précédent = rues de la villeJe n'avais cependant pas saisi que le mot insolite était utilisé pour qualifier le commerçant et non les lieux.
Lorsque j'ouvris la porte et pénétrai dans la boutique je me retrouvai face à un elfe d'une élégance à faire pâlir les plus beaux partis de la noblesse. Il releva les yeux vers moi mais ne cilla pas face à l'évidente surprise qui se lisait sur mon visage quant au fait qu'un elfe avait pu s'établir dans cette ville.
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Bonjour mademoiselle, en quoi puis-je vous aider ?- Je recherche un orfèvre, capable de sertir rapidement une pierre mais je n'ai encore aucune monture.
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Et bien, nous allons d'abord commencer par la monture.
Nous fîmes le tour de ses vitrines et présentoirs où la poussière était de toute évidence exclue, même dans la partie où se trouvaient des marchandises plus hétéroclites. Le mélange était somme toute étonnant, des bijoux d'un coté et des objets fonctionnels de l'autre … une diversité qui augmentait d'autant l'éventail de sa clientèle. Un calcul pas forcément évident mais qui devait visiblement faire ses preuves.
Je fus séduite par une gamme de colliers serrés, des tours de cou comme il me l'apprit. Il y avait là des modèles simples en cuir et dentelles, d'autres bien plus luxueux fait d'un entrelacement de chaines fines en métal noble et pierres précieuses, et d'autres plus haut que les autres en dentelles et chaines de métal. J'en essayais quelques uns avant de jeter mon dévolu sur un modèle rouge sombre et noir comme les gants offerts par Pragatt'.
- Pouvez-vous placer ce rubis à la place de cette pierre ? Je m'avançai pour lui montrer le rubis acquis lui aussi auprès de Pragatt'
Il le prit et l'examina à travers une drôle de lunette en métal longue de plusieurs centimètres. Ses lèvres pincées remuaient légèrement, la moue de quelqu'un d'intrigué qui réfléchit trop vite. J'avais moi aussi les lèvres pincées mais pour d'autres raisons … je n'avais aucune confiance en lui et ça n'avait rien à voir avec la taille de ses oreilles, mais plutôt la lueur un petit peu trop obsédée dans son regard posé sur MON Rubis.
C'est un objet d'une grande valeur sentimen…-
Inestimable je dirais, où vous l'êtes vous procuré? s'exclama-il en me coupant la parole et je m'empressais de lui reprendre des mains.
- "Inestimablement" mien surtout.
Le ton catégorique de ma voix eut au moins l'avantage de lui faire lever les yeux et le désavantage en revanche de l'offusquer.
- Vous êtes dans un établissement convenable ici, je ne suis pas un voleur. Ma réputation m'importe plus que votre bijou, sachez-le.
- Ah bon ? Et l'excès d'avidité dans votre voix c'était quoi … un trait de caractère elfe peut être ?
- Nullement. La surprise tout au plus. Vous l'avez acheté quelque part ?
- En quoi est-ce important pour faire votre travail ? Demandais-je sur la défensive tant sa plaidoirie ne me satisfaisait pas.
Il se tut un instant. Ses yeux passaient de ma main où se cachait maintenant le rubis au collier de dentelle. Il m'invita à le suivre dans son atelier installé dans une pièce à coté mais ouverte sur le reste de la boutique. Un monde d'outil divers et variés s'ouvrait à moi, de l'atelier de sculpture où étaient créés les moulages, à l'atelier de finition. Il me montra un siège ou prendre place et posa le collier devant lui avant d'ouvrir sa main devant moi … j'y posais le rubis sanglant et le regardais travailler.
- Parce qu'il n'est pas comme les autres, me confia-t'il en le regardant avec cette lueur étrange, la rencontre entre l'émerveillement d'un enfant et l'avidité d'un adulte.
Sa teinte d'abord n'est pas seulement rare mais unique, les reflets et les nuances à l'intérieur sont différents aussi. Je connais les pierres mademoiselle, mais celle-ci … Et c'était sans doute la raison de notre présence à tous les deux dans l'atelier. Pendant qu'il travaillait sur le sertissage mon inquiétude était limitée à la teneur de ses propos. S'il avait commencé ce discours avant, je n'aurais sans doute pas pu me décider à lui laisser le rubis, même quelques heures.
- Et bien pourquoi ne pas vous contenter de l'ajouter à la longue liste de vos découvertes ?
- N'êtes-vous donc pas un peu curieuse, vous avez peut être là un des objets les plus rares et introuvables, et … il fit une pause et releva les yeux vers moi.
Est-ce de la méfiance ou y-a-t'il une autre raison à votre silence.
- Un peu des deux. Il a l'air normal, pourquoi son aspect vous met dans cet état d'excitation ?
- Il y a quelques années, j'ai entendu parler d'histoires de pirates et de rubis, d'un ensorceleur Sang-pourpre, un capitaine qui écumait les eaux sans pitié …
- Une fable pirate et vous voilà ensorcelé à votre tour ?
- Bien sur que non. Tout ceci ne m'a pas été conté en une fois. C'est le rubis que je suivais, au cours des années j'ai retrouvé sa trace dans différents récits.
- Et vous êtes suffisamment naïf pour penser qu'il va venir jusqu'à vous par hasard.
- Les elfes n'ont pas besoin de hasard ou de chance … seulement de patience.
Je suis amateur de belles histoires, et un passionné de pierres précieuses. Si les rubis de la légende étaient réels, ils ressembleraient à … celui-ci.
- Quelle légende ?
- Je peux vous en racontez les grandes lignes, les détails qui me font penser que celui en votre possession est un de ceux là n'ont pas d'importance pour vous je suppose.
- Les grandes lignes oui.
- Il était une fois un capitaine pirate, un sang pourpre et l'un des hommes les plus cruels de ce monde. Son équipage sillonnait les mers et les océans en pillant les navires de commerce, tuant sans vergogne les marins et passagers. Rares étaient ceux qui survivaient pour que grandisse la légende de ce capitaine sorcier.
Un jour, il aborda un autre navire pirate en provenance de Darhàm nommé le Rubis. Une grande bataille eut lieu car ce n'était point là des marins ou négociants armés de coutelas … les deux équipages se battirent avec rage mais les sangs pourpre étaient plus nombreux, plus forts, des hommes taillés pour l'océan et les combats endiablés. Mais un homme leur tint tête, un jeune mousse dont on ne connait le nom se battit vaillamment et tua de nombreux sangs pourpres, se battant comme un lion sur ce pont rougit du sang des siens, sur ce Rubis où coulait à flot le sang des morts. Une jambe brisée, une main tranchée et un œil en lambeaux, il continuait à manier le sabre contre ses ennemis, les repoussant toujours, affalé sur le pont du Rubis.
Alors le capitaine Sang pourpre ordonna d'arrêter le combat. Ce jeune homme avait la valeur de l'un des leurs et il lui laissa la vie sauve. Et pour récompenser sa combativité, il enchanta le Navire … le Rubis … donnant à ce jeune mousse des rubis qui dit-on auraient été ensorcelés par le capitaine Sang pourpre pour l'aider.
Le jeune mousse devint Capitaine à son tour, capitaine de ce navire pirate rebaptisé alors Le Rubis Sanglant. On dit qu'il se constitua un équipage lié par le sang grâce aux pouvoirs des rubis … entre autre celui d'asservir les pirates qui signaient sous ses ordres..
Personne n'a jamais revu le Capitaine sans nom, et le rubis sanglant reste une légende même parmi les pirates.Son histoire ne le nommait pas mais je savais que le jeune mousse était Pragatt'. Tout lui correspondait bien sur, la jambe, l'œil, la main, les rubis asservissant son équipage … et il m'était difficile de trouver une raison de ne pas croire à cette légende. Si j'émettais cela à haute voix, on me prendrait sans doute pour un monstre, mais j'aurais aimé être là ce jour là, simple spectatrice de cette bataille sanglante et voir ce jeune mousse gagner son navire au prix du sang.
- Vous avez donc amassez tous les détails possibles sur ces rubis en espérant en identifier un ?
- Oui. Est-ce l'un d'eux ? Me demanda-t-il par-dessus ses lunettes alors qu'il soudait les crochets de métal au rubis.
- Il faudrait pour ça que je fasse partie d'un équipage de flibustiers.
- Oui, et vous n'en avez pas l'air. Je me suis peut être laissé emporter et j'ai fermé mon regard au plus évident.
Il paraissait déçu, presque peiné. Ses doigts continuaient à habiller les contours du rubis avec la même dentelle que le collier, on aurait dit que le rubis avait toujours eu sa place à cet endroit, mais son visage avait perdu cette fougue d'avoir entre les mains un objet de légende.
- Et ce mousse devenu capitaine, vous n'avez jamais entendu son nom ?
- Non, mais il est vrai que j'ai surtout cherché la trace des rubis … je ne connais pas non plus celui du sang pourpre.
Nous avions passé presque deux heures ensemble et le collier qu'il plaça autour de mon cou était une splendeur sans nom. Je me faisais sans doute des idées, mais j'avais l'impression de sentir le rubis battre contre ma peau, comme un battement de cœur.
Je remerciais Lilo pour cette merveille, ne tarissant pas d'éloge sur la qualité et l'excellence de son travail. Il retrouva son aplomb en voyant le résultat.
- Il est certain que personne n'aurait pu mieux faire.
- J'ai vu que vous aviez aussi des potions là bas, pouvez-vous m'en mettre quatre grandes ? Et me dire combien je vous dois pour tout ça ?
- 1360 Yus pour le collier et le sertissage, 400 pour les potions. 1760 au total mademoiselle.
Je lui tendis l'argent et versai les potions dans ma gourde avant de lui rendre les fioles.
Je m'apprêtais à partir mais osais d'abord une question qui me chiffonnait depuis mon entrée en constatant la tranquillité de l'elfe.
- C'est assez étonnant, vous semblez moins affolé que les autres habitants de la ville concernant cette maladie qui s'étend sans raison.
- Etonnant ou suspect ? demanda-t-il en me jetant un regard noir auquel je ne m'attendais cependant pas.
- Un peu agressive comme défense non ? Surtout envers moi.
- Je n'ai plus de temps à perdre avec les soupçons de pseudos enquêteurs travaillant pour la milice de cette ville.
- Est-ce que j'ai l'air de travailler pour la milice ? Il y a dix minutes, j'aurais pu être un pirate et maintenant je suis de ceux qui maintiennent l'ordre ?
- Ecoutez, si vous n'êtes pas des leurs alors le mieux que vous pourriez faire c'est de vous mêler de vos affaires. Si je puis me permettre.
- Justement, je pense que cela concerne tout le monde. Et au risque de me répéter, vous semblez plutôt serein … je me trompe ?
- J'évite simplement le seul endroit risqué.
- Lequel ?
- Dehors.
- Votre porte n'est pas fermée au monde pour autant, que je sache.
Il me foudroya du regard en réponse à mon ton impertinent.
- Vous feriez mieux de partir, dit-il en soupirant.
- Si ce qui ce dit est vrai et que les victimes de meurtres ou de suicident étaient surtout des commerçants … vous cacher ne vous servira pas longtemps.
- Bien assez je l'espère. Maintenant partez, ma patience à des limites.
- La rumeur serait vraie ?
- J'ai dis sortez !!
- Je suis déjà dehors, dis-je avec une pointe d'effronterie en ouvrant la porte.
Oh, et même si vous n'avez pas été très courtois à l'instant et que vous ne le méritez plus … le nom du jeune capitaine de la légende … C'est Pragatt'.Son visage s'illumina une seconde et s'éteint la seconde d'après comme s'il réalisait seulement maintenant l'exagération de sa colère à mon égard, mais je disparaissais derrière la porte avant qu'il ne puisse dire un mot.
((hrp : achat d'un "tour de cou en dentelle et métal serti du rubis sanglant" (end+9 + effet du rubis sanglant) 1260yus +100 de sertissage. Ainsi que 4 grandes potions : redonne 15pv 100 yus chacune. total de 1760))