l’intérieur, principalement en déchaussant les gonds de leur logement de pierre.

« Nous tenons pour acquises les mêmes conclusions » confirma Victorin en décochant le trait de son arbalète et en la passant à son épaule. « Par ailleurs, nous n’avons guère trouvé de présences de cadavres dans l’enceinte bien que le temps ait pu les ensevelir peu à peu. Non… Par contre… Nous sommes ici en présence d’un ancien bastion nain, destiné à protéger une entrée reliant ce site au Royaume de Mertar. La puissance naine n’est plus celle des temps anciens et il est fort possible que la forteresse soit tombée aux mains d’un assaillant provenant… » Tenta-t-il de terminer.

« … de sous la Montagne. » achevèrent-ils conjointement d’un ton unanimement grave.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 11 Avr 2013 16:41 
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« Alors c’est d’ici qu’a commencé l’invasion » observa Calimène en touchant la roche percée du bout de ses doigts. A la lueur de la lanterne du Capitaine, elle ausculta la pierre et identifia la manière dont le métal avait attaqué le déblai : de l’extérieur vers l’intérieur.

« L’angle montre que les coups de pioche ont été frappés de l’intérieur du tunnel vers l’extérieur… pour déboucher… directement dans la ville troglodyte. La panique a dû être totale… » Marmonna Calimène.

« Pas nécessairement » Objecta Victorin. « Laisse-moi te rappeler que nous n’avons trouvé que peu de traces de bataille et guère de cadavres ; il est fort probable que les habitants de la cité troglodyte ait pu se retirer hors des murs avant que les affrontements n’atteignent leur ampleur. Il aura suffi aux soldats de mener un combat d’arrière-garde pour permettre aux civils de fuir les lieux » expliqua-t-il.

« Ton hypothèse est infirmée par la précipitation avec laquelle la porte principale a été détruite par les défenseurs ; à mon sens, c’est avec la plus grande célérité que les habitants ont quitté les lieux » rétorqua-t-elle sans animosité.

« Alors, si celui qui possédait la clé de la Porte se battait ailleurs qu’en cet endroit, effectivement… il aurait fallu l’enfoncer… » Dit-il à mi-voix tout en réfléchissant. « Nous avons trouvé au-delà de la Cité une série de mines dans lesquelles nous n’avons pas encore investigué ; c’est peut-être par ces exploitations là que sont arrivés les premiers envahisseurs » proposa-t-il en guise de nouvelle conjecture. D’un ton appréciateur, il profitait de ce que leurs échanges enrichissaient conjointement la conversation. Noble de naissance et militaire de carrière, il avait pourtant l’esprit ouvert et agile ; ainsi qu’un joli petit cul, ce qui n’était pas pour déplaire.

« Humm… » Temporisa Calimène l’espace de quelques instants.

« Nous n’avons donc aucun moyen de colmater la brèche pour l’instant. Nous pourrions positionner des grilles ici mais ce serait signaler notre position, quelle que soit notre solution, le problème parait pour l’heure insoluble » continua-t-il sur sa lancée.

« Vrai » ponctua-t-elle laconiquement.

Victorin orienta la lumière à la ronde pour repousser les ombres.

« Les évènements sont anciens et la menace peut-être envolée depuis des lustres ; il serait dommage de fuir à tire d’ailes pour de simples bruits dans la cave. Prenons garde à nous et préparons-nous si nécessaire à lever le camp de manière précipitée si les anciens locataires revenaient toquer à la porte… Nous avons de toute manière tant à faire pour réhabiliter les lieux et en faire une affaire… profitable » poursuivit-elle.

« Profitable ? Là n’est pas le mot. Nous sommes quelque part en zone contestée : ni dans les Duchés, ni au Mertar et peut-être déjà sous l’influence d’Omyre. La position est précaire même sans complications extérieures… Mais tu le sais probablement aussi bien que moi » ferma-t-il temporairement.

« Les choses sont ainsi faites mais ma décision est prise, ici, loin de Kendra-Kâr, qui sait ce qui peut se produire et quels possibles pourraient se lever ? » conclut-elle à son tour.


X X X


Loin de ces pensées et hors de toute portée, de funestes engeances avançaient d’un pas régulier et inflexible. Toutes bêtes fouisseuses fuyaient à leur approche en-dehors des plus stupides, violentes ou affamées. Peu parmi les peuplades primitives des profondeurs osèrent défendre leurs domaines et nombre d'entre elles se contentèrent de fuir vers leurs repaires les plus dérobés.

A leur tête, un être possédé de sa propre grandeur.

Un Monarque.
X X X


Ainsi débutèrent les Guerres Crépusculaires, par une poignée de voleurs refusant d’être à leur tour dépossédés de biens mal acquis.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 12 Avr 2013 15:48 
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Tout un mois durant la petite troupe s’échina à faire l’inventaire des lieux répartis entre la « Citadelle assoupie » d’un bord et la « Cité endormie » de l’autre. Tout d’abord jetés une ou deux fois par hasard au gré des conversations ces deux vocables avaient fini par s’imposer aux treize ressortissants de la forteresse abandonnée.

Désormais la « Citadelle assoupie » désignait le Bastion, ses dépendances et anciens ateliers désaffectés, ainsi que les deux lignes de fortifications qui bordaient le tout.

Le terme de « Cité endormie » avait été jugé acceptable pour décrire la ville troglodyte qui nichait au-delà du Bastion. L’évocation du sommeil se révélait plaisante et présageait du jour où peut-être de multiples habitants viendraient de nouveau égayer le réseau de rues souterraines. Malgré tout cette expression peinait à dissiper totalement le sentiment d’enfermement qui prenait parfois les intrus à la gorge, leur faisait ressentir de soudaines bouffées de chaleur et imaginer des présences en périphérie de leur champ de vision.

Les soubassements de la Montagne avaient révélé des cavernes hautes et aérées, percées de conduits d’aérations et d’autres permettant l’acheminement de la lumière zénithale. De multiples zones d’habitation avaient certainement abrité de par le passé les charmes d’une cité animée, quoique certainement industrieuse.

Calepin en main, Calimène prenait des annotations. Bien que mal en peine de dresser un croquis technique rendant hommage à la finesse des devantures et à la chorégraphie des façades, elle spécifiait avec méthode et abnégation le complexe réseau de rues, ruelles et venelles qui composait la « ville haute ». La « vile basse », terme choisi pour indiquer l’entrée du réseau de mines, résistait pour l’heure à ses tentatives d’investigation. D’un commun accord l’ensemble des membres de l’équipée avait décidé de ne pas encore s’aventurer si bas ; au moins avant d’avoir passé une durée raisonnable sur les lieux. Si nul évènement néfaste ne se produisait dans cet intervalle, il serait toujours temps d’aller chercher les ennuis plus profondément.

Installée sur une roche tombée de la falaise surplombant la Citadelle – preuve que parfois être tête en l’air pouvait être salvateur – Calimène présenta le fruit de ses investigations à la petite troupe.

« La ville basse est d’une taille bien supérieure à ce que nous imaginions initialement ; peut-être abritait-elle autrefois de quatre à cinq mille âmes. Un réseau régulier d’avenues et de rues permettent de se déplacer aisément dans un maillage de demeures bâties sur un modèle régulier : un rez-de-chaussée, un étage et un toit en terrasse permettant d’accéder au « ciel de roche » composant les cieux. Chaque demeure semble être indépendante, en dehors de quelques murs écroulés, mais l’on peut imaginer au vu de la promiscuité des maisons que passer d’un toit à l’autre doit pouvoir s’arranger aisément » expliqua-t-elle posément.

« La présence de puits à intervalle régulier indique un développement urbain régulier et planifié. Bien que la plupart des points d’eaux se soient révélés boueux ou effondrés il en existe plusieurs encore exploitables en l’état. Et si vous vous demandez si cette eau est impropre à la consommation… » Dit-elle en affichant un sourire.

« … considérez que vous en buvez depuis trois jours sans effet notable sur votre humeur. Par ailleurs, j’ai pu constater la présence de citernes et de bassins mais ils mériteraient un récurage en profondeur pour pouvoir être utilisés de nouveau. Les uns et les autres sont alimentés par des canaux qui n’attendent que de corvées distribuées pour retrouver leur candeur originelle » glissa-t-elle en observant quelques grognements intempestifs.

« … Mais nous attendrons. » Marqua-t-elle, diplomate.

« Plusieurs Chapelles sont encore debout mais l’ensemble des statues représentant les déités locales ont été saccagées et en dehors de dieux manchots la sacralité des lieux ne semble pas avoir été compromise » poursuivit-elle avant d’attaquer le point réellement sensible de leur affaire commune.

« Reste la vile basse » plaça-t-elle d’une voix moins forte qu’elle ne l’aurait souhaitée.
« Comme nous en avions convenu nous ne nous sommes pas aventurés dans les mines ; ni celles creusées par les Nains et encore moins celles provenant d’autres … coups de pioches. Nous avons néanmoins pu localiser un passage aboutissant à la « ville haute » qu’il nous faudrait murer pour bien faire… ainsi qu’une route largement éboulée » décrivit-elle posément.

Nul n’avait de doutes à ce sujet après un mois passé dans la Citadelle : si le nom des envahisseurs était méconnu des actuels occupants, il était indéniable qu’ils avaient envahi les lieux par les sous-sols. Que ce soit par les mines ou leurs propres tunnels, le danger résidait dans cette direction.

« Il est dit qu’autrefois les Nains du Mertar commerçaient à travers toute les montagnes par l’usage de tunnels aménagés pour le commerce : peut-être est-ce là l’usage du tunnel le plus large que nous avons localisé. Il est possible que les fuyards aient eu le temps de se mettre en route vers leur Capitale et de faire s’effondrer le plafond de la galerie derrière eux pour couvrir leur fuite » intervint Gors d’une voix grave.

« Possible » concéda Victorin.

Trois des membres du peloton de l’ancien Capitaine prirent une part plus active à ce moment-là.

« Et pourtant, nous souhaiterions nous installer durablement » dit l’un.

« Faire venir nos familles » dit l’autre.

« Et vivre autrement qu’à Kendra-Kâr, Calimène. Comprenons-nous, nous savons désormais que nos supérieurs nous ont lancé sur les routes sans réel espoir de retour. Même en ayant succédé à l’entreprise qui nous a été confiée nous ne ferons que mécontenter quelques puissants en revenant chez nous. Et puisque nous n’avons pas trouvé la mort dans les montagnes peut-être penseront ils à quelques moyens plus directs, à défauts d’être moins discrets » acheva le troisième.

Calimène réunit ses mains sous son menton et força ses pensées durant de longues secondes.

« Vous êtes bien conscients de ce que cela implique ? » leur dit-elle par acquis de conscience, tout en sachant que ce n’était pas sur un coup de tête que ces trois-là venaient de s’exprimer. « D’autres partagent cet avis ? » poursuivit-elle en considérant que tout un chacun aurait pu quitter les lieux durant le mois passé s’il avait nourri des projets différents.

Deux autres dodelinèrent de la tête en affirmant leur assentiment.

« Soit… La moitié d’entre nous retournera donc à Kendra-Kâr en quête de leur famille, de leurs amis et de ceux qui souhaiteront vous accompagner. Toutefois, n’oubliez jamais que ce choix fut le vôtre, si les conséquences de cette aventure devaient nous conduire à un drame » asséna-t-elle d’une voix chargée de sourdes menaces.

Aucun ne recula face à ses imprécations.

« Bien » lâcha-t-elle en se levant.

« Menez le projet dans la plus grande confidentialité et voyagez ensemble ; d’hypothétiques dangers existent peut-être sous nos pieds mais les risques d’un voyage mal organisé sont légions. Et croyez le bien, tout aussi périlleux. Ceux qui souhaitent rentrer peuvent le faire dès maintenant, la journée est encore juvénile et le soleil portera haut pour encore de longs moments » conclut-elle en souriant légèrement.
Les hommes se mirent immédiatement à réunir leur maigre paquetage.

« Vous devez avoir hâte de revoir les vôtres ; faites bonne route et revenez nous sains et saufs » leur glissa-t-elle en guise de vœux de bon voyage.

Elle s’éloigna de quelques pas en entrainant Victorin à sa suite.

« Et nous, qu’allons-nous faire ? » la questionna-t-il d’un ton inquisiteur, n’étant nullement dupe du manque d’affect apparent de la jeune femme.

« Nous ? N’est-ce pas évident. Entrer dans les mines et voir ce qui pourrait y dormir.

Ces histoires de tunnels sous la Montagne me paraissent mal engagées et il est hors de question que l’on fasse venir ici des enfants sans être certaine de ce qu’il peut en relever » conclût-elle d’un ton affirmé.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 15 Avr 2013 14:28 
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Certaine de son fait, Calimène vérifia pourtant une nouvelle fois la parfaite fixation des pièces de son armure. De couleur claire, rehaussée de nacres et d’argent, la cuirasse du Chevalier sirène ne manquait pas d’allure. Lustrée et apprêtée, elle pouvait être portée lors d’évènement public et se suffisait même lors de soirée où prestance et apparat étaient demandés. Le Chevalier Myrne – dont elle avait été un temps l’écuyer – appréciait le semblant d’autorité que lui conférait le port de cette armure.

La cuirasse, fine et proche du corps, profitait de renforts en son sommet tenant lieu de gorgeret et de protection de la nuque. Légère, la protection offerte par la pièce métallique semblait plus destinée à dévier les coups et protéger les organes vitaux qu’à réellement bloquer les assauts adverses. Des épaulières arrondies, composées de plusieurs anneaux flexibles, complétaient la protection de son buste sans lui faire perdre en flexibilité.

De quelques mouvements d’épaules et de bras elle testa pour la énième fois le bon graissage des jointures et le bon vissage des courroies permettant d’ajuster sa principale protection.

« A force, tu vas finir par les dérégler » objecta Victorin, tout en vérifiant la tension de la corde de son arbalète. Mandatés en mission par monts et par vaux, l’équipement des membres de la Garde Kendranne consistait usuellement en une cuirasse mixte de cuir et d’acier, en une lame courte et une arbalète, légère ou lourde selon les affinités de tout un chacun. Toutefois certains des membres de leur petite expédition possédaient des armes excédentaires, plus ou moins règlementaires. Gors pour ne citer que lui déambulait avec un marteau de guerre dont le poids seul aurait pu faire frémir un forgeron en mal d’estime. Levon possédait pour sa part une collection de couteaux qu’il avait dû soutirer à un boucher d’Omyre et c’est avec une attention maniaque qu’il en vérifiait le tranchant, comme si leur seul aspect n’était pas déjà suffisant à décourager un éventuel agresseur. Victorin, lui, ne se contenait que de l’ordinaire. Le soin qu’il apportait à son équipement lui permettait d’en connaitre d’instinct les pleines capacités et de se concentrer sur ses autres responsabilités : commander ses troupes.

« Bien » lâcha laconiquement Calimène en tirant son arme hors de son fourreau de quelques centimètres pour vérifier qu’elle ne coince pas dans sa gaine ; comme cela pouvait se produire par temps froid ou humide, du fait de la distorsion du cuir.
Les cinq hommes se regroupèrent autour de leur Capitaine.

« Bien » reprit-il pour s’éclaircir la voix. « Nous allons descendre dans la ville basse et traverser la partie troglodyte de la ville abandonnée. De là, nous nous présenterons à l’entrée des mines pour en faire une première visite » poursuivit-il sans ciller afin de ne pas laisser le doute s’installer dans l’esprit de ses subordonnés. Même s’ils étaient tous loin de Kendra-Kâr et peu loin de la désertion il n’était pas nécessaire de laisser la chaine de commandement s’éroder ; surtout en cet instant.

« Nous ne dormirons pas tranquille tant que nous n’aurons pas réalisé cette reconnaissance, messieurs, aussi, faisons-la au plus vite et au plus tôt » dit-il d’une voix directive mais sur un ton entrainant. L’expérience aidant Calimène constata que le vocable « messieurs » avaient ragaillardi le petit groupe. Cette simple attention transformait un discours impersonnel en message adressé individuellement à chacun d’entre eux. Par ailleurs, par cette marque de politesse, elle nota que tout un chacun pouvait se sentir aussi important que le chef de troupe et face à ses hommes, Victorin ne se positionnait pas en tant que supérieur « par droit » mais en tant que supérieur « par la compétence et l’expérience ».

« Commander doit être un art difficile et Victorin un bon pratiquant» trancha intérieurement Calimène, bien décidée à comprendre ce qui pouvait transformer un homme du rang en soldat au moral bien trempé.

La troupe se mit en branle sur ces entrefaites, sans ajouter un mot de plus. Chacun avait reçu ses instructions et dans l’attente de précisions, connaissait son rôle et sa mission. Pour ces hommes de guerre, rompus à l’exercice, tout ceci tenait de la procédure.

En arrivant dans les allées de la ville basse, les soldats s’écartèrent les uns des autres et pointèrent leurs arbalètes devant eux. Marchant en tête jusqu’alors Calimène se laissa dépasser pour ne pas gêner les lignes de tir. Jusqu’alors aucun d’entre eux n’avait croisé âme qui vive au sein de la …

« … la Nécropole » ne put s’empêcher de penser Calimène. « De toutes ces habitations, où sont passés les propriétaires ? Où se trouvent les fuyards et pourquoi n’ont-ils jamais réinvesti leur domaine une fois l’orage passé puisque de toute évidence, aucune occupation étrangère n’est à déplorer. Le déclin du Royaume de Mertar n’explique pas tout : si la capitale du pays des Nains n’a pas réinvesti les lieux, c’est qu’il doit y avoir une raison. Ou plusieurs. » Se dit-elle mentalement tout en observant les fenêtres aveugles. Les portes, qu’elles soient ouvertes, fermées ou entrebâillées, donnaient inévitablement sur des espaces vides de toute présence. Au plafond, loin au-dessus de leur tête, d’ingénieux puits de lumière permettaient à la Cité endormie de somnoler dans une douce pénombre. Autrefois, à en juger du nombre de portants, d’innombrables feux devaient alimenter des lanternes placées à intervalles régulier pour sublimer la ville. Placés de loin en loin et d’après la taille de leurs emplacements de métal certaines devaient aux bas mots mesurer jusqu’à deux mètres. Malgré la traversée périlleuse qui s’annonçait, l’esprit de Calimène ne pouvait que s’interroger sur la vie plaisante qui devait être celle des anciens possesseurs des lieux. Même pour elle, la hauteur de plafond était suffisante pour ne point paraitre étouffante et les lumières au sol devaient faire régner une lumière douce et réconfortante.

« Nous y voilà » commenta Victorin.

En conséquence, Calimène émergea de ses réflexions et tira son arme hors de son fourreau d’un mouvement souple.

« En cas de rencontres, tirez pour tuer, à hauteur du buste. Lâchez ensuite votre arme à terre. Vous aurez peut-être la tentation ou le réflexe de réarmer pour bénéficier d’un trait supplémentaire mais rien n’indique que vous en aurez le temps. Alors, abandonnez votre arbalète et tirez votre lame avant d’être engagés » précisa-t-il.

« Calimène et moi-même resterons au milieu de la formation ; en cas de rencontre imprévue, nous vous déborderons après le premier tir et nous prendrons la première ligne, en attendant votre renfort » conclut-il en levant sa lanterne au-delà du portique qui indiquait l’entrée des mines.

Calimène marqua un instant d’hésitation au moment de franchir la galerie, agitée par ces pensées : « Si les corps ne sont pas à l’extérieur, ni dans la ville basse ; se pourrait-il qu’ils aient été transportés plus bas, sous la Montagne ? Ainsi, si la ville à des airs de Nécropole, les Mines en seront assurément le Cimetière. »

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 16 Avr 2013 18:11 
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L’exploration des mines se présenta tout d’abord sous d’excellents hospices et sous la seule menace de dangers tout à fait usuels. Le sol irrégulier appelait les chevilles à ployer sous des angles non prévus par Mère Nature. La pénombre refusait de livrer ses secrets aux yeux des explorateurs, malgré les torches et lanternes levées haut par le groupe de fureteurs. Enfin l’atmosphère, contrairement à ce que Calimène s’était imaginée, était lourde et étouffante. Là où elle avait imaginé un froid glacial le Chevalier sirène découvrait qu’en l’absence de ventilation une chaleur étouffante s’imposait fort rapidement.

En ceci cette expérience constitua la base de l’expérience de la jeune femme en tant que voyageuse des profondeurs. En effet si la chaleur montait rapidement c’est que la voie conduisait à une impasse, où l’air était d’autant plus rare que les flammes le consumaient en désespoir d’un combustible de meilleur augure. La raréfaction de l’air amplifiait immédiatement la sensation de chaleur, signe indubitable d’une voie sans issue. Par conséquent, au simple contact de l’air volubile, le petit groupe apprit rapidement à distinguer les tunnels constituants des passages de ceux ne conduisant qu’à des boyaux destinés à exploiter le minerai.

En guise de minerai, le peu de lumière dévoila la présence de particules brillantes dans la roche. Si ces dernières ne manquèrent pas de libérer quelques petits cris de satisfaction et de congratulation. Les hommes s’esclaffèrent en pensant reconnaitre de l’or là où Calimène marqua la mesure, indécise sur ce qui servirait au mieux ses intérêts.
De l’or permettrait d’obtenir de l’argent, d’embaucher des ouvriers, des maçons et autres personnels provenant de corps de métiers indispensable à l’entretien d’un tel site. L’or appellerait aussi l’acier en ce sens qu’il permettrait de recruter des mercenaires afin de renforcer la défense du Bastion. Ceci étant, s’il s’agissait de minerai de fer, ce serait l’acier qui invoquerait l’or. En effet, bien que largement moins développés que la région de Kendra-Kâr, les Duchés des montagnes abritaient nombre d’ordres monastiques et de villages reclus qui souffraient des hivers et des incursions gobelines. L’or permettrait d’amasser des armes pour protéger les riverains… mais l’acier permettrait lui de directement les inféoder. Dans un sens comme dans l’autre, ce minerai représentait une ressource indispensable aux projets du Chevalier sirène, si intimes que Victorin lui-même n’était pas encore dans la confidence.

Il n’était pas prêt à entendre l’entière singularité des propos de sa comparse : ériger ici un royaume loin de Kendra-Kâr, où les lois protègeraient les petits et les faibles contre le possédant et le nanti. Car l’affaire des Empoisonneurs avaient terni le cœur de la Dame, à un point tel qu’elle-même n’aurait su le dire.

« J’entends quelque chose » glissa l’un des hommes de tête en plantant soudainement ses quarts au sol et en levant son arbalète dans la direction supposée du son. Chacun s’immobilisa et s’intima au silence. S’il n’était pas rare d’entendre le « flic-floc » de gouttes d’eau de loin en loin, les mines étaient propices à se laisser déborder par ses sens. Un son anodin pouvait être amplifié par résonnance, des lueurs suspectes n’étaient souvent qu’un banal reflet de sa propre lampe et une présence embusquée n’était que le signe – fort heureusement – d’une trahison visuelle de la vue.
Le noir, le chaud puis le froid et la sensation d’un immense abysse jamais embusqué plus loin que le cercle de lumière projeté par les torches avaient de quoi débrider l’imagination d’un vétéran témoin de cent guerres et mille infamies.

Ce faisant, Calimène réalisa l’ébauche de ce que devait être une guerre souterraine : une empoignade de corps à corps où chaque camp tentait de forcer le passage à l’autre, où les blessés restaient au sol, séparés de leurs camarades par les flux et reflux du combat. L’absence de largeur des tunnels et des boyaux interdisait un usage effectif de l’escrime. Par ce fait, frapper de pointe était l’une des seules options possibles. Des coups portés de taille ou d’estoc prenaient le risque de faire se briser la lame en cas de rencontre du métal et de la roche.

A la faveur d’un nouveau mouvement d’ombre, le soldat de tête épaula méthodiquement son arbalète et libéra le carreau dans un « tchac » sonore. Le trait disparut dans les ombres mais le bruit du métal perforant le bois permit d’authentifier sans la voir une touche ayant porté.

Avec prudence une seconde lanterne fut emmenée à proximité de la première pour augmenter la portée conjointe de leur lumière. Les rayons s’emparèrent du corps empalé par un carreau à pointe d’acier, soulignant une blessure qui en d’autres temps aurait certainement été qualifiée de grave, voire de mortelle.
Car le mort l’était bel et bien déjà.

Adossé au mur, le nain n’avait jamais eu l’occasion de choir au sol. Une curieuse déclivité de la paroi, placée juste à cet endroit par le hasard pour le soutenir et le recevoir, empêchait le corps de tomber au sol. Déjà en piteux état – le statut de squelette n’était pas loin d’être atteint – l’ancien guerrier avait vu ses côtes exploser lors de l’impact du carreau. Passant uniformément au travers du bois d’un bouclier hors d’âge et d’une armure de cuir rongée par les années, il servait désormais de refuge à une colonie de champignons mangeurs d’homme.

« Au moins nous savons désormais ce qu’il est advenu des défenseurs du Bastion » commenta Victorin en soulevant sa lampe et en dévoilant à la vue de tous un conglomérat de cadavres.

D’instinct, Calimène détourna son regard mais se reprit immédiatement. Elle s’avança auprès de Victorin puis le dépassa pour inspecter les corps de plus près. A leur peau parcheminée, il était évident que leur mort ne datait pas d’hier, ni même du temps d’avant.

« Les avant-bras marquent des traces de lacérations, de même que les cuisses et les côtes » observa-t-elle avec une attention soutenue. « Les empreintes sont longues et fines, signes de l’usage de lames. Toutefois… on dirait que les blessures n’ont pas été faites proprement : peut-être par des lames barbelées ou … » poursuivit-elle en marquant une hésitation.

« Ou par l’usage d’armes légèrement émoussées ou n’ayant pas été correctement entretenues » conclut-elle.

Victorin se racla la gorge.

« Il s’agit là de l’armement typique des Garzoks, des gobelins ou des gnolls… nous avons déjà constaté ce type de blessures sur les corps de nos hommes tombés et retrouvés après des mois sans nouvelles » dit-il en marquant une pause au bout de laquelle il reprit et distribua quelques consignes.

« Ce qui est inexplicable, c’est pourquoi les agresseurs n’ont-ils pas détroussés les cadavres » dit-il en repoussant une « étoile du matin » du pied. « Gars, Levon, inspectez les corps, vérifiez l’état du matériel et ne laissez rien qui puisse être récupéré par d’autres que nous » ordonna-t-il d’une voix autoritaire. Si Gors rechigna à la tache – mais la réalisa tout de même – le dit Levon se présenta auprès des cadavres avec la légèreté d’un pinson au printemps.

« Piller une tombe ou détrousser des cadavres devait faire partie de ses habitudes » maugréa Calimène en pensées.

« Combien avons-nous là de corps ? » questionna Haldr, un solide gaillard originaire du nord de Kendra-Kâr.

« Trop peu pour faire le compte ; ce qui est arrivé ici n’était qu’une escarmouche » lui répondit la jeune femme, même si une douzaine de corps habillait ce goulot.

« Surement un point de résistance ; observez comme les deux parois se rapprochent ici, un lieu adapté à une défense désespérée » dit-il avec regret. Tirant un calepin de sa poche, Calimène porta quelques annotations. S’il était nécessaire de réaliser quelques travaux défensifs dans les mines, cet endroit serait affectivement tout à fait approprié.

Elle laissa quelques minutes aux deux soldats pour faire le tri des possessions des nains.

« S’il s’agit là d’une escarmouche annexe, tentons de trouver le lieu de l’affrontement principal » finit par répliquer Calimène, avide d’en savoir plus sur les circonstances exactes de l’anéantissement de cette Cité.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mer 17 Avr 2013 15:54 
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D’un commun accord le groupe était remonté à la surface. De prime abord, l’argument conjointement consacré était le suivant : le manque de préparation pour une exploration plus longue que prévue initialement. Sans les filtres du mensonge et de la fierté, l’explication était bien plus simple.

« Seuls les nains et les morts peuvent prendre du repos sous terre » avait commenté Haldr, un solide gaillard pourtant difficilement impressionnable.

Il fallait toutefois reconnaitre que la vie souterraine pouvait oppresser les vétérans les plus endurcis. L’absence du soleil se faisait cruellement ressentir, de même que le passage du vent. Bien que les sous-sols soient bien ventilés et aérés, il était dérangeant pour le non-initié de se retrouver ainsi privé de lignes de vue portant à plus de quinze ou vingt pas. Par ailleurs, nombre d’éléments nouveaux épuisaient mentalement les prospecteurs. Les sons se distordaient étrangement ; une simple goutte tombant en une position indéterminée pouvait se faire entendre dans le lointain alors que des conversations réalisées à quelques pas de distance pouvaient avoir du mal à s’imposer même en élevant la voix.

Victorin fit rapidement le décompte du butin de cette première expédition.

« Les mines semblent avoir bien endurées le passage du temps. Durant notre progression, je n’ai constaté aucun affaissement notable dans les galeries principales et les poutres de soutènement m’ont semblé saines. En dehors de quelques infiltrations d’eau, je n’ai rien remarqué de notable pouvant mettre en danger notre sécurité lors de ces expéditions » décrivit sommairement Victorin.

Gors reprit à cet instant la conversation.

« A propos des mines, il serait de bon ton d’identifier quels filons sont encore exploitables » lança-t-il à la volée.

« Effectivement, nous ne pouvons baser notre développement sur la cueillette et la récupération d’armes et armures sur les cadavres » confirma Calimène. Non pas que les morts aient pour coutume de réclamer leurs biens – quoique… - mais un développement ne pouvait se baser sur des ressources aussi éphémères.

« Dans un premier temps toutefois, il le faudra bien. Nous ne sommes pas assez nombreux pour exploiter les mines et tout ce qui peut être récolté devrait l’être… et… nous devrions mettre en terre les corps, c’est là la moindre des choses que nous pouvons faire pour eux » poursuivit-elle d’un trait.

La plupart de ses compagnons donnèrent leur aval au projet ; certains en dodelinant de la tête, d’autres en se signant religieusement.

« Trois marteaux de guerre, deux boucliers et quatre cuirasse de métal composent les trouvailles que nous avons jugé bon de remonter pour cette fois, sans nous surcharger, un autre allez retour sera nécessaire pour … humm » hésita l’ancien Capitaine pour éviter d’utiliser le vocable « dépouiller ».

« Pour mettre en terre les défenseurs nains » compléta Levon, qui n’avait visiblement aucun problème de conscience de cet ordre.

Pragmatique, Calimène ne moufta pas un mot à ce sujet mais reprit la conversation à son compte.

« Nous les mettrons en terre sur place, sur le carré qu’ils ont défendu jusqu’au dernier moment. Et pour garder en mémoire leurs derniers actes, nous nommerons ce lieu… la « Garde vaillante » glissa-t-elle rapidement. « Ce que nous avons trouvé, il nous faut l’entreposer et très vite identifier ce qui peut encore être utilisé. L’une des salles du Bastion fera office d’armurerie… Gors, Haydr, pouvez-vous vous charger de mettre tout ceci en bon ordre ? » Leur demanda-t-elle d’une voix aimable mais qui ne semblait pas vouloir souffrir de refus.

Après un instant d’hésitation les deux hommes obtempérèrent et emportèrent le barda en direction du Bastion. Quant aux autres, ils poursuivirent un temps leurs échanges concernant les mines puis chacun s’en retourna pour reprendre le fil de ses occupations personnelles : préparer le repas, prodiguer quelques soins aux chevaux ou jouer aux cartes.

Tout sauf penser à la prochaine expédition souterraine.

X X X


Dans le cadre de leurs descentes ultérieures, le petit groupe localisa de plus en plus aisément le lieu-dit de la « Garde vaillante ». Ayant marqué à même les parois le chemin à suivre pour une remontée plus rapide chacun prenait désormais ses aises lors de cette partie du trajet. En sus des marques, la petite compagnie installa des torches à intervalles réguliers. Placées sur des portants métalliques ou fichées dans une anfractuosité de la roche, ces points de lumières rassuraient tout un chacun, même ceux qui ne souhaitaient pas faire état de leur reste d’anxiété. Allumées à leur passage, elles étaient par la suite provisoirement éteintes lors de leur remontée afin de prolonger leur durée de vie. Par-delà la passe de la « Garde vaillante » les tensions réapparaissaient. Jour après jour chaque procession promettait de s’enfoncer de plus en plus loin dans les tunnels de la montagne et les appréhensions refaisaient leur apparition.

Au fil du temps, Calimène prit la tête de l’expédition. Sans qu’on puisse réellement l’expliquer elle semblait se diriger avec une relative exactitude et affectait une acuité de vision bien supérieure à celle de ses comparses. Une torche dans une main et sa lame dans l’autre elle conduisait la troupe avec méthode, prenant le temps d’annoter son plan à chaque intersection et de faire placer les marques convenues régulièrement.

Soudainement, Calimène s’immobilisa en sentant une immense masse d’air froid. Sur sa droite comme sur sa gauche les parois venaient de disparaitre. La flamme de sa torche se plia d’un côté puis de l’autre, prise dans un courant d’air qui menaça un instant de la souffler. Rapidement rejointe par ses associés la lueur conjointe de leurs flambeaux marqua une scène d’horreur qui les fit reculer de plusieurs pas.

Partout le sol était jonché de cadavres, ou tout du moins ce qu’il en restait. Des nains par dizaines, voire plus, avaient ici trouvé la mort dans ce qui avait dû être une bataille rangée. Bien qu’il soit encore difficile d’évaluer la taille de ce qui manifestement était une caverne, le groupe restait en cercle soigneusement ordonné ; réflexe grégaire peut-être mais généralement salvateur.

Attentif au moindre bruit qui aurait trahi une position adverse, le groupe ressentit soudainement la précarité de leur position. Conjointement ils regrettèrent soudainement la relative sécurité des tunnels où l’adversaire ne pouvait se présenter que par deux voies possibles : par l’arrière ou par l’avant. Mais ici, au creux d’un espace qu’il était encore impossible d’évaluer, le danger pouvait venir de toutes les directions, incluant le plafond qui restait nimbé de ténèbres.

« C’est … » entama l’un des hommes de troupe.

« Silence » le coupa Victorin.

Un bruit venait de se faire entendre, furtif et solitaire. Un bruit semblable à un caillou tombant sur une surface dure ou au jugé de la situation, de deux bouts d’os glissant l’un contre l’autre. Chacun retint son souffle durant de longs instants. Durant ce laps de temps, rien ne se fit audible et chacun espéra que le son ne se reproduirait pas.
Il se renouvela pourtant malgré les prières discrètes et les espoirs secrets.

« Là ! » cria un arbalétrier en guise d’avertissement, juste avant de libérer le carreau de son emplacement. L’arbre métallique projeta le trait à tête d’acier hors du cercle de lumière et c’est avec un bruit mou, presque spongieux, qu’il trouva une cible.

En réponse à cette initiative douloureuse, un sifflement strident résonna en écho. Puissant et aigu, le seul souvenir de ce son perturba l’ouïe des humains. Durant de longues secondes ils perdirent la position de la bête mais localisèrent cette dernière juste au moment où elle émergeait des ombres pour faire son entrée sur scène.

Habituellement fin gourmet de chairs mortes, de cuirs porteurs de moisissures et d’os attendris par l’humidité, un Scolopendre plongea sur l’un des membres du groupe : Haydr. En se redressant au dernier moment il atteignit presque la hauteur de la poitrine du costaud ce qui, en prenant en compte la partie restée allongée au sol de l’arthropode, devait porter sa taille totale à deux mètres. L’humain tenta de le repousser mais l’horreur, le dégoût, la force d’impact puis la douleur se conjuguèrent pour le faire chuter en arrière. Agacé par l’odeur de viande fraiche et rendu fou par l’agression dont il s’estimait être la victime la bête plongea ses crochets profondément dans la cuisse du soudard. Après un instant d’hébétement, Calimène se porta à leur rencontre mais se garda bien se frapper de pointe et reporta son assaut à plus tard. Ce qui ne fut pas le cas de Gors qui de sa botte de cuir cloutée dégagea Haydr avec toute la brutalité dont il était capable. L’être aux mille pattes roula sur lui-même et atterrit sur le dos. Puis, dans une affreuse torsion de son corps aux muscles incompréhensibles, il se replaça séant et se replia dans la zone d’ombre. Le marteau de guerre n’en attendait pas plus pour se mettre en œuvre. Levé haut au-dessus de la tête de son porteur, il chuta avec force et célérité mais manqua sa cible de peu. En lieu et place le cadavre d’un nain se retrouva percuté. L’armure de ce dernier ploya sous l’impact et les os s’égrainèrent en ordre dispersé dans toutes les directions.

« Reviens dans la lumière ; tu es trop avancé » ordonna Victorin en constatant que l’assaut du monstre avait fait se ployer plusieurs torches. Il leva haut la sienne pour redonner un peu de lumière à l’ensemble du groupe. Calimène se replia sur elle-même et ramena sa lame à son côté. Elle tenta de localiser les bruissements des pattes sur les os, significatives des déplacements du fouisseur, mais se rendit à l’évidence en constatant que les gémissements de Haydr les couvraient presque totalement.

« Refermez le cercle, reculons ensemble » tança Calimène d’un ton autoritaire. En conséquence, Gors recula de plusieurs pas et tira dans sa suite le blessé. Sa cuisse pulsait d’épais caillots de sang et déjà les muscles étaient pris de mouvements spasmodiques. Dans ces conditions, il lui serait certainement impossible de marcher sans une aide extérieure.

De nouveau la créature entra dans le cercle de lumière et déborda le Chevalier sirène par la droite. En réflexe et en représailles elle frappa de pointe mais son arme ripa sur les plaques annelées qui engonçaient la partie supérieure de la terreur rampante. L’espace de cet instant, elle contempla la foultitude de pattes dont chacune semblait douée d’une vie propre et réprima son écœurement. Reprenant Haydr pour cible elle trouva cette fois-ci Victorin en rempart. Ce dernier agita sa torche devant la bête qui fut contrainte de reculer en vociférant. Cherchant le contact, Calimène faucha une multitude de membres semblables à des vers. Une brochette de ces petites choses rose pâle se détacha du corps principal mais sans autre effet notable que de produire une nouvelle retraite de la bête. Dans sa fuite, Levon projeta l’un de ses coutelas dans sa direction, arrachant une nouvelle plainte aigue à sa cible.

Analysant le manque d’efficacité de son épée, Calimène la replaça en son fourreau. De quelques pas rapides, elle se présenta aux côtés de Haydr et le soutint de son bras droit. Tenant fermement sa torche dans la main gauche elle tira le gaillard en arrière, aidée pour ce faire par le joueur de couteau. Ensemble, ils le ramenèrent en direction du tunnel et à peine quelques pas restaient à faire lorsque l’insecte, vindicatif, les faucha tous les trois. Dans la pagaille de membres imbriqués, ce fut le bras de Levon qui se trouva happé par les crochets monstrueux. Tiré en arrière, il manqua de disparaitre hors du cercle de lumière et ne fut récupéré de justesse que par le bras puissant de Gors qui contesta la possession du filou au dernier moment.

Calimène se redressa vivement à se porta à leur secours. Elle tira Levon par son veston et le remit sur pied avant que ce dernier n’ait le temps de se plaindre. Dans son déplacement son pied écrasa une paire de corps. Le regard attiré elle constata qu’elle foulait effectivement plusieurs anciens combattants et s’accroupit non pour s’excuser mais pour ramasser une arme laissée à terre par son ancien propriétaire. En l’occurrence l’artefact prenait la force d’une lance courte. Forgée dans le métal d’une pièce elle tenait à bien y regarder autant de l’épieu que de la lance. Sa pointe affichait une forme barbelée afin de provoquer d’atroces blessures au moment où la lame se retirait et au niveau des mains un cerclé de métal protégeait les doigts du porteur de toutes lames vengeresses.

Laissant Gors récupérer les blessés –ou plutôt devrions-nous dire les jeter comme deux sacs à patates dans le tunnel où ils seraient en relative sécurité – Calimène se campa entre eux et l’espace ouvert de la caverne. Elle emboita sa torche entre eux roches tendres et s’empara de la lance à deux mains. Se positionnant latéralement elle se campa fermement sur ses appuis. Pour avoir observé l’animal elle était convaincue que ce dernier tenterait une nouvelle fois de s’en prendre aux blessés.

« Bête stupide guidée par l’instant, elle ne résistera pas à l’appel du sang » se dit-elle en affermissant sa prise à deux mains.

De nouveau le Scolopendre tenta de rejoindre les estropiés pour se repaitre du sang qu’il avait gouté quelques instants plus tôt. Il dépassa Gors par la gauche dans un mouvement digne d’un contorsionniste et se présenta face à Calimène. Loin de se laisser impressionner il tenta de la faire chuter en arrière comme il l’avait déjà fait lors de son assaut initial. Cette fois-ci Calimène lui opposa la pointe barbelée et dans sa résistance forcenée, transperça le corps de l’arthropode de part en part. Un liquide poisseux coula sur ses mains gantées et ses avant-bras pendant que les pattes couleurs chair tempêtaient sur les rebords de son armure. Elle étouffa un haut-le-cœur de dégoût et tint bon la position. Le choc initial passé et le poids de son armure aidant, elle en vint à repousser l’insecte au sol. Dans le mouvement elle s’appuya de tout son poids sur la lance et le cloua proprement au sol. De douleur ou d’agacement, le monstre s’ébroua dans toutes les directions mais en tentant de se libérer il ne fit qu’élargir sa blessure.

L’espace d’un instant, Calimène se demanda si une telle plaie serait réellement mortelle compte tenu de l’anormale constitution de l’animal. Mais Gors la coupa dans ses réflexions en la poussant de côté pendant que Victorin plaquait la bête au sol de sa botte.

Le marteau de guerre monta haut et retomba bien bas, emportant avec lui la tête de la créature.

En signe de mécontentement, l’animal mourant dispersa ses fluides sur ses assaillants, vérolant leurs vêtements d’une substance poisseuse à l’odeur tout à fait désagréable, quoique supportable.

« J’ai écrasé une grosse bête » commenta Gors, un sourire satisfait sur les lèvres.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 22 Avr 2013 15:39 
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La remontée vers la surface ne s’était pas révélée aisée. Si Levon était capable de marcher seul ; Haydr devait être soutenu par deux hommes, privant ainsi le groupe de bras armés et de torches brandies qui auraient bien été utiles. Plus inquiétant encore sa jambe blessée perdit peu à peu de sa souplesse et acheva rapidement de se figer dans une immobilité de mauvais augure.

« La jambe de Haydr va poser problème ; si l’infection poursuit son œuvre, il faudra envisager de la trancher purement et simplement » commenta gravement Gors à l’attention de ses comparses.

« La dose de poison a dû intégralement être libérée dans la jambe de ce pauvre Haydr » commenta Levon dont le bras avait été sévèrement marqué par les crochets de la bête ; sans toutefois porter quelques signes que ce soit de visible en terme d’infection ou de nécrose.

« Nous pourrions tenter de le transporter dans un des villages montagnards ; peut-être qu’une rebouteuse saurait s’y prendre avec cet empoisonnement ? » Glissa Gors en aparté, comme s’il parlait pour lui-même.

« Il faut bien tenter quelque chose ; nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre et ne faire qu’envisager de lui trancher une jambe » concéda Victorin.

« Il nous faut un antidote » trancha Calimène.

En des circonstances usuelles des quolibets auraient fusé face à la candeur exposée – ou la bêtise crasse – d’une telle assertion. Mais provenant de Calimène chacun suspendit ses remarques ; les uns par politesse, les autres par intérêt.

« Si ces créatures sont habituelles dans ces galeries, les Nains ont dû les côtoyer. Connaissant le caractère prévoyant des Nains, je ne serai pas surprise qu’ils aient concocté quelques remèdes à ce poison » expliqua-t-elle à haute voix pour faire partager à tous le cheminement de ses pensées.

« Mais les Nains ont quitté la forteresse depuis des lunes. Les seuls encore visibles sont ceux morts lors de leur dernière bataille » opposa Gors, un brin sceptique.

« Vrai » dit-elle en vérifiant la bonne fixation de son fourreau à sa ceinture.
Victorin inspira et expira lacement puis sans mot dire, il s’attacha soudainement à la bonne vérification de son paquetage.

« Et c’est exactement pour cette raison que nous allons y retourner » conclut provisoirement Calimène.

X X X


Seuls Victorin et Calimène reprirent finalement le chemin des profondeurs. Après quelques éclats de voix et quelques mises en garde funestes, Victorin avait cantonné ses hommes en surface. L’état général de Haydr et l’incapacité de Levon à tenir son arme avaient décidé le Capitaine à faire assurer leur sécurité par les trois autres membres du peloton. En cas de grabuge, il n’en faudrait pas moins pour transporter les blessés – à bras d’homme ou à cheval – tout en couvrant leur retraite.

En conséquence le couple progressait seul. Leur avancée, rapide mais prudente, leur donnait des allures de gredins en maraudes. Le pas rapide ils progressaient à un bon pas mais s’immobilisaient à chaque intersection et restait à l’écoute du moindre son inopportun. Chemin faisant l’un et l’autre enflammaient chaque portant de torche, illuminant un chemin radieux dans les profondeurs de la montagne.
Avec hâte et précision ils fouillèrent les cadavres de la « vaillante Garde », sans résultat.

« Rien de rien, pas de fioles ni de traces de boite à onguents » avoua Calimène.

« Cela ne prouve rien » répliqua Victorin en s’orientant vers le rétrécissement de la roche qui conduisait plus loin vers les lieux de la bataille principale.

« Si les choses se sont déroulées comme je le crois, l’essentiel de la bataille s’est déroulé dans la caverne principale. Ces hommes-là … Enfin, ces nains-là ont du pouvoir en réchapper lors d’une retraite et ont profité de l’étroitesse des lieux pour tenir la passe. Durant combien de temps, il est impossible de le dire… d’autant… qu’il n’y a aucun cadavre d’adversaires » précisa-t-il en tirant son arme hors de son fourreau.

« C’est un fait que je n’avais pas remarqué » admit Calimène. Les traces de blessures indiquaient l’usage d’armes laissant suspecter l’intervention de forces gobelinoïdes. Mais à la relecture des faits, la situation ne semblait plus aussi certaine.

« Si les Gobelins ont remporté la bataille, où diable sont passés les cadavres de leurs morts ? » se demanda-t-elle en préambule.

« Et les armes que nous avons récolté ; pourquoi n’ont-elles pas été récupérées par les Gobelins s’ils furent les vainqueurs de cette bataille » agita-t-elle dans ses pensées. Elle interrompit ses réflexions par un effort de pure pensée et mit de côté ses interrogations pour en revenir au présent. Si un danger pouvait surgir d’une mauvaise compréhension de la situation, il serait toujours moins immédiat que ceux représentés par les crochets empoisonnés de ces immondices de scolopendres.

Pour autant, l’intrigante situation lui occasionnait une douleur sourde au creux de son estomac. Habituée à mener ses projets seules, tel que le précédent Chevalier sirène le lui avait conseillé, Calimène échoua à comprendre sa propre réaction. Elle aurait pourtant aurait été aisément identifiable par Victorin qui la lui préciserait en ces termes quelques semaines plus tard : « Ce que tu éprouves est une réaction instinctive que nous avons tous éprouvé, Calimène. Chaque membre de la hiérarchie militaire, en-dehors des plus stupides ou des plus égoïstes, ont eu à faire à ce sentiment. Ta peur provient de ce que tes ordres ont été écoutés, entendus et appliqués par le reste de la troupe. Certains pourraient en retirer un contentement mais ton corps sait instinctivement que désormais, la vie de ces gens tient au bon fondé ou non de tes décisions. Tu ne manques pas de courage face au danger, certes, mais que tu puisses toi-même mettre les autres en danger par des prises de positions erronées te terrorise. C’est là l’affaire de tout homme de bon sens, Calimène. Et tu apprendras à le tolérer… ou à supporter des aigreurs d’estomacs. »

Peu commune à de tels soucis, elle s’arqua sur l’instant et focalisa son attention sur son environnement. Aussi lorsqu’elle déboucha dans la caverne, quelques pas derrière Victorin, ses pensées étaient aussi claires que possible.

« On y voit comme dans un four ; voyons voir ce qu’on peut voir » pérora l’ancien Capitaine de la garde de Kendra-Kâr en fouillant dans son sac. De ce dernier il extirpa de larges bandes de tissus récoltées sur les dépouilles croisées tantôt. Il les éparpilla sur le sol et répandit un liquide ambré à leur surface. Il recula d’un pas et embrasa le tout de la pointe de sa torche. L’ensemble s’enflamma rapidement et après quelques protestations crépitantes, la lumière envahit une partie de la vaste salle.

Aux bas mots entre cent et deux cents cadavres gisaient dans le cercle de lumière. D’un mouvement du regard circulaire, Calimène observa ce champ de morts à la recherche d’éventuelles créatures fouisseuses et mortifères. Elle prolongea son observation un long moment et ne s’ébroua qu’après avoir constaté l’immobilité de la scène. Sans plus de cérémonies, elle s’accroupit auprès des squelettes et entama une inspection systématique de leurs possessions. Pour plus de sécurité, Victorin restait fermement campé à ses côtés. Sa main droite tenait fermement un pieu de métal alors que sa gauche portait haut un flambeau imbibé d’huile.

Calimène mena ses recherches de manière méthodique, quoique sur un rythme forcené. Elle inspecta nombre de fioles, sachets de cuirs rigidifiés par le temps et autres boites de bois. Elle ne récolta pourtant que quelques boites à priser au tabac passé depuis des années et quelques fioles bosselées dont le contenu, lorsqu’il n’était pas totalement desséché, empestait à plein nez.

Passant toutefois de corps en corps avec régularité et l’abnégation d’un limier à la recherche de sa proie elle identifia un cadavre aux allures particulières. Les motifs de son armure étaient biaisés par un solide coup de masse mais l’emblème restait lisible.

« Un Prêtre de Valyus » clama Calimène comme si elle venait de croiser le regard du dieu en personne. Elle resta interdite un long moment puis osa manipuler les poches du serviteur du Dieu avec tout le respect étant dû au porteur de la robe cléricale. Avec de multiples précautions elle manipula ses affaires et vida de sa substance le contenu d’un étui de cuir long et large encore accroché aux épaules de l’ecclésiastique. Elle passa plusieurs récipients dans sa besace et se redressa sans mot dire. Alors qu’elle allait s’adresser à son comparse elle constata la tension qui habitait les traits de Victorin.

Roide et concentré, il semblait subjugué par une présence qui restait interdite aux sens de Calimène. Elle s’approcha à pas mesurés de lui et tenta de percer les ombres dans la direction de son regard. En levant son index devant son nez il confirma son intention de rester silencieux puis indiqua du doigt une direction incertaine.

Quelqu’un – ou quelque chose – s’immobilisa dans les ombres avec assez de force dans ses talons pour qu’on ait pu sentir la surprise poindre au travers des mouvements du visiteur. Il resta interdit longtemps en hésitant visiblement sur la conduite à tenir. Puis, soudainement, il pivota sur ses quarts et s’éloigna à la hâte. En réaction, Victorin et Calimène levèrent conjointement leurs torches. La lumière repoussa aussitôt les ténèbres et ils n’eurent qu’à faire quelques pas supplémentaires pour localiser dans la paroi un tunnel resté jusque-là masqué dans les ténèbres. Un échange de regards suffit à mettre leurs intentions au diapason et c’est d’un pas rapide, presque à mi-course, qu’ils s’ébrouèrent ensemble à la poursuite de l’intriguant.

A quelques distances devant eux, un trottinement régulier leur indiquait la direction à suivre. La piste fut d’autant plus simple à suivre qu’en-dehors d’une intersection qui se révéla rapidement stérile, aucun embranchement ne vint perturber leur progression. Leur marche rapide les fit se présenter aux abords d’un dernier passage au-delà duquel la roche cédait la place à des blocs de pierre aux reliefs lisses et ordonnancés en quinconce, avec une régularité ordonnancée et une sapience achevée.

L’endroit résonnait d’un air chaud, inhabituel à cette profondeur où jusqu’alors l’humidité surchargeait l’atmosphère. Loin d’être désagréable au premier abord Calimène lui trouva par la suite d’étranges relents de souffre, peut-être provoqués par son imagination.

Pénétrant dans une première salle au plafond hautement disposé, ils s’armèrent immédiatement en constatant la présence d’un interlocuteur au faciès ingrat et au teint verdâtre.

« Rôde-la-Nuit, prisonnier, majordome et locataire du Mausolée d'Amon-Râ » croassa-t-il d’une voix particulièrement rocailleuse.

Ses deux interlocuteurs restèrent interdits ; l’affaire méritant indubitablement de plus amples explications.

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Dernière édition par Antismène le Mar 23 Avr 2013 14:19, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 22 Avr 2013 17:51 
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Interlude guttural


Le Champion d’Oaxaca consultait les cartes volées dans les ruines de Kaër-Rakem, entouré de ceux qui lui tenait lieu d’état-major. Affichant une suffisance extrême, il observait le détail de ce que les anciennes langues gutturales des Mères désignaient sous les vocables de « sentiers crépusculaires » ou encore de « sombres sentes ». Sans ces chemins décrits avec précision par les anciens locataires du royaume sous la Montagne, l’œuvre de conquête qu’il avait entamé aurait été sévèrement ralentie.

Posant le doigt sur le cuir élimé par les âges, il détailla par le menu le détail de ses possessions : des ruines de Kaër-Rakem jusqu’aux trous de vers de l’Edira, tout être lui était inféodé, soumis ou passé par le fil de l’épée. Même les créatures s’agitant aveuglément dans les éternelles Fosses Abyséennes avaient préféré rester hors de sa route et de sa destination finale : Kendra-Kâr.

A Kaër-Rakem ses artifices fluidiques lui permirent d’évincer plus d’un mystère ancien et de déjouer des sortilèges qui avaient livré nombre d’esprits moins puissants que le sien à la vindicte des vents éternels voleurs d’âmes.

Dans l’Edira, où les Vers broient roches et chairs dans le même élan aveugle, il avait soumis ces bêtes sans âmes à son bon vouloir ; par la torture et la douleur, l’asservissement magique et le dressage.

Sous le massif du Hon, sous les frontières d’Oranan, il avait mené une longue guerre face aux tribus Garzoks réputées pour être parmi les plus sauvages entre toutes ; et face à leur bêtise crasse, le génocide provoqué lui avait paru être une solution somme toute raisonnable.

Enfin, cerise délectable, c’est sous les racines désormais amputées d’un des Arbres Anciens qu’il avait vaincu, rapière en main, l’un de ces Elfes des roches, ancien tout autant que mystique mais pourtant piètre bretteur au regard de ses affirmations d’avant leur duel.

Désormais et à son approche, les clans de moindre envergure fuyaient purement et simplement lorsqu’ils ne se soumettaient pas immédiatement à sa bannière. Et déjà, un tiers du Domaine souterrain portait sa marque.

Une marque imprimée par le feu sur le sang.

Car s’il était un Monarque ses projets secrets nécessitaient aussi qu’il soit un Despote.

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