Le chef m’invite à m’asseoir et naïvement je sens qu’il n’a que des bonnes nouvelles à m’annoncer. Il m’apprend qu’Hyros va bien, mais qu’il lui faut plus de temps pour se remettre de ses blessures. Une pointe de culpabilité naît en moi. Quelque part je suis responsable de son état, j’ai combattu contre lui.
(Veux-tu que j’aille voir s’il va bien ?)
(Tu peux faire ça ?)
(Tout à fait !)
(Alors je veux bien, merci Samyà.)
Je la sens qui quitte mon esprit. Je me retrouve donc totalement seule face à mon supérieur qui s’installe dans son bureau qui est nettement mieux rangé que la dernière fois. Il reste encore beaucoup de délits à régler et je suis fière de participer à faire diminuer la pile de feuilles sur son bureau. Il en vient finalement au sujet que je redoute le plus : l’interrogatoire de mon père qui, visiblement, l’a surprit.
Soudain, l’ambiance devient pesante. Un silence lourd s’installe entre nous. Qu’est-ce que mon père avait derrière la tête qui soit si horrible pour que mon patron soit si mal à l’aise ? Il regarde tout autour de lui comme quelqu’un cherchant un soutien ou une manière douce de m’annoncer quelque chose de terrible. Je n’en peux plus de cette attente qui fait monter la tension en moi. J’ai envie de lui hurler de me cracher le morceau, mais je me retiens. Je viens de gagner son respect, ce n’est pas le moment de le perdre. Et là, le glas tombe.
Le premier choc est le mot "distraction". Se distraire ? Parce qu’il trouve cela divertissant de regarder des gens se taper dessus et saigner comme des animaux ! La rage s’empare de moi, mais je n’en montre aucun signe, mis à part mes ongles qui se plantent jusqu’au sang dans mon avant-bras gauche. Puis la seconde raison : gagner de l’argent facilement. Je n’arrive pas à croire que cet homme là soit mon père. Où sont passées toutes ses valeurs ? Par Sithi que lui est-il arrivé ?
La suite est déjà un peu moins accusatoire, quoi que… Cet argent était destiné à payer des personnes, car il est à la recherche d’une personne bien précise qui peut le mener à un objet précieux sur lequel il n’a pas souhaité en dire d’avantage. Je n’aime pas cela. Et s’il s’agit d’un objet maléfique ? Et puis, pourquoi m’avoir menti lors du combat ? Le choc est rude, mais j’encaisse. Mon père est descendu cruellement dans mon estime.
Mon chef me fait alors une proposition. Il me laisse libre de partir moi-même à la recherche de cette personne et par conséquent de cet objet si mystérieux. Cependant, il y a un bémol, si je pars à la recherche de cette relique, je vais être seule. Pas d’aide, personne. Je m’en retournerai à ma solitude si durement acquise. Cette perspective ne m’enchante guère. Je me suis faite à la présence d’Hyros à mes côtés…
(Il se remet bien.)
(Tant mieux.)
Je réfléchis dans mon fauteuil. Que faire ? Partir à l’aventure ou continuer d’aider la milice kendranne ? Il me faudrait en savoir plus… Il faut que mon père parle quoi qu’il en coûte. Il me vient alors une idée un peu étrange.
"Chef, pourrais-je parler à mon père ? Il ne vous a rien dit, mais peut-être m’en dira-t-il plus ? On peut toujours essayer et je vous fais un rapport détaillé ou même vous pouvez venir avec moi tout en restant plus ou moins dans l’ombre, vous voyez ?"
Cette idée ne mènera peut-être à rien, mais il me faut tenter le coup.
"Si votre réponse est non, je le comprendrai parfaitement et sachez que je partirai à la recherche de cet objet. Cependant, mon père n’en verra pas les couleurs !"
Le violent ressenti que j’ai contre mon paternel se sent dans ma dernière phrase. Mais on peut surtout entendre du chagrin. Le chagrin de voir l’un des piliers de ma vie en train de s’écrouler.