La traversé de la ville fut remarquée car les passants se détournaient et ne savaient pas trop quoi penser de l'association d'un mage avec ces gens en noir. Et une fois devant la porte de la milice, les gardes leur lancèrent des regards suspicieux.
Les bâtiments de la milice formaient un complexe austère, finalement assez naturel pour un lieu qui abritait des militaires. Les murs étaient bruns, les bâtiments massifs. On sentait bien qu'ici, on faisait plus dans l'utilitaire que dans le beau. Il n'y avait pas de créneaux et les défenses du lieu se limitaient à des portes épaisses, l'ensemble donnait donc plus l'impression d'un lieu administratif que d'une véritable caserne. Mais qui oserait attaquer le quartier général de l'une des plus puissantes milices du continent ?
S'avançant fièrement en tête du petit groupe, Azra vint se planter devant les gardes :
« Bien le bonjour, messieurs ! Je suis venu pour parler de l'épidémie de folie qui sévit dans la ville. Tout porte à croire que celle-ci va maintenant reculer car nous avons éliminé son auteur ! »Les deux hommes étaient des colosses en armure qui avaient l'air du genre d'imbéciles qui ont besoin d'épeler après coup le mot 'épidémie' pour bien le comprendre. Ils hésitèrent un instant, puis ouvrirent les portes en recommandant de le pas causer d'ennuis. Le jeune fanatique se dit que ce n'était sans doute pas le genre à être impressionné par l'allure du groupe. Il jeta un regard en biais à Aléria qui tripotait nerveusement sa ceinture, elle ne devait pas apprécier de visiter la milice de la cité blanche. Mais il semblait pour l'instant qu'elle se retenait de massacrer tout le monde, donc tant qu'ils ne s'attardaient pas trop, il ne devrait pas y avoir d'incidents.
Il purent donc entrer dans la salle d'accueil de la milice. Un gratte-papier vint les trouver en réprimant une grimace devant ce qu'il considérait sans doute comme de la 'racaille'.
« Que puis-je pour vous messieurs ? »Il semblait hésiter sur la personne à qui s'adresser pour finalement arrêter ses yeux sur le magicien, sans doute pour lui la personne la plus présentable. Azra s'énerva et répondit lui même :
« On a sans doute sauvé cette fichue ville alors menez nous à un responsable ! »L'homme prit un air outré :
« Voyons, mon garçon ! On ne parle pas comme ça à une personne distinguée et... »Sans doute Kieran devina-t-il qu'Azra et Aléria allaient bientôt exploser, aussi l'interrompit-il :
« Ce qu'ils disent est vrai, alors veuillez nous conduire auprès d'un responsable de la milice car le message, en définitive, devra sans doute remonter jusqu'au roi. »Cela cloua le bec du prétentieux, pour le plus grand plaisir d'Azra. Comme si cette Kalhyndra n'avait pas suffit à lui donner son comptant d'individus imbuvables dans la journée !
Leur guide, visiblement vexé, les conduisit à travers une série de couloirs labyrinthiques. Ils montèrent de deux étages pour aboutir à un bureau devant lequel ils furent laissés seuls.
Azra ne savait plus quoi faire, planté là, devant cette porte, et ce fut à nouveau Kieran qui le sauva, frappant quelques coups polies en maugréant sur la vulgarité de l'homme d'accueil.
Une voix leur ordonna d'entrer, c'était le genre de voix qui aurait pu donner comme ordre : 'Tient, vous avez vu ? Il fait beau aujourd'hui.'. Ils poussèrent donc la porte pour arriver dans le bureau du responsable.
C'était, comme il fallait s'y attendre, un militaire. Il ne portait pas d'armure mais ça se sentait à sa carrure et aussi, un peu, à la cicatrice qui lui barrait le visage. Ah oui, et les armes et les médailles qui recouvraient les murs donnaient aussi le ton.
Le vieux gorille retranché derrière son bureau leur adressa un regard passablement surpris, un regard qui disait que de toute façon, il avait déjà tout vu et que plus rien ne le surprenait, pas même l'irruption du groupe disparate dans son bureau.
« Que puis-je pour vous ? »L'occasion de frimer un peu était trop belle. Azra était un adolescent en pleine croissance et accompagné d'une jeune fille, après tout. Avec de grands gestes extravagants, il commença à narrer :
« Mon nom est Azra, et je suis aventurier à mes heures ! J'ai quelques talents pour exorciser les malédictions en tout genre et... »Il était hélas tombé sur une des rares personnes dans ces bureaux qui n'était guère intéressé par les blablas inutiles. L'homme le coupa donc :
« Venez en au faits, je vous pris... »Le garçon perdit un peu de sa superbe et grogna :
« Votre ville a été attaquée par un nécromancien d'Omyre qui a créé un rat maléfique. Celui-ci a lancé cette épidémie de folie qui a sévi ces derniers temps. Avec l'aide de maître Kieran et des cultistes de Thimoros ici présent, j'ai découvert ce monstre et l'ai tué. C'est assez bref pour vous ? »Malgré l'impertinence du commentaire, le gradé sembla aimer. Il sourit :
« Voilà qui est clair en effet. Vous tous, ici, avez joué un rôle dans cette affaire ? »Avant que qui que ce soit puisse répondre, Azra se lança, décidé à montrer qu'il était le plus important dans le groupe.
« Vous connaissez certainement maître Kieran qui avait justement été chargé de la mission et dont les résultats d'enquête m'ont bien aidé. Le prêtre de Thimoros m'a accordé toute l'aide dont j'ai eu besoin, y compris de permettre à Aléria de combattre à mes côtés, c'est la guerrière que vous voyez ici. Elle a beaucoup fait pour la lutte contre les horreurs créées par le roi des rats ! »« Hum... attendez, je ne comprends pas tout... »Ils tentèrent donc de lui expliquer. Ce fut un peu embrouillé car Azra ne tenait pas à insister sur les morts qu'il avait causé, alors que le prêtre, à travers Aléria, tenait à souligner les pertes subies par le temple, comme Taomar.
Le jeune homme dû donc raconter ses deux expéditions. Pendant qu'il y était, il souligna l'héroïsme de Tirassin et Rendrak, qu'il décrivit comme de vrai patriotes qui, comme lui, étaient prêt à se sacrifier pour leur ville malgré leur passé plutôt trouble.
Impossible de dire si l'officier fut dupe, car il n'était pas très expressif. Dans un premier temps, il fut surtout sceptique vis à vis de leur histoire. Azra lui montra le nœud de queues dont Kieran certifia l'authenticité. Comme l'autre n'était toujours pas convaincu, il demanda à faire sa propre enquête. Il s'en suivit une longue discussion pour convaincre le prêtre que la milice avait le droit d'entrer dans les catacombes pour vérifier la scène du combat.
L'échange se termina par l'argument ultime : le garçon demanda au militaire si tout cela, une fois prouvé, ne vaudrait pas une récompense, et ce dernier assura que oui. Le prêtre accepta donc de faire une entorse à son règlement. Aléria se montra plus enragée que jamais pour convaincre qu'elle avait tenue le rôle principale dans la bataille mais Azra s'opposa à elle d'un ton calme et posé, sachant que cela convaincrait mieux que n'importe quoi d'autre qu'il était le plus digne de la récompense.
La milice envoya donc un groupe pour enquêter dans les catacombes. En attendant, ils furent interrogés jusqu'à l'épuisement. L'homme leur demandait de répéter encore et encore leur histoire et Azra commençait à en avoir marre de ressasser des souvenirs désagréables. Kieran l'aidait bien, car il avait plus l'habitude de ce genre de discussions.
« Mais quelle preuve avez-vous qu'il s'agissait d'un nécromancien d'Omyre ? »« Bon d'accord, on n'a pas d'autres preuves que la parole d'un rat pour ce qui est de l'attaque d'Omyre. Mais j'ai trouvé ce parchemin sur les lieux... »Il présenta le parchemin de hantise qui, à sa grande horreur, fut envoyé pour être analysé par un magicien de la milice. Malgré ses grands yeux pleins de détresse, il n'obtint rien d'autre qu'une vague promesse selon laquelle l'objet lui reviendrait bien vite...
La journée continuait à défiler et ils mangèrent sur place. Les enquêteurs revinrent finalement pour confirmer leurs dire au vu du champs de bataille. Ils signalèrent néanmoins n'avoir vu aucun cadavre de liykor, sans doute avait-il été emporté par on-ne-savait qui.
Le parchemin revint aussi avec confirmation qu'il s'agissait bien d'un sortilège nécromancien.
Kieran insista sur le fait que ses analyses tendaient à indiquer que la maladie avait déjà commencé à reculer.
L'officier resta prudent mais rendit tout de même un verdict favorable :
« Bon, de toute façon, l'enquête confirme que vous avez détruit une créature dangereuse ainsi que divers mort-vivants. Vous aller recevoir immédiatement une récompense. Une autre enquête suivra concernant le temple mais si il s'avère que la maladie recule, vous recevrez les honneurs de la ville. »Le jeune homme, ravi, au contraire des cultistes qui s'inquiétaient un peu des cette 'autre enquête', crut bon de préciser :
« Mon nom, c'est Azra, avec un 'z' ! »Le colosse lui répondit par un regard bizarre mais hocha la tête. Bientôt, ils virent bientôt arriver des sacs pleins d'argent, dont le garçon s'empara avec avidité.
Il fit une révérence et présenta ses au revoir, mais le militaire l'interrompit :
« Dit donc, mon gars... je voudrais que tu me regardes droit dans les yeux et que tu me dises que tout cela est vrai... »Azra le regarda avec surprise mais devina qu'il ne fallait pas tarder à répondre :
« C'est vrai. »
Il n'eut pas de mal à le dire avec conviction. Après tout, c'était presque vrai...
« Tu m'as l'air débrouillard, ça te dirait de travailler dans la milice ? »Surprise. Que lui voulait-il ? Pourquoi lui disait-il ça ? Impossible !
« Je... merci mais... »C'était courir à la catastrophe. Il allait devoir obéir à une hiérarchie, cacher la présence de Chandakar... Une vrai vie... mais une vie dont il ne voulait pas.
« Merci mais je ne pense pas pouvoir... »L'homme hocha la tête :
« Comme tu veux. »Azra le salua d'une révérence polie. Cet homme avait tout de même réussi à gagner son respect, il lui offrit donc son sourire le plus innocent et expliqua aux autres qu'il allait maintenant se retirer. Les cultistes et le magicien ne semblaient pas très content de se faire planter là mais le jeune homme avait trop hâte de sortir.
Il se précipita dans les couloirs en serrant son argent. Arrivé devant la porte, il dédia un regard moqueur à l'homme de l'accueil, cacha le sac de pièces dans sa sacoche et sortit. L'après-midi était déjà bien entamé, semblait-il. Tant pis, il avait encore des choses à faire.
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