A la question d'Alistair, le shaakt répondit, défaitiste, que rien de ce qu'il n'avait appris ne serait utile contre Vallel. L'assassin se tourna vers Gurfelion, allongé au sol. Il tenait son imposante épée contre lui ; sans doute le jeune elfe avait-il jugé bon de lui accorder une mort les armes à la main. Mais le semi-hafiz n'en avait pas terminé avec lui.
« Je n'ai pas saisi votre nom, » fit-il à l'attention du shaakt, lui rappelant qu'il ne s'était pas présenté.
« D'Esh Elvohk Kiyoheiki, instructeur d'Oranan, » répondit l'autre, protocolaire.
Il n'était donc que semi-elfe, ce qui expliquait ses traits légèrement humains, mais surtout son port fier et son dialecte guindé. Il était donc Ynorien d'éducation.
Avant d'en revenir à Gurfelion, Alistair profita de la présence du guérisseur pour débander sa main gauche. Elle le faisait souffrir et risquait fort de s'infecter s'il la laissait dans ce linge sale, arraché sur le cadavre d'un garzok. D'autant que l'étoffe n'avait pas complètement arrêté l'hémorragie. Ca avait beau n'être qu'une blessure à la main, loin de toute artère, la profondeur suffirait, à terme, à provoquer quelques vertiges, surtout au vu de sa forme physique, après deux jours de chevauchée et une longue bataille.
« Avez-vous par hasard encore assez d'énergie pour soigner ceci ? » lui demanda-t-il, tendant la plaie béante devant les yeux de l'hybride.
Mais son interlocuteur était visiblement tout aussi épuisé que lui-même, il pouvait le lire dans sa posture et sur son visage. Et le dénommé Kiyoheiki lui donna raison : il n'était certainement pas capable de lancer un nouveau sort. Il sortit néanmoins une gourde de son sac, qu'il tendit à Alistair. Elle contenait des potions curatives.
« Merci, » répondit simplement Alistair en attrapant l'outre, dont il but une pleine gorgée immédiatement avant de la rendre à son propriétaire.
Malheureusement, l'effet ne fut pas aussi puissant qu'il ne l'avait escompté. Si la plaie se referma, elle restait douloureuse, et ce n'était pas une cicatrice qu'il y avait mais une épaisse croûte. Le sang avait coagulé, la blessure avait été nettoyée, mais il devrait attendre quelques jours avant qu'elle ne soit réellement guérie. Et la cicatrice serait certainement vilaine à regarder. C'était mieux que rien, ceci-dit. Détournant son attention de sa main blessée et se tournant vers le corps de Gurfelion, Alistair reprit la parole.
« Pensez-vous qu'il détient des informations sur l'armée de Vallel ? » demanda-t-il au shaakt.
Kiyoheiki fronça légèrement les sourcils, presque imperceptiblement. Gurfelion était le bras droit de Vallel, autrement dit il savait très certainement presque tout de son armée. Mais... selon lui, le traître Pâle vouait une fidélité sans limite au Lieutenant Oaxien. Il préférerait mourir que de parler. Alistair poussa un soupir ; il s'en était quelque peu douté, mais il fallait pourtant essayer.
« J'ai cru comprendre que la mort était justement ce qu'il désirait, » répondit-il au jeune Ynorien. Puis, à Gurfelion : « Une mort rapide, votre épée en main, est peut-être ce que l'on peut vous proposer contre ces informations ? »
Il doutait que cette seule proposition suffise à le faire parler, cependant. Et le guerrier déchu lui donna raison d'un regard noir.
« De votre main, rien ne me satisfera. Vous êtes l'image même de mon échec ici : la pourriture que les miens, aveuglés par vos discours dépréciateurs et condescendants, suivent sans se rendre compte qu'ils courent à leur propre perte. »
Alistair resta impassible à cette remarque ; vraisemblablement, Gurfelion le haïssait. A côté de lui, Kiyoheiki ferma les yeux, comme touché par la remarque du faux-gouverneur. Il voulait le rendre aux Pâles. Mais l'assassin fronça les sourcils, il l'avait sauvé pour en obtenir des informations, il n'abandonnerait pas maintenant. D'un ton ferme, il refusa, sans équivoque.
« Non. Il peut avoir des informations cruciales pour gagner cette guerre, on ne peut pas le laisser aux mains des Pâles maintenant, ils ne feront que l'exécuter et il emportera ce qu'il sait dans la tombe. »
« Il en a, » rétorqua l'autre. « Et il les taira. »
Alistair secoue la tête, le visage dur.
« Il est un peu tôt pour baisser les bras. Peu importe le degré de sa loyauté, à la fin c'est sa tolérance à la douleur, physique et mentale, qui décidera de ses derniers mots. »
En fait, il doutait lui-même de ses mots. Il avait déjà eu un aperçu de ce que le fanatisme et la loyauté pouvaient faire d'un homme, et cumulé avec un esprit de fer comme celui de son ennemi vaincu, il y avait fort à parier que les tortures soient longues et fastidieuses avant qu'il ne lâche la moindre bribe d'information. Bien sûr, il pourrait certainement le briser à la longue, mais ils n'avaient pas des semaines devant eux.
A la menace de torture d'Alistair, Gurfelion réagit de nouveau. Se redressant sur son coude pour se pencher vers eux, il cracha sur les bottes de son ennemi victorieux, haineux.
« Voilà tout ce dont vous êtes capable, comme honneur. L'irrespect d'un ennemi tombé. Tout en vous me révulse, assassin. J'espère que d'ici la fin, ils verront quelle personne immonde vous êtes. »
A ces mots, le voleur fronça de nouveau les sourcils. Il n'avait aucune honte à être traité de meurtrier, il savait ces mots vrais. Mais cet homme face à lui n'en savait rien. Il n'avait fait que parler pour se décharger de ses propres fautes, pour trouver un bouc émissaire, et, après une telle journée, une telle soirée, ces mots eurent le mérite d'énerver l'auto-proclamé négociateur.
« Ha ! Assassin... », commença-t-il, railleur. « Car la cinquantaine de civils morts par votre faute a pu se défendre, se débattre ? Parce qu'elle a eu droit à un quelconque honneur ? Vous n'êtes pas plus un guerrier que moi, Gurfelion. Vous êtes un assassin. »
« Et pour ça je demande la mort, » rétorqua-t-il. « Alors que vous demandez qu'ils vous suivent comme un héros. La voilà, la différence entre nous. »
Mais Alistair commençait à perdre patience. Il était là pour obtenir des informations, et plus vite il les aurait, plus vite il pourrait passer à autre chose. La nuit avait été longue, et elle n'était pas terminée. Il était temps de laisser les négociations de côté et d'engager l'interrogatoire. D'un coup de pied à l'épaule, il fit chuter Gurfelion, qui tomba de nouveau sur le dos, endolori. Malheureusement, Kiyoheiki ne voyait pas les choses de cette manière. Maudits Ynoriens avec leur éthique et leurs codes d'honneur. Il plaça son arme entre eux pour empêcher l'assassin d'aller plus loin.
« Alistair... Vous avez triomphé. Vous ne tirerez rien de lui. Ne lui donnez pas davantage raison à votre sujet. »
Mais son arme tremblait, témoignant de la fatigue cumulée du semi-elfe. La situation commençait à dégénérer, énervant plus encore l'assassin, qui reporta cette fois cette colère sur le guérisseur, haussant le ton.
« Vous vous obstinez à défendre ce lâche, ce traître qui a causé la mort de tous ces civils ? Si je vous ai demandé de le soigner lui plutôt que l'un de nos alliés c'était pour obtenir des informations. Ou alors vous préférez aller dire à Hirotoshi que votre magie n'a suffit qu'à rendre les derniers instants de notre ennemi plus supportables ? Que nous avons abandonné avant même d'essayer car nous ne voulions pas lui donner raison à mon sujet ? Il s'agit de victoire, ici, Instructeur, il s'agit de gagner une guerre, pas de soigner notre image. »
Mais l'autre resta stoïque. Il qualifiait ses intentions de nobles, mais ses méthodes d'omyriennes. Alistair reprit un ton égal, mais froid. Le shaakt était décidément trop doux pour cela. Ou trop arrogant, peut-être, de cet orgueil qui fait croire à ses possesseurs qu'ils sont « trop bons pour ça », « trop nobles ». De cet orgueil qu'on tous les donneurs de leçon qui veulent se donner contenance après avoir tué des dizaines de personnes pour leur patrie. C'était une guerre, on la gagnait ou on la perdait, il n'y avait pas de noblesse ou d'honneur.
( Ces stupides Ynoriens, qui voient de la dignité dans un acte qui en est pourtant entièrement dépourvu... )
« Alors vous consolerez les esclaves Oraniens en les rassurant sur nos méthodes lorsque votre patrie sera tombée aux mains d'Oaxaca, » lui fit-il. « Je suis sûr qu'ils en dormiront tous mieux la nuit. »
Mais l'autre resta stoïque une nouvelle fois. Il ne comptait pas répondre à ces provocations, disait-il. Il commençait à sérieusement agacer Alistair. Néanmoins, celui-ci se força à reprendre une certaine contenance : envenimer la situation n'amènerait rien.
« Il n'y a pas d'honneur dans la guerre, Sieur Kiyoheiki, » fit-il après un profond soupir. « Il y a seulement des vainqueurs et des vaincus. Ne laissez pas vos principes nous abandonner dans la seconde catégorie. Mes méthodes ne sont ni Ynoriennes ni Omyriennes, elles sont simplement efficaces. Alors peut-être qu'il résistera, peut-être que ce sera vain... Mais si nous obtenons ne serait-ce qu'une information cruciale, alors cela aura été utile. »
Ynorien jusqu'au bout des orteils, le shaakt invoqua les principes des siens. C'était, disait-il, ce qui les définissait. Pourtant, Hirotoshi lui avait donné son accord pour cette torture. Il n'avait pas eu l'air de se soucier du sort de ce traître. Comme quoi, même chez les Ynoriens les principes n'étaient pas les mêmes.
Cependant, certainement conscient qu'il fallait arriver à un compromis, Kiyoheiki offrit une chance à Gurfelion de s'en tirer sans plus de heurt. Il lui proposait une information contre une mort de sa main.
« Rien de ce que je pourrais dire ne saurait lui nuire, » répondit celui-ci, entêté. « Et pourtant, encore, vous me demandez de le trahir. Quel compagnon serais-je, que de demander la mort en échange d'une trahison ? Je préfère encore agoniser cent ans que de me salir de la sorte. »
Alistair perdait de nouveau patience. Le gouverneur déchu semblait appeler la lame de Kiyoheiki à lui. Pourtant, en refusant encore une fois, il se la refusait, de lui-même.
« La taille de la troupe de Vallel, » rebondit Alistair, agacé. Cette simple information pouvait les aider à se préparer. Et elle ne représentait trois fois rien pour lui. « Et je le laisserai vous donner cette mort que vous attendez. »
Ainsi, il abandonnait l'idée de le torturer. Il n'avait jamais trouvé ça particulièrement plaisant, de toute manière, et une bonne information valait mieux que des heures de supplice en vain.
« Qu'importe leur nombre, vous ne parviendrez pas à les défaire, » rétorqua Gurfelion. Puis, abdiquant : « Plus de quarante mille peaux-vertes. Sans compter les créatures noires... Sans compter les rats. Oranan brûlera, car telle est la volonté de Vallel. »
A cette annonce, Alistair resta bouche bée quelques instants, les yeux écarquillés, alors que la lame de Kiyoheiki cognait le sol. Puis, après un imperceptible soupir, l'assassin prit enfin la parole.
« Ah. C'est un peu plus que je n'espérais. »
Le shaakt, plus choqué encore que lui, lui demanda combien il y avait de soldats cette nuit.
« Heu... je ne sais pas..., » commença-t-il en secouant. Il cherchait ses mots, tentait de compter, mais les chiffres lui semblaient à la fois gigantesques et ridicules. « Nous étions environ cinq cent en provenance de Fan-Ming... Peut-être cinq milles Pâles ? Un peu plus, un peu moins, je ne sais pas... Mais trop peu. »
« Je... Vois... » répondit l'autre, déboussolé.
Puis, après un léger silence, il demanda si sa réponse lui suffisait. Alistair fixa quelques secondes le corps de Gurfelion, pensif, mais finit par hocher doucement la tête.
« Il a raison, rien de ce qu'il pourra nous dire ne changera réellement la donne. Vous pouvez lui donner la mort. »
Après que le shaakt lui ait demandé comment il désirait périr, alors, Gurfelion présenta sa gorge. Et, la seconde suivante, celle-ci était tranchée, proprement, nettement. Il n'aurait pas beaucoup le temps de souffrir. Il n'aurait aucune chance de s'en sortir. Et comme ça, après seulement quelques secondes de gargouillis, il était parti. Alistair avait observé la scène sans ciller. Lorsque la rapide agonie fut terminée, il hocha la tête et conclut.
« Eh bien, voilà qui est fait. Il aura même eu la mort qu'il voulait et non celle qu'il méritait. »
Le semi-elfe observa le sang qui coulait de sa lame un long moment avant de répondre. Il répéta alors le nombre de leurs ennemis, comme n'en revenant toujours pas, puis suggéra qu'ils profitent de la fin de la soirée pour se reposer.
« Nous avons vaincu un ennemi supérieur en nombre et en embuscade ce soir, » répondit Alistair. « Mais la tâche qui nous attend sera sans commune mesure. »
Sa mission achevée, il s'apprêta à partir, enfin, mais il se ravisa au dernier moment.
( Il possédait peut-être de bons équipements, ) songea-t-il. ( Et en parlant d'équipement, peut-être que ce shaakt pourra m'aider. )
« Ah, une dernière chose. Vous qui manipulez la magie, vous pensez-vous capable d'identifier les propriétés d'un objet magique ? »
Mais l'intéressé secoua la tête : il était guérisseur, pas enchanteur.
« Tant pis, j'imagine, » rétorqua l'autre avec une grimace.
Il devrait trouver quelqu'un d'autre. En attendant, il patienta jusqu'à ce que Kiyoheiki s'en aille enfin, conscient que celui-ci ne verrait pas d'un bon œil ce qu'il s'apprêtait à faire et, lorsqu'il tourna finalement les talons, le voleur se pencha sur le corps de Gurfelion. La fouille ne s'avéra pas particulièrement payante, en dehors d'une chevalière de très belle facture. Alistair l'enfila sans plus attendre, puis, enfin, quitta le chevet de son ennemi abattu.
Sa tâche terminée, Alistair partit à la rencontre de la mystérieuse jeune femme cagoulée. Il avait deviné qu'elle était Charis en la voyant arriver en compagnie d'Eva et des Ynoriens, aussi avait-il des questions à lui poser. Ou en tout cas une : comment s'étaient-ils débarrassés des géants ? Lorsqu'il avait pénétré la cité, ceux-ci semblaient s'avancer encore et toujours plus, sans s'inquiéter des Pâles qui leur barraient la route, et pourtant quelques minutes plus tard la jeune femme lui avait annoncé leur déroute. Maintenant qu'il savait que quarante-mille garzoks les attendaient à Fan-Ming, il espérait trouver quelques bonnes nouvelles pour y faire face.
« Dame Charis, je présume, » l'aborda-t-il. Puis, lui tendant la main en guise de salut : « Alistair, nous avons échangé par télépathie. »
La jeune femme, aux us apparemment bien différents, inclina le buste, la main sur le cœur, avant de se redresser et d'abaisser son masque. Mais, voyant le geste du voleur, elle consentit finalement à tendre le bras à son tour, ne sachant visiblement pas trop quoi faire pour autant.
« En effet, messire, je vous remercie d'avoir envoyé du soutien, il fut plus que bienvenu. »
« Je voulais savoir... Comment avez-vous fait fuir les géants si rapidement ? » demanda Alistair en profitant de son visage maintenant découvert pour l'observer discrètement. Elle était belle, à n'en pas douter.
« Des flammes se sont abattues des cieux et un rideau igné à déferlé sur leurs êtres, » rétorqua-t-elle, provoquant un haussement de sourcil chez le voleur. « Ils ont fuit face à ce qu'ils ne connaissaient pas. Je suis arrivée au cours de la bataille, sauriez-vous me dire ce qu'il s'était passé et les forces en présence ? »
« Et... d'où sont venues ces flammes ? » insista-t-il. Puis, répondant à sa question : « Quant à la bataille... Ce sont les troupes Omyriennes qui ont pris la cité des Pâles. Mais ceux-ci s'étaient cachés dans la forêt pour organiser une attaque surprise avec l'aide de la troupe Omega, de Fan-Ming. »
La dénommée Charis consentit enfin à dévoiler la nature de ces flammes. Elles étaient siennes, en fait. Mais elle ne semblait pas particulièrement habituée à le dévoiler : ses pouvoirs étaient très récents. Alistair hocha la tête en guise de réponse. C'était une bonne nouvelle, selon lui. La magie avait fait déguerpir des créatures colossales comme les géants, elle pourrait les aider par la suite. Mais lorsqu'elle parla de leur victoire, le vissage du semi-hafiz s'assombrit.
« Ne vous réjouissez pas trop vite... Il reste une seconde armée, menée par Vallel en personne, aux portes de Fan-Ming. Et si j'en crois les dernières informations que j'ai eues... Nous serons moins de sept-mille contre plus de quarante-mille. »
Et encore, sept-mille était une estimation très optimiste. Il avait compté sur la présence de tous les acteurs de cette bataille sur le déclin, or certains d'entre eux avaient déjà prévu de rebrousser chemin dès le lendemain. Et c'était sans compter les nombreuses pertes qui avaient sans doute dû être essuyées dans leur camp. En bref, ils ne serait sans doute pas plus de quatre ou cinq mille. Un soldat pour dix, donc. Après un léger soupir, il reprit la parole, légèrement optimiste.
« Vos pouvoirs sont une bénédiction ici. Il semblerait qu'ils soient décuplés sur Aliaénon, et c'est probablement notre seule moyen de renverser le rapport de force. »
Mais, comme il s'y attendait, l'annonce du nombre des forces ennemies choqua quelque peu la belle, qui écarquilla les yeux en répondant. Il leur fallait plus de soutien, disait-elle, et convaincre les femmes d'Arothiir. Apparemment, elle n'avait pas compris que ses estimations les comptait déjà, mais le voleur ne prit pas la peine de le lui faire comprendre. Elle avait également une bonne nouvelle, cependant, puisque plusieurs sorciers du feu, les Cadi Yangin, prenaient actuellement la direction de Fan-Ming pour les aider. Elle avait cependant peur que la magie ne soit pas à sens unique.
« Je ne suis pas sûr que nous ayons tant à craindre de la magie de leur part, » la rassura Alistair. « Les garzoks, en dehors de quelques shamans, n'ont jamais été particulièrement doué dans ce domaine. Et j'ai entendu une prophétie qui mettait en avant les magiciens. Entre les Essérothéens qui nous attendent à Fan-Ming et les sorciers du feu dont vous parlez... Ce sera difficile, mais si vos seuls sorts ont fait fuir des géants, tout n'est pas perdu. Mais je suis d'accord, il nous faut plus de soutien. Mais je ne suis hélas pas très au fait de la politique d'Aliaénon. En dehors de ces femmes, reste-t-il des peuples à convaincre ? Reste-t-il des peuples qui pourront faire pencher la balance en notre faveur ? »
Mais elle n'avait pas plus de connaissances concernant Aliaénon que lui, apparemment, aussi suggéra-t-elle de demander directement aux Ynoriens.
« Je dois discuter avec la Princesse Honoka de toute manière, » acquiesça l'assassin. « Peut-être pourriez-vous vous adresser aux Pâles pendant ce temps ? »
Elle accepta, mais lui demanda où ils étaient. Les ayant identifié un peu plus tôt, Alistair pointa Astidenix et la Reine d'un signe de tête.
« Je ne les connais que de vu, mais il me semble que le gouverneur Astidenix et la Reine sont ces personnes là bas. » Mais, alors qu'elle s'apprêtait à partir, il la retint. « Ah, avant que vous ne partiez, vous pensez vous capable d'identifier les propriétés d'un objet magique ? J'ai trouvé un pendentif que je soupçonne d'être lié à Sharal Naam, un général Omyrien. »
Si elle découvrait tout juste ses pouvoirs, peut-être était-ce quelque peu optimiste, mais qui ne tentait rien n'avait rien. Pourtant, bien qu'elle ne fut pas particulièrement confiante, elle accepta de jeter un œil au pendentif. De tenter. Alistair le sortit de sa poche, le lui tendant, et le verdict tomba bien rapidement. Après quelques secondes d'observation, elle le lui rendit, visiblement inquiète. Cet artefact était sombre... magique mais ancien et lié à la mort. Elle sentait une sorte de malédiction s'en dégager, comme s'il était possédé, comme s'il était vivant. Elle le sentait qui tentait de l'atteindre, de la posséder à son tour. Pour autant, il pourrait s'avérer puissant. Il pourrait augmenter la puissance de son utilisateur, mais d'une façon malsaine et dangereuse. Mais il était, selon elle, définitivement néfaste. Alistair observa l'objet, muet. Il était quelque peu fasciné. Si elle n'avait fait qu'amplifier ses craintes déjà présentes, elle avait également augmenté son intérêt pour le pendentif. Pourquoi ce garzok avait-il accepté de le porter s'il ne conférait pas une puissance grandiose ? Cet artefact était teinté de mystère, et il n'avait pas abandonné l'idée de les percer à jour.
« Eh bien merci, » fit-il finalement en reportant son regard sur la jeune femme. « J'ai bien fait de ne pas l'essayer je suppose. Bon, je vais voir la Princesse, bonne chance avec les Pâles. »
Puis, après un dernier salut, chacun tourna les talons, en route vers sa nouvelle cible.
S'approchant de Honoka, Alistair lui adressa un signe de tête en guise de salut. Ce n'était pas très formel, mais cela suffirait.
« Princesse. Avez-vous quelques minutes à m'accorder ? J'ai une nouvelle inquiétante à vous annoncer. »
Visiblement troublée, comme s'attendant au pire, l'intéressée s'approcha du voleur, sous le regard suspicieux et protecteur de Chihiro.
« Parlez sans crainte, Yuimenien. Vous avez mon attention. »
« Je ne sais pas si vous en avez eu vent, mais la seconde armée doit arriver aux portes de Fan-Ming dans la nuit, ils y sont peut être déjà. Et je viens de m'entretenir avec un général de Vallel... il m'a dit que ses troupes étaient de plus de quarante mille hommes. »
A l'annonce de ce nombre, la Princesse perdit toute contenance, toute couleur. Naturellement pâle, elle semblait maintenant complètement blanche. Après quelques balbutiements, cependant, elle raffermit ses paroles, tâchant d'adopter une attitude optimiste.
« Fan-Ming doit tenir. C'est une forteresse faite pour résister à un siège, même nombreux. Et elle a en son sein des soldats entraînés qui ne failliront pas. J'ai été mise au courant de la présence de la seconde armée. Puissions-nous arriver à temps, en partant au plus tôt. Mais le repos est nécessaire, ce soir. La bataille fut rude pour nombre des guerriers présents ici, Ynoriens, Päles ou Yuimeniens. »
« Je veux bien croire à la vaillance des Ynoriens, mais elle ne suffira pas, » la démentit Alistair. « Vous qui connaissez la politique de ce monde... Y a-t-il encore le moindre peuple que l'on pourrait appeler à grossir nos rangs ? »
Mais, comme il le craignait, la réponse fut négative. Quand bien même y aurait-il encore eu des peuples prêts à prendre les armes, ils n'arriveraient jamais à temps. Alistair hocha la tête, résigné.
« C'est ce que je craignais. Mais il nous reste la magie. Elle a fait des miracles cette nuit, j'ose espérer qu'elle en refera à Fan-Ming. Mais il faudra convaincre Tsukiko de lever la barrière, si ce n'est pas déjà fait. Je vais me reposer ici pour le moment, mais dès demain je repartirai à Fan-Ming par voie magique pour tenter d'y organiser les défenses. En espérant arriver à temps. »
Honoka lui donna raison concernant la magie, mais elle émit des doutes concernant le conseiller. Il l'avait toujours crainte, disait-elle, et il ne serait pas aisé de le convaincre de couper le bouclier. Alors, après un dernier salut, Alistair s'en alla. Il lui restait une personne à aller voir.
Il trouva Loona en discussion avec une jeune femme dont il ignorait le nom, dans un coin de la place centrale. Mais lorsqu'il s'approcha, cette dernière s'éloigna quelque peu, leur donnant un peu d'intimité.
« Dame Loona. Je suis venu vous dire que je prendrai un cheval ailé pour Fan-Ming dès demain matin. Avec vous, si vous êtes toujours d'accord. Mais d'abord, je crois qu'il me faut un peu de repos. »
Avare en paroles, l'intéressée se contenta d'un hochement de tête. Mais Alistair ne s'en alla pas pour autant. La jeune femme qui s'était éloignée, une jeune femme aux cheveux ardents, avait attiré son attention. Evidemment, il ne pouvait se permettre de la courtiser devant Loona, mais il s'approcha néanmoins d'elle, se présentant. Et puis, si elle discutait avec la ténébreuse jeune femme, peut-être était-elle de la même origine ?
« Je suis Alistair. Êtes vous également une Essérothéenne ? » demanda-t-il en tendant sa main droite.
« Glanaë, » se présenta l'autre en acceptant la main du voleur, « enchantée. Effectivement, je suis une survivante d'Esseroth. J'étais là quand notre ville est tombée. »
Près de lui, l'assassin sentait le regard perçant de Loona. Etait-elle jalouse ? Il aurait bien aimé, en tout cas.
« Quels sont vos pouvoirs si je puis me permettre ? » questionna Alistair. « Je vais avoir besoin de tous les connaître pour organiser les défenses de Fan-Ming. »
« Je suis maîtresse des illusions. Je fais voir à d'autres ce qui n'existe pas. »
Le semi-hafiz haussa les sourcils aussitôt, faisant immédiatement le rapport.
« Êtes vous à l'origine du dragon qui nous a protégé des archers, devant les portes ? »
Non sans une visible fierté dans le regard et la voix, l'intéressée lui donna raison. Alistair laissa échapper un léger sourire.
« Eh bien on dirait que je dois la vie à chacune d'entre vous alors. Merci. Votre pouvoir a fait ses preuves, et il pourrait nous être utile. Viendrez-vous avec nous demain ? »
Glanaë acquiesça, et, ayant terminé avec elle, le voleur adressa un signe de tête à chacune d'elle.
« Prenez du repos ; nous en aurons tous bien besoin. »
Puis, sans un regard en arrière, il les quitta.
« Cette nuit... est... bien trop longue, » marmonna-t-il après avoir fait quelques pas.
Car, en effet, elle n'était pas terminée. Bien sûr, chacune de ces conversations n'avait durée que quelques secondes, ou minutes, mais cumulées, après une telle chevauchée, puis une telle nuit, cela en devenait infernal. Et il lui restait encore deux choses à faire avant de finalement prendre un repos bien mérité. D'abord, il voulait tester la fiole suspicieuse qu'il avait trouvée sur le cadavre d'un garzok, mais pour cela il devait trouver un cadavre qui ne soit pas aussi... exposé. Il doutait que qui que ce soit voit d'un bon œil l'expérimentation sur le corps d'un ennemi vaincu. Aussi décida-t-il de vadrouiller dans les ruelles à la recherche d'un garzok isolé. Et la chance lui sourit bien vite. Car, face à lui, un garzok était littéralement accroché à une poutre d'habitation par une lance visiblement ynorienne. Et il n'y avait personne en vu.
Attrapant le manche de l'arme à deux mains, Alistair tira alors de toutes ses forces. Après une intense lutte contre ses propres muscles, et contre le bois, l'arme de jet céda enfin, décrochant le cadavre, qui s'écrasa par terre dans un bruit sourd. Il avait les bras à nus, cela suffirait. Sortant la fiole de sa ceinture, le voleur s'accroupit devant le cadavre et retira le bouchon de liège. Bien vite, une unique goutte perla du goulot pour venir s'écraser contre la peau nue du soldat Omyrien. Et... rien ne se passa. En dehors d'une odeur immonde.
« Ha. Ca brule pas la peau, donc. »
Sans se décourager, Alistair sortit Necis de son manteau et renversa de nouveau le flacon, faisant tomber quelques gouttes sur la lame de son ancienne arme.
« Rien sur l'acier non plus, » conclut-il. « Peut-être dans la chair ? »
Et, mettant en application son idée, il plongea l'arme obsolète dans l'avant-bras du garzok, l'entaillant profondément. Mais si du sang perla, la chair resta intacte, ou plutôt parfaitement scindée. Aucun signe de corrosion, aucune trace de nécrose n'était visible. Si c'était bien un poison, les effets n'étaient pas du genre visiblement destructeurs. Etait-ce seulement un poison, d'ailleurs ? Certes, l'objet semblait étrange, inquiétant, mais n'était-ce pas le cas de la plupart des objets de facture garzoks ? Il y avait encore une chance pour que ce soit là une potion aux propriétés curatives, ou en tout cas bénéfiques. Cela méritait donc plus d'expérimentations. Expérimentations qu'il ne pouvait malheureusement pas vraiment appliquer ici, ni maintenant.
Aussi, quelque peu déçu mais avec le sentiment d'en savoir déjà plus, Alistair reprit le chemin du centre de la ville. Il lui restait une dernière chose à faire. Revoir Eva, la semi-elfe qui connaissait les pouvoirs des Essérothéens.
Arrivé à destination, il ne mit pas longtemps à la trouver. Elle était dans un sale état, mais il devait lui parler avant d'aller dormir, car dès le lendemain, aux premières lueurs de l'aube, il prendrait la direction de Fan-Ming à dos de cheval ailé, Loona serrée contre lui.
« Dame Eva, » la héla-t-il. « Vous avez visiblement besoin de plus de repos que moi, alors je pense qu'il serait judicieux que vous me disiez ce que vous savez maintenant. Vous dormirez sûrement encore lorsque je prendrai le chemin de Fan-Ming, et j'aurai besoin de ces informations dès mon arrivée là-bas. Pouvez-vous me donner le pouvoir de chaque Essérothéen ? Je n'ai pas besoin de leur nom. »
Dès qu'il aurait cette fichue liste, alors, il partirait, enfin, se coucher. Il irait dormir comme il n'avait jamais dormi. Il se lèverait surement aux aurores, évidemment, mais quelques courtes heures seraient déjà une bénédiction.
Mais, dès le lendemain, Alistair devrait arriver à dos de cheval ailé... Et la barrière anti-magie l'en empêcherait certainement. Il serait risqué d'apparaître juste devant les troupes de Vallel. Aussi prit-il la pierre bleue dans sa poche et se concentra-t-il. Il y avait bien un homme à Fan-Ming, un Yuiménien : Xël.
( Ici Alistair, nous serons plusieurs à arriver à Fan-Ming par cheval ailé demain matin. Il est impératif de lever le bouclier au moins le temps que nous arrivions. Je répète, c'est impératif, ou nous risquons d'apparaître devant Vallel. )
(((4 940 + 3 025 = 7 965 mots)))
(((Je pourrai probablement pas répondre après la réponse d'Eva, si réponse il y a, donc considère que dès que la conversation est terminée il va se coucher.)))