L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Ven 1 Juil 2011 19:16 
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Dernière ligne droite avant d'arriver à destination, nous atteindrons Oranan dans la journée et nous continuerons jusqu'au village sans nous arrêter. Demain nous atteindrons cet endroit et nous pourrons enfin aider et reconstruire. J'avais hâte de prouver ce que je valais, j'avais hâte d'aider et de me montrer utile.
Avoir quitté le lac nous avait fait éviter les moustiques pour la nuit, par chance. J'avais plutôt bien dormis, la nuit avait été calme et reposante. La perspective de notre arrivée prochaine m'avait remotivé et la compagnie était bonne. Ardic ne me lâchait plus... et parlai énormément. Moi qui était plutôt calme et silencieux, j'étais forcé de lui répondre, de participer à sa conversation. Il décrivait avec ferveur tout ce qu'il a vu et vécu et me parlait de cette mission donné par les Ermites. Il était très enthousiaste et le montrait sans pudeur, contrairement à moi. Je savais garder mes émotions pour moi, les renfermer en moi-même et ne les ressortir que lorsque je suis seul, à l'abri des regards. Ce peut être une marque de faiblesse après tout, mais tout montrer comme lui le faisait n'était peut être pas très bon... Mais qui me disait que ce qu'il exprimait était la réalité ? Peut être était-il frustré de devoir partir en mission ? Peut être aurait-il attendu autre chose d'une mission ? Des combats, des duels, des luttes, des armes ? Moi j'attendais le calme, j'avais tant connu de trouble ces derniers temps qu'une pause serait la bienvenue. Moi qui voulais me reposer à Kendra Kâr, je m'étais empressé de rejoindre les Ermites suite à mon rêve. J'étais heureux d'être en leur compagnie, malgré la gêne que je ne cessai de ressentir. Mais le bonheur de me trouver parmi eux était grand, je n'avais plus ressenti cela depuis la mort de ma sœur, j'estimai donc que c'était positif.

(Positif, qu'est ce que cela veut dire ? Aucune vie n'est entièrement heureuse ou malheureuse, elle est et on ne peut rien y changer.)

Soudain, alors que le soleil commençait à descendre, je regardai droit devant moi, vis la grande porte de la ville d'Oranan, entre deux tours pour nous observer. Ça n'était pas la première fois que je les voyais. Je me souvenais des adieux avec les pirates. Avec Elax, mais je ne devais pas penser au passé, seul l'avenir compte.

suite

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Mar 19 Juil 2011 22:39 
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<--- Je sentis qu'on me traîna, puis qu'on me souleva pour me lâcher lourdement dans un chariot. Puis vint le cliquetis des chaînes et le claquement de la perte de ma liberté. Et enfin s'ajouta à ma plaie au ventre, une compression des poignets et des chevilles par de lourdes menottes. Trois mots me vinrent à l'esprit : souffrance, tristesse et vengeance !
Utilisant mes dernières forces restantes, je tirai mes entraves pour me libérer quand une gifle me calma :

"Arrête ça tout de suite ! Sinon tu vas vite m'énerver et tu n'arriveras pas là-bas vivant. !"

Pour passer le temps, j'appliquais la technique que mon maître m'avait enseigné. Instinct.

Silence des sens. Je commençais par entendre les respirations de trois hommes et les ronflements du dernier. Puis chose étonnante, les respirations calmes de trois autres. Le convoi aurait-il été renforcé ? Au départ, seuls quatre hommes assuraient mon transfert. En voilà, sept. De plus, les trois derniers me semblent différents et lointains. Bon passons.

Continuant sur ma lancée, je sentis l'odeur des bêtes, du chariot et de transpiration de quatre puis sept hommes. L'une d'entre elles, parfum musqué de l'un des hommes-mystères, me sembla familières. Et une autre odeur me parvint : effluve de pins. Je me trouvais donc dans une forêt. Je m'interrogeais encore quelques minutes avant de passer à l'étape suivante.

Celle-là me sembla si inutile que je faillis passer à côté du fait que mes armes n'avaient pas été retiré de mon sac. Grappin, poignard et griffes. Excellente nouvelle. Sens suivant.

Je ne pus goûter que ma propre salive tant on m'avait bâillonné. Suivant !

Celui-ci m'était totalement interdit dans mon état de faiblesse. Dommage, il était bien le seul à pouvoir m'aider vraiment.

Et ce fut clairement démotivé, blessé, bâillonné, attaché et ballotté, que je ne pus me retenir de sombrer totalement dans un profond coma. --->

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Dernière édition par Ibouky le Dim 24 Juil 2011 01:02, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Sam 23 Juil 2011 17:41 
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<--- (((Ibouky est actuellement dans le coma suite à une grave blessure. La suite de ses aventures se situe donc dans le coma. Il rêve. Ou plutôt cauchemarde...)))

Quand j'ouvris les yeux, je ne vis que le néant. Cette vision m'effraya au plus haut point. Cela ne s'arrangea pas quand des ombres vinrent tourner autour de moi en hurlant. Vous comprendrez que tombant dans le vide absolu et étant attaqué par des ombres essayant sans doute de prendre possession de mon corps, j'avais quelques raisons de paniquer. Puis les ombres arrêtèrent de tourner et la plus grande s'approcha. Entre ses mains, une image d'abord trouble puis très précise apparut. Je vis alors mon maître en plein combat contre un grand homme noir. Je ne parvins pas à distinguer les traits de l'homme, mais à son aura je vis qu'il n'était pas du côté du bien. La sienne était noire d'encre. Opposée à celle de mon maître, blanche immaculée, lumière bienveillante et guide. Si l'on faisait abstraction des possesseurs, on avait l'impression de voir un combat entre le bien et le mal. Soudain, l'obscurité gagna du terrain sur la lumière. Dans la lutte, je vis mon maître être acculé contre un rocher et son adversaire, d'une botte, le désarma. L'homme tourna la tête et j'eus vraiment l'impression qu'il me regardait. Son visage m'apparut alors clairement et un large sourire sadique s'y refléta.

Il me lança un regard comme pour me mettre au défi d'intervenir. Après s'être de nouveau amusé de mon impuissance, il se retourna vers mon mentor et lui plongea sa lame dans le cœur.

"Nonnnnnnnnnnnn !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!"

Mon esprit venait d'en prendre un sacré coup. La balayant de la main, je dissipai l'image maudite. L'ombre me dit alors :

"Ce que tu as vu est le futur. Mais tu peux modifier ce futur si tu accèdes à notre demande. Rejoins nous ! Rejoins le clan des ténèbres ! Je sais que tu en meures d'envie ! Tu possèdes un talent hors du commun que nous te permettrons d'exploiter au maximum."

"Jamais ! Je ne ferais jamais parti des ombres ! Jamais, jamais, jamais ! Vous entendez ? Jamais !!!!!!!!!!! Partez !"

Joignant le geste à la parole, je frappais le spectre. Mais un spectre, ce n'est pas matériel, c'est de la fumée. Du coup, mon poing traversa son corps comme il aurait traversé de l'eau. Je ne pouvais le dissiper que temporairement, car le trou où mon poing avait percé se referma rapidement. Si je ne pouvais lui faire du mal, en revanche, lui le pouvait. Il plongea sa main dans mon crâne et j'eus l'impression que du feu liquide parcourait mes veines dans la douleur la plus totale. Tombant à genoux, je cherchais la moindre parcelle de mon corps qui ne souffrait pas. Je finis par la trouver : mon cœur ! Il ne pourrait jamais m'enlever tout espoir.

"Rejoins-nous ou meures !"

"Ja...mais !!!! Ouahhhhhhhhhhhhhhhhhh !!!!!!!!!!!"

Le hurlement qui m'échappa, résonna dans l'univers.

"Peu importe ce que tu as choisi ! Tu rejoindras Phaïtos d'une manière ou d'une autre ! Même si, pour cela, tu dois mourir !"

La douleur devint si insoutenable que je ne pus plus résister longtemps. A terre, des spasmes me secouaient.

"Stop ! Arrête ça, maléfique ! C'est fini !"

Une étrange lumière arriva et se campa entre les silhouettes et moi.

"Cessez cela ou je devrais utiliser les grands moyens !"

Cela fit rire son adversaire.

"Minuscule comme tu es, que pourrais-tu nous faire ? Avorton !"

La lumière blanche se teinta de rouge. Je compris qu'elle était énervée. Un jet de lumière partit de cette alliée et alla désintégrer la moitié du corps de son rival. Mais cette fois, il ne réapparu pas.

"Ça c'est pour m'avoir traitée d'avorton et ça c'est parce que j'en ai marre qu'on me traite de mec !!!

Elle se mit à émettre une puissante lumière. Tout comme moi, Ils se cachèrent les yeux dans les mains. Avant de fermer les yeux, je vis le plus faible se dissiper sous l'effet de la lueur. Aux cris atroces qui s'en suivirent, les autres durent mourir de la même façon.

Quand je retirai les mains de devant mon visage, je ne me trouvai plus dans l'espace, mais dans une belle et calme clairière.

"Comment suis-je arriver ici ?"

"Techniquement, tu n'as pas bougé. Les ombres avaient créé un climat de ténèbres dans ton esprit, je n'ai fait que le chasser et y instaurer un beau paysage rassurant."

"Tu veux que tout ceci est un rêve ? Que tout ceci n'est pas réel ?"

"Le fait que cela soit un rêve n'exclut pas la réalité. N'as-tu pas senti la douleur physique qu'il t'as infligé ? As-tu déjà ressenti cela dans un rêve ?"

L'air pensif, je repartis :

"Mais si tu es réelle qui es-tu ?"

"Je suis une Faera."

"Mais...euh c'est quoi une Faera ?"

La lumière se transforma en petite fée qui eu un sourire.

"Une Faera c'est ça."

Elle devint un minuscule oiseau, puis un petit chat et après elle passa par une multitude d'animaux et d'objets de petites tailles. Pendant ses transformations, elle disait :

"Une Faera, c'est aussi ça, ça, ça et ça. Et même ça !"

Elle se changea de nouveau en fée et me dit :

"Alors quelque chose à ajouter ?"

"... waouh !"

Petit sourire victorieux.

"Des questions peut être ?"


"Pourquoi m'as-tu aidé ?"

"Je veux que tu deviennes mon... maître."

"Bon alors pourquoi m'as-tu choisi ?"

"J'ai vu ton futur et j'ai été peiné par les choses qui t'arriveront. Mais aussi j'ai compris que ton cœur est bon. Alors, je me suis mise à ta recherche et j'ai entendu ton esprit souffrir alors j'ai trouvé un moyen d'entrer dans ton rêve. Mais ce moyen, je ne suis pas autorisé à te le dire."

"Comme tu voudras... Et au fait, merci ! Mais si tu veux que je deviennes ton maître et que nous sommes dans un rêve, quand je me réveillerai, tu seras auprès de moi ?"

"Eh non ! Je suis très loin d'ici !"

"Mais alors, tu viendras me rejoindre ?"

"Et puis quoi alors ?", elle m'adressa un clin d'œil, "C'est toi qui va venir et je sens qu'on va bien s'amuser !"

"Très bien, mais comment puis-je te trouver ?"

"Je vais te montrer une sorte de carte constituée de point de repère que tu devras suivre pour me trouver."

Elle entra alors sa main dans ma boîte crânienne comme le fit précédemment le spectre à la différence près que cette fois-ci ce fut doux et agréable. Une série d'images entrèrent dans ma tête et je pus voir dans la dernière, l'endroit où était ma Faera.

"Je vais maintenant te laisser..."

"Attends ! As-tu un nom ?"

"Quand tu m'auras trouvée, donne-moi un nom et je serais définitivement liée à toi. Et maintenant bonne chance..."

Elle commença à cesser de luire et puis, elle se métamorphosa la petite luciole qu'elle était au début de son apparition. La lueur s'approcha de mon oreille et me souffla :

"Réveille-toi..."

Mes yeux se fermèrent au pays des Rêves pour se rouvrir dans le monde réel. --->

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Dernière édition par Ibouky le Dim 24 Juil 2011 00:43, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Sam 23 Juil 2011 21:41 
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<--- Revenu dans le monde des vivants, la première chose que je vis fut le visage bienveillant de mon maître. Après la vision d'horreur apportée par l'Ombre, je ne pus que lui sauter au cou.

"Maître ! Vous êtes vivant !"

"Bah oui que j'suis vivant ! Pourquoi je serais mort ?"

"Eh ben, dans mon rêve..."

"Ce n'est rien ! Nous en reparlerons plus tard ! Pour le moment, j'ai quelques surprises pour toi !"

C'était déjà une surprise qu'il vienne me sauver mais... non attendez ce n'est pas une surprise, je les ai sentis et entendu ! Bien sûr ! C'était eux les hommes qui nous suivaient. Maintenant que j'y repense l'odeur que j'avais senti est celle de mon mentor ! Mais après réflexion, je me dit que je n'avais identifié qu'un seul des trois hommes. Qui pouvaient bien être les deux autres.

"Alanila ! Viens soigner mon jeune ami ici présent !"

La seule femme du trio s'approcha de moi et posa ses douces mains sur mes blessures. Aussitôt, elles se refermèrent et une sensation de bien être m'envahit.

"Ibouky, je te présente Alanila, magicienne et elfe bleue. L'une de mes meilleurs amis."

"Bonjour et bienvenue Ibouky !", me dit-elle en ajoutant un clin d'œil, "Eltebo nous a beaucoup parlé de toi."

Fasciné par son beau visage, je sursautai quand un Woran noir posa sur mon épaule.

"Et voici Izitano, guerrier et Woran Sombre. Si tu cherchais un maître d'arme, tu l'as trouvé."

"Magnifiques lames que tu as dans ton sac, je peux les voir ?"

Ayant mon aval, il sortit mon poignard et mes griffes. Il commença par l'étude de mon poignard :

"Une arme parfaitement équilibrée... Une garde usée par l'usage... Je vois que tu t'en sers fréquemment !"

Puis il passa à celle de mes griffes :

"Mélange argent-titane... Des pointes acérées comme des rasoirs... Aussi solides que les miennes... De très belles griffes et je peux te le dire, efficace en combat ! Eh bien, mon ami, tu es très bien armé pour ton prochain combat !"

"Mon prochain combat ? Mais quel combat ?"

"Ça c'est la deuxième surprise..."


Il alla chercher quelque chose derrière le chariot. Il revint avec mon adversaire précédent.

"Nous nous sommes dit que tu voudrais prendre ta revanche... Enfin, c'est une idée à Izitano... Comment appelles-tu cela déjà ?"

"Une vendetta... Dans ma langue, cela veut dire vengeance doublée... Pour certains membres de mon peuple, c'est très important !"

"Eh bien... Merci Izitano et merci vous deux aussi ! Je crois que maintenant que je vais mieux, je vais m'y mettre !"

Ils détachèrent le prisonnier et je me mis en position de combat.

"Eh ! C'est injuste ! Il a armé et pas moi !"

"Et alors ? Tu crois que c'était juste quand tu avais ta hallebarde ? Néanmoins, je consens à te donner une arme. Izitano, donne-lui l'arme de son défunt compagnon, il n'en a plus besoin."

Ce dernier obéit, mais il avertit mon adversaire :

"Si je ne savais pas que tu allais perdre, je t'aurai dit que t'avais pas intérêt à gagner sauf que je le sais. Alors, je te dirai que vaudrait mieux pas pour toi que t'essaies de t'échapper. Sinon là, ce sera ta fête !"

Le temps que mon rival reçoive sa part d'équipements et d'injures, j'activais mon instinct. Cinq étapes qui me serviront à vaincre. Les deux combattants prêts, mon mentor déclara le début de la mise à mort. Frappe de taille de mon concurrent que je parai avec l'une de mes griffes. De l'autre, je lui lacérai les chairs abdominales.

"Œil pour œil, dent pour dent comme on dit !"

Libérant sa lame, il chercha à frapper par le haut. Cette fois, je bloquai sa rapière en croisant mes armes. Et je ripostai par un coup de pied toujours au niveau du ventre. De nouveau, nous fûmes face à face. Lui laissant la défense, je changeai pour l'attaque. Double coup. Parant l'un de son arme, l'autre du pied, il eut tout de même du mal. Multipliant la fréquence de mes coups, je ne lui laissais aucun répit. Il réussit glisser le long de mon bras, pour m'infliger une longue estafilade sur la joue. Furieux, mes coups devinrent encore plus nombreux et puissants. Sous la puissance d'un d'entre eux, il lâcha son arme. Mais au lieu de la ramasser, il trébucha volontairement et se mit à ramper pour m'échapper. Je n'y croyais pas. Il fuyait !

"Reviens ici sale chien ! Reviens te battre, te dis-je !"

(Peut être un coup le réveillera-t-il ?)

Je lui flanquai grand coup de pied dans le dos.

"Ici, j'ai dit !!!"

Aucun effet... Lâchant mes armes, je lui dis :

"Tu ne veux pas te battre avec des armes très bien alors viens maintenant !"

Il hésita énormément avant de se remettre debout. Je pensai alors qu'un uppercut pourrait le réveiller. Bing ! Plein menton ! Et pourtant il tint. Respect. Mais le combat n'est pas fini.

"Je te laisse l'attaque cette fois."

Il tenta une frappe directe. Esquive. Ses mouvements sont lents et prévisibles. Coup de genou ? Esquive. Coup de boule ? Esquive. Coup de coude ? Ah, non, là j'en ai marre. Machette sur son coude tendu. Craquement, grognement de douleur et le revoilà à terre.
Je le relevai, saisissais une pierre et lui abattis sur le crâne.

"Debout j'ai dit !"

Il se ré-écroula automatiquement.

"Très bien je n'ai pas le choix à ce que je vois."

J'allais chercher mes armes quand je remarquai que mes trois amis regardaient le combat avec attention. A mon grand étonnement, Alanila, la fleur "fragile" n'était pas choquée par la vue du sang. Eltebo semblait simplement préoccupé. Mais Izitano, lui, avait l'air absorbé par le combat. Je retournai voir mon rampant adversaire, le saisis par le collet et le remis sur pied pour l'énième fois. Je lui remis son arme et il attaqua avec son habituelle et prévisible attaque de taille. Mes lames s'enroulèrent autour de la sienne qui s'envola pour se planter quelques mètres plus loin. Il n'esquissa aucun geste pour aller la chercher. Fou furieux, je m'approchai et hurla :

"Bas..."

Mes griffes lui traversèrent la poitrine.

"...Toi !!!"

Elles en ressortirent sanglantes et un flot rougeâtre se déversa de la plaie. A peine l'acier avait-il quitté sa chair, qu'il tomba pour ne plus jamais se relever. Lui mort, ma colère s'éteignit. Et je vis alors le carnage que j'avais perpétré. Cela avait été comme si je ne contrôlais plus mon corps, comme si quelque chose avait pris possession de moi. Quand mes yeux croisèrent ceux de mon maître, je vis un éclair de déception passer derrière ses yeux. Je ne pus dire qu'une chose :

"Désolé..."

"Tu auras au moins appris que la colère ne mène pas à une victoire complète... Et qu'elle est souvent horrible et incontrôlable." me consola le maître d'arme du groupe.

Cette leçon passée, nous entreprîmes de nettoyer le massacre. Après avoir ramassé ce qui pourrait nous être utile, nous brûlâmes le reste et partîmes vers Oranan. Tout cela, sans prononcer un seul mot. --->

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Dernière édition par Ibouky le Sam 25 Jan 2014 20:35, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Sam 4 Fév 2012 17:05 
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J'ETAIS SUR LA ROUTE...


Trouver la route depuis le coeur de la forêt avait été une étape plus qu'éprouvante pour Rägrok, et bien souvent il fit demi-tour après un bon moment de recherches, comprenant que la forêt était bien trop étendue pour qu'il puisse trouver rapidement un chemin bien entretenu et non pas un amas d'arbres pouvant se substituer à un sentier de terre battue, non, il devait réellement se concentrer et dénicher, dans la ligne d'horizon traversée de toutes part d'arbres immenses, un véritable chemin qui le mènerait de nouveau sur la route de son pélerinage et lui permettrait d'atteindre Oranan dans moins d'une semaine, s'il réussissait à éviter les confrontations avec les pillards et même avec d'éventuels marchands.

Une cabane se profilait au loin, et ce devait-être celle d'un garde forestier, mais vu le nombre de braconniers, sa logique se remettait perpétuellement en doute et il ne pouvait prendre le risque d'affronter un nouvel adversaire, il devait avant toute chose se raccrocher à la civilisation et ce n'était pas une cabane de bois miteuse qui constituerait un éventuel indice quand à la direction de la ville.

C'est en errant par hasard là où la forêt lui semblait s'éclaircir quelque peu qu'il compris pouvoir poursuivre sa route comme il le souhaitait, car la lumière grandissante ne pouvait que signifier la fin de l'amas de végétaux bien trop grands et envahissant pour qu'il s'y sente à l'aise, et c'est avec un nouvel élan d'espoir qu'il boîta en direction de la lisière, redécouvrant avec un plaisir non caché les épaisses murailles de la ville de Bouhen et la route qui en partait vers le nord.

Ce ne fut qu'au bout de quelques enjambées à peine qu'il put rejoindre l'une des nombreuses caravanes marchandes qui se faufilaient hors des portes tel un asticot hors d'une pomme, leurs longues silhouette soudées et peu organisées se détachant du grand mur de pierre derrière lequel les soldats se cachaient et qui étouffaient les habitants et les visiteurs en tentant de les protéger des assauts répétés des orques, la tension régnait donc, et malgré le négoce expert de Rägrok, sa figure amochée et ses nombreuses tâches de sang séché, aussi bien le sien que celui de son précédent adversaire, ne parvenaient pas à rassurer les pauvres marchands de ses ambitions pacifiques, et le guerrier garzok ne parvint à obtenir ni asile ni transport, il devait clairement compter sur ses pieds affaiblis par les combats pour se transporter pendant, selon un marchand, cinq lunes avant d'atteindre finalement la ville d'Oranan, mais il fut également mis en garde qu'accoutré comme il l'était, il n'était certainement pas prêt d'atteindre les portes sans se faire repousser manu militari.

Entre les négociations et le temps qu'il avait mis à se tirer des bois infâmes et immenses, le pauvre diable ne pouvait rien faire sinon regarder, impuissant, le soleil lui indiquer que l'après midi était déjà bien entamé, ou encore écouter les râles de douleur de son ventre qui lui répétaient sans cesse son oubli de l'avoir correctement nourri depuis trop longtemps, restait même ses pieds, trop à l'étroit dans ses souliers qui, eux, le harcelaient en lui remémorant la condition d'orc véritable, pouvant courir plusieurs jours sans se fatiguer alors que lui, pauvre nomade ramolli qu'il était, ne pouvait que se plaindre de marcher trop longtemps.

Ce fut donc en ce milieu d'après midi que Rägrok commença sa marche forcée, dans le but d'atteindre la ville d'Oranan, camper non loin et finalement reprendre son pélerinage vers le lieu saint qu'était pour lui la tour d'Oaxaca, et même s'il ne pouvait s'en approcher, le simple fait de la rejoindre lui paraissait être un véritable soulagement, car ne serait-ce que depuis qu'il était parti, les voix le harcelant avaient cessé, peut-être avait-il choisi le bon chemin après tout, ou bien peut-être la chaude chambre de l'auberge de Kendra Kâr aurait-elle dû l'acceuillir un peu plus longtemps ? Il avait déjà fait un bon paquet de kilomètres, mais la route était encore bien longue et bien dure en face de lui, des dangers se fourrant sous chaques pavés alors qu'il était déjà épuisé des combats.
Dans tous les cas, s'il voulait bel et bien atteindre la rivale de Kendra Kâr en marchant, il devrait également le faire de nuit, et ce n'était pas une chose qui améliorerait son moral, ça non...

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Dim 5 Fév 2012 19:15 
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REPOS DU GUERRIER


Rägrok était content d'avoir trouvé de la compagnie en ce dur voyage qui l'attendait, et le fait de pouvoir parler à un être pouvant se contenter de la fermer et l'écouter ne pouvait que lui faire le plus grand bien, les humains ayant la farouche habitude de chercher à imposer leurs opinions tandis que les moins intelligents ne cherchaient même pas à la comprendre, autant dire qu'un être tel que celui qui suivait désormais le garzok était assez rare à dénicher dans des contrées majoritairement peuplées d'humains et autres humanoïdes fins et raffinés, de quoi dégoûter un bon moment Rägrok de ce genre de paysage.

- "Tu marches depuis longtemps, toi ?"

- "Tu peux pas savoir, j'aurais bouffé un sekteg cru en échange d'un simple canasson à pouvoir monter"

- "Oh, j'imagine qu'avec tous ces trajets, tu te sens vraiment seul..."

- "Je parlais d'une monture, pas de compagnie."

Un bref silence s'installa entre les deux interlocuteurs, l'un légèrement vexé et l'autre carrément gêné, et il y avait largement de quoi l'être, en y repensant :

- "Je me rends à Oranan, je vais sûrement camper pas loin de la ville, comme ça je risque pas de me faire emmerder par d'autres peaux-roses en grosse armure, on m'a vivement déconseillé de jouer avec et ces conseils m'ont pas l'air stupides..."

- "Je sais pas exactement si tu les fuis, ou si tu veux vraiment éviter la bagarre, t'aurais pas un petit peu peur ?"

- "C'est ce que je me disais, j'en suis venu à la conclusion que j'étais tout simplement doté d'une caboche un peu meilleure que mes frères de sang, et que je savais quand se battre et quand se reposer."

Un deuxième silence vint se poser une fois de plus en plein milieu de la conversation, laissant à l'orque la possibilité de s'observer boîter, et de se dire que dans son état, il fallait vraiment qu'il se repose, mais cette idée ne lui plaisait guère et il préférait de loin faire le voyage d'une traite, peu importait les aléas du chemin, plus vite il serait à Omyre, plus vite il pourrait se reposer pour de bon :

- "Si j'avais des sous à parier, j'en aurais misé dix que tu ne tarderas pas à t'écrouler, tu as l'air de quelque chose de mort dans un costume de lui-même...

- "Alors c'est que je tiens encore debout, et tant que mes jambes me tiennent debout, je ne suis pas mort."

- "Je te l'accorde, mais tu devrais vraiment prendre ne serait-ce que l'après midi pour te reposer, tu sais."

L'orque balança sa tête en arrière, provoquant un bruit de craquement sec mais dont la sensation lui faisait vraiment grand bien. Dans son accoutrement, il ne pouvait pas vraiment s'étirer, et le seul moment où il pourrait se permettre de retirer ses protections serait à l'occasion d'un campement, son interlocuteur avait marqué un point.

- "Regardes, tu en es à la moitié du chemin, tu ne me crois pas ? Le niveau descends, prends ton temps et observe l'horizon."

- "C'est bon, j'ai ma carte, nous sommes à mi-distance, et je me doute bien qu'on ne va pas tarder à voir le lac, mais je te l'ai déjà dis...

Un léger ricanement suffit à lui faire comprendre que poursuivre sa phrase ne relevait d'aucun intérêt, son compagnon se doutait qu'il n'aimait pas la vue de l'eau.
Une vague de fatigue s'abattit sur lui comme si une herse se refermait sur ses épaules, lui faisant plier un genoux pour garder un équilibre à peu près stable alors qu'on lui susurrait à l'oreille :


- "Il faut que tu dormes, Mâchefer, tu as pris de l'avance et je t'accorde le droit de dormir, t'as encore du chemin et si tu pouvais le faire avec les deux pieds alignés, ça m'arrangerait fortement."

Rägrok se redressa alors légèrement et entama une descente rapide de la petite butte sur laquelle il s'était perché sous ses propres conseils.
Une fois à l'écart de la route, il put se permettre de dresser un semblant de tente, se gardant de faire un feu faute de bois aux alentours, et de toute manière le temps était relativement chaud pour le moment, la couverture en peau animale qui le recouvrait ne devrait donc pas avoir de mal à le réchauffer suffisamment, en espérant que sa fatigue ne le mène pas à se parler à lui-même une fois de plus, voir mieux encore, qu'il trouve un fidèle compagnon pour tailler le bout de chemin restant en sa compagnie.
Mais pour le moment, le grand guerrier Mâchefer allait s'accorder un après-midi de sommeil tout entier histoire de rattraper les précédents épisodes, sans doute un peu trop mouvementés pour ce à quoi il s'attendait. La prochaine fois, il prendra un bouclier plus grand et plus dur.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Mer 4 Juil 2012 00:44 
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<<

- Premier jour -


- Karl…
- Tout doux, Frank.

Comment Pépin était arrivé là, il n’en avait fichtrement aucune idée. Tout ce dont il se souvenait, c’était d’avoir sauté sur une sacoche orque pour sauver son amie de toujours, avant de s’apercevoir qu’elle s’était déjà délivrée toute seule. Ahem. Et depuis il ne faisait que blablater, complètement émerveillé par la découverte absolument extraordinaire de la petite Ephélide, et son babil incessant semblait passablement irriter les deux orques ici présent – ce que le lutillon semblait ne pas avoir remarqué, bien sûr. Il débitait, naïf et heureux, à propos d’Ephélide Filipendule, cette petite lutine taquine qui s’était tout bonnement fait passer pour un garçon :

- Ahhhhh… Mais je savais qu’il me rappelait quelque chose, ce Fil-machin-truc ! Non, mais c’est vrai, quoi ! Une frimousse pareille, ça ne s’oublie pas. Hein, les gars ? Ah, mais quand même sacrément courageuse, avec ça ! C’est ma Fifouille, elle n’a pas froid aux yeux. Et dire que nous, avec Calembour, on se demandait si on avait bien fait de s’engager, pouah ! Elle, ni une ni deux elle se coupe les cheveux pour devenir Chevalier. Et puis elle, elle vous a échappé à son aise.

Il raconta l’épisode du sac à dos plein d’actefacts incongrus, couronne de pâquerettes et autres babioles. En réalité, ça ne pouvait être que celui de cette petite canaille ! La poudre de riz, comment il avait pu ne pas s’en apercevoir ! C’était un truc de fille, ça, non ? Et puis il raconta aussi la manière romanesque avec laquelle il avait décelé la supercherie. Gülli. Gülli ! Voyons, c’était son bouloum en peluche !

- Hihihi, je me demande si elle l’a emmené en campagne, quand même !

Sur ce il passa du coq à l’âne, s’extasiant d’avoir passé une journée entière – certes mouvementée, mais quand même ! – à Âne-aux-Nîmes et d’avoir été si près du célèèèbre fortin aux Meuh-Niés. Toute cette histoire était rocambolesque, il fallait ab-so-lu-ment qu’il la leur racontât ! Selon les divers contes d’O’Grimh – qui s’était passionné pour ce lieu magique, c’était une chose à savoir – la première reine Tarquinia Tartempion avait refusé la présence du moindre bovin à proximité de son palais. Excédée qu’elle était par leurs mugissements, elle avait banni jusqu’au moindre petit veau tout mignon tout doux, leur préférant ânes et ânesses, qui avaient donné leur nom au village.

- Dingue, non ? En même temps c’est vrai qu’un ânon c’est vraiment tout doux… Vous en pensez quoi, vous ?

En fait, ces orques n’étaient pas si méchants que ça, finalement. En tous cas, il les aurait imaginés plus brutaux et bestiaux. Mais il n’avait simplement pas vraiment saisi qu’ils devaient le conserver sain et sauf – allez savoir pourquoi – et ce à leur plus grand dam. Le lutin se souvint soudain des paroles proférées par l’orque qui les avait surpris à revers :

- Dites-moi, chers garzoks, vous ne croyez quand même pas que je suis un nécromant, hein ?
- Bayonne-le, Karl.
- Je préfèrerais le griller.
- Elle a dit de les ramener vivant.
- On en n’a qu’un…
- Oh ! Un beau pissenlit !
- … et encore heureux. Grrr.

______________________________________________________________________

- Deuxième jour -


- Hm ? Hm-hm-hm-hm. Hm-hm-hm-hm-hm-hm !

Le soir du deuxième jour avec les deux orques, à savoir Karl et Frank – deux gars très sympas, au fond, mais alors vraiment tout au fond – Pépin s’enthousiasmait déjà moins pour tout ce qui lui était arrivé. De toutes façons il ne pouvait plus le partager avec ses nouveaux amis, puisqu’ils lui avaient mis une noisette entière dans la bouche. Lui qui était déjà ligoté depuis les premières secondes de leur rencontre, il commençait à se dire qu’ils ne le portaient pas dans le cœur, et cet état de fait l’attristait beaucoup.

Et comme il ne pouvait plus s’extasier de rien, et qu’il devait se retenir de poser des questions (apparemment indiscrètes, hm), il pensait tout le temps à son régiment. Tous ses amis, et ses archi-cousins, et maintenant sa cousine ! Ils lui manquaient tellement, et il savait qu’ils devaient beaucoup s’inquiéter. Sa maman avait été la première, et la plus virulente, avec ça… et elle avait eu raison. Comment aurait-il pu s’imaginer un instant que la vie hors de Bouh-Chêne réservait autant de mésaventures ?

(En parlant de ça…)

Quand les deux orques décidèrent d’établir le campement, ils sortirent de la sacoche et le balancèrent sans ménagement. (Aïeuuuh !) Par terre, il se démena comme un lutinora pour pouvoir les observer, et Yuimen savait que c’était dur de bouger sans les mains, pieds et poings liés et une noisette énorme dans la bouche ! Il y en avait un plus grand, et l’autre était plus gros, mais quoi qu’il en fût les deux étaient vraiment laids. Encore plus laids que des gobelins, c’est dire ! Le cuir dont ils se bardaient luisait de gras, et du gras il y en avait : la graisse de leur dîner grésilla lorsqu’ils le firent rôtir sur une broche au-dessus du feu. Ils mangeaient encore de l’animal, et ça rendait Pépin perplexe et passablement écœuré.

Il essaya d’entendre leurs paroles malgré la distance qu’ils avaient mis entre eux et lui :

- … nécromant ?
- … ridicule…

Quoi ? Ils parlaient d’un nécromant ridicule ? Mais, par Yuimen, qu’est-ce que tout le monde avait avec les nécromants, ces derniers temps ? Pépin n’en revenait pas : et dire qu’ils avaient cru que lui et ses amis étaient comme ça ! (Parole de lutin, jamais de la vie !) C’était trop sale, comme comportement. Le lutillon se souvint que Péperci lui avait expliqué, un jour : ces gens-là réveillaient les morts, et c’était pour une femme comme ça qu’ils travaillaient, tous les méchants. Ç’aurait été étrange que les deux orques les eussent craint pour ça, quand même, ils devaient avoir l’habitude… Comme si les zombies qui les avaient attaqués, dans Âne-aux-Nîmes, n’étaient pas leurs acolytes !

(Prenez-moi pour un imbécile, oui !)

- Hm ! Hm-hm-hm-hm-hm !!

Pas difficile, en soi.

______________________________________________________________________

- Troisième jour -


Ils le balancèrent à nouveau le troisième soir. Mais cette fois-là, Pépin avait un plan pour s’échapper. (Hinhin… !) Il n’en pouvait plus de la sacoche fétide de ces orques, qu’est-ce qu’il pouvait s’ennuyer ! Et puis, trois jours sans ses amis, tout seul, et sans pouvoir parler ni courir, ni sauter – c’était un véritable calvaire, pour notre petit lutin. En plus, il avait fini par comprendre qu’ils voulaient l’emmener à Omyre, et ça, ça ne sentait pas bon – pas bon du tout, au propre comme au figuré. Le truc bien, dans l’histoire, c’était qu’ils avaient eu peur de passer par les montagnes. (Les nains non plus, ça sent pas très bon.) Mais Oranan, au contraire, ça fleurait bon le lotus, la sauce nuoc-mâm et le jasmin, et c’était à ses abords qu’ils comptaient passer.

Pépin se lécha les babines en pensant aux délicieux makis à l’avocat dont il allait pouvoir se régaler s’il se sortait de ce traquenard, et il observa les alentours pour mettre au point son plan oaxacique. Ils avaient érigé le camp – d’une indigence et d’une désuétude qui forçait la compassion du lutillon – à l’orée d’un bois, certainement la forêt d’Ynorie. Juste assez profondément sous le couvert des arbres pour bénéficier de l’obscurité, mais encore suffisamment près de la plaine pour pouvoir la surveiller. Ils n’étaient décidément pas si bêtes, ces orques, et du coup ils différaient assez de l’idée que Pépin s’en était longtemps faite.

Mais leur prétendue perspicacité n’allait pas arrêter le super-lutin qu’ils avaient lut-nappé.

(Hihihihihi !)


>>

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Dim 9 Sep 2012 01:45 
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C'est dans un quasi silence que le convoi progresse sur les pavés encore présents. En tête du cortège, la capitaine Harkan maintient un rythme relativement élevé, tout en restant à la hauteur du chariot d'équipement. De temps en temps, je la vois légèrement tourner la tête vers Nawakura Ayame, mais la distance m'empêche de savoir si elles discutent. En jetant un coup d'oeil par-dessus mon épaule, j'aperçois la silhouette du grand milicien. Il vient de remettre son casque en place, et arbore une expression encore plus rigide que la pierre composant le chemin. Impossible de dire à quoi il peut bien penser. A le voir faire, j'ai la sensation d'observer une incarnation de l'impassibilité ynorienne dans toute sa splendeur.

Un léger bruit régulier m'informe que Uzuuma Genji avance tranquillement de l'autre coté du coche. Penser à lui m'amène à tourner mon regard sur son jumeau. Une vive surprise m'étreint quand je m'aperçois qu'il me fixe, sans doute depuis un petit moment. J'esquisse un sourire amical à son intention.

"Oui ?"

"Hum ? Oh, rien Kiyo', enfin si tu permets que je t'appelle comme cela. Je me demandais pourquoi un petit gars comme toi était entré dans la milice."

"Disons que c'est... Une sorte de tradition dans la famille."

"Ah ! D'accord ! Bienvenue dans la milice alors ! Si tu as besoin de conseils... Je suis sûr que Genji se fera un plaisir de t'aider !"

J'émets un souffle amusé à la remarque, puis reporte mon attention sur la route, évitant de justesse un pavé mal agencé. Du coin de l'oeil, je perçois le milicien s'étirer. D'un coup, je sens que le sac que je porte, paquetage pour la nuit, est tiré sur le côté. Avant même que je puisse protester, Junji s'en empare avec un air amusé, et trottine jusqu'au chariot. Mon bagage rejoint ceux des autres, puis le jeune oranien se laisse rattraper.

"Voilà ! Tu fatigueras moins comme cela ! La route va être longue après tout."

Je ne sais pas si Junji est juste naturellement ouvert aux autres, ou si c'est un élan de naïveté qui l'anime. Toujours est-il que devant son expression d'autosatisfaction, je ne peux pas m'empêcher de lui lancer une petite remarque.

"Certes. Sauf qu'en général, on demande la permission avant de faire une chose pareille. Se faire arracher ses affaires n'est pas toujours bien perçu."

"Ah."

Venant de l'autre côté du coche, la voix du milicien Uzuuma Genji s'élève. Son intonation est légèrement amusée.

"Toute une éducation à refaire. Si je ne te fréquentais pas depuis la naissance, je douterais que tu sois mon jumeau."

"Eh, c'est toi qui est mon jumeau ! "

Je tends mon oreille pointue à cette conversation, amusé par la légèreté de celle-ci. Un son presque inaudible me parvient, me faisant jeter un oeil par-dessus mon épaule. Un très bref instant, je suis certain de voir Tanigura Hidate retenir difficilement un air amusé. Sauf qu'il me suffit de cligner des yeux pour que son expression impassible soit de retour. J'en viens à me demander si je saurais me faire une petite place parmi eux. Ils m'ont l'air d'être des gens biens au premier abord, mais je suis bien placé pour savoir que les apparences sont souvent trompeuses.

La journée se poursuit sous un ciel légèrement nuageux. Lorsque je ne regarde pas mes pieds pour éviter une pierre, je remarque au loin des murs en hauteur. Ce sont sans doute des points de surveillance du territoire, du genre forteresses. Le passage d'autres convois et l'air calme des lieux me font un instant douter de l'état de guerre. Pourtant, lorsque plusieurs patrouilles armées croisent notre route, la réalité reprend ses droits. Je ne suis pas en voyage d'agrément. Il me faut rester vigilant, quand bien même j'ai l'envie d'aller ramasser quelques herbes médicinales en chemin.

Le temps s'écoule avec une telle fluidité que je suis quelque peu surpris quand la nuit tombe. Je ne me sens pas spécialement fatigué, mais une petite lassitude dans mon mollet droit accueille avec joie cet arrêt. Tandis que je prépare mon couchage, j'observe distraitement la milicienne Nawakura assembler un feu de camp. Dans un doux geste de la main, elle l'allume, sans même utiliser d'outils. Écarquillant un peu les yeux, je songe bientôt que c'est peut-être là sa spécialité. Peut-être est-elle mage, ce qui expliquerait qu'elle n'ait aucune arme visible sur elle.

Les préparatifs de la troupe sont suspendus quand la porte du coche s'ouvre sur l'homme âgé. L'oranien trentenaire qui l'accompagne l'aide à descendre, et fait quelques pas à ses côtés. Il est vrai que, même si je ne doute pas du confort du véhicule, rester assis pendant des heures doit finir par être désagréable. Et je doute que les brèves pauses régulières soient suffisantes. Dès qu'elle les voit, notre capitaine va à leur rencontre, entamant une discussion peu audible.

Une voix masculine à ma droite m'interpelle.

"Alors, apprenti D'Esh Elvohk, vous tenez le coup ?"

Un regard entre curiosité et compassion m'est adressé, auquel je réponds amicalement.

"Oui, juste un tiraillement par-ci par-là, mais tout va bien."

"Ah ! Le nouveau se plaint déjà ? "

"Eh bien justement, non ! Mais et toi, Aya', comment va ton postérieur ?"

"Rah ! Il fallait que tu la poses, cette question ! Je te déteste, Junji ! "

Je n'ai pas le temps de m'amuser de la réponse qu'elle continue sur sa lancée.

"Et toi aussi le shaakt ! Si tu voulais te faire dorloter, c'est raté !"

Impossible de comprendre cette personne. Est-ce que j'ai laissé entendre ce genre de choses ? Pourquoi prend-elle la mouche contre moi ? Je n'ai absolument rien dit ou fait pour l'agacer pendant ces longues heures. Aurait-elle un problème avec les shaakts, ou cela vient-il du fait qu'elle n'est plus la petite dernière du groupe ? Si c'est le cas, sa jalousie est totalement déplacée.

Je me contente de hausser les épaules, puis d'aider Hidate à retirer le harnachement des chevaux de trait. La configuration du lieu de repos est plutôt stratégique. L'unique porte du coche donne en direction du feu de camp, et le chariot d'équipement, placé sur le côté, bloque le passage sur sa longueur. Nos couchages sont disposés en arc de cercle autour du foyer. C'est logique. Si qui ou quoi que ce soit approche, impossible de ne pas le détecter. Ainsi, dignitaire et servant peuvent se reposer à l'abri dans le véhicule. D'ailleurs, je ne sais rien du tout à leur sujet. Personne n'a pris le temps de m'informer de leur identité ni de leur occupation. Je suppose que cela représente une mesure de précaution, mais la sensation de frustration qui en résulte est préoccupante.

Notre camp installé, un repas bienvenu conclut la journée. Cependant, celui que nous devons protéger ne mange pas avec nous, et son suivant reste, lui, assis sur le marchepied du véhicule. Je suis distrait de mes pensées par la voix de ma supérieure.

"Bien, une journée de passée. Ne relâchez pas votre attention pour autant. Compris ? Bon. Organisation des tours de garde. Vous serez par deux. Je ne veux pas que l'incident du mois dernier se reproduise.

Tout en avalant mon bol de soupe, je me rends compte que les regards ont convergé de manière assez flagrante en direction de Hidate. Ce dernier baisse d'ailleurs ostensiblement les yeux. Son visage a beau être impassible, toute son attitude me donne l'impression qu'il est penaud voire mal à l'aise. J'ai envie de m'informer, mais il s'agit sans doute d'un sujet délicat. Je ne suis pas assez stupide ni assez proche d'eux pour prendre ce risque, et le malaise du grand humain est suffisamment embarrassant comme cela.

"Premier tour, l'apprenti et Uzuuma Genji, apprenez-lui les ficelles. Deuxième, Tanigura et Uzuuma Junji. Nawakura et moi prendrons ensuite la relève.

En une poignée de minutes, les ordres sont suivis.
Mon tour de garde se passe sans problèmes, et j'en profite même pour parler un peu avec ce jumeau sérieux. Je suis d'ailleurs surpris par sa réaction quand je l'encourage à m'appeler par mon prénom. Le jeune homme détourne d'abord les yeux, puis il esquisse un sourire intimidé et acquiesce. Je crois que cette simple proposition lui fait plaisir, mais aucune parole ne vient le confirmer. Par contre, impossible de lui faire lâcher prise sur le vouvoiement. J'ai vraiment du mal à croire que des frères si semblables puissent avoir une personnalité aussi différente. Je retiens toutefois que ce milicien est poli et courtois, mais vraiment discret concernant sa propre personne.

La nuit n'est que moyennement reposante, la cause étant sans doute les sons inhabituels, et la présence d'étrangers tout autour de moi.



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Dernière édition par Kiyoheiki le Mar 11 Sep 2012 09:02, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Dim 9 Sep 2012 15:58 
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Le deuxième jour de voyage se passe au même rythme que le premier, sauf que la disposition des miliciens a légèrement changé. C'est Junji qui conduit le chariot d'équipement, et à voir son expression réjouie, il doit discuter tranquillement avec notre supérieure. La milicienne Nawakura, décidément obstinée, a refusé tout net que je sois dans son champ de vision. En conséquence, elle poursuit le voyage de l'autre côté du coche. Par moments, quelques sons féminins s'élèvent, m'incitant à imaginer qu'elle converse ponctuellement avec le serviteur du dignitaire. Genji ferme la marche, tandis que, causant un certain malaise, je marche aux côtés du silencieux géant.

J'ai beau savoir qu'il est aussi milicien, que nous avons le même but et sommes du même bord, je ne parviens pas à dissiper un certain inconfort. Je ne sais pas quoi lui dire, ni même s'il serait du genre à discuter avec moi. Maintenant que j'y pense, je ne l'ai pas entendu prononcer un seul mot depuis qu'il s'est présenté. Il y a tant d'explications possibles à son comportement que je n'ose pas en choisir une. Je note pourtant quelque chose à son sujet à mesure que nous progressons sur le chemin aux pavés disparus. Son regard sombre se perd dans le lointain, en direction d'une haute bâtisse de pierre. Impossible de percer ses pensées, mais je doute qu'il agisse ainsi simplement pour admirer le paysage.

D'un coup, alors que je continue mon chemin, mes oreilles en pointe perçoivent un bruit. Je n'ai pas le temps de me retourner qu'un lourd poids s'abat sur mon épaule. Rude, peu agréable, mais surtout surprenant. En tournant la tête, je me rends compte que c'est le milicien qui vient simplement de cogner un pavé, et de se rattraper à ce qu'il peut. Autrement dit, j'ai retenu sa chute en tenant de justesse debout.

"Tout va bien ?"

"Hum..."

Après s'être redressé, il se retourne, allant poser son pied sur le morceau de pierre. D'un coup sec, il l'enfonce dans le sol, puis revient à ma hauteur. Son regard sans couleur se rive au mien. Pendant une bonne poignée de secondes, il me scrute, me mettant peu à peu mal à l'aise. Le pire est que je n'ai absolument aucune idée de ce qu'il me veut.

"A votre place, je continuerai d'avancer. Notre capitaine n'aime pas les tire-au-flancs. "

Genji a à peine le temps de nous avertir que la voix au-devant du convoi nous parvient, réprobatrice. J'échange un bref regard avec le grand humain, y décelant avec une pointe de surprise un léger embarras. Il n'a pas tort, peu de gens aiment être rabroués, et ce n'est pas la voix sarcastique de l'autre humaine qui calme la chose. Ma seule réaction est d'émettre un souffle amusé, puis de me remettre en marche. Le plus remarquable est que, cette fois-ci, Hidate adapte ses pas aux miens.

Le temps s'écoule avec un peu plus de lenteur aujourd'hui, mais sans doute est-ce parce que nous ne croisons plus aussi souvent de convois. Parfois cependant, notre chemin croise celui de petits attroupements de fermiers. Leurs visages tannés par le soleil reflètent généralement un peu de curiosité, vite estompée par la tâche qui doit les attendre.

Le soir venu, le même rituel que la veille se répète, sauf que les binômes de garde changent. Je prends toujours le premier tour, sauf que le grand humain est à mes côtés. Entamer la discussion n'est pas facile, aussi, un long silence prend place. Hidate, casque ôté, s'occupe d'entretenir ses armes. Il s'agit de deux katanas d'une très bonne facture, à la lame si luisante que je ne suis pas certain qu'ils aient déjà servi. Leur tranchant est tel que lorsque le milicien fait choir un brin d'herbe dessus, celui-ci se coupe nettement.

Je le regarde faire un instant, quand il se met à me dévisager. Ses yeux glissent le long de mon épaule, puis montent dans mon dos. J'ai compris. Il doit être en train d'observer mon Fang Bian Chan. Otant la sangle, je lui présente mon arme. Un bref instant, l'homme semble surpris, expression balayée le moment suivant. Sans prononcer un mot, il tend la main, hésitant, puis prend le manche de l'arme. Je le laisse agir à son gré alors qu'il se lève, faisant quelques pas, et maniant cette dernière avec une certaine rigidité. Petit à petit, les moulinets aidant, il semble s'habituer à la répartition du poids.

( J'ai presque l'impression qu'il s'amuse. )

A mesure que les secondes s'écoulent, la forme d'abord maladroite du milicien s'affirme, jusqu'à ce que les mouvements effectués ressemblent à une danse. Manier mon Fang Bian Chan, pourtant arme peu commune, semble être inné chez lui. Je l'observe avec attention. Qui sait ? Peut-être que cela peut m'aider à mieux m'en servir ? Une atmosphère réjouie l'entoure alors qu'il reprend sa place. Sans me demander la permission, il se met alors à affuter et observer les lames. Aussi étrange que cela puisse paraitre, je n'ai absolument pas envie de l'interrompre.

Quand il termine sa tâche, il marque un temps d'arrêt, comme se rendant compte de ce qu'il vient de faire. Une lueur un peu perdue nait dans son regard, mais reprendre mon arme en main la fait disparaitre. La seule chose que je puisse faire, c'est de le remercier d'un signe de tête. Une esquisse de sourire apparait, fugace, mais présente.

Finalement, Hidate est plus expressif que je ne le pensais.

________


Le matin du troisième jour n'est pas agréable. Malgré la proximité des bois, des rafales rapides de vent balaient le sol, charriant de la poussière et de fins graviers. Peut-être est-ce la perspective de la fin de mission qui en est à l'origine, mais une tension est palpable au sein du groupe. Hidate a la main à portée de fourreau, Genji scrute le couvert végétal, Junji jongle avec quelques lames de jet, et notre capitaine fait maintenir une allure rapide au groupe.

Le soleil perce à peine la cime des arbres proches lorsque tout se déclenche. Un projectile, arrivant de cette direction, manque de peu heurter le capitaine Harkan. En revanche, il érafle le cheval de trait tirant le chariot, lui faisant pousser un hennissement douloureux. La bête s'agite, au point qu'Ayame doit se hâter à ses côtés pour le retenir. Prenant immédiatement mon arme en main, je me tourne sur la gauche, me postant entre le coche et les arbres, même si l'unique porte se trouve de l'autre côté. La luminosité mal placée crée une pénombre désavantageuse.

La seule chose que je perçois distinctement, c'est la voix de notre supérieure.

"Embuscade ! Aux armes ! Protégez le coche ! "

Pour le moment, seules trois silhouettes apparaissent entre les végétaux géants et nous. C'est trop peu pour une embuscade, et bien trop téméraire comme approche, même pour des assassins émérites. J'en suis persuadé, me rendant encore plus méfiant.

Quelque chose cloche.



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Dernière édition par Kiyoheiki le Mer 12 Sep 2012 13:56, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Lun 10 Sep 2012 14:42 
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J'aurais du m'y attendre. ces derniers jours s'étaient passés avec trop de facilité pour que cela dure. A présent que j'y songe, il est logique que l'embuscade arrive maintenant. Nous sommes encore trop loin de la frontière pour être visible des patrouilles, mais également trop avancés dans les terres pour que les groupes armés interviennent. Le soleil levant bride notre regard, et la proximité forestière leur assure une certaine protection. Sourcils froncés, je continue de rester perplexe. Ils viennent de perdre leur effet de surprise, et se mettent en prime à hurler "à mort" sans se cacher. A moins d'être absolument sûrs d'eux, ce comportement ne reflète aucun professionnalisme.

Gardant les yeux rivés dans leur direction, j'entends Junji émettre un rire enfantin, comme s'il s'apprêtait à s'amuser. Notre capitaine lance alors des ordres, ou plutôt, elle appelle certains des miliciens.

"Nawakura !"

"Compris !"

"Tanigura !"

"Dans vos pas !"

L'instant d'après, la voix de la jeune milicienne s'élève en un cri rageur, s'accompagnant d'un soudain éclat lumineux. J'écarquille les yeux en voyant une haute vague de flammes déferler dans la direction des assaillants, brûlant les herbes sur leur passage. Les silhouettes reculent, mais pas assez vite. Mes mains se resserrent sur la hampe du Fang Bian Chan quand leurs cris entre douleur et rage nous parviennent. Aussitôt les premières flammes disparues du sol, capitaine montée suivie des deux miliciens appelés se lancent dans leur direction.

Je n'aime pas cela. Les silhouettes reculent encore vers les bois au lieu d'affronter leurs adversaires. Est-ce leur stratégie ou ont-il peur ? La réponse arrive vite. Hidate pousse un grondement douloureux, manquant de peu s'étaler au sol. J'aperçois un éclat métallique enserrant son mollet gauche. Le même phénomène se reproduit quelques instants plus tard, faisant hennir avec violence la monture du capitaine. Notre supérieure est désarçonnée sur le coup, roulant sur quelques mètres. Elle se redresse difficilement, grommelant avec férocité, quand je comprends ce qu'il se passe. Des pièges ! L'endroit est parsemé de lourds pièges à dents !

Je m'apprête à aller à leur suite, quand Genji me devance, me faisant signe de ne pas bouger. Agile, il est déjà auprès du grand humain, quand une angoisse m'étreint.

( C'est trop simple. Ils ne font que retarder l'affrontement. Ils n'arriveront à rien contre des gens entraînés... A moins que ! )

Pris d'un pressentiment atroce, je fais volte-face, contournant le coche. Je viens à peine de le dépasser qu'un duo d'épieux en pierre décollent du véhicule. Le serviteur est main tendue, barrant l'accès à l'unique porte. Face à nous, deux humains arborant des habits maculés de terre se redressent, l'un d'entre eux n'ayant visiblement pas pu éviter l'attaque. Soudain, se détachant du sol, deux autres silhouettes couleur terre font leur apparition sur ma droite. Une diversion ! Ces trois hommes et leurs pièges ne font que gagner du temps pour ces adversaires tapis !

Les deux assaillants face au coche sont armés de lames courtes, tandis qu'à ma droite, l'un a une masse d'arme pointue, et l'autre ajuste son arbalète. Tous portent une étrange cape d'un coloris se fondant avec les environs. Ils sont mieux préparés que ce que j'avais d'abord cru. Même leur équipement semble flambant neuf, y compris les protections légères les recouvrant. Une trainée de sueur froide glisse le long de mon dos quand je réalise devoir faire un choix. Je ne peux pas laisser les adversaires de proximité s'approcher du véhicule, mais si l'arbalétrier parvient à nous viser, la faible distance et notre manque de protection vont nous être fatals. Les autres miliciens étant de l'autre côté, nous sommes en sous-nombre. Il serait naïf et imprudent de compter sur eux dans l'immédiat.

Soudain, la porte du coche s'ouvre sur l'oranien âgé, revêtu entièrement d'une armure ynorienne impeccable. Le casque qu'il arbore est fermé par un effrayant masque d'argent, laissant un instant nos assaillants perplexes. D'un coup, le dignitaire bondit hors du véhicule, lançant en avant une longue arme d'hast argentée, ratant de peu l'adversaire le plus proche. Il va se battre ? Le protéger va s'avérer encore plus difficile maintenant !
Je chasse immédiatement cette pensée de mon esprit, ayant un problème bien plus urgent à résoudre. Si je veux l'épauler et le protéger, je dois rester en vie. Dans ce but, pas d'hésitation.

( C'est le moment ! )

Je profite de l'instant de flottement pour me ruer à l'assaut de l'arbalétrier. Ma course est stoppée par l'humain à la masse me barrant le passage. Il me dépasse de deux têtes, mais sa prise sur le manche de son arme ne semble pas aussi affirmée que celle d'un guerrier expérimenté. J'attaque. Serrant les dents, je lance une jambe en avant, envoyant la lame en croissant de lune vers lui. Sa stature fluide l'évite avec facilité, ce qui lui permet même de donner un coup de masse pour l'écarter. Heureusement pour moi, il connait mal les possibilités de mon arme.

J'en profite.

La hampe pivotant sur ma droite, je change rapidement la place de mes mains, faisant un moulinet vif, et ramenant la partie opposée dans un quart de cercle sur ma gauche. Profitant de la vélocité offerte, j'élève la lame plate en direction de sa tête. En levant abruptement le bras, sa masse pare la plus grande partie du coup. Malgré cela, le choc est suffisamment fort pour que sa propre arme lui cogne légèrement le crâne. Abaisser cette dernière entraîne avec elle la capuche masquant son visage. Pendant un instant, je suis troublé par ce que je vois.

Le faciès est juvénile, fin, et couvert de poussière. Ce n'est pas un homme que j'ai face à moi, mais un adolescent, tout juste sorti de l'enfance. Je demeure une fraction de seconde immobile à le regarder, les yeux ronds. Son teint est tanné par le soleil, et de multiples cicatrices parsèment sa peau. Pourtant, le regard qu'il me jette est loin d'être innocent. Subitement, un sourire mesquin peint ses traits, et il fait un pas de côté. Ce n'est qu'en le voyant faire que je remarque le carreau d'arbalète pointé droit sur moi. La réalisation me paralyse un instant, au point d'avoir la sensation que le temps s'est figé.

( Par Rana... )



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Dernière édition par Kiyoheiki le Mer 12 Sep 2012 14:06, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Lun 10 Sep 2012 20:32 
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L'éclat métallique du carreau frappe mon regard, mais une voix rude m'arrache à mon état statique. Je lance ma jambe sur la gauche, cherchant à remettre le guerrier entre l'arbalétrier et moi, mais je suis trop lent. L'impact est violent, et la douleur qui en résulte m'arrache un râle bestial. Je manque de peu perdre l'équilibre, sentant l'adrénaline s'écouler à flot dans ma poitrine. J'ai peur de regarder, pensant naïvement que rien de grave ne se produira tant que je ne réaliserai pas ce qu'il se passe. Sauf que je ne peux pas me permettre un tel enfantillage. D'un rapide coup d'oeil, je prends la mesure des dégâts. L'épaisse tige de bois est fichée en biais sur le côté de ma hanche, rivée dans ma chair, et sans doute fissurant l'os au passage. Je peux encore marcher malgré la douleur, aucune articulation ni point vital ne semble atteint.

Je comprends pourquoi en jetant un vif coup d'oeil à l'assaillant. Un couteau de lancer est fiché dans le bois de son arme, déviant sans doute son tir au moment critique. D'ailleurs, d'autres lames volent en forçant les attaquants à reculer, provenant du toit du coche. C'est Junji, une expression agacée sur le visage, qui les projette, criblant le sol d'armes métalliques. Calant mon arme sous mon bras, je fais pression contre la plaie, et d'un geste aussi précis et vif que possible, je retire le carreau. Sous le tissu de mon yukata, je perçois la chaleur moite de mon sang qui s'écoule. Je n'ai pas le temps de m'en préoccuper, l'adolescent se rue à ma rencontre.

Reculant vivement malgré la douleur sourde qui engourdit ma hanche, je tends mon arme, cherchant à parer, quand une nouvelle lame coupe l'humain dans son élan. Un son énervé lui échappe tandis qu'il ralentit, sa cuisse perforée sous l'impact. Avant que j'ai le temps de réagir, Junji bondit du toit et se hâte dans sa direction. Le milicien esquive sans difficulté un coup de masse, puis il saute à bonne hauteur. Tout s'enchaine très vite. L'ynorien se penche, prenant appui des deux mains sur les épaules du garçon et, s'en servant comme tremplin, il exécute un salto avant, lui permettant d'atterrir pieds en avant contre l'arbalétrier. Surpris, j'aperçois ce dernier tomber rudement.

J'inspire vite. Je refuse d'être un poids mort pour la troupe, quand bien même je manque d'expérience. Ma blessure me fait souffrir, au point que je doute pouvoir porter une attaque efficace. Je ne suis pas un guerrier, et en prendre parfaitement conscience de cette façon est frustrant. La seule chose que je puisse faire, c'est d'occuper cette personne. Brandissant mon Fang Bian Chan, je jette un coup d'oeil vers le dignitaire. Aux côtés de son serviteur, il se tient prêt à riposter à toute attaque, et la portée de sa lance semble dissuader temporairement ses adversaires de charger.

Reportant mon attention sur l'adolescent, je tente de tenir ma garde haute. Après avoir retiré la lame, ce dernier me scrute, puis il brandit sa masse.

( Par le haut ! )

Levant les bras, j'amortis son coup de justesse, et tente de le repousser. Je lutte avec lui quelques instants, sentant la sueur perler sur ma peau sombre. La mâchoire crispée, je sens d'un coup sa force diminuer. Je réagis vivement quand, ôtant sa masse, il tente de frapper mon flanc blessé. J'ai juste le temps de placer mon Fang Bian Chan en biais que le manche de sa propre arme cogne. Mon flanc gauche est exposé, mais sa blessure à la cuisse l'empêche de me porter un coup traître. Bloquant ma respiration, je contiens son assaut, puis bande mes muscles.

Craignant de ne pas avoir la force suffisante pour le retenir, je m'efforce de puiser dans mes réserves intérieures. Je lutte, encore et encore, cédant un centimètre pour en regagner un demi. Dans un sursaut de volonté, je finis par repousser son revers, puis enchainer avec un coup du plat de la lame large. Il touche, mais le manque de vitesse ne fait que claquer le métal contre sa cuissarde. C'est toutefois assez pour le surprendre, et me permettre de l'obliger à faire quelques pas en arrière. Suite à une brève seconde de flottement, il recommence, plaquant son arme contre la mienne. Dents serrées, je tiens ma position malgré la sensation horrible, changeant les appuis de mes mains pour le déstabiliser. Au moment où je perçois un relâchement de sa part, je le repousse une nouvelle fois.

A son troisième assaut, je commence à prendre un peu plus d'assurance dans ma posture. Je ne peux absolument pas riposter à ses coups, mais camper sur mes jambes me permet de lutter vaillamment. Amorti, léger recul, semi pas en avant. Mes dents sont si serrées qu'une légère crampe s'empare de ma mâchoire. Après de longues secondes à contenir son assaut, je parviens enfin à le repousser.

Ramenant mon arme à moi, je le scrute tandis qu'il semble bientôt prendre du recul. Je reste sur mes gardes, tentant de comprendre ce qu'il veut faire, quand la voix déchirante et incrédule du serviteur s'élève.

Instinctivement, mon visage se tourne dans cette direction. Un troisième individu vient de surgir du sol poussiéreux, et l'épaisse hallebarde qu'il porte vient de percuter lourdement le flanc gauche du dignitaire. Le métal est enfoncé dans l'armure. Pas assez pour tuer, mais suffisamment pour que j'aperçoive d'ici la couleur carmin. En représailles, le serviteur tend les deux mains, semblant manipuler le sol. La terre se fissure sous les pieds des assaillants.

Un bruit de course ramène mon attention sur mon propre adversaire. Brandissant bien haut sa masse à pointes, il se rue à ma rencontre. Dans un réflexe, je tends ma lame en croissant dans sa direction, visiblement menaçant, mais sa détermination semble telle qu'il en fait fi. Un soudain afflux de sang sur sa cuisse cause une brutale faiblesse dans son membre. Il perd l'équilibre sans pouvoir se rétablir. En une fraction de seconde, sans que je puisse tenter quoique ce soit pour l'éviter, c'est le choc. Sa vitesse le fait percuter de plein fouet le croissant affuté, transperçant son armure. L'élan est tel que que je suis repoussé à mon tour, fermant à demi les yeux, et plantant malgré moi la lame plate dans le sol. Le Fang Bian Chan s'immobilise cruellement, comme calé contre une surface rigide.

Un lot de bruits atroces parvient à mes oreilles pointues. C'est à la fois un son de pierres blanches cognées rudement, et un gargouillis horrible. Lorsque je rouvre les paupières, je suis tétanisé par ce que je vois. L'adolescent est littéralement empalé sur la lame, et la quasi disparition de celle-ci dans son armure légère ne laisse aucun doute sur les dégâts causés. Sa cage thoracique doit être brisée, enfoncée dans ses poumons, causant une blessure sans doute mortelle.
Le faciès juvénile se crispe, le souffle coupé. Une succession de grimaces y prend place, sans que je puisse en détourner le regard. Lorsqu'il tente de respirer, il suffoque, puis une courte toux lui fait cracher un liquide chaud, dont certaines gouttes vient éclabousser mon visage. Sa main libre effleure la hampe du Fang Bian Chan, venant agripper l'une des miennes. Ses ongles se plantent dans ma peau sombre, comme pour s'assurer que je suis encore là.

Ses yeux perdant leur éclat se rivent aux miens, et du coin de l'oeil, sans doute ultime effort, je devine son bras armé s'abattre sur moi. La force n'y est plus, mais les pointes et le poids de la masse frappent lourdement mon épaule gauche, me tirant un souffle douloureux. Ma peau pique et brûle, signe évident d'une nouvelle blessure. Le métal glisse et choit pathétiquement au sol, mais je ne le remarque qu'à peine. Mes yeux violins restent rivés à ce visage d'enfant marqué par la vie, et aux lèvres maculées de sang. Dans ce tableau terrible, ce sont ma lame et mes mains, couvertes de ce liquide de vie glissant en silence, qui finissent par accaparer toute mon attention. Elles me semblent étrangères. Inconnues. Angoissantes.

( ... Gaïa... Oh, par la déesse... Je... Non... Je n'ai... Ce n'est pas... )

L'appréhension et l'incrédulité m'étreignent lorsque je lève la main gauche, l'apposant contre la gorge de l'adolescent. Je perçois un mouvement, faible, signe de vie. C'est un pouls, un seul, mais c'est celui qui anime mes doigts ensanglantés. Du plat de la main, je repousse progressivement le torse empalé. Le corps sans vie chute comme une poupée de chiffon sur le côté. Je l'observe un instant, pris dans une tempête émotionnelle. Que dois-je faire ? Qu'est-ce que je viens de faire ? Pourquoi est-ce que je n'arrive plus à me concentrer ? Mon regard refuse de se détacher des yeux grands ouverts de cette personne. A chaque battement de mon coeur, je suis persuadé que ces miroirs sans éclat bougent, se rivant dans ma direction.

"Kiyo' ! Viens vite !"

C'est la voix brutale de Junji qui m'arrache à cette tourmente. Oui, je me souviens... Le dignitaire, la mission... Je dois servir la République avant tout. Tirant ma lame du sol, je me tourne résolument vers les combattants à ma gauche, levant rapidement le genou pour les rejoindre. Je dois les aider malgré la sensation d'avoir sur moi un regarde inquisiteur.

Tel est mon devoir.





[Tentative d'apprentissage de la CCAA : Halte forcée]

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Mar 11 Sep 2012 12:33 
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Oublier momentanément. Je dois me focaliser sur ce qu'il se passe, et sur ma mission. Inspirant vivement, j'observe le terrain. Outre l'adolescent, l'arbalétrier est aussi à terre, de même que l'un des attaquants à lame courte. Par contre, l'autre et le hallebardier sont toujours en train de se battre, tenus en respect par Junji. Le serviteur compresse le flanc blessé du dignitaire, une expression proche de la colère peinte sur ses traits. J'ignore ce que font les autres miliciens, mais l'ynorien a visiblement besoin d'aide. Sauf que je suis encore hors de portée, et que ma hanche me fait trop mal pour me permettre de faire une pointe de vitesse. D'un coup, l'épée courte du milicien vole sur le côté, chassée par l'arme longue.

A cette distance, et sans sort offensif, je n'ai qu'une seule solution pour gagner du temps.

Je plisse les yeux, étendant ma main gauche devant moi, et concentrant mes fluides de lumière. Ma volonté de faire cesser un instant le combat se matérialise sous la forme d'un halo doré, entourant les protagonistes. Leurs mouvements ralentissent, comme s'ils savaient que, quoi qu'ils tentent, cela ne servirait à rien. Immédiatement, milicien et serviteur reculent, aidant le dignitaire à venir jusqu'à moi. Junji est désarmé, et lorsque le sort prendra fin, nul doute qu'il sera en danger, quand bien même je le devine agile.

Plongeant la main dans mon sac, j'en extirpe l'étui protégeant la dague de Père. Vivement, je la présente au milicien.

"Uzuuma ! Ma dague !"

"Merci !"

Ses doigts souples se referment dessus, puis il retourne au combat. Je ne sais pas s'il s'en sortira à deux contre un, mais le plus urgent est de soigner l'oranien à protéger. Calant mon arme sous mon bras, j'inspecte la plaie. Elle est large et saigne abondamment. Sans que j'ai besoin de dire quoi que ce soit, le serviteur est déjà en train de retirer la pièce d'armure gênante. J'essaie tant bien que mal de faire fi des sons de métal et de combat proche, appliquant les mains de part et d'autre de la plaie, sans y toucher. Accumulant la lumière dans mes paumes, j'y mêle ma propre énergie pour pouvoir refermer efficacement la blessure.

Un léger vertige me prend, mais je parviens à soigner l'oranien. Ynorien dans toute sa spendeur, il n'émet pas le moindre son douloureux, gardant un visage stoïque. Seules quelques perles de sueur attestent de son état. D'un coup, un son d'agonie attire mon attention.

Debout, derrière l'assaillant à hallebarde, Hidate se tient légèrement penché. Émergeant du torse de son adversaire, les deux katanas brillent sous le liquide carmin. Au même moment, Junji parvient à toucher son opposant au bras, occasionnant une hémorragie intense. Nawakura et notre capitaine arrivent à leur tour, leur armure mouchetée de brunâtre laissant peu de place au doute sur l'état des attaquants. Elles ont l'air un peu fatiguées, mais néanmoins encore d'attaque.

A leur vue, le dernier homme valide affiche un air paniqué. Il recule, et se retourne, filant sur le chemin. Ce n'est qu'à ce moment là que j'aperçois trois autres silhouettes progressant vers nous à vive allure. Le fuyard se retourne, nous jetant un air de nouveau confiant. Je ne peux pas m'empêcher de m'interroger sur son attitude quand, soudain, décochée de derrière lui, une flèche à tête crantée lui transperce la gorge. Un air incrédule se peint sur le visage blêmissant, puis il s'effondre à son tour.

Je sens mon coeur tambouriner à mes oreilles, mais la vue des blessures de mes compagnons me rappelle à mon devoir. Hidate a une jambe en sang, Harkan se masse le poignet depuis son arrivée, et Nawakura a la pommette gonflée. Seul Junji semble en bonne forme, et j'ai beau scruter les alentours, Genji reste invisible. La seule chose que je comprends, c'est que mon fluide de lumière ne sera peut-être pas suffisant pour tout le monde. Il me faudrait tenter de soulager l'ensemble des blessés en une fois, mais comment faire ?

Alors que je cogite, le trio d'arrivants se présente en baissant les armes. Un blason orne les plastrons des humains casqués. Serait-ce là l'escorte de Bouhen ? Je dresse l'oreille lorsque notre capitaine entame la conversation.

"Comme d'habitude, toujours en retard."

Elle esquisse un sourire amical, puis scrute les nouveaux venus, l'archer en particulier. Échangeant quelques paroles avec eux, elle semble soudain un peu surprise.

"Le capitaine Madvön n'est pas avec vous ? "

Devant l'échange de regard des miliciens, elle s'empresse d'ajouter une remarque avec un air blasé.

"Je vois. Je parie qu'il ne s'est pas encore remis de l'union de sa fille adorée, et qu'il cuve encore à la taverne."

Le milicien de tête affiche un large sourire, assurant que notre capitaine connait bien le bon à rien duquel ils dépendent. Harkan répond d'un signe de tête, puis elle se tourne vers nous, scrutant le dignitaire qui se relève. En le remarquant, l'un des miliciens s'empresse de l'approcher, le rassurant sur le fait qu'il sera entre de bonnes mains. Un étrange sourire se dessine sur les traits de l'homme âgé, et soudainement, un léger vacarme se produit.

Harkan place sa lame sous la gorge du milicien, Hidate fait de même avec le deuxième, tandis que Genji, réapparaissant enfin, enserre la gorge de l'archer de son coude. Je viens à peine de songer qu'un incident douloureux s'achève enfin qu'un autre événement surgit. Je n'y comprends plus rien. N'est-ce pas la milice de Bouhen ? Mais alors pourquoi les menacer ? Ce n'est tout de même pas ma troupe qui veut s'en prendre au dignitaire ! Cela n'a aucun sens !

Je commence à percevoir un début de mal de crâne quand, à la demande d'explication du chef du trio, Harkan s'explique.

"Quand on usurpe l'identité de miliciens, on s'assure être bien renseigné auparavant. Aucun milicien ne partirait en mission d'escorte sans équipements pour la nuit, ou rations de voyage... Le capitaine Madvön n'a pas d'enfants, ne touche pas à l'alcool, sert actuellement à Yarthiss, mais surtout... C'est une femme."

Avant que je puisse cligner des yeux, une gorge est tranchée, une nuque est brisée, et le troisième larron est assommé avec force. Je ne ressens rien à cette soudaine violence. Aurais-je déjà perdu ma sensibilité envers les autres ? Pourquoi suis-je hanté par les yeux du gamin, mais pas par le sang versé à l'instant ?

"Vous avez oublié "et quand on est chargé de protéger quelqu'un, on s'assure de saluer la bonne personne"."

En percevant les échanges de regards et de paroles, je commence à comprendre certaines choses. L'humain âgé que je prenais pour le dignitaire n'est en vérité que le chaperon du vrai. J'en viens à me demander pourquoi je n'ai pas prêté attention auparavant à la posture du discret serviteur. Droit, au regard fier, il ne ressemble pas aux servants de maisonnée, et manie visiblement bien les fluides de terre. Je m'en veux d'être encore aussi naïf et aveugle. Moi qui ai mené une enquête avec réflexion il y a une poignée de jours, je ne vois même pas l'évidence présente sous mon nez.

La douleur de ma hanche me ramène durement à la réalité, et aux soins à prodiguer.

J'aimerais les soulager tous à la fois, mais j'ignore si j'en serai capable. Plissant les yeux, je rassemble ma lumière intérieure, visualisant les blessures de mes camarades. Je suis en mesure de créer un halo de pacifisme, il est donc envisageable que j'utilise ce savoir pour l'appliquer aux soins.

Tendant la main, je place mentalement des parcelles de mon fluide aux endroits à soulager. L'exercice est rendu difficile par ma propre douleur, mais aussi par les déplacements des miliciens. Ma concentration se dissipe par deux fois, mais ma fierté d'ynorien m'incite à ne pas abandonner. Petit à petit, je parviens à placer des parcelles de lumière sur eux, sauf qu'une fois apposées, je n'arrive plus à les manipuler.

Heureusement qu'elles ne sont pas trop visibles, sans quoi le groupe pourrait se demander ce que je fais. Je m'y prends mal, sans aucun doute. Abaissant la main, je réfléchis. Puisque je ne peux pas faire réagir mon fluide une fois attaché à un autre être, peut-être me faut-il charger d'abord la lueur d'énergie curative. Observant ma paume, je suis un instant troublé par le sang en train de sécher qui s'y trouve. Chasser cette image de l'adolescent de mon esprit me demande un bel effort de volonté, et me laisse un arrière-goût amer.

Pendant quelques minutes, alors que les préparatifs pour reprendre la route s'achève, je m'applique à modifier la nature de la lueur. J'en profite d'ailleurs pour appliquer un soin léger sur ma hanche meurtrie. Le visage soucieux de Genji entre dans mon champ de vision alors que je retente l'opération. Je songe avoir besoin d'entrainement lorsque, diffusant mes parcelles de soin, je constate qu'elles se répartissent inégalement. Toutefois, leur but semble atteint. Hidate boite un peu moins, mais les autres miliciens ne semblent pas ressentir de changement notable.

Lorsque nous reprenons la route, je ne parviens pas à empêcher mon corps de se retourner. Le violet de mon regard entre en contact avec le grisé souillé de la cape. D'un coup, de longs doigts rudes se plaquent contre mes paupières, m'obligeant à les fermer.

"Nous devons avancer, notre mission n'est pas encore terminée."

J'acquiesce, et quand ma vue me revient, c'est le visage concerné du jumeau sérieux que j'aperçois. Mes lèvres s'entrouvrent, mais aucun mot ne sort. Dans l'ombre du coche, je ressens un léger réconfort à la présence silencieuse de cet ynorien.




[Tentative d'apprentissage sur sort "Lumière régénératrice"]

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Mar 11 Sep 2012 16:37 
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J'écoute d'une oreille distraite les conversations allant bon train entre les miliciens. Trait d'humour par-ci, plainte par là, questions dont le sens m'échappe. J'ai beau avoir soigné ma hanche, la meurtrissure issue du choc et le trou dans mon habit me rappellent sans cesse ce qu'il s'est produit un peu plus tôt. Levant le nez, j'aperçois la silhouette de notre supérieure, marchant lentement aux côtés de sa monture blessée. Rien dans les attitudes des uns ou des autres ne témoigne d'un quelconque trouble. Ont-ils déjà vécu tant de batailles que ce genre d'escarmouche les laisse de marbre ? Comment font-ils ? Un seul de nos assaillants, capturé à des fins d'interrogatoire, a été laissé en vie.

Une rafale de vent propulse ma chevelure sur le côté, fouettant ma peau sombre au passage. Levant la manche, j'essuie mon visage par réflexe, ôtant par la même occasion les gouttes sanguines restantes. Suis-je simplement trop jeune ? Faut-il perdre toute notion de compassion et de protection de la vie quand on se bat ? Je ne sais pas quoi en penser. Retirant mon ruban doré de ma tignasse, je l'enroule autour de ma main droite, accolant cette dernière contre mon torse.

Je prie.

J'implore Rana de me guider sur le bon chemin, Moura de me rendre assez fort pour ne pas faire honte à qui que ce soit, et Zewen. Au moment où je m'apprête à prier Gaïa, mon coeur se serre. Ai-je encore le droit de le faire ? Il est vrai que je me suis simplement défendu, mais j'ai dû ôter une vie pour cela. Après un instant de réflexion, je porte mon ruban à mes lèvres, priant silencieusement la déesse. Quand je rouvre entièrement les yeux, je m'aperçois que Genji a ralenti l'allure, marchant à mes côtés.

"Rude matinée."

"... C'est vrai."

Un petit silence s'installe, simplement troublé par le grincement des roues du coche, et le bruit de sabots ferrés. Genji semble vouloir me parler, mais il marque un tas d'hésitations, comme cherchant ses mots. Je parle le premier, me débattant avec mon ruban pour le replacer.

"Comment faites-vous pour supporter cela ? Cette violence, ce danger ?"

"C'est notre vie de milicien... Je ne dis pas que les premiers affrontements ont été simples, mais d'une façon ou d'une autre, on finit par s'y faire."

"J'espère mûrir suffisamment pour y parvenir."

"Ne soyez pas impatient... Ni trop dur envers vous-même."

La main du milicien s'empare du ruban doré, puis il me fait signe de m'arrêter. Ses doigts habiles passent dans mes cheveux, soulevant ces derniers pour y remettre le tissu. Je n'objecte pas, comprenant qu'il veut simplement me rendre service. Je repense à ce visage marqué, à ces yeux rivés aux miens jusqu'au bout. Dans un souffle, je lâche quelques mots, entachés de culpabilité.

"Ce n'était qu'un enfant..."

"Peut-être, peut-être pas..."

Une traction m'informe que le noeud est fait, mais Genji ne me lâche pas pour autant. Il enchaine avec un ton de réconfort.

"Peut-être avait-il déjà tué lui-même. Peut-être comptait-il attaquer d'autres personnes après cela. Peut-être avez-vous sauvé la vie d'une future victime en le tuant aujourd'hui."

Revenant à ma hauteur, le milicien appose sa main contre mon omoplate, m'offrant une expression amicale. Il n'y a rien de joyeux dans ses yeux, juste une grande expérience. J'ai du mal à le croire tant il semble jeune, mais la facilité avec laquelle il a rompu la nuque de l'archer reste encore bien présente dans ma mémoire. Il sait tuer, et il le fait.

"N'oubliez pas cette matinée, mais ne la laissez pas vous ronger. Servez-vous d'elle pour devenir plus fort. Vous êtes un milicien d'Oranan, un enfant de la République. Vous ne pouvez pas vous effondrer aussi facilement. Vous ne devez pas céder."

Les paroles du jeune homme sont dures, mais honnêtes et justes. Ce regard de mourant va sans doute me hanter le restant de mes jours, tout comme ceux des autres personnes que mon statut peut m'amener à abattre. Je n'aime pas y penser, mais c'est un fait. Dans un pays en guerre, faire face à et donner la mort est quelque chose d'inévitable. Je souris un peu à mon camarade qui me rend la pareille. D'ailleurs, il me tend aussi la dague que j'ai prêté à son frère. Je ne m'étais même pas rendu compte que l'autre jumeau la lui avait confié.

D'un coup, venant de l'avant du convoi, la voix de Junji nous interpelle.

"Genji ! Kiyo' ! Venez donc !"

A grands pas, nous rejoignons le reste du groupe. Harkan retire son bras après une poignée de main avec un homme de grand gabarit. Je remarque simplement un contingent d'une taille similaire au nôtre, suivi d'un chariot à bras. Visiblement, nous avons affaire là à la véritable escorte de Bouhen. Leur capitaine ne se trompe pas, saluant le véritable dignitaire avant d'ordonner la reprise de la formation. Pendant quelques minutes, nous restons sur place à les regarder s'éloigner.

D'un coup, Junji lance un son tonitruant.

"Fuaaaaa ! Enfin !"

"Un peu de tenue ! Je vous ai déjà dis..."

"Ne faites pas honte à la milice ! Je sais, je sais !"

"Sauf que cela rentre par une oreille et..."

"Pfff !"

Hidate esquisse un sourire, puis il me lance un regard amical. De son côté, Nawakura me scrute intensément. Elle croise les bras, bouge d'un pied sur l'autre, me tourne le dos, puis elle fait volte-face. Tout en me pointant du doigt, elle s'adresse à moi.

"B... Bon travail, l'apprenti ! Mais ne te fais pas d'idées ! Je ne t'approuve toujours pas comme membre de la milice !"

J'esquisse un sourire en retour.

"Alors je ferai de mon mieux pour progresser."

Une expression interloquée s'affiche sur le visage féminin, rapidement remplacée par un air vexé. Décidément, je doute pouvoir un jour comprendre cette jeune femme.

A notre tour, nous tournons les talons, reprenant la route en direction d'Oranan. En regardant tour à tour chaque silhouette humaine du groupe, j'en viens à éprouver un certain regret à devoir les quitter à l'arrivée. Le point positif est que, appartenant à la milice, je suis certain de pouvoir rester en contact avec eux. D'ailleurs, aussi étrange que cela puisse paraitre, je me sens plus particulièrement proche de Genji et de Hidate. Junji est amical, mais cela le rend un peu difficile à cerner. Nawakura Ayame ne m'apprécie pas, mais quelques regards lancés dans ma direction, et non chargés d'hostilité, m'amènent à penser que j'ai peut-être tort. Quant au capitaine Harkan, j'ai beau éprouver du respect pour elle, une distance hiérarchique persiste.

Je lève le nez vers le ciel, recevant une goutte de pluie. Une fine bruine tombe avec lenteur, chassant peu à peu la poussière maculant ma peau. Malgré la naissance de ces liens, j'ai hâte de rentrer. Je veux revoir mon oncle et mon foyer.



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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Jeu 13 Sep 2012 14:52 
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Les portes d'Oranan

Le soleil monte lentement dans le ciel à mesure que les heures filent et que la distance grandit entre Caabon et la cité abandonnée. Marcher provoque chez le Wotongoh des élancements dans les jambes comme jamais il n’en a connu : aucun de ses exercices de gymnastique quotidiens ne l’a préparé à une marche prolongée, alourdie d’un sac à dos dont les lanières de cuir tirent sur ses épaules un peu plus à chaque pas. L’inconfort est à son comble du fait de la chaleur, du kimono trop épais qui le revêt entièrement et des boulettes de cire qu’il s’est glissé dans les narines pour ne pas être incommodé par les effluves de ses vêtements comme ce fut le cas pour les gardes de la porte d’Oranan. Respirer par la bouche commence à l’indisposer, son souffle chaud lui remonte sur le visage sous le masque, et cela n’arrange en rien ses problèmes de sudation. Ce ne sont pas quelques gouttelettes également réparties sur son épiderme mais bien de fins ruisseaux salés qu’il sent couler le long de son dos, sur ses joues, de son front sur l’arcade sourcilière et parfois dans ses yeux, l’irritant sans qu’il puisse y faire grand-chose. Son sac recèle des solutions auxquelles il ne peut recourir, aussi continue-t-il d’avancer avec résolution, et l’espoir de trouver un abri, sans quoi il lui faudra attendre que la nuit tombe et le dissimule à d’éventuels regards pour opérer quelques changements à sa tenue.

Ces premières peines de voyage ne l’obnubilent pas, la sensation de découvrir un monde nouveau. L’espace est une notion qu’il appréhende petit à petit, à chaque mouvement de la tête ou coude de la chaussée, un espace sans commune mesure avec les places d’Oranan qui représentaient pour lui ce qu’il y avait de plus vaste. Il avait lu des mots comme horizon, compris leur sens, leur définition, mais jamais il n’a vécu ces termes comme il les vit aujourd’hui : devant lui, aucun mur, aucune façade, pas de toit, rien ne vient déchirer abruptement la perspective ; le vallonnement léger et les alternances des cultures seuls luttent contre la monotonie délicieuse de la campagne. Cette expérience nouvelle, pourtant simple, lui procure un plaisir intellectuel inattendu : parmi les œuvres picturales qu’il lui a été donné de contempler, toutes les scènes bucoliques se valaient, il ne pouvait porter sur les paysages champêtres qui s’offraient à son œil qu’un simple jugement technique. Le réalisme de certains, l’audace artistique d’autres, tout cela se révèle à cet instant, au milieu des champs, loin des bibliothèques, des tableaux, des livres et des parchemins, de la civilisation qui avait produit ce foisonnement de représentations. Il n’y a que le modèle, le souffle d’inspiration, la nature dans ce que Caabon lui trouve de merveilleux.

L’eau. Il aperçoit les méandres du large ruisseau, presque une petite rivière, avant de parvenir au pont. La route enjambe le flot d’un modeste édifice, une arche simple, un muret sans fioriture, peut-être y a-t-il gravé sur une pierre, sous la mousse et le lichen qui par endroit gagnent les pierres, le nom de celui qui en fut l’architecte. Mais sans plus. Moins large que la route, le pont ne permettrait pas à deux lourds chariots de se croiser, mais un seul peut passer sans que son conducteur n’ait à craindre de heurter le parapet. C’est l’occasion inespérée qu’attendait Caabon, l’escale dans sa traversée de ce qui lui apparait depuis ses premiers pas comme une immensité agricole. Le cours d’eau a creusé le sol, si bien que le pont n’est pas si haut par rapport à la chaussée, mais de celle-ci une pente légère mène à l’onde. L’ombre de l’ouvrage d’art est salutaire, c’est sous la pierre que la sécurité s’offre au Wotongoh ; par prudence, il sonde tout de même de son bâton la berge, craignant qu’un nuisible accablé par la chaleur n’ait aussi cherché en ce lieu le repos.

Bruissement des insectes et murmure du courant peuvent s’assimiler à un silence bourdonnant, et Caabon estime qu’il entendra bien venir la menace sur la route, et que la combe le dérobera au regard des voyageurs le temps pour lui de se précipiter dans l’obscurité salvatrice. La précipitation avec laquelle il se débarrasse de son kimono souillé n’a de commune mesure qu’avec l’indisposition que celui-ci ne manque pas de provoquer chez le jeune homme depuis son départ. De ce vêtement inutilisable il fait une boule la plus compacte possible, à laquelle il joint capuche et sous-vêtements, avant de la jeter loin de lui, vers la hauteur qu’il a quittée depuis peu. Son soulagement va croissant lorsqu’il retire de ses narines la cire qui épargnait son odorat, même s’il perçoit encore aux limites de son champ olfactif les émanations de son camouflage. Enfin le plaisir domine toute autre pensée ou émotion lorsqu’il débute ses ablutions. Sel et sueur reculent devant l’eau fraîche dont il a imbibé un tissu épais prévu à cet effet, les odeurs agressives ne sont plus qu’un souvenir lorsqu’il masse ses muscles endoloris d’essences parfumées. Pour un peu, il s’endormirait sur l’herbe tendre, abandonnant son corps aux rayons du soleil de l’après-midi déclinant et à la caresse de la végétation. Ce peu s’avère cependant être sa sécurité, presque sa survie. Sans hâte, il revêt un autre kimono tiré de son sac, propre, plus adapté aux températures de la saison, replace son masque devant ses yeux, enfile ses bottes, ses gants, passe sa capuche et reprend son chemin. Un coup de pied envoie rouler le paquet nauséabond à l’écart de la chaussée, dans un repli de terrain, loin des regards des voyageurs : les intempéries et le temps finiront par avoir raison des effluves infects, et un passant pourra bien prendre ces derniers pour les relents d’une charogne à la décomposition bien avancée.

La pause, bien que courte, a redonné une vigueur nouvelle à Caabon. La douleur naissante de ses muscles s’est estompée, ainsi que la gêne des premières heures du jour. Ce mieux être est l’occasion de percevoir de nouveaux signaux de son corps, à commencer par la faim. Ce n’est qu’une sensation de creux à l’estomac, rien d’incommodant pour qui a régulièrement pratiqué le jeune en vue de purifier et le corps et l’esprit. Les provisions soigneusement empaquetée au fond de son sac lui tiendront bien quelques jours pour peu qu’il se rationne. Son tuteur l’avait encouragé à mieux se doter, par soucis de confort, ce que Caabon avait refusé. Quitter Oranan, cela voulait dire renaître dans un monde nouveau. Lorsque l’on renaît seul, il est nécessaire de savoir survivre. L’épreuve revêt la forme d’un voyage, anodin en apparence, mais fondamentalement crucial. Ces considérations n’ont pas de prise sur le jeune Wotongoh, cela fait longtemps qu’il les a laissées derrière lui : s’il marche démuni, cela ne signifie pas pour autant que ce voyage n’a pas été préparé. On peut considérer que son voyage a commencé bien avant le premier pas, entre les quatre murs de sa chambre, dans les profondeurs de ses méditations.

Le soleil ne cesse de décliner suivant sa courbe immuable, et les ombres de plus en plus s’allongent, mais la lumière n’abandonne pas pour autant la campagne, bien au contraire, elle se pare de couleurs nouvelles et douces. La nuit s’annonce agréable pour qui dormirait à la belle étoile, mais il s’agit d’un projet des plus dangereux en ces temps troublés. Comme le prouvent les palissades des villages entrevus au loin, au milieu des champs, et les deux patrouilles que croisa Caabon – fort heureusement, on ne l’arrêta pas ni ne lui posa de question –, la menace des bandits, sektegs et garzoks est bien réelle, et chaque jour qui passe est un jour où les habitants de la contrée doivent composer avec elle. Le projet du voyageur est de gagner les abords d’un lieu sûr, de se dissimuler près d’une cible possible pour des pillards et des guerriers, de dormir là en laissant le soin à d’autres de faire face à la menace. La nuit semble à Caabon le meilleur moment pour tenter une approche discrète, mais à trop attendre la faveur de l’obscurité, il a passé des refuges potentiels et n’en repère pas d’autres. La lune n’est qu’à demi pleine mais dispense une lumière blafarde bien suffisante pour distinguer les ombres et le chemin.

Des crocs dans la nuit

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C'est par la sagesse qu'on bâtit une maison, par l'intelligence qu'on l'affermit ;
par le savoir, on emplit ses greniers de tous les biens précieux et désirables.
Proverbes, 24, 3-4


Dernière édition par Caabon le Ven 14 Sep 2012 19:09, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Oranan et Bouhen
MessagePosté: Ven 14 Sep 2012 19:07 
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Premier jour de voyage

Bien des bruits de la journée se sont tus avec la tombée du jour, d’autres murmures assurent l’ambiance sonore des plaines et des bosquets. Cette musique nocturne nouvelle, Caabon ne la connaît que depuis peu, mais il lui semble que des cris, des bêlements paniqués et des aboiements, jurent affreusement sur la partition. La curiosité l’emporte sur la prudence lorsqu’il quitte la route pour chercher l’origine de ces sons discordants, empruntant sans s’en rendre compte un sentier tracé par le passage répété d’un troupeau. Le gris sombre de son kimono le rassure presque autant que le bâton de marche en chêne qu’il tient fermement dans sa main, ou que le couteau dont il sent le fourreau contre son torse : la discrétion sera sa meilleure alliée si la situation s’avère périlleuse ou si il serait malvenu pour lui d’intervenir.

On devine des chèvres qui s’éparpillent avec leurs petits dans l’obscurité, un bouc qui prend des postures agressives sans que rien ne le menace, et un berger pétrifié face à deux chiens de belle taille, les tenant en respect avec ce qui semble être une grande branche à peine taillée au bout de laquelle bruissent au gré des mouvements quelques rameaux et des feuilles de moins en moins nombreuses.

(Voilà un homme qui s’est placé en bien mauvaise posture… Il ne pouvait certainement rien prévoir pour les chiens, mais quelle idée de laisser paître ses chèvres à la tombée de la nuit ! Quel idiot… Il mériterait d’être abandonné à son sort… Quoiqu’en échange d’un service on pourrait m’offrir le gîte et le couvert…)

(((HRP Début du combat)))

Agenouillé derrière un des buissons qui forment la bordure du bosquet près duquel le pâtre a amené ses bêtes, Caabon hésite à intervenir. Les chiens ont la silhouette de solides bêtes, plus faites pour la garde ou la guerre que la chasse, mais la nuit est trompeuse. Mais le vent est traitre. Sans avertissement aucun, une bourrasque rabat l’odeur du Wotongoh vers les truffes des deux molosses. Les bêtes font preuve d’une redoutable intelligence : l’une d’elle continue de menacer le berger, l’autre seulement se retourne pour identifier l’origine de la perturbation. Lentement, respirant bruyamment et par saccade, comme pour mieux retrouver la trace perçue, il progresse vers le buisson derrière lequel se dissimule Caabon. Ce dernier, face à la menace qu’il distingue par une trouée du feuillage, prend le parti de surprendre l’animal avant que celui-ci soit assez proche pour le plaquer au sol d’un bond. Il dépose son sac. Le cri qu’il pousse en se redressant fait hésiter le canidé une seconde, assez pour qu’il puisse se mettre en garde, trop peu pour prendre l’initiative. Le berger continue de reculer en rampant et en brandissant son arme dérisoire, les crocs du second prédateur gagnant dangereusement vers ses mollets.

En deux secondes la situation évolue. Le chien faisant face à Caabon s’est remis de sa surprise et bondit vers ce qu’il identifie comme une menace. Le wotongoh fait un pas de côté et fait décrire à son bâton un arc vers la mâchoire dégoulinante de bave. L’animal laisse échapper un jappement de douleur et secoue la tête. Grondant, il tourne autour de cet homme qui lui résiste, de telle sorte qu’il se ménage une échappatoire vers le bois. Caabon recule en fouettant l’air devant lui de son bâton, tant pour se défendre que pour intimider. De cette nouvelle position, son champ de vision embrasse les deux bêtes et l’homme couché. Les rudiments d’escrime que son tuteur a tenté de lui inculquer lui reviennent sous le coup de l’urgence, il cherche à calmer son rythme cardiaque emballé, à retrouver une respiration calme. Son adversaire ne lui en laisse pas le temps, il revient à la charge ; Caabon s’apprête à frapper, mais est pris par surprise lorsque les crocs se referment non pas sur l’un de ses membres, comme il le supposait, mais sur le bois. Le placement de ses mains, bien qu’imparfait, lui aurait assuré de ne pas perdre son arme face à un bretteur, mais la rapide et puissante traction qu’exerce le chien d’un bond sur le côté le laisse désarmé. Le molosse cherche à briser le bois entre son râtelier, le chêne par bonheur résiste, passive diversion nécessaire au jeune homme pour tirer de son kimono le couteau qui y est dissimulé et retirer le masque qui restreint trop son champ de vision.

(Je suis tout aussi bête que ce pasteur ! Que n’ai-je poursuivi mon chemin... Et ce ne sont pas des chiens ! Ce sont des monstres ! Des monstres dressés à tuer ! Un animal sauvage ne désarme pas un homme ! Un animal sauvage ne se bat pas contre les hommes. Ils auraient emporté un chevreau sans risque…)

Le couteau est bien plus redoutable que le bâton, mais l’allonge s’est réduite proportionnellement à ce nouvel avantage. Courbé, les membres ramassés vers le tronc, bien équilibré sur ses jambes, Caabon attend le nouvel assaut.

(Un chien. Soit il va essayer de me désarmer à nouveau, soit il va me renverser et me prendre à la gorge, il est bien assez lourd pour cela. Je suis un gros animal pour lui, un gros animal avec une seule griffe. C’est peu.)

La sueur qui perle le long du front noir n’est pas la conséquence des quelques mouvements effectués ; c’est la peur. Le cœur bat la chamade et les tripes se nouent sous son influence, les idées dans la tête de Caabon deviennent de plus en plus confuses, et il doute. Sa vie aurait pu défiler devant ses yeux si le chien n’avait pas choisi d’en finir avec lui. Il se ramasse, bande ses muscles puissants et s’élance. Mais au lieu de heurter l’humain de plein fouet, le molosse poursuit sa trajectoire et se déchire l’abdomen sur l’éperon d’acier brandi sous lui. Pourtant il se réceptionne sur ses quatre pattes, se retourne pour être cueillis à la tempe par un coup de pied circulaire qui le sonne. C’est à peine s’il sent la lame qui lui entaille la gorge. Le sang poisse la main de Caabon, ses cheveux, il s’essuie d’un revers de manche les yeux et l’arcade sourcilière, encore sous le choc. L’idée s’est imposée d’elle-même, il l’a exécutée tout en sachant qu’un échec lui couterait probablement la vie.

La douleur lance le wotongoh au niveau de son omoplate droite. Le sol durci par la chaleur du jour n’a pas amorti sa chute, loin de là, et une pierre se trouvait même là. Les mouvements de son bras armé provoquent des vagues de souffrance dans son dos. Cependant un autre est bien plus au supplice. Les cris qu’il pousse suffiraient à rameuter tout ce que les alentours comptent de prédateurs. Le second chien a refermé ses mâchoires sur le pied gauche du pâtre qui sous l’effet de la douleur a abandonné son arme. Le goût du sang l’emporte sur son instinct de survie, il a ignoré les grognements d’agonie de son semblable, ne remarque pas l’humain qui s’est redressé, il est tout entier focalisé sur sa victime dont il a déchiqueté la botte et dont il réduit le pied en charpie. Il aboie lorsqu’il sent un poids s’abattre sur son dos, mais ses jappements se noient dans un gargouillis à mesure que le sang envahit sa gueule tandis que le couteau fouaille dans sa chair. Le bras se relève et retombe, déchirant la peau, les muscles, perçant les organes, réduisant en charpie la bête déjà morte. La tension s’évacue, Caabon contemple froidement le carnage dont il est l’auteur. Cet amas de chair qu’il domine est la preuve de sa faiblesse. Du manche de son couteau il fait sauter une canine du molosse et la glisse dans sa poche avant de se relever.

(((HRP fin du combat)))

« Réveille-toi ! »

La claque n’a aucun effet.

« Debout ! »

Le deuxième impact contre la joue fait papillonner les paupières de l’évanoui, un dernier soufflet le ramène pour de bon à la conscience. Il s’apprête à crier, découvrant le masque que Caabon vient de replacer sur sa figure penché vers lui, mais une main ganté étouffe le hurlement avec autorité.

« Tais-toi ! Il faut partir. Tu as fait assez de bruit pour rameuter les éventuels propriétaires de ces cabots. Rassemble tes chèvres et presse-toi de nous indiquer un abri. »

Le pâtre opine lentement du chef, son regard glisse vers son pied et il manque de défaillir à nouveau. Une solide calotte lui redonne tous ses esprits, mais ne fait pas taire ses sanglots. Caabon va chercher son sac, en tire un mouchoir pour essuyer le sang qui couvre son visage tout en veillant à ce que celui qu’il vient de sauver n’entraperçoive pas sa peau. Le berger souffle dans un sifflet attaché autour de son cou par une lanière de cuir, et aussitôt le troupeau se reconstitue autour de la scène du carnage. Caabon, bâton de marche à la main, est prêt à s’en aller, mais il n’en va pas de même pour l’adolescent allongé sur l’herbe. Il ne tente rien pour se relever, se contentant de gémir pitoyablement au milieu de ses chèvres qui émettent tour à tour des bêlements interrogateurs.

(Il ne vient pas de nulle part, il y a forcément un village quelque part, et c’est là bas que je pourrai me reposer, peut-être trouver des vêtements propres, de la nourriture. Je ne peux pas reprendre la route dans cet état, avec un kimono couvert de sang j’attirerai forcément l’attention.)

Caabon essaye d’étouffer la compassion qu’il sent poindre sous un raisonnement lucide. Certes, s’il est vivant, c’est parce qu’un autre a éprouvé par le passé un pareil sentiment face à un nourrisson, mais cette attitude lui paraît trop dangereuse pour être le critère d’un choix. Il retire sa chemise au garçon, la déchire en lambeau pour bander grossièrement le pied, lui ôte sa ceinture pour constituer un garrot et palier à une éventuelle hémorragie, comme il l’avait lu un jour dans un traité de médecine militaire, bien que l’efficacité du procédé lui semble douteuse : le sang continue d’imbiber le tissu. Le berger bredouille un merci, avant d’indiquer la direction de la chaussée. Il boitille, Caabon le soutien malgré la douleur que cela provoque dans son dos, et entouré des chèvres maintenant calmes et désireuses de regagner leur abri, ils se mettent chemin.

Au village

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Dernière édition par Caabon le Mar 18 Sep 2012 14:33, édité 1 fois.

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