ElixirSon attente ne fut pas des plus longues. Rapidement, le brouhaha commença à se dissiper. Les gardes devaient avoir réussi à repousser la foule et à la disperser, et les gens rentraient chez eux en groupe, spéculant sur la cause et la manière de ce meurtre. Si seulement ils pouvaient savoir, comprendre... Mais elle savait qu'ils ne pouvaient pas. Elle savait que plus personne ne pouvait la comprendre, et qu'elle était seule, seule pour retrouver son passé.
"Détrompes-toi..."Evangelina tourna subitement la tête. Elle ne s'attendait pas à l'entendre, surtout pas maintenant. Puis elle se ressaisit. Elle n'était donc pas seule ? Qui alors ? Cette voix qui lui parlait ? Mais ne pouvait-elle se montrer, qu'Evangelina sache enfin à qui elle avait à faire ?
Soudain, le bruit se fit entendre. Quelqu'un ouvrait la porte. Le marchand revenait donc. Il état apparemment seul, et fatigué, au son de ses pieds sur le sol. Evangelina s'accroupit et se cacha dans un coin, avant de s'immobiliser, comptant sur l'effet de surprise pour prendre l'avantage.
Elle entendit le marchand fermer la serrure et poser la clef sur un meuble. Puis il avança, se rapprochant de l'arrière boutique. Il ne semblait se douter de rien, c'était parfait. Evangelina ne bougea pas, restant le plus immobile possible, prête à lui couper la retraite dès qu'il aurait franchit le seuil.
Finalement il arriva dans son champs de vision, perdu dans ses pensées. Dès qu'il eut passé la porte, elle se glissa doucement derrière lui puis se releva.
"Bonjour Illyam"Il sursauta et se retourna d'un coup, reculant d'un pas. Il mit quelques secondes à réaliser, son regard détaillant le visage de l'Aniathy, puis ses vêtements tâchés de sang, et finalement, son collier, cet émeraude qu'elle lui avait acheté.
"Je... Vous ?!"Evangelina ne le menaçait pas de son arme. Elle le regardait simplement, de son regard noir dans lequel ne brillait plus que sa haine. Le marchand se reprit et la regarda, apparemment sans comprendre.
"C'est... vous ?"Evangelina resta immobile. Elle savait où il voulait en venir, mais elle n'avait pas vraiment le temps. D'un autre côté, elle ne savait pas comment s'y prendre. Lui mettre la dague sous la gorge n'était certainement pas la bonne solution.
"Pourquoi... ?"L'Aniathy baissa les yeux.
"Ils l'ont tués, puis on m'a trahit. Pourquoi pourraient-ils vivre alors que lui ne peux pas !"Le marchand ne répondit pas. il semblait apeuré. Il avait sûrement tout compris, le sang qui la recouvrait n'était que trop clair. Son regard ne parvenait pas à se fixer, allant de la fiole à la dague, de l'émeraude au sang sur ses lèvres.
"Qu'avez-vous fait ?""J'ai vécu, et j'ai besoin de votre aide, pour continuer à vivre."Le marchand écarquilla les yeux de surprise et de peur.
"Mon aide ? Je ne peux... Vous avez tué cette famille !""Ils l'ont tué, et en ont payé le prix. Il vous suffit de me réparer, et je disparais de votre vie, je disparais de la ville. Vous pourrez leur dire que vous m'avez vu, vous ne risquerez rien... Je ne gagnerai rien en vous tuant..."Le marchand fronça les sourcils.
"Qui... es-tu pour dire ça ?""Je ne suis plus... Je ne suis pas celle que vous croyez.""Et... pourquoi ferais-je ça ?""Parce que vous savez qu'il le faut... "Il ne la quittait pas des yeux. Apparemment il n'avait pas confiance en elle. Elle le comprenait très bien, mais elle aurait aimé qu'il se dépêche.
"Et si je refuse ?"Evangelina baissa les yeux, puis les replongea dans les siens, tendant la fiole qu'elle tenait devant elle.
"Pourquoi cela réagit-il avec moi ?"Le marchand tourna doucement la tête vers le liquide sombre, et fronça les sourcils.
"Le... fluide ?""Oui."Evangelina fit un pas en avant mais s'arrêta immédiatement, fronçant les sourcils. Quelque chose venait de bouger au plafond, dans l'ombre. Elle n'était pas sûre de ce qu'elle avait vu, et se reprit rapidement.
Elle posa doucement la dague, puis attrapa la fiole de sa main valide, avant de la tendre vers le marchand. Celui-ci n'osa pas bouger. De quoi avait-il peur, elle n'allait pas le tuer. Elle lui avait dit, et elle ne revenait pas sur ses paroles.
Elle le regarda sans bouger, attendant simplement qu'il réagisse. Il fallait qu'il réagisse, elle n'avait pas toute la nuit.
"C'est... c'est un fluide magique... il est... l'essence, enfin une partie, de ce monde. C'est un concentré de magie obscure, très rare, et difficile à obtenir.""Pourquoi réagit-il quand je le prend ?""Parce que... Tu dois avoir de cette magie en toi..."Evangelina fronça les sourcils. Elle possédait une magie en elle en effet, mais elle n'aurait pas cru pouvoir la retrouver ailleurs. Et surtout pas sous forme de liquide...
"A quoi ça sert de mettre cette magie en fiole ?""En tant que tel, à rien pour le commun des mortels. Certains les boivent pour accroitre leurs pouvoirs, à leurs risques et périls.""Le ..."Evangelina se tut. Ce qui avait bougé tout à l'heure n'était pas une illusion. Elle venait de le revoir, descendant le long du mur, derrière le marchand. C'était une grosse araignée, assez étrange, avec de très longues pattes par rapport à son petit corps allongé. Elle semblait violacée, entourée d'une faible aura intrigante...
Elle descendait le long du mur comme si de rien n'était, comme si elle était normale, comme si elle savait où elle allait.
Le marchand perçu son regard et fronça les sourcils avant de se retourner.
"Mais, qu'est-ce que c'est que cette araignée."Au moins il ne semblait plus être terrorisé par la présence d'une Aniathy couverte de sang dans son arrière boutique.
"Prends moi, bois le... Nous sommes ton avenir, ton pouvoir..."Evangelina recula d'un pas. Elle n'arrivait pas à comprendre. Elle avait du mal à saisir ce que la voix venait de lui dire. Que devait-elle boire ? Le fluide ? Et que devait-elle prendre ? La voix ? Mais comment ?
Elle regarda de nouveau l'araignée qui continuait à descendre. Ce pouvait-il que ce soit elle la voix ? Impossible, une araignée n'était pas capable de lui parler par la pensée, ni même de lui parler tout court. Ce n'était qu'une araignée.
L'Aniathy posa la fiole et reprit sa dague. Elle n'avait pas peur, mais quelque chose ne lui inspirait pas confiance. Cette araignée était étrange. Le marchand semblait vouloir en profiter. Il se rapprochait de l'entrée, doucement, sans quitter cette étrange créature des yeux.
Evangelina se reprit. Il ne fallait pas qu'il s'en aille. Il devait rester, il était hors de questions qu'il ait l'occasion de sortir. Elle jeta un dernier regard à l'araignée puis se plaça rapidement et avec souplesse entre le marchant et la porte de l'arrière boutique.
"Surtout, n'y pensez même pas.""Mais... Il faut la tuer.""Il ne pourra pas... Personne ne le peut..."Evangelina écarquilla les yeux. Elle regarda le marchand, et soudain, il se passa quelque chose auquel elle ne s'attendait pas. Il hurla de tous ses poumons, la faisant reculer de surprise. Puis il s'élança vers le fond de l'arrière boutique. Evangelina mit quelques secondes à reprendre. Et à paniquer.
Le cri avait fait effet. Dehors du brouhaha apparut, s'amplifiant peu à peu au fur et à mesure que les gens affluaient. Il fallait qu'elle disparaisse, qu'elle s'en aille. S'ils la trouvaient, elle ne pourrait pas s'échapper avec un bras en moins. Elle s'élança vers le marchand, recroquevillé au fond de son arrière boutique. Elle l'attrapa par le col et approcha son visage du sien.
"Je ne t'aurais pas tué, je ne t'aurais rien fait. Maintenant, cette ville n'est plus rien, elle tombera, et j'espère que tu seras encore là pour voir ça. Dis leur que je reviendrais, dit leur qu'ils ont déjà perdus, et dis l'heure que plus rien ne les sauvera...""Que... Mais pourquoi ?!""Mon avenir est mort ici, et mon passé a disparu. Cette citée ne mérite pas d'exister si lui ne le peut."Le marchand ne répondit rien, il tremblait de peur. Mais elle n'allait pas le tuer. Elle n'en avait ni le besoin, ni l'envie. Il fallait qu'elle s'enfuit, il ne fallait pas qu'elle soit découverte. Elle donna un puissant coup de son coude valide au marchand qui s'effondra, du sang coulant de sa mâchoire. Puis elle se retourna, cherchant une solution.
Il n'y avait rien, de plus en plus de personnes semblaient se regrouper devant la boutique. Elle n'avait aucune chance de sortir par la porte. Il n'y avait pas de trappes, rien. Par contre, il y avait des ombres, plein d'ombres dans lesquelles elle pouvait se cacher. Mais c'était dangereux, il suffisait qu'ils soient munis de lampes et elle ne pourrait plus se cacher. Non, il fallait qu'elle parvienne à s'enfuir.
Soudain, son regard se posa sur la fiole, Ce n'était pas tant la fiole qui attirait son regard, mais l'araignée, posée dessus. Elle était immobile, et regardait dans sa direction. La regardait-elle vraiment ? Le pouvait-elle seulement ?
"Bois le, utilise le, et enfuis-toi. Tu auras les réponses après..."Et soudain l'araignée sauta sur elle. Elle recula d'un pas de surprise, mais l'araignée atterrit sur son épaule. Evangelina hésita et fronça les sourcils. Comment avait-elle fait ? Un coup fut donné à la porte de la boutique et Evangelina décida de faire confiance à la voix. De toute façon, elle n'avait guère le choix. Elle attrapa la fiole de sa main valide et la porta à la bouche. Elle hésita un instant puis se résigna. Elle fit couler le liquide dans sa bouche, et écarquilla immédiatement les yeux. C'était puissant, incontrôlable, et très désagréable.
Elle ne put s'arrêter avant que la fiole soit vide, et tomba à genoux. La fiole tomba au sol dans un bruit de verre brisé qui alerta les gens dehors. Un nouveau coup fut porter à la porte, plus fort, plus pressant, mais Evangelina ne pouvait pas se relever. Elle avait l'impression que quelque chose brulait en elle, qu'elle allait se consumer sur place. La magie qui l'habitait était en ébullition. Elle n'était même pas sûre de pouvoir la contrôler.
Un nouveau coup à la porte la poussa à se reprendre. Elle se releva péniblement, tout tournait autours d'elle. Puis les sensations désagréables s'atténuèrent, et elle reprit le contrôle. Les gardes devaient être arrivés et tambourinaient à la porte, essayant probablement de la forcer. C'était la seule sortie, elle devait obligatoirement passer par là.
L'araignée violacée était toujours sur son épaule. Mais elle n'y fit pas attention. Elle chercha un moyen de sortir et de traverser la foule sans se faire attraper. Elle ne pouvait pas y aller à la force brute, elle ne passerait jamais dans son état. Il fallait qu'elle utilise sa magie, ce sort qu'elle avait déjà utilisé inconsciemment, ce sort qui rendaient faibles ses adversaires...
Elle prit la dague elfe de sa main valide, puis se rendit dans la boutique. Les vitrines ouvertes montraient une douzaine de personnes devant la boutique, dont trois gardes. Elle ne pourrait tous les affronter avec un seul bras. Elle ne se cacha et se plaça à quelques mètres de la porte, visible de tous.
Elle fut pointée du doigt et les gardes redoublèrent d'effort pour ouvrir la porte. EVangelina ferma les yeux et écarta le bras. Il fallait qu'elle se concentre, qu'elle parvienne à maitriser cette magie qui l'habitait et qui n'était que trop autonome. Elle s'enfonça en elle, allant chercher au plus profond de sa magie. Elle devait y arriver, pour s'enfuir, pour survivre, pour retrouver son passé et sauver son avenir.
Elle remarqua que quelque chose avait changer. Elle pouvait plus simplement modeler sa magie, lui faire faire ce qu'elle en voulait. Et elle semblait être en plus grande quantité. Était-ce dû au fluide ? Elle n'en savait rien, et ce n'était pas le moment de réfléchir. Elle se vida l'esprit et guida sa magie dans sa mains, comme elle le pouvait, se concentrant le plus possible.
Puis tout disparut. Il n'y plus aucun bruit. Et la magie qui lui résistait céda, acceptant d'être guidée, emplissant tout son corps de bois et de tissus. Puis elle la guida vers ses mains, concentra cette magie entre ses doigts, attendant le moment opportun pour la libérer.
Puis il y eu un craquement, un bruit de bois brisé. Et Evangelina ouvrit les yeux. Les gardes venaient de briser la serrure de la porte et entraient doucement dans la pièce. Les gens derrières les suivaient doucement, prêt à réagir au moindre de ses mouvement. Elle attendit le dernier moment, puis pointa ses doigts vers ses adversaires.
Ceux-ci s'arrêtèrent immédiatement, le regard plein de peur et d'incompréhension. Puis elle libéra sa magie, sentant ses doigts lâcher cette ombre noire qui l'avait sauvé plusieurs fois, cette ombre noire qui frappa le premier garde, puis le second, et se répartit devant elle, recouvrant presque la douzaine de personne qui l'attendait. Evangelina se sentit soudain vidée, et s'affaissa, mais regarda devant elle et s'élança.
Ils étaient tous faibles, sans envies, sans rêves. Ils tentèrent de la stopper mais elle parvint à les repousser, un par un. Elle n'en tua aucun. Elle savait que si elle sentait le sang couler, elle ne pourrait y résister. Et ce n'était pas une bonne idée. Son sort ne durerai sûrement pas des heures, et il fallait qu'elle sorte de la citée.
Elle sortit finalement de la foule, mais un garde se relevait déjà. Il fallait qu'elle retienne que beaucoup de cibles semblaient diminuer l'efficacité de son sort...
"Alerte !!"Sa voix était faiblarde mais restait assez forte pour être entendu aux alentours. Evangelina s'élança en courant dans les ruelles de la citée. Il fallait qu'elle en sorte, et vite.
Maitresse des ombres