Inscription: Dim 23 Nov 2008 20:05 Messages: 570 Localisation: Bouhen
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![Attention [:attention:]](./images/smilies/attention.gif) Amis des animaux et végétariens, passez votre chemin. Le texte contient un passage (bien que peu détaillé par respect) de mise à mort d'animaux d'élevage. PrécédentLe petit rat garde une fois de plus le silence et laisse Maâra suivre ce qu'elle croit être une vie pour elle. ((Morëla ? - Oui répond-t-il avec une crainte naissante tant le timbre de sa voix à elle est rude. - Tais-toi maintenant et attend-moi ailleurs si ce qui se passe ici te dérange)) Le petit rat se tait, non par une réelle obéissance mais le fait est qu'il ne sait comment lui faire changer d'avis. L'entêtement de Maâra trouve d'une certaine manière sa source dans le même puits que son insensibilité au monde extérieur … elle ne voit pas le mal ou le bien comme le voient ceux qui ont été bercé par des doctrines, des règles de conduite qui classent hiérarchiquement les actes du bien au mal et auxquelles les gens vivant en communauté restent inconsciemment sujets. Lui dire de ne pas faire une chose parce que cela ne se fait pas ou n'est pas normal revient à vider un lac à l'aide d'un verre.
Finalement, le Faera reste aux cotés de sa protégée mais son silence et son mutisme lui sont dès lors acquis. Il ne subsiste comme preuve de sa présence qu'une vague de frissons glacés de répulsion.
Du coté des êtres bipèdes et libres de leur mouvement les habits sont mis, les sabots aux pieds et les couteaux prêt à servir. Humain comme elfe grise, au grand désarroi du rat Faera.
- Bien, on va commencer par les vider d'leur sang. Davos la guide vers les bœufs suspendus par les pattes à un crochet à l'aide d'une corde. La langue pendante, les yeux mi-clos et légèrement vitreux, les bovins qu'il guide un à un à travers la salle via un système de barres de métal au plafond restent immobiles mais Maâra s'étonne du manque de rigidité des cadavres. - Ils ne sont pas morts ? demande-t-elle comme on s'épate d'une évidence. - Pas encore. Pourqu … il s'arrête net en la voyant penchée vers l'une des têtes, touchant du bout des doigts la langue presque sèche d'être restée à l'air trop longtemps. Mais qu'est-ce tu fous, c'pas un un jouet.
L'elfe, qui ne fait pourtant que vérifier à quel point les animaux sont assommés et qui s'apprête à soulever les paupières du bestiaux tressaute et recule d'un pas en questionnant l'homme de Talic du regard. Ce dernier hausse les épaules et, décidant de ne plus perdre son temps avec cette donzelle un peu trop déroutante pour la combattre, lui ordonne de faire attention à la suite. D'un geste professionnel et sans considération aucune pour l'animal entre ses mains, il lui attrape les oreilles pour lui remonter la tête et atteindre le cou et incise la peau sur quelques centimètres à peine, une entaille juste assez profonde pour que le sang s'écoule, d'abord par jets puis plus lentement à mesure que la bête perd conscience et meurt. Les bœufs forment maintenant un cercle de pendus autour de Maâra, laissée seule par Davos parti s'occuper des porcs. A ses pieds, le sang coule jusqu'à une grille où elle devine dessous une sorte de cuve en fer. Le même système au sol arpente la pièce et chaque groupe d'animaux est pendu en rond autour de ces grilles et cuves, l'employé étant lui au centre de regards vitreux et de gémissements de bêtes se réveillant trop tôt et conscientes du sort qui les attend.
Prenant exemple sur l'humain, l'elfe entame son tour de meurtre alimentaire. D'un geste timide et débutant, elle entaille la chair de la bête dont un spasme nerveux agite l'énorme masse. Le coup de main est hésitant mais le couteau est tranchant et le sang jailli du cou de la pauvre bête assommée et s'écoule vers le sol, éclaboussant de sa chaude moiteur les chevilles de l'elfe. Puis l'un après l'autre, elle continue à trancher les gorges, chaque fois plus vite et avec plus d'assurance, les gestes se font plus précis si bien qu'une part du Faera s'en trouve un peu plus déstabilisé. Le naturel du coup de couteau et l'indifférence de sa protégée face à la mort de pauvres bêtes le met dans l'embarras alors qu'il a par le passé connu de plus sombres protégés. Le dernier bœuf égorgé, elle range son couteau à la ceinture de son tablier et reste quelques secondes le regard perdu sur le sang qui macule son poignet et son avant-bras, du sang encore chaud et dont la forte odeur ferreuse l'attire, puis sans savoir pourquoi elle en ressent l'envie, elle s'approche d'une bête et colle son oreille contre son flan comme on le fait pour entendre le cœur battre et chercher la vie à travers les battements réguliers. Mais la chair est inerte et c'est le souffle rauque de la mort qu'elle sent, les faibles battements d'un cœur qui s'affale, la respiration difficile d'un corps qui se meurt.
A cet instant, Faera comme humain restent figés sur place. Le premier à cause de l'étrange douceur qu'il lit sur le visage de Maâra et le second c'est par pur écœurement qu'il détourne finalement le regard. Mais l'elfe grise reste sans bouger, une pâle esquisse de sourire paisible flotte sur ses lèvres grises, les yeux fermés et l'esprit concentré sur la fin d'une vie. Elle est hypnotisée par la résonance caverneuse, le chant mélancolique de la vie quittant ce corps et celui silencieux et raffiné de la mort qui traverse les chairs.
La suite n'est pas moins sordide, du point de vue du Faera tout du moins. Pour Maâra au contraire ce n'est qu'une suite de mouvement chaque fois plus facile, hormis le tranchage des pattes et des têtes qui nécessite une force qu'elle n'a pas. Mais l'écorchage est une autre histoire dans laquelle la facilité avec laquelle elle apprend à passer son couteau sous la peau sans entailler les chairs, ses gestes instinctifs plus rapides que celui de l'humain malgré son savoir-faire en font un monstre de talent. Les exclamations triomphantes de Davos se succèdent à son dégoût et le nombre de spectateurs augmentent à mesure que les différents animaux passent sous le fil du couteau d'une Maâra pour la première fois consciente que sa vie ne se résume pas qu'à la prière, que ses mains ne sont pas faites que pour manger. Son couteau aux motifs de loup lui obéit plus qu'il ne lui sert de simple outil, la peau qu'elle épluche est chaude et moite au toucher, l'odeur fétide et agressive ne la dérange même pas tant elle est emportée par son acte, aussi barbare puisse-t-il être perçut par d'autres.
Elle s'amuse … s'amuse de savoir faire quelque chose de ses mains. Euphorique comme peut l'être un jeune bucheron qui arrive à couper d'un coup une bûche et qui continue jusqu'à la dernière, essoufflé et les doigts endoloris d'avoir tant travaillé, mais fier. Sauf que le bois est remplacé par des cadavres boueux et crottés d'animaux tous justes morts et encore chauds.
- Bons dieux c't'à croire qu't'as fait ça toute ta vie. S'écrit Davos une fois les peaux toutes arrachées et reparties dans le chariot du tanneur. C'est rare qu'on s'habitue si vite à un abattoir, j'veux dire, ça pue le vieux faisandé, la bouse et la merde, sans parler de l'odeur de la mort et des boyaux, un bon gros lâché de vieille merde acide sortie tout droit d'un gros intestin d'cochon, ça met en appétit non !! - Vous essayez de m'écœurer Mr Davos ? répond Maâra sur un ton réellement interrogatif dont la moindre ironie est absente. - J'essaye seulement d'savoir si ta mère aurait pas oublié deux trois choses dans ta recette avant d'te sortir d'son cul !! Bordel de Dieux mais t'es un zombie, tu réagis à rien, t'es juste là à suivre et faire c'qu'on te dis, à regarder sans voir, à vivre sans éprouver. Mais t'es quoi ?? Un mélange de colère, d'incompréhension et de crainte forme l'enveloppe de laquelle Davos sort ses mots. L'amusement et les quolibets des premiers jours sont loin, plus encore que l'indifférence, et dans un recoin de son cerveau l'image d'une elfe sans conscience, sans raison à qui on aurait volé tous sentiments se dessine sans qu'il veuille vraiment s'y attarder. Les femmes, il ne les aime pas. Trop roublardes, trop fausses, trop torturées … mais celle-là, elle l'inquiète. Son regard est aussi fragile qu'inhumain par sa naïveté, ses réactions sont autant la preuve d'une force de caractère qu'un manque total de conscience envers les choses et il n'arrive pas à se sortir de la tête qu'elle est peut être un danger, une chose plus mauvaise que la pire des traînées de Dahram … ainsi que la chose, enfin femme, la plus perdue et prise au piège qu'il n'a jamais connu.
Les mots de l'humain lui font l'effet d'une gifle majestueuse, se remémorant les propos de sa propre mère qui la considérait moins posée et raisonnable sentimentalement que l'écœurante poupée vivante qu'elle s'était fait fabriquer. Cette Aniathy, monstrueux symbole de ce que les elfes gris avaient fait de pire, qui ne ressentait que ce qu'on avait commandé pour elle.
Elle sait que quelque chose ne va pas, elle sait que son attitude n'est pas celle qu'on attend d'elle, ou en tout cas l'humain face à elle qui lui crache ces mots comme un bouclier dont on se part. Mais sans l'aide de son Faera elle sait aussi qu'elle ne pourra pas comprendre, et une partie d'elle s'y refuse. Que sont-ils tous autant qu'ils sont pour décider si elle doit être différente ou rester ce qu'elle est !! Mais ils sont tellement nombreux … parents, sœur, même le prêtre qui est encore le seul à ne pas en faire une anormalité, et maintenant ces humains qui la regardent comme une étrangeté, parfois drôle, parfois attendrissante mais jamais normale.
- Juste moi, sanglote-elle en tombant à genoux dans la marre visqueuse de sang encore chaud. Je suis pas comme vous, mais je suis pas un monstre pour autant. Chez moi, loin de chez vous, vous seriez tout aussi bizarre mais jamais j'en aurais eu peur … moi. Là d'où je viens, la mort n'est pas un taboo qui doit faire peur, effrayer ou faire vomir. Elle est aussi naturelle et bénie que la naissance, le commencement d'une autre voie, un salut et pas une punition. Les cadavres ne sont rien de plus qu'un cocon dont s'est libéré l'âme et l'esprit en paix … ou du moins devraient être. ((C'est la vie que vous menez qui vous pousse à craindre et mal juger la mort)) Ma réserve vient de mon ignorance, c'est tout.
Ces derniers mots ne sont pas tant faits pour se justifier vis-à-vis de Davos que pour se convaincre elle-même du bien fondé de cette réflexion faite par sa sœur lors de leur départ. Car elle sait qu'à l'intérieur quelque chose dort et se réveille peu à peu, bien loin des craintes de l'humain et indiscutablement plus terrifiant que le fait de ne pas tourner de l'œil ou avoir la nausée à cause de quelques odeurs aigres et quelques kilos de viscères frais à manipuler.
- Sèche tes larmes, pisseuse!! Même si j'aime faire pleurer les femmes, j'te préférais avant. Son ton se veut léger et rassurant, avec une pointe de rudesse involontaire mais qui peut difficilement être retirée à l'être qui parle. J'me suis emporté, mais c'est que … enfin voilà, t'es pas marrante aussi à pas geindre comme les autres gamines, comme j'fais moi après, j'suis qu'un homme. Tu m'enlèves mes repères et j'suis perdu. Hein ! Allez ! Relève-toi et on va découper ces cocons pour avoir de beaux morceaux de viande en cuisine.
((Non mais regarde moi ce rustre qui essaye de réconforter une elfe centenaire en lui parlant comme à une ado … si c'est pas mignon.)) L'art de refaire surface au bon moment, Morëla rajoute à sa manière du poids dans la balance intérieure de Maâra cherchant un équilibre auquel s'accrocher.
Elle se redresse sans pour autant sourire, mais essuie ses larmes d'un revers de main et acquiesce d'un hochement franc de la tête. - Oui, réussit-elle à répondre de sa voix cassée.
Les minutes suivantes sont silencieuses, ou en tout cas exempt de paroles. Les bruits eux sont lugubres. Le léger grincement humide des chairs qu'on découpe, le bruit sec des os qu'on brise, le clapotis gluant des boyaux qui se déversent sur le sol et celui visqueux des pieds qui passent dessus à vous en donner des frissons jusque dans la nuque. Le travail est dur, salissant, éprouvant pour Maâra qui à force de porter les moitiés de cochons et autres moutons ne sent plus ses bras ni son dos. Des longues heures de travail sans qu'elle ne retrouve cette sensation découverte lorsqu'elle écorchait les bêtes, de longues heures de travail serein au final et c'est tout ce dont elle a besoin, ce qui pourrait d'ailleurs lui suffire grandement à bien y regarder.
Davos est devenu au fil des ans un boucher à part entière, si bien que les morceaux des bêtes qu'il prépare contribuent à la réputation de l'auberge quant à la qualité de ses viandes. - Avant de partir, tu vas m'aider à porter une des têtes de bœufs là. Posées à même le sol et encore recouvertes d'une couche blanchâtre d'une substance que Maâra ne cherche pas à identifier, trois têtes de bœufs à la langue pendante. - C'est pour quoi faire ? - Oh c'est pour un illuminé, une espèce de fou qui croit pourvoir comprendre le fonctionnement de chais pas quoi en ouvrant leur crâne. M'en d'mande pas plus. Il paye pour des têtes entières, il a des têtes entières.
La tête dans les bras, bien lovée contre son ventre comme on porterait un chiot Maâra se dirige vers la sortie où elle croise l'une des employées de Talic, les yeux exorbités devant le spectacle, la bouche crispée dans une grimace haineuse et dégoutée, plus menaçante que face à un mendiant lépreux qui tendrait une main décousue vers son joli cou. La même jeune femme brune qui l'avait toisait tout au long du petit déjeune mais à qui Maâra n'avait pas prêté attention.
- Qu'est-ce tu fous là toi ? Encore à trainer ! Harangue Davos avec humeur bien qu'elle ne lui laisse voir déjà que son dos. Celle-là c't'une vraie peste. Elle nous gave depuis deux jours parce que Talic a pas embauché son merdeux de compagnon parce que tu étais là. A choisir, même si t'as des bras d'fillette t'es plus utile que c'te gland.
L'information passe par une oreille de l'elfe grise et en ressort sans guère plus d'analyse, mais quelque chose dans l'attitude de la jeune femme interpelle Morëla qui presse Maâra de garder ses distances jusqu'à son départ de l'auberge, ou du moins jusqu'à ce que sa dette soit remboursée.
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Dernière édition par Maâra le Dim 16 Jan 2011 16:51, édité 1 fois.
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