Certaines scènes de ce rp sont à forte connotation violente/gore, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture. ![Attention [:attention:]](./images/smilies/attention.gif) 
 Me voilà arpentant les rues de la cité qui m'a vue naître. Cuilnen est vraiment incroyable, elle semble être épargnée par le temps, rien a changé. Au détour d'une rue, je croise quelques enfants qui jouent, ils m'arrachent un léger sourire, je repense à mon enfance. Je les regarde rire et s'amuser, j'en oublie presque la fatigue de mon long voyage. Qu'il est bon de rentrer chez soi ! Un milicien me salue et me fait quitter mes souvenirs, je lui réponds poliment, je souris, je suis heureuse. Je ne me souviens plus de son nom, j'ai un peu honte, alors que lui se permet même de m'appeler par mon diminutif, "Lilo". Il me parle du bon vieux temps, je ne sais pas quoi répondre, je suis confuse mais je ne laisse rien paraître et j'acquiesce ses propos de temps en temps, lorsque cela me semble opportun. Soudain, il me parle de nos cours de chant et la mémoire me revient, en partie du moins. Je suis toujours incapable de mettre un nom sur son visage, par contre ses traits me semblent familiers et je me rappelle de ses souvenirs, comme si j'y étais. Nous avions vingt ans, il faisait chaud et une corde de notre harpiste avait lâché. Pourquoi me parle-t-il de cela ? Je rajoute quelques détails à la scène, histoire d'avoir une vraie conversation, puis je m'excuse de ne pas pouvoir rester plus longtemps avec lui, mes parents m'attendent, je viens à peine d'arriver.
Je continue ma route et je continue de me demander pourquoi il m'a parlé de ce cours de chant, il était si banal ce jour... J'ai beau chercher dans ma mémoire, je ne me rappelle pas de son nom, je ne sais même pas où habite sa famille. Je m'arrête quelques minutes, mes lacets sont défaits et j'ai un peu soif. Cette petite fontaine me rappelle d'autres souvenirs de jeunesse, mais rien y fait, le prénom du milicien ne me revient toujours pas. Alors que je reprends le chemin, mon odorat est caressé par une douce odeur de miel chaud, je souris et j'arrête mon regard sur l'échoppe de mon enfance, mais pas mes pas. J'aurais tout le temps de saluer mes les gens que je connais et de prendre de leur nouvelle. Pour le moment, je n'ai qu'une envie, c'est de retrouver mes parents. J'imagine ma mère, impatiente, déjà sur le perron de notre maison, à guetter le moindre mouvement, à espérer entrevoir ma silhouette. Mon petit frère, lui, comme à son habitude, doit être en train de faire le pitre, avec ma mère, mais il est aussi impatient qu'elle, il a hâte de me retrouver. J'imagine que mon père doit m'attendre sagement dans le salon, il lit une nouvelle mais ses pensées sont plus occupées par mon arrivée que par ce qui est écrit dans son livre. Thelma, lui, attend impatiemment son heure, nous avons prévu de nous retrouver à la grande fontaine après le souper, je le vois trépigner et faire les cent pas, changer d'habit autant que de discours qu'il répète inlassablement dans sa tête. Il m'a dit qu'il devait me parler, je sais déjà ce qu'il veut me demander et je connais déjà ma réponse.
Je suis heureuse, je marche lentement, je veux prendre le temps de tout savourer, les odeurs, les architectures, les conversations de voisinage, tout. Je suis aussi impatiente que l'est surement ma mère, je me sens grisée par l'émotion, je suis prête. Je suis prête à te dire oui, Thelma. Je veux partager nos vies, je veux te combler, je t'aime. J'espère même que tu balbutieras ta demande en mariage, je t'aime encore plus quand tu es gauche. Le vent se lève, le soleil se couche et moi, j'arrive à la fin de mon périple. Encore une rue. Mon coeur se serre, je n'ai qu'une hâte, voir le sourire de ma mère, entendre les rires de mon frère et les pas précipités de mon père. Les miens font la même chose, alors qu'avant je prenais mon temps, j'ai décidé d'accélérer le pas. Je croise un homme à capuches, il me regarde avec des yeux étranges, ils sont insistants, il me sourit mais ce n'est pas un sourire que j'aime voir. Mon coeur se resserre encore plus. J'ai une intuition. Les battements de mon coeur qui bat rythment mes pas, j'ai abandonné mon sac de voyage, je cours dans la rue. Pourquoi ais-je peur ? Cet homme avait un tatouage sur la joue, ce signe me fait peur, je n'ai pas envie d'y repenser et pourtant ma mémoire s'active aussi vite que mes jambes, je l'ai déjà vu quelque part. Bon sang, ma mémoire me joue encore des tours, je ne me rappelle pas. Je vois enfin le perron de notre maison, personne. Une larme roule le long de ma joue, je me sens bête et faible. Non pas maintenant, ce qu'il se passe maintenant ressemble à un vil cauchemar sauf que tout est vrai. Personne. Je pousse la porte. Silence. Un silence de mort, seule une casserole semble vouloir communiquer. La maison sent le sang et les baies sauvages. Je suis perdue.
Tout se brouille autour et en moi, ma joie s'efface, elle fait place à la peur, au dégoût, à la haine et à la tristesse. Mon père git au sol, son livre en main, il baigne dans son propre sang. J'ouvre la bouche, je veux crier mais rien ne sort. Mes jambes sont inertes. Elles sont comme moi, elles refusent ce que je viens de découvrir. je perds mes repères, je perds mon sourire et je perds mon temps à regarder la vie fuir de mon père. Tout est si rouge, si froid. Moi, je suis encore aux côtés de mon père, je prie pour un mauvais rêve, mais mon corps arpente l'escalier, je tremble, je passe la porte de la chambre de mon frère et là, je crie. Son regard croise le mien, il est vide d'expression, je suis terrorisée. Sa tête est là, posée sur le sol, son corps est plus loin, je vacille. Mes larmes coulent, le sang de mon frère aussi. J'entends son rire, je deviens folle, je m'accroche à l'espoir que ma mère est toujours en vie. Je suis là, à terre, le sang encore chaud de mon frère qui vient lézarder ma robe de soie et je pense que ma mère est en vie. Quelle idiote je fais. La voix de mon maître résonne dans ma tête, il me dit de me lever, je m'exécute. "Tourne à gauche", je tourne à gauche, "fais quelques pas", je m'avance comme un pantin guidé par son propre esprit devenu malsain. Ma mère est là, morte aussi, son sang tapisse les murs, je ressens bien toute la cruauté qu'elle a dû subir. Elle s'est défendue, cela se voit. Je pleure et je souris en même temps. Les voiles de son passé s'écartent lentement, je commence à entrevoir la vérité. Un hiniön suit le chemin de ses parents, il faut croire que malgré leur silence, j'en ai fait de même sans le savoir. Ce n'est pas la tisserande que je vois gisante sur le sol de sa chambre, mais une guerrière accomplie, morte au combat. Le destin me frappera sans doute de la même façon. Je veux me venger, je veux comprendre, je veux savoir. Qui ? Comment ? Pourquoi ? Je veux tout savoir.
Je reste là à caresser les cheveux de ma mère et même quand ma voisine crie à son tour, je reste immobile. Le temps s'est arrêté comme il s'est arrêté sur la ville. Je vois mais je ne bouge pas, je suis un rocher. Des miliciens rentrent chez moi, je les entends mais je ne bouge pas. J'entends leur stupéfaction, leurs pas pressés mais je m'en fiche. Je voudrais bouger, je voudrais... L'homme à la capuche ! Il faut que je sache s'il est le responsable de cette boucherie sans nom. Alors que je me lève, les miliciens rentrent dans la chambre de mes parents. Je me retourne, ils me parlent, je m'avance et je suis prête à faire parler le fer. Quel qu'il soit, celui qui barrera mon chemin entre l'homme à capuche et moi, je l'affronterai. Et là celui qui me barre la route, il s'agit du milicien que j'ai croisé juste avant. Tout me revient. Son nom, sa famille, sa maison, le livre que cachait mon père, le signe qui était dessus. Avant de m'écrouler dans les bras de mon camarade d'enfance, je susurre son nom...
"Taulë Penga... Tu es Taulë Peng...">> Les habitations