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A peine Ziresh avait-il terminé son récit que le capitaine Chigiru se chargea d'analyser ses paroles afin de préparer une stratégie militaire. De toute évidence, ils étaient prêts à accueillir l'armée d'Oaxaca. Il lui avait semblé pourtant qu'il y aurait encore un moment pour anticiper l'attaque, mais l'urgence avec laquelle ils parlaient concrétisait encore plus le danger imminent que représentait cet assaut final. Si Fan Ming était prise, alors Oranan serait attaqué de l'intérieur et une grande partie de la puissance de Yuimen sombrerait pour laisser place à la déesse noire.
Il comprenait ces analyses. Pour tout dire, il les trouvait intelligentes, mais même si Calimène s'était aussi permis de les mener sur une voie plus raisonnable, il se rendit compte que personne ici ne pouvait encore réellement estimer l'ombre qui planait sur eux. Calimène avait estimé l'armée en qualifiant ses ressources "d'infinies". C'était encore trop peu. Ce n'était qu'un moment. Même des métaphores ne pouvaient tracer un paysage de l'armée qui avait rasé cette cité.
D'une certaine manière, il gagnait en confiance en voyant ses compagnons, Serpent et Calimène, se porter aussi volontaires. Mais à voir Sirop sur le point de fuir ses responsabilités, il se dit qu'ils étaient finalement aussi inconscient qu'il l'était lorsqu'il avait descendu ces murailles. D'ordinaire, même, il aurait probablement critiqué les idées de la Dame Ligure qui voulait empoisonner les cours d'eau et pensait à utiliser les villes soumises, transformant des centaines de vies en statistiques. Cela ne lui plaisait guerre, mais il ne pouvait que s'y plier : il avait vu comme sa propre sensibilité lui avait coûté la vie. Et plus son périple avançait, plus il se rendait à l'évidence...
"Aliaénon va chuter, dit-il après avoir entendu Calimène. Il ne s'agit plus de sauver ce monde, il s'agit de tout faire pour qu'il n'emporte pas Yuimen avec lui."
Se tournant vers Chigiru, il commenta sa préparation.
"Vous faites bien de vous préparer à cette attaque, mais vous ne comprenez pas ce que je vous ai raconté, certainement parce que vous n'avez pas été là pour la voir chuter. La cité d'Esseroth est extraordinaire, gigantesque. Ses murailles vous donneraient le vertige si vous étiez à leur sommet. C'est une cité qu'on ne pourrait que qualifier d'imprenable. Mertar aurait tout à envier à cette cité. Et pourtant, je l'ai vue chuter en quelques heures. Il a suffit d'un seul assaut pour la voir s'effondrer. Ses citoyens, tous mages aux pouvoirs décuplés par leur monde ont été décimés. Et nous, nous n'avons que des soldats, entraînés, certes, mais QUE des soldats. Il nous faut un soutien magique, ou alors, il faut que l'on trouve enraye la progression des armées avant qu'elles n'arrivent ici. Car lorsqu'ils seront là, ce ne sont pas les murs de cet avant-poste ridicule qui les empêcheront d'atteindre le fluide."
Il s'arrêta un instant. Il se remémora encore à quel point il avait été proche de vaincre Vallel. Il fallait seulement qu'il ne soit pas vu... Ou qu'on lui permette de ne pas être touché par la magie.
"J'ai vu Vallel et j'ai failli le vaincre, seul, en ayant traversé une armée. A plusieurs aventuriers, nous pourrons couper la tête du serpent. Mais il nous faut de la magie, ou alors il nous faut un moyen d'enrayer la sienne. Car s'il vous voit et l'utilise contre vous, rien ne pourra vous sauver. Nous ne pourrons pas le vaincre au sein d'une bataille... Alors il nous faut l'assassiner."
Il serra la Masamune. Il se demanda un moment si ce n'était pas ce sabre qui le rendait si dur depuis le début de cette mission.
"Je ne puis bringuebaler en attendant que l'on se prépare. Si vous ne m'accordez pas d'autre mission pour enrayer leurs plans, alors je me porte volontaire, avec plusieurs compagnons, pour aller vaincre le meneur d'humanoïdes."
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