Le nombre d’enfants, et donc de silnogures associés, est finalement donné : dix. Comme je l’ai imaginé en lisant la prophétie, en réalité, et en voyant le nombre similaire de chaines dans cette lugubre salle finale. Le gobelin ne tarde pas à se relever, s’aidant de ma main tendue pour ce faire, et précisant qu’il ne sait pas à quoi correspond ce calice. Foutre ! A quoi bon réunirions tous les animaux maudits et les enfants de la prophétie s’il nous manque cet élément majeur dont même le principal acteur de la résolution de la prophétie ignore tout. Je reste dubitative et silencieuse à cette annonce. Cela ne me dit rien qui vaille. Je me laisse emporter par le gobelin qui tient toujours ma main, vers le portail ramenant vers la salle du rituel. Avant de passer la porte, la fameuse Géoublié, pseudonyme particulièrement révélateur de ses capacités mnésiques, précise qu’elle a été agressée par un être à la peau grise. Nous sommes sur le Naora… Un sindel, sans l’ombre d’un doute. Mais sur leur continent, ils sont majoritaires. Nombreux. Rien que parmi notre compagnie, ils sont déjà deux. Alors éplucher tous les registres pour en trouver un mâle qui n’a pas l’air trop méchant… ça n’est pas vraiment un indice probant. Au moins cela nous met en garde contre les elfes gris que nous pourrions rencontrer.
Fenouil, trop faible apparemment pour faire fonctionner la magie unissant les enfants, ne peut actionner la porte, qui reste immobile et inerte, sans passage vers d’autres mondes. Par chance, la situation évolue bel et bien, puisqu’un immense bonhomme ramène d’une pièce voisine le corps groggy d’un silnogure au tapis. Elle n’en cherche pas moins à se débattre vivement dans l’étreinte du géant, qui parvient cependant à la maîtriser tant bien que mal. Tant mieux… Et enfin, après qu’ils se soient tous touchés, formant une curieuse chaine, la porte est ouverte, et nous y pénétrons de concert. Je ne remarque même pas que mes deux anciens compagnons, Hawke et Aliéron, ne viennent pas avec moi.
Je n’en prends conscience qu’une fois retournée dans la salle du rituel, bien connue désormais. Huguette, Muguette et Fabiolo sont toujours là, et je leur adresse un regard assuré, signe que j’ai tenu ma promesse de revenir au plus vite. Ce qui n’est pas le cas de mes deux compères, restés de l’autre côté. Je fais une moue ennuyée devant ce constat. Je me retrouve dans cette salle, en présence de parfaits inconnus. Non pas que le gris et le beau gosse n’aient été particulièrement avides de se présenter en détails à moi, mais au moins les connaissais-je un brin. Là, entre le géant, l’homme à la peau aussi noire que les plumes d’un corbeau, et la foule d’enfants qui, décidément, ne veulent pas nous lâcher, je me sens quelque peu mal à l’aise.
Et ce malaise se renforce quand j’aperçois la mine inquiète du petit garçon du groupe, Fabiolo, qui lorgne sur un élément étrange au cœur de la salle, juste au-dessus du puits de lumière. Des sortes de tentacules grisâtres, foncées, sortent petit à petit du puit. Une menace à laquelle je ne m’attendais pas. Il était temps que nous revenions ici. L’homme noir questionne le géant pour savoir s’il est apte à le garder encore un peu à bras, ou s’il est préférable de l’attacher. Je tords la bouche. La réponse tombe pour moi sous le sens, et j’en fais part à mes nouveaux partenaires sans plus attendre :
« Nous devrions l’attacher au plus vite. Si ces tentacules sortent et dévoilent un nouvel ennemi, nous ne serons pas trop de trois pour lui faire face, sans s’ajouter un fardeau supplémentaire. Attachez le, Jôs. »
J’imagine que c’est son nom, puisque l’homme à la peau de ténèbres l’a ainsi nommé. Pour ma part, je dégaine mon arc sans attendre, et y encoche une flèche. Si la créature tentaculaire se sort de son trou, je serai là pour l’accueillir.
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_________________ Asterie
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