Immédiatement après son message, Hirotoshi lui répondit par l'affirmative. Il entendait bel et bien la conversation entre Gurfelion et Alistair, et intimait donc à ce dernier de rester prudent et de ne pas utiliser la pierre simplement pour lui faire des rapports. Son conseil, cependant, se révéla bien inutile, compte tenu des événements suivants. Car l'auto-proclamé nouveau gouverneur de la cité était bien nerveux, baissant les yeux aux révélations du voleur, et serrant les mâchoires, de frustration tant que de tristesse. C'est finalement un regard empreint souffrances intérieures qu'il redressa vers le négociateur. Il semblait abattu. Alors il concéda sa victoire. Il admit sa défaite, il admit la perte de la ville. L'estomac d'Alistair se dénoua à ces déclarations, croyant avoir accompli son objectif, croyant avoir soutiré une reddition à l'ennemi. Mais Gurfelion baissa une nouvelle fois les yeux, serrant le poing. Et ajouta une phrase emplie de traîtrise et de lâcheté. Il leur rendrait cette victoire la plus amère possible.
Aussitôt son visage se redressa, mais seule la folie avait place dans ses yeux dorénavant. Il beugla un ordre aux garzoks qui l'entouraient. Un ordre fou. Un ordre dément, et dénué de toute raison. « Tuez ». Ce simple mot fit écarquiller les yeux d'Alistair, alors que, dociles, les orcs se tournaient vers les civils désarmés pour exécuter tous ceux qu'ils pourraient trouver. De stupeur tant que de colère, l'assassin hurla un « Non ! » presque machinal et dégaina immédiatement ses bien piètres armes. Derrière lui, les troupes Omega envahissaient la place, mais il était déjà trop tard pour bon nombre des Hommes-Pâles se trouvant derrière eux. Serrant les dents alors que Gurfelion le prenait lui-même pour cible, Alistair se mit en garde, haineux. Il se moquait du sort de quelques inconnus. Ou du moins, il s'en serait habituellement moqué. Mais ils s'étaient retrouvés ici pour les secourir, et c'était une énième défaite à mettre à son actif depuis son arrivée sur ce monde maudit. Il avait perdu par la faute de ce traître qui se tenait devant lui, ce lâche qui se disait protecteur de la cité alors qu'il n'en était que le bourreau. En tant que négociateur, il avait méjugé là démence qui animait cet homme, et maintenant il n'aspirait plus qu'à lui faire regretter sa défaite. Ou plutôt son amère victoire, comme le pseudo-gouverneur la lui présentait.
Très rapidement, alors que Gurfelion s'approchait à grande vitesse de lui en soulevant son énorme épée, un voile de ténèbres enveloppa une partie de la place. Alistair en profita pour se déplacer quelque peu en toute discrétion, alors que son adversaire donnait, quelques secondes plus tard, un énorme coup dans le vide. Le son de l'air et des pas du gouverneur étaient cependant largement couverts par le bruit des mêlées environnantes, empêchant l'assassin de pleinement déceler sa position. Bien plus discret de nature, néanmoins, il put se déplacer parmi les ombres sans risque de se faire détecter, traçant un large cercle autour de sa position initiale pour prendre son ennemi à revers. Mais Gurfelion continuait d'envoyer valser son arme avec force et démence autour de lui, provoquant des bourrasques d'air qui, si elles permettaient à Alistair de le localiser, l'empêchaient néanmoins de s'approcher assez pour lui porter un coup. Visiblement, son ennemi avait l'intention de l'emporter dans sa chute coûte que coûte.
Après quelques secondes d'attente près de la position supposée de son adversaire, la chance sourit au voleur. Un temps de latence se fit entendre après une énième attaque du faux gouverneur, et il n'en fallut pas plus au négociateur pour s'élancer vers lui, armes en avant. Il visa à la hauteur de ce qu'il pensait être son visage, mais, sous-estimant la taille de l'Homme-Pâle, qu'il n'avait vu que près de garzoks particulièrement imposants, ne rencontra qu'un morceau d'armure. Les deux dagues glissèrent le long de la cuirasse sans faire plus de dégât, et, immédiatement, Gurfelion envoya son coude dans le ventre du semi-hafiz, qui se tordit sous la douleur sous l'impact. Son plastron de cuir flambant neuf avait amorti une parti du choc, mais la violence du coup lui coupa néanmoins le souffle pendant quelques secondes. Tout de suite après, un coup de pommeau vint le cueillir sur le thorax, et il chuta en arrière, se réceptionnant tant bien que mal en une roulade. Mais il avait lâché ses armes dans sa chute.
Utilisant l'avantage que lui conféraient les ombres de Loona, il s'éloigna de nouveau, en silence, profitant de la disposition des lieux pour reprendre son souffle après cet assaut raté. Il ne voyait absolument rien, certes, mais son adversaire non plus, et il ne lui laissait aucune chance de le repérer au son de ses pas. Gurfelion, par contre, reprit très rapidement sa danse dans le vide, lui exposant à nouveau sa position. Alistair en conclut très vite que son adversaire ne savait pas que lui non plus ne voyait rien ; il devait prendre son échec de plus tôt pour une simple erreur de débutant, et s'il lui laissait croire qu'il voyait bel et bien sa position, l'Homme-Pâle continuerait de se fatiguer inutilement pour dresser ce mur protecteur de sa lourde épée. Mais pour maintenir l'illusion, Alistair devrait prendre d'énormes risques, sans quoi son adversaire se douterait bien vite qu'il est tout aussi aveuglé que lui-même.
Alors, Alistair se concentra. Il s'approcha lentement de la position de Gurfelion, qu'il ne devinait que grâce à ses halètements et au bruit que faisait son épée à chaque fois qu'elle fouettait l'air, et se concentra sur ses pas. Ses mains libres de toute arme, il pouvait pleinement se focaliser sur les mouvements de ses jambes, de son corps, et sur les mouvements d'air soulevés par l'arme de son adversaire. Il ferma même les yeux, se concentrant uniquement sur son agilité, sa flexibilité et ses réflexes. Alors, une étrange énergie le parcourut. Elle venait du plus profond de son être, et, tout à fait naturellement, il parvint à la manipuler pour la répandre dans chacun de ses muscles. Elle semblait sortir de nulle part, ou plutôt d'une source inconnue et immatérielle, et il la déversa petit à petit dans chacun de ses membres. D'abord dans ses pied, des talons aux orteils. Puis dans les jambes, des mollets aux cuisses. Vinrent ensuite ses bras, ses épaules, puis l'énergie se déversa le long de son dos et de son torse. Chaque once de cet étrange et inconnu pouvoir vint décupler son agilité et ses réflexes, alors que les derniers fragments de ce qu'il reconnut comme étant du ki remontaient jusqu'à son cerveau pour décupler ses sens. Cette obscurité, c'était son élément. Il avait toujours excellé dans la furtivité, dans la dissimulation, et il comptait bien se rendre meilleur encore grâce à cette énergie.
Il arriva alors près de la position de Gurfelion et fit savoir sa présence de quelques pas plus lourds que d'ordinaire. Immédiatement, il entendit l'air soulevé par l'énorme épée et comprit la position de la lame. D'un pas vif sur le côté, il esquiva l'assaut, et vint bousculer l'épaule de son adversaire de sa paume, comme pour le narguer. Il entendit quelques grognements d'agacement alors que l'arme s'approchait encore dangereusement de lui. Poussés par le ki, les muscles de ses jambes se tendirent avant de le propulser en dehors de la portée de son adversaire. Il passa de nouveau derrière lui, lui donnant involontairement un coup d'épaule en passant, puis se baissa pour éviter une troisième attaque qui passa à quelques centimètres au-dessus de sa tête. Un coup de genou, bien plus furtif, vint cependant le cueillir au menton, le faisant reculer de quelques pas. Il frotta le bas de son visage, endolori, mais l'assaut, précipité, avait été faiblard. Désireux de le titiller tant que de se donner une composition assurée et sûre, Alistair railla son adversaire depuis sa position :
« Vous êtes de pitoyables lâches. Je suis partagé entre l'idée de me laisser aller à un fou rire incoercible ou celle de pleurer votre lamentable couardise. »
Aussitôt, les pas de Gurfelion se firent entendre : il se rapprochait de lui. Mais Alistair ne lui laissa pas le temps d'arriver avant de quitter sa position, et lorsque l'énorme épée s'abattit, il était déjà plusieurs mètres plus loin. Derrière lui, il pouvait ouïr les bruits des armes s'entrechoquant et de la chair se disloquant, mais face à lui c'était des halètements de plus en plus marqués qui se faisaient entendre ; son adversaire avait passé les deux dernières minutes à manier inlassablement sa lourde lame, et si son endurance semblait particulièrement impressionnante, les premiers signes de fatigues pointaient le bout de leur nez.
La chance d'Alistair le quitta aussitôt, cependant : le voile d'obscurité disparut aussi rapidement qu'il était apparut, ainsi que son unique avantage sur Gurfelion, qui pouvait désormais le voir sans le moindre problème.
( Merde, ) songea sobrement le voleur.
La nouvelle situation eut au moins le mérite de lui faire retrouver ses armes, tombées au sol non loin de lui. Alors que l'auto-proclamé gouverneur s'approchait de lui avec un rictus dément, il s'élança près de ses dagues, roulant au sol pour les ramasser tout en évitant un puissant coup d'épée de Gurfelion. Ainsi ré-équipé, il entreprit de continuer sa danse, mais en l'absence d'ombres, elle était cependant presque inutile. Seule restait son agilité hors normes, mais il advint très rapidement qu'elle ne suffisait pas à compenser la maîtrise et les réflexes tout aussi hors du commun du guerrier qu'il affrontait. Alors qu'Alistair évitait un coup d'épée, prêt à contre-attaquer, celui-ci envoya valser sa jambe en plein dans le ventre du voleur, qui se ramassa en arrière sous l'impact. Après s'être relevé en précipitation et avoir tenté une seconde esquive, c'est le coude de Gurfelion qui vint s'abattre sur son nez, le brisant dans un son écœurant alors que le corps de l'assassin reculait de nouveau de quelques mètres. La vision recouvrée, le gouverneur se révélait être un combattant d'une extrême adresse, en plus de posséder une force phénoménale.
( Saloperie, j'ai aucune chance contre ça, ) s'énerva intérieurement Alistair en serrant la mâchoire.
Il avait encore le souffle partiellement coupé par le coup de tibia qu'il avait reçu dans le buste, et son nez, tordu et en sang, le faisait effroyablement souffrir. Tant que Gurfelion serait armé, il n'aurait pas la moindre chance de gagner. Et au vu de ses prises au corps à corps et de sa force, même s'il parvenait à lui faire lâcher son arme, la victoire était loin de lui être acquise. Son dernier espoir était de tenir encore quelques minutes. Il n'en faudrait pas plus de deux, estimait-il, pour que les Ynoriens ne se débarrassent définitivement des garzoks. Car si ceux-ci étaient particulièrement redoutables et résistants, et qu'ils semblaient se révéler d'une pugnacité qui forçait le respect, ils n'en restaient pas moins victimes d'un rapport de force absolument inégal. A un orc pour cinq soldats de Fan-Ming, les officiers Oaxiens tombaient comme des mouches sans aucun espoir de survie. A leurs pieds, cependant, gisaient déjà les cadavres de tous les civils parqués sur la place. En cela, Gurfelion avait atteint son objectif : la victoire leur serait bien amère après de telles pertes. Et Andel'Ys serait-elle prête à offrir ses forces à Fan-Ming après que ceux qui se disaient leurs alliés aient laissés s'opérer un tel massacre ? Bien sûr, ce n'était pas forcément de leur faute, mais la tâche qui leur avait été confiée était de sauver les civils, et ils avaient, au moins partiellement, échoués. Sans autre menace pesant sur leur peuple, les Hommes-Pâles trouveraient sans doute peu de raison d'aller venir en aide à leurs voisins.
Reportant son attention sur son adversaire, qui s'approchait de nouveau, arme en l'air, Alistair jura entre ses dents avant de se décaler une énième fois sur le côté. L'imposante lame siffla près de son oreille et frôla son épaule, mais à peine esquissa-t-il un mouvement pour contre-attaquer en direction du visage de son ennemi que celui-ci faisait jouer de ses imposants muscles pour faire changer sa lame de trajectoire. Le plat de l'épée vint frapper Alistair en pleine poitrine, le faisant chuter immédiatement et lui coupant le souffle plus encore que lors des précédents assauts. Sa tête vibrait alors qu'il se relevait péniblement à l'aide ses bras, lâchant ses armes pour se utiliser ses mains. L'air ne trouvait plus le chemin de ses poumons et le sol semblait tanguer, alors que Gurfelion s'approchait dangereusement de lui pour mettre fin à ce combat qui n'avait que trop duré.
Le gouverneur, cependant, commit une première erreur. Probablement certain de sa victoire, il décida de la faire durer, et, au lieu d'y mettre un terme d'un coup d'épée, attrapa le voleur par le col pour le soulever. Ils étaient de taille équivalente, aussi les pieds d'Alistair touchaient toujours le sol lorsque Gurfelion vint planter son regard dément dans le sien. Mais il était fatigué, blessé et désarmé. Même dans ces conditions, l'assassin n'avait pas la moindre chance. Et pourtant... Pourtant, rassemblant ses esprits, Alistair se souvint d'une troisième arme en sa possession. Un poignard d'une qualité plus piètre encore que ses deux armes en fonction, qu'il gardait « au cas où » dans son manteau. Alors il plongea le plus rapidement possible sa main à l'intérieur de son vêtement et en resortit l'arme cachée avant de la diriger vers le cou de son ennemi. Celui-ci, surpris, dut lâcher sa prise pour intercepter l'arme du voleur. Mais plutôt que de continuer son assaut, ce dernier lâcha tout simplement le couteau et utilisa ses dernières forces pour s'éloigner de son ennemi, se penchant pour récupérer sa grande dague en passant. Puis, alors qu'il était à quelques mètres de Gurfelion, il hurla un « Loona ! » chargé de sens. En quelques secondes à peine, son assaillant était de nouveau sur lui, mais juste avant qu'il ne l'atteigne, un voile d'ombre vint camoufler Alistair. La dernière vision de l'assassin fut l'arrêt brutal du gouverneur devant les ténèbres naissantes dans lesquels il ne semblait vouloir s'aventurer.
Si sa vision était complètement altérée, il put cependant entendre très clairement les hurlements de rages que poussait Gurfelion en voyant sa cible lui échapper une fois de plus.
( Il faudra que j'épouse cette femme, ) songea l'assassin avec un rictus alors qu'il profitait de ces instants de répit pour reprendre des forces.
Mais le pouvoir de sa promise était limitée, il le savait, aussi devait-il en tirer parti avant que le voile ne disparaisse. Il avait une arme sur deux et plus rien d'utile dans sa veste. Et il devait se servir de ce peu d'éléments pour battre un ennemi largement supérieur techniquement. Il n'était pas dans les brumes depuis trente secondes lorsqu'il se décida finalement à agir. D'abord, il s'écarta de la trajectoire de Gurfelion puis s'approcha lentement de ce qu'il pensait être la limite du brouillard pour en jauger l'étendue. Après avoir subrepticement passé la tête au dehors juste assez longtemps pour ne pas être repéré mais pour comprendre la position de son adversaire par rapport à lui, il recula et défit sa cape. Le gouverneur s'était éloigné de quelques pas du voile de Loona, et lançait des regards nerveux vers la mêlée qui devait largement tirer vers sa fin. Il semblait à tout prix vouloir en finir avec lui, si bien qu'Alistair craignait qu'il ne finisse par s'élancer dans les ombres avant qu'il n'ait le temps de mettre son plan à exécution.
« Voilà l'attitude d'un couard : rester cacher jusqu'à ce qu'on vienne l'aider, » s'exclama Gurfelion à travers la brume. « Faible, laissez-moi laver l'honneur que vous avez souillé. »
Alors, comme toute réponse, Alistair envoya sa cape roulée en boule au travers des ténèbres en direction du visage de son adversaire. Et, immédiatement après, il sortit à son tour, mais un mètre à la gauche de son ennemi, qui chassait le tissu d'un coup de la main. Il avait remarqué que c'était son côté le plus faible, sa main dominante étant la droite. Et dès qu'il fut au dehors, à la vue du gouverneur, surpris, il plongea sur son bras le moins expérimenté, dague la première. Le guerrier tenta de se décaler, mais il était déjà trop tard : le voleur tendit son bras et planta le long poignard dans l'interstice de son aisselle. Un cri de douleur s'échappa des lèvres de Gurfelion alors qu'il lâchait sa lourde épée pour attraper le visage de son assaillant. Sous le poids d'Alistair, qui se retrouvait désormais happé par la poigne du gouverneur, les jambes de ce dernier flanchèrent, et ils tombèrent tous deux au sol, roulant l'un sur l'autre. Chacun tenta de prendre le dessus, mais il advint bien vite que, malgré le couteau planté profondément dans sa chair, Gurfelion était bien plus puissant que l'assassin. Après une lutte acharnée, se fut donc le gouverneur qui se retrouva au dessus d'Alistair, à califourchon, et aussitôt un puissant direct de son bras valide vint aggraver l'état de son nez. Mais, en riposte, le négociateur, qui n'avait plus cœur à négocier, donna un grand coup du plat de la main sur la dague coincée sous le bras de son ennemi, lui tirant un second hurlement de douleur. S'il parvenait à lui sectionner l'artère axillaire, il avait gagné. Mais, loin de se démonter, l'Homme-Pâle continuait de flanquer de grands coups au buste et au visage d'Alistair. Il était cependant bien moins vigoureux qu'auparavant, si bien que ses attaques, si elles endolorissaient le corps de l'assassin, ne lui procurait aucune lésion importante. Finalement, de son bras handicapé, Gurfelion vint retenir le poignet de son adversaire au sol pour l'empêcher de commettre plus de dégâts. Et ce fut son ultime erreur, car, le membre étant très clairement affaibli, Alistair n'eut qu'à donner un coup de son bras libre dans l'articulation du coude pour que le corps du gouverneur ne lâche. Il se retint de justesse de son autre membre, mais l'assassin profita de ce moment de répit pour les faire de nouveau rouler, appuyant de toutes ses forces sur l'épaule blessée de Gurfelion pour se trouver sur le dessus. Un rictus de douleur vint étirer les lèvres de l'Homme-Pâle, et il ne fit que s'amplifier lorsqu'Alistair attrapa la dague de ses deux mains et y mit tout son poids pour finalement trancher l'artère. Lorsqu'il retira la lame, un flot incessant de liquide rougeâtre s'échappa du corps de sa victime, qui tenta vainement de se redresser, la bave aux lèvres. Mais, quelques coups de poings plus tard de l'assassin, il abandonna finalement, vidé de ses forces par son abondante blessure.
Pour autant, le laisser mourir n'était pas dans les projets du voleur. C'était trop facile. Et puis, il pouvait potentiellement leur donner des informations capitales. Lui même à bout de souffle, Alistair puisa néanmoins dans ses réserves pour se relever et aller chercher la cape de dissimulation qu'il avait jeté au visage de son adversaire quelques secondes plus tôt. Il revint alors devant le corps inerte de Gurfelion, défit tant bien que mal son armure et entreprit de stopper l'hémorragie, serrant le linge le plus fort possible autour de la plaie béante. Ca ne tiendrait pas longtemps, mais ça pourrait lui permettre de survivre jusqu'à ce qu'un guérisseur ne passe par là.
Son travail achevé, le négociateur se redressa tant bien que mal pour observer les alentours. La place n'était plus qu'un immense amas de cadavres, avec pour seuls survivants les Ynoriens, qui semblaient venir de terminer leur bataille. Les corps des garzoks, morts dans ce qu'ils semblaient considérer comme honorable, avaient ainsi rejoints ceux des civils, tout simplement exécutés. La fatigue, la douleur et la colère y contribuèrent, mais face à ce spectacle, même Alistair ne put s'empêcher d'éprouver un léger pincement au cœur. Toutes ces personnes n'avaient rien à voir avec la guerre. Ca lui rappelait les victimes des troupes de bandits que son père chassait inlassablement, avant qu'il ne mette lui même fin à ses jours d'un bol de soupe empoisonné. Il n'allait pas les pleurer pour autant, mais il fallait reconnaître que le spectacle n'était pas glorieux. Dans leurs derniers instants, les garzoks avaient prouvé leurs méthodes une énième fois. Un massacre sans honneur ni gloire, dont ils semblaient pourtant tirer une si grande fierté.
Alistair secoua la tête, quelque peu atterré par le résultat de ses négociations catastrophiques, avant d'aller récupérer sa seconde dague, tombée au sol non loin de là. Après quoi il s'avança vers Hirotoshi, qui semblait indemne.
« Capitaine, on dirait bien que j'ai lamentablement failli. Je m'attendais à des fourberies de leur part, mais un tel massacre sans aucune sommation, je ne l'avais pas vu venir. J'en assumerai la responsabilité auprès de l'état major des Hommes-Pâles. Qu'ils sachent que celui qui a précipité cette situation était un aventurier, et non un officiel de Fan-Ming. Perdre leur soutien maintenant serait catastrophique. Quant à Ser Gurfelion, je ne l'ai pas achevé. Il faudrait le soigner pour tirer de lui des informations. Je sais ce que vous allez me dire : il ne va pas parler. Mais, s'il le faut, je suis prêt à user la torture. Nous sommes en guerre, après tout, et puis ce n'est pas comme s'il s'était montré d'une dignité prodigieuse aujourd'hui : il me semble que peu nombreux seraient ceux pleurant le sort d'une telle énergumène. »
Il avait lâché son discours presque d'un seul coup, si bien que sa nature quelque peu belliqueuse et impitoyable avait resurgit sans qu'il n'y prête attention. Mais il n'avait plus cœur à mentir, à se faire passer pour un sain. Il voulait en finir, rentrer chez lui et se reposer dans les bras confortables d'une prostituée. Ou deux. Trois ? Une dizaine ferait certainement l'affaire. En tout cas, il doutait que la poitrine de Saphir suffise à le consoler de la perte de temps que représentait cette aventure. Encore moins celle de Marielle, pratiquement plate. Peut-être celle de Loona ? Au moins le voyage jusqu'à ce monde n'aurait pas été vain, s'il pouvait goûter aux jeunes femmes locales. Surtout celle-ci. Mais encore fallait-il la séduire, et l'assassin doutait qu'elle soit particulièrement ouverte à la proposition en pareille circonstance. Ah, ou la belle Honoka. Mieux, Honoka et Chihiro. Après tout, cette dernière refuserait certainement de laisser la princesse avec un pareil individu, elle se sentirait obligée de les rejoindre pour le garder à l’œil. Enfin, il divaguait là. Parce que ses chances étaient certainement nettement plus élevées avec la Dame aux Ombres qu'avec son altesse cul-pincée.
( Reste les putes, encore et toujours, ) conclut-il avec amertume.
Oui, les prostituées du Purgatoire de Tulorim suffiraient à amoindrir la douleur de cette immense perte de temps. Il était venu pour se faire un nom, pour acquérir un respect suffisant pour rallier les différents petits clans de bandits de la cité marchande, mais voilà que, cinq jours plus tard, les seuls faits d'arme à son actif étaient de simples fiasco. La vérité c'était qu'il n'avait eu aucune incidence sur cette guerre jusqu'à présent. Aucune incidence bénéfique, en tout cas. Et sa fierté en prenait un coup. Alors il rêvait des seins d'une courtisane. Pour se consoler.
Chassant finalement ses doux rêves d'un mouvement de la tête, il attrapa la pierre bleue qui reposait encore dans sa poche et tenta de localiser quelqu'un. Mais qui ? Il fallait prévenir l'état major que le cœur de la ville était à eux, qu'ils avaient vaincu les quelques troupes encore à l'intérieur, mais comment ? Il ne ressentait que Hirotoshi et les autres aventuriers venus de Yuimen lorsqu'il entrait en contact avec la pierre de communication, et il ne savait pas qui était proche d'eux. Alors il opta pour un choix arbitraire. Le shaakt, ou semi-shakkt, il ne savait pas trop, qui lui avait confié que Gurfelion n'était pas un danger pour les civils. Peut-être était-ce la fatigue, peut-être se sentait-il finalement d'humeur mesquine et cherchait un bouc-émissaire pour décharger le fardeau de sa défaite. Toujours est-il que son message n'était pas tout à fait bienveillant. Enfin, au moins le nabot était-il guérisseur, il pourrait empêcher leur nouveau prisonnier de mourir.
( Ici Alistair, avec les troupes Omega. On dirait que vous accordiez trop de crédit à Gurfelion. Il a fait exécuter les otages alors que je négociais leur liberté. Vous pouvez prévenir l'état major ? Et accessoirement venir soigner le gouverneur, si vous le pouvez. C'est plutôt urgent. )
Son message envoyé, il lâcha la pierre, rompant le contact, avant de pousser un long soupir. Au moins avait-ils regagné la ville. Ne restait plus qu'à défendre Fan-Ming du gros de l'armée Oaxienne. Dirigée par Vallel en personne. "Plus qu'à..."
(((4 100 mots)))
(((Perte de la cape de dissimulation elfique et du poignard (For +1) qui est dans le sac.
Tentative d'apprentissage de la CCSA d'Assassin : Insaisissable :
L'assassin se fond dans les ombres et fait preuve d'une agilité quasi-démentielle pour éviter nombre des coups de l'ennemi (+0,75/lvl aux esquives pendant lvl/2 tours.).)))