Daio s'avança vers le marchand et l'apostropha :
« Nous allons nous arrêter pour la nuit. Il y a une prairie un peu plus loin, nous pourrons faire pâturer les bœufs et nous pourrons aussi nous reposer. »« Pourquoi on ne continue pas ? Il fait encore jour. » Répondit froidement le marchand
Sans ciller, Daio répliqua calmement :
« Oui, mais si nous nous arrêtons plus tard, nous serons plus fatigués et notre vigilance chutera. De plus les bêtes semblent complètement exténuées. »Le marchand n'ajouta mot, et nous déviâmes vers une proche prairie. Daio sauta de cheval et m'aida à descendre, tandis que les marchands délestèrent les bœufs de leurs harnachements. L'elfe dessangla, dessella et enleva le tapis de sa monture, puis l'emmena brouter. La trace du tapis de selle se voyait nettement : tache de transpiration sur la belle robe sombre de l'équidé.
Je m'approchai du trio de marchand et proposai mon aide à la ramasse du bois. Je ramenai quelques branches, et avec une habileté déconcertante, Gauvin frappa deux pierres l'une contre l'autre, et l'étincelle alluma une petite flamme, qui rapidement croît et forma un agréable feu. J'observais des gestes avec attention, accroupie comme une grenouille. Il avait toujours le visage masqué par sa capuche, et semblait particulièrement étrange.
Le marchand s'adressa avec moi avec respect -visiblement, il devait croire que j'étais une escorte qualifiée, et non pas une incompétente- :
« Nous dormirons dans la caravane. Je ne crois pas qu'il y ait assez de place pour vous deux. »« Nous ferons des tours de garde » répondis-je avec sérieux.
Daio nous rejoignit ensuite, et discrètement me glissa à l'oreille de l'accompagner. Nous primes donc congé et nous éloignâmes un peu des marchands. Il se plaça à quelques pas d'un arbre, me demanda de lui montrer comment je tirai, et expliqua :
« C’est important pour moi de savoir comment tu utilises ton arc. Car si nous sommes en combat, il serait bien d’avoir une stratégie. »Je ne discutai pas, et un peu nerveusement je m'armai de mon arc pour viser le tronc. La corde vibra, et la flèche rata le tronc. Je passai la main dans ma nuque, et tentais de me justifier sans être très convaincante, en assurant qu'il s'agissait du stress.
Je respirai à grande bouffée et me concentrais sur la cible. Je tirai à nouveau et cette fois la flèche atteignit sa cible. Il n'y avait pas grand honneur à ça : le tronc était plutôt large.
« Je sais aussi tirer instinctivement. Ça peut-être utile quand la visibilité est mauvaise, ou qu'il fait nuit. »En tant que démonstration, je fermai les yeux, tournai deux tours sur moi même et après une courte pause, visai les yeux toujours fermés et atteignit l'arbre. J'étais satisfaite de cette réussite, car je dus avouer qu'avant cela je n'étais pas sûre d'y parvenir. Je ne laissai pas apparaître ma fierté, mais essayai de lire le visage de Daio, pour savoir ce qu'il en pensait. Même si j'étais plutôt contente d'avoir réussi mon tir, je savais bien qu'il ne s'agissait pas non plus d'une infaillible technique de combat à la hauteur des siennes.
D'un coup d'œil, je désignai une feuille morte au sol, à quelques mètres, et tentant de faire comme avec les rats dans le champ, je tirai en l'air. La flèche traça une courbe précise, stagna un quart de seconde en l'air, et retomba à la verticale sur la feuille.
Avec une lueur de défi dans le regard, je lançai à Daio :
« A ton tour maintenant! »<Route entre Bouhen et Kendra Kar>