Je sortis donc de la salle en compagnie d'Anastasia. Je ne savais pas trop comment l'aborder, c'était une jeune fille elle aussi, pourtant, elle avait l'air d'être tellement sûre d'elle qu'un vent glacial s'installa entre nous. Désirant briser la glace, je me mis à l'interroger sur des éléments peu finauds... «Anastasia, depuis combien de temps êtes-vous ici ? - Ça va bientôt faire deux ans si mes souvenirs sont bons.» dit-elle sans en rajouter davantage.
Hé bien ! On pouvait dire qu'elle n'était pas très bavarde, à moins qu'être une sorte de marraine pour moi l'ennuyer à mourir. Après tout, elle avait peut-être d'autres choses à faire et prendre sous son aile une jeune fille aussi perdue que moi ne l'intéressait pas plus que ça... Oui, sans doute ce devait être ça ! Bon, je n'allais pas l'assommer avec mes questions et la laisser tranquille pour l'instant. Anastasia m'amenait dans notre dortoir où je pourrais me reposer toute seule pendant quelques heures. Ensuite, peut-être visiterai-je de manière plus détaillée cette université. Dans tous les cas, je ne devais pas oublier que j'avais une mission et ne pouvais alors passer outre mes obligations.
(Obligations ? Jamais bien ce mot.)
Quelques minutes plus tard, nous arrivâmes côte à côte dans une grande pièce dans laquelle des matelas étaient installés régulièrement. Il devait bien y en avoir une dizaine à vue de nez ! Même si la nuit la promiscuité allait nous accompagner, j'étais loin de la crasse dans laquelle j'avais vécu depuis ma plus tendre enfance. Ici, l'air respirait le propre et me donnait envie de me rouler comme une adolescente dans les draps frais des couchettes. «Voilà nous sommes arrivés. Prends ce lit, il est à côté du mien, on pourra discuter ce soir. Pour l'instant je dois t'abandonner, j'ai promis à un ami de l'aider à résoudre un problème en alchimie... Déjà que je ne m'y entends pas très bien dans cette matière, alors je ne vois pas trop ce que nous allons faire ensemble... Bref ! Repose toi, tu verras c'est calme.» dit-elle en souriant.
Hé bien, pour une fille qui à première vue n'était pas très bavarde je m'étais trompée. Bien évidemment je ne compris pas un seul mot de ce qu'elle me raconta, mais je fus assez heureuse de ne pas être tombée avec une fille froide, j'aurais été bien embêtée ! Devant, mon incompréhension en ce qui concernait le mot alchimie, je regardais Anastasia imperturbable. «Ah oui ! Excuse-moi, Dame Firelia m'a expliqué que tu manquais de connaissance dans tout ce qui concernait la magie. - Non seulement la magie, mais aussi les lettres, les chiffres et un peu tout en fait... - Ce n'est pas grave, on s'en occupera toutes les deux à mon retour si tu le désires, je t'apprendrai à lire et ensuite, je t'expliquerai les rudiments de certains enseignements magiques que tu pourras suivre ici si tu le souhaites. - Oui ce serait avec un grand plaisir.» lui lançai-je émue avant qu'elle ne s'en aille.
Je ne savais pas vraiment ce que j'allais faire aujourd'hui, une pile de livres était bien disposé près du lit d'Anastasia, mais étant donné que je ne saurais pas déchiffrer les glyphes, je ne voyais pas pour quelles raisons je m'acharnerais à les lire. Je m'assis donc sur ma couche réfléchissant à ce que je pourrais bien faire. Peut-être pourrais-je me familiariser avec mes pouvoirs ? Après tout, il n'y avait personne ici donc je ne pourrais faire souffrir aucune âme innocente.
(À part la mienne, bien qu'elle ne soit pas vraiment innocente...)
Bon alors que savais-je faire ? Je pouvais projeter des jets d'eau. Peut-être pourrais-je apprendre à maîtriser une autre forme de magie de l'eau ? Si je pouvais la lancer, je ne voyais pas pourquoi je ne pourrais pas la sculpter d'une autre manière : pour me protéger par exemple. Oui cela devait être tout à fait possible, bien que je ne sache pas vraiment comment m'y prendre. Je réfléchis donc un instant, me demandant si cela ne me retomberait pas dessus. Je craignais de faire des bêtises, mais ne pouvais fuir éternellement mes dons. Ainsi, je me mis en quête spirituelle de mon apprentissage, effrayée par les conséquences que cela pourrait engendrer et pourtant excitée à l'idée de faire quelque chose de moi-même pour une fois. Peut-être réussirai-je à devenir une grande magicienne, reconnue de tous et pourquoi pas même crainte par certains.
(Dis pas de bêtises, t'y comprends rien !)
En tout cas, ce n'était pas en bâtissant des châteaux dans les duchés des montagnes que je réussirais à devenir cette personne ! Je me mis donc à me concentrer de toutes mes forces, cherchant au fond de moi un déclic, un frétillement qui me ferait comprendre que j'étais sur la bonne voie. Mais, seul un silence de mort persévérait à me faire sombrer dans les délices de la lassitude. J'avais l'air tellement stupide assise sur ce lit à attendre que la magie vienne à moi sans effort. Non, lorsqu'un guerrier s'entraînait, il suait toute l'eau de son corps, faisait des gestes rocambolesques pour arriver à ses fins. Peut-être était-ce la clef ? Moi aussi je devais transpirer pour maîtriser les forces aquatiques de la puissante Moura.
(Oui enfin, transpirer avec de la magie, je ne vois pas trop comment c'est réalisable...)
Non non non et non ! Ce n'était pas la bonne solution, les fluides -comme ils aimaient les appeler- faisaient partie de moi. Donc, il ne me restait plus qu'à les contrôler pour en faire ce que je voulais. Pour commencer, je me mis à les chercher en moi, tenter de trouver une anomalie qui me permettrait de les discerner. Au début, je ne découvris rien d'extraordinaire, mais au fur et à mesure, je commençais à faire attention à des vibrations internes à ma personnes. C'était faible, mais c'était bien présent. Ils courraient en moi, faisaient vivre les parcelles aquatiques de ma personne. C'était tellement étrange que je ne savais pas trop comment m'y prendre pour leur faire comprendre que j'étais bien en train de les observer.
(Oula ! Ça va me donner mal à la tête cette histoire !)
Bien, maintenant je me devais de les inciter à m'aider pour créer un bouclier, pour venir m'entourer et me protéger contre les attaques incessantes de ce monde terrifiant qui me faisait tant souffrir. Que pouvais-je bien faire pour les contrôler, pour les conduire à faire ce dont j'avais envie ? Leur dire tout simplement ? Non, au fond de mon cœur, je savais que ces fluides n'étaient pas vivants, mais simplement une forme d'énergie, de force élémentaire faisant partie intégrale de ma personne. Je tentai de projeter alors de l'eau pour comprendre les mécanismes qui faisaient que j'étais en mesure de réaliser ce sortilège. En quelques instants, les fluides se mirent à bouillir en moi et mes mains s'humidifièrent. Avant d'emmagasiner l'eau pour la projeter, j'essayai de la sculpter d'une autre manière. En effet, je la laissais couler près de moi, tout autour plus exactement, la guidant pour qu'elle m'enferme dans un cercle aquatique. Bon, le cercle n'était pas parfait et on aurait plutôt dit un polygone arrondi par endroit, mais, je ne m'en offusquai pas pour autant.
Cependant, au lieu de monter en un muret aquatique pour me protéger d'éventuels attaquants, l'eau se mit à ruisseler sur le sol, créant ainsi une flaque sans aucune utilité. J'étais terriblement déçue par ce que je venais de réaliser, c'était complètement stupide de ma part d'avoir voulu tenter d'apprendre un sort toute seul, j'étais une incapable ! Mon époux avait raison de me frapper comme il le faisait, je ressentais encore ses mains emplies de durillons venir me frapper, rougissant ma peau et bleuissant mon corps si frêle. Quelques larmes se mirent alors à couler sur mes joues en repensant à cette époque qui était -je l'espérais- révolue. À ce moment-là, mes fluides sentirent mon désespoir s'étendre à l'ensemble de mon corps me laissant comme une femme suppliante face à ma Déesse, cette femme si forte qui m'avait choisie. Ils se mirent à frétiller, à réagir à ma tristesse comme s'ils voulaient me faire comprendre quelque chose. Peut-être désiraient-ils que je comprenne que je pouvais être une véritable personne, la jeune fille que j'avais toujours voulu être ? Mais était-ce réellement possible ou n'était-ce qu'une nouvelle chimère que je m'imposais pour me rassurer ?
(Oh Gabrielle ! Fais un peu confiance à tes dons !)
J'allongeai alors mes mains près de mon corps et les remontai lentement pour faire comprendre à l'onde qu'elle devait suivre mes mains toujours emplie de fluides. Les larmes continuaient de ruisseler sur ma peau, laissant une rivière chaude et salée qui ne pouvait se tarir. L'énergie s'agita, tentant de me faire comprendre que je ne devais pas abandonner, que je devais persévérer dans l'usage de mes pouvoirs. Mais tout ceci était si difficile que je n'avais qu'une seule envie : baisser les bras et me jeter sur la couche pour pleurer toutes les larmes de mon corps en larmoyant sur mon sort. Pourtant, cette fois-ci j'écoutais mes pouvoirs, continuant de remonter mes bras lentement pour que l'eau puisse poursuivre les fluides. Rapidement, le liquide qui s'était étalé sur le sol s'emmagasina dans le cercle et finit par s'élever suivant mes mains qui contrôlaient l'eau. Je regardais de mes yeux ébahis ce que j'étais en train de réaliser, moi Gabrielle, en utilisant mes propres fluides que je connaissais si mal. Je n'en revenais toujours pas, l'onde s'élevait, bravant la gravité pour m'entourer jusqu'aux genoux. Mais je persévérai, me concentrant encore et encore pour ne pas perdre le fil du sortilège, de ce contrôle que j'étais en train de sculpter par l'intermédiaire de l'énergie élémentaire.
Ce n'était pas vraiment fatigant, mais, je me refusais de perdre le fil et continuais encore et toujours d'agir sur l'eau qui s'envolait plus haut. Bientôt elle arriva à ma taille, puis dépassa ma gorge et finit par dépasser ma tête. J'alimentais en eau le sortilège grâce à mes fluides qui réalisaient par la même occasion le bouclier. J'étais terriblement fière de cet acte que j'aurais voulu m'applaudir. Mais la porte s'ouvrit brutalement et Anastasia fit irruption dans le dortoir. Cette entrée fracassant m'effraya et me fit lâcher l'emprise que j'avais sur l'eau qui retomba en une fine pluie sur le sol, détruisant cette minuscule protection que je m'étais créée.
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Gabrielle ~ Mage ~ Dans l'espoir d'éteindre les flammes qui la consumment à petit feu
Dernière édition par Gabrielle le Jeu 3 Jan 2013 16:28, édité 2 fois.
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