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 Sujet du message: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Lun 1 Nov 2010 22:33 
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La Forêt des Feuilles tristes
(Et Baon, maître magicien de glace)


Image


La forêt du sud de Darhàm est une grande zone boisée plongée dans une brume grisâtre quasi permanente et glaciale. La forêt se teinte d'une nappe d'ombre poisseuse et humide, la rendant silencieuse et étouffante. Les sons se perdent et les ombres s'entremêlent, une odeur de bois mouillé et de mousse s'insinue dans vos poumons pour tenter de les geler. La surface des feuilles est en permanence recouverte d'une couche de givre. Monter le camp dans cette forêt n'est pas conseillé, à cause du froid étrange qui y règne et de la menace qui pèse en ce lieu à en croire les légendes....

« Les légendes du cru parlent d'un duo de trappeurs qui chassait dans cette forêt et qui, lorsque la brume s'installa, fit fuir la faune et moisir le bois, se perdirent dans les limbes blanchâtre. Au bout de plusieurs jours sans nourriture autre que l'écorce pourrie des arbres et les insectes, William Bargest, l'un des trappeurs, devint fou et choisit de dévorer son compagnon. Depuis ce jour, on raconte qu'une silhouette trapue dotée une respiration sifflante pourchasse les intrépides voyageurs et campeurs qui osent affronter la Forêt des feuilles tristes, lorsque cette dernière ne les a pas congelés »

Légende de William le Cannibale

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Baon, maître magicien de glace


Il se fait surnommer Baon. Certains l’appellent l’esprit des neiges, d’autres le lutin du froid.

Il existe beaucoup de légendes sur lui, mais aucune ne semble se baser sur des faits. L’une des plus répandues est celle d’un lutin maudit que le mauvais temps et les tempêtes de glace suivent partout. Mais ceux qui l’ont déjà vu pratiquer la magie de glace savent bien que ce n’est pas une malédiction puisque le froid fait partie de lui.

Certains parlent du fils de Yuia, dont la taille et la laideur serait l’exact opposé de sa mère. On raconte même que c’est un esprit de l’hiver qui a perdu la notion du temps et déambule un peu follement. Quelques esprits tordus pensent carrément que c’est un Aldryde mâle dont le don glacial lui a permis de se libérer de sa prison et qui fuit désormais son peuple.

En tout cas, ce petit être semble fuir les lieux habités et favorise les forêts au nord des montagnes de Nirtim, entre Mertar et Dahram, malgré ses dangers. Très réservé il ne sera pas facile à rencontrer mais, une fois découvert, il acceptera de partager un peu de son savoir sur la manipulation des magies du froid en l’échange du silence sur son lieu de repos. Ainsi, il est difficile de pouvoir trouver quelqu’un indiquant où le trouver, mais son influence sur la météo de son lieu de vie est un gros indice.

Peureux et timide, il sera un drôle d’enseignant qui tiendra peu tête à ses élèves têtus, mais ses pouvoirs et conseils sont, parait-il, infinis. Il peut invoquer sans problème la neige pour provoquer des tempêtes terribles.

Ne tentez jamais de rompre votre parole si vous la lui avez donnée car il y associe automatiquement un sortilège qui peut vous congeler sur le champ si vous brisez votre serment.

Si vous ne le voyez pas, regardez de plus près, ce petit bonhomme passe facilement inaperçu mais garde toujours son petit bonnet rouge.

Le maître magicien vend tout ce qui peut vous être utile pour pratiquer les arts magiques de son élément avec vous :

Potions :

Grande potion de soin (redonne 20PV) 110 yus
Potion de soin divine (redonne 40PV) 250 yus

Grande potion de mana (redonne 8PM) 110 yus
Potion de mana divine (redonne 16PM) 250 yus

Grande potion mixte (redonne 20PV et 8PM) 550yus

Parchemins de sorts :

Sorts évolutifs (400yus) uniquement de l'élément glace.
Sorts de classes secondaires (500 yus) sauf ceux demandant des PMs autres que glace.

(((Cliquez sur les liens pour avoir accès aux listes des sorts qui sont classés par éléments pour connaître leur effet ! Pour plus de précision sur les sorts, rendez-vous à la règle des sorts !)))

Fluides magiques d'éléments :

Fluide 1/16e (50yus), 1/8e (110yus) et 1/4e (250yus). Uniquement de l'élément glace.

(((SI VOUS VOULEZ ÊTRE SERVI DANS DES TEMPS RAISONNABLES, N'OUBLIEZ PAS DE DEMANDER AUX GMs DANS LE SOS GM! DE S'OCCUPER DE VOS ACHATS POUR QU'IL JOUE LE PNJ ET VALIDE. Nous ne faisons pas le tour des boutiques... merci de votre compréhension )))

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Chibi-Gm, à votre service !


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 Sujet du message: Re: La Forêt des Feuilles tristes
MessagePosté: Lun 15 Nov 2010 20:15 
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Inscription: Jeu 30 Sep 2010 16:22
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Alors que le soleil cède lentement sa place à la lune, Aïwen est accroupie en bordure du fleuve qui longe la route de Dahràm. Les pieds dans l’eau, elle nettoie une plaie encore fraîche de son bras droit. Heureusement, la blessure n’est pas très profonde… Autour d’elle sont éparpillés un sac à moitié renversé d’où s’échappent diverses plantes aux vertus désinfectantes, un rouleau de pansement presque épuisé, un arc brisé en deux et un carquois encore plein de munitions. A l’aide de ses dents et de son bras encore valide, elle termine de nouer le pansement qui vient agrémenter son bras et mettre un terme aux saignements…
Exténuée, observant les eaux scintillantes du fleuve, elle s'assoupit, revivant cette éprouvante journée dans son sommeil …





Je me réveille ce matin à l’orée du bois des Feuilles Tristes avec la ferme intention de le traverser malgré les rumeurs qui circulent à son sujet. Je regroupe mes quelques affaires, replie mon couchage et observe ce bois à la sombre allure qui n’inspire que de néfastes pensées. Je prends mon courage à deux mains, inspire un bon coup, et m’enfonce dans la profonde forêt qui est le seul chemin que je connais pour arriver à Dahràm.

Je prends soin de rester sur ce que l’ont pourrait nommer un sentier dans cet environnement désolé … Les arbres me semblent tous morts ou souffrants, je suis mal à l’aise, je m’avance avec prudence dans la pénombre grandissante avec mon petit compagnon perché sur mon épaule, lui non plus, ne semble pas enchanté à l’idée de traverser ce bois. Une odeur humide et poisseuse envahit mes narines, une odeur repoussante, que je n’ai jamais rencontrée en forêt, la lumière du soleil perce de moins en moins la triste végétation, me plongeant dans une nappe d’ombre. Je suis de moins en moins rassurée, j’avance avec méfiance dans la brume, je me sens épiée, observée … Je me retourne de nombreuses fois, l’arc en main, la flèche encochée, je suis prête à tirer sur la moindre chose en mouvement … La moindre chose réelle en mouvement … Ces ombres me semblent animées, elles bougent en même temps que moi…
A plusieurs reprises, je me suis laissée surprendre et j’ai décochée ma flèche contre cette triste bise qui souffle entre les feuillages …
J’ai le souffle court, j’entends mon cœur battre à grand coup, cogner contre ma poitrine, mes jambes fléchissent … Maintes fois, l’idée de faire demi-tour vient hanter mes pensées.
Je ne suis vraiment pas à l’aise en ce milieu mais grâce à mon sens de l’orientation, j’arrive à me situer dans cette forêt désolée.

Cet endroit n’a de forêt que son nom. Où est le chant des oiseaux ? Où est la mélodie de la bise dans les feuillages des majestueux arbres. Je suis bien loin de ma contrée riche et verdoyante …
Je sens mon petit compagnon qui frémit, lui aussi, très mal à l’aise dans ce bois morbide. Je tente de le rassurer, malgré ma propre peur, je me mets à lui parler, comme je le fais si souvent.

« Ça va aller, ce n’est rien, courage … Nous y sommes presque … Il ne faut pas se débiner si près du but ! »

Je crois que je parlais plus pour moi-même que pour mon ami …

Je pense être au cœur de la forêt, après de longues heures de marche, mon estomac crie famine, mon dernier repas remonte à hier soir : Quelques fruits secs accompagnés de pain rassie … Je n’ai plus beaucoup de provisions, et il est inutile d’espérer trouver de la nourriture ici. Je me mets à genoux et commence à fouiller dans mon sac à la recherche d’aliments. Je ne trouve qu’un reste de gâteau elfique. Je m’apprête à l’engloutir lorsque je sens mon petit Bouloum se frotter contre mon bras, me rappelant sa présence. Je ne peux pas me permettre de manger les dernières rations seule … Pourquoi ai-je pris si peu de nourriture ?! Cela m’apprendra. Je coupe la pâtisserie en deux petites part égale et en offre une à mon familier, mais il ne faut pas s’éterniser ici, pas le temps de se reposer, nous devons reprendre la route, après cette maigre collation, la petite boule de poils bleue grimpe sur mon bras et reviens se blottir contre mon épaule alors que je reprends la route entre les arbres.

C’est long … très long …Je continue de m’enfoncer dans cette nature agonisante, la faim et la fatigue me rendent moins attentive, je me concentre uniquement sur le sentier, les bras ballant, trainant mon arc contre le sol, laissant dans son sillage une trainée de terre, rendant ma position très facilement repérable … Cette sensation de me sentir observée ne s’atténue pas, mais je m’y habitue, je me persuade que ce ne sont que des ombres. Mes paupières s’alourdissent, ce long voyage depuis Cuilnen m’as épuisée, et je commence à flancher au mauvais endroit … Je fais de mon mieux pour tenir debout, il est hors de question que je fasse une pause ici. Je n’en peu plus, je suis à bout de nerf, ma respiration n’est qu’une succession de sanglots rapides, j’ai peur, je n’aime pas cet endroit, je veux à tout prix le quitter, pourquoi suis-je venue ici ?! Je m’écroule à genoux, observant les alentours, fatiguée, apeurée, je ne suis même pas sûre de prendre la bonne direction … Vais-je un jour sortir de cet enfer ?!

Soudainement, je sursaute, un sifflement autre que celui du vent vient bourdonné dans mes oreilles … Je sens un regard braqué sur moi à travers les arbres … Le temps de m’assurer que ce ne sont pas que des ombres qui me guettent qu’une silhouette trapue bondit sur moi en poussant un sinistre grognement. Tétanisée, sans vraiment comprendre ce qui m’arrive, je me retrouve au sol avec cette imposante créature qui me surplombe, prête à en terminer avec moi. Le sang qui coule dans mes veines se glace, ma gorge se noue. A cause de la pénombre, je n’arrive pas à distinguer grand-chose de cette bête, si ce n’est ses crocs acérés et ses yeux gorgés de sang. Je tente de bloquer la mâchoire puissante de la brute avec mon arc, ce dernier venant se briser en deux dans la gueule de l’abomination. Je tente de me protéger en repoussant son museau avec mes mains, alors que j’essaie avec mes pieds de le faire basculer en arrière. Cette chose est forte, ses griffes viennent pourfendre les chairs de mon bras droit, alors qu’il se vautre sur moi pour me faire crouler sous son poids. Je sens son haleine fétide flotter contre mon visage, sa gueule est toute proche, je me débats avec acharnement dans l’espoir de repousser l'animal pour ne pas finir en casse-croute. L'odeur du sang qui s’écoule de mon bras semble avoir fait entrer mon prédateur dans une frénésie meurtrière, il pousse un sinistre rugissement qui vient me glacer les os alors qu’il s’acharne sur moi, me rouant de coups pour faciliter sa tâche. J’empêche les canines du monstre de franchir les derniers centimètres qui les séparent de mon visage d’un bras, tandis que l’autre, malgré la blessure, cherche désespérément un objet à portée pour me tirer de cette situation délicate. Par chance, ma main entre en contact avec une grosse pierre, je l’attrape rapidement, tandis que l’horrible chose immobilise mon autre membre dans ses puissantes pattes. Alors qu’il croit avoir gagné, et s’apprête à venir m’achever, j’arme mon bras et viens percuter son crâne avec le roc, ceci le désorientant un bref instant.

Il ne me faut pas plus de temps pour me dégager de son étreinte musclée et de prendre la fuite à toute vitesse malgré la fatigue. Je cours sans m’arrêter, sans me retourner. Heureusement pour moi que j’ai l’habitude de voyager en forêt, je me déplace entre les racines et les branches mortes, que la plupart des autres aventuriers se serait probablement pris dans les pieds. Mon cœur bat à toute allure, prêt à s’extirper de ma poitrine. Une sueur froide vient couler le long de mes joues, mes nerfs tressaillent.

Je ne cesse de courir, par chance, dans la bonne direction, j’ai toujours la mauvaise impression d’être suivie, j’entend ce sifflement rauque derrière moi … Il est tout proche, je redouble d’effort, battant mes jambes contre le sol à toute allure dans l’espoir de distancée mon ennemi, malgré la fatigue, je résiste, j’ai les côtes endolories, le visage en sang mais je me précipite dans la sombre végétation … J’aperçois quelques minutes plus tard, toujours dans une course effrénée, les premiers rayons du soleil qui percent le feuillage des arbres, la brume et la pénombre se dissipent peu à peu, j’y vois désormais plus clair, je comprend que je suis en train de quitter la forêt. J’affiche un grand sourire de satisfaction et dans mon bonheur, j’en oublie les racines qui viennent me prendre les pieds et me faire lamentablement trébucher contre le sol. Je me retourne en vitesse, pensant que la créature est à quelques mètres de moi, mais rien … Au loin, dans la brume, je distingue une silhouette, qui se tient sur deux pattes, comme un homme, c’est sans aucun doute mon agresseur.

Pourquoi c’est il arrêter à la frontière du soleil ? Qu’est-ce que c’est que cette créature? Un homme? Une bête? Peut être même les deux … Voilà beaucoup de questions auxquelles je ne souhaite pas répondre, mais je n’oublierais jamais cette frayeur, son regard, son odeur … J’ai frôlé la mort, aujourd’hui, c’est ce que risquent sans cesse ceux qui quittent leur foyer … Je me redresse douloureusement et reprend ma course, jusqu’à être certaine d’être hors de portée…
Les arbres se font de plus en plus rares, je ralentis ma course, assoiffée, affamée, exténuée, je titube … prête à m’effondrer quand j’aperçois un fleuve au bord du sentier, je me précipite dans sa direction, me libérant de mon arc, de mon carquois et de mon sac pour plonger la tête dans l’eau … Je ne m'étais même pas aperçu que j’avais perdu mon compagnon lors de l’agression, je me mets à fondre en larmes, où est mon seul ami ? Que lui est-il arrivé ? Je l’ai lâchement abandonnée pour survivre. Depuis que je l’ai recueilli dans les forêts de Cuilnen, je me suis vraiment trop attachée à cette petite créature innocente, qui me procurait tant d’affection, de réconfort … Mais je ne l’ai pas défendu… J’affiche une triste mine en pansant la plaie que m’as infligé la créature … Sanglotant après la perte de mon compagnon et du cumul de malchance … Je suis désormais toute seule, dans un monde inconnue, j’ai peur de la suite … Que va-t-il arriver ? Je n’ai plus la force de continuer … Je n’aurais jamais du quitter Cuilnen et la ferme de ma mère … Je n’aurais jamais du abandonné ma seule famille… Mais il est trop tard pour faire marche arrière, je suis coincée, prise au piège par mes propres désirs … J’observe les eaux miroitantes du fleuve, regrettant amèrement mon choix de quitter les miens alors que j’entends un bruissement dans les hautes herbes qui longent le fleuve. Je dégaine mon couteau de chasse, ce n’est peu être qu’un serpent ? Qu’un crapaud ? Je deviens paranoïaque … Je lance une pierre dans les roseaux pour faire fuir ce qui s’y trouve, et, étrangement, j’entends un petit couinement qui m’est familier … Je m’approche, prudente, et je peux distinguer entre les tiges vertes une fourrure bleu …

Serais-ce mon ami ?!

Je me précipite en abandonnant mon arme sur la berge, j’extirpe la boule de poils bleue des roseaux et dans un grand soupir de soulagement je reconnais mon petit compagnon ! Je ne peux m’empêcher de le serrer fort contre moi, c’est le seul être auquel je suis attachée, je ne pouvais continuer sans lui, après tout ce que nous avions traversé ensemble … ! Je pousse un grand crie de joie, le sourire me revenant malgré mon état lamentable. Je reste ainsi des heures, à dorloter mon partenaire, je le cajole contre moi tandis que je scrute le cour du fleuve, m’apaisant doucement, me berçant, jusqu’à ce que je m’endorme…


Les terres alentours de Dahràm

_________________
Aïwen, Elfe blanc, Archère


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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Mer 29 Juin 2011 18:26 
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Les terres autours de Dahràm. Le début de la fin


La Forêt des Feuilles Tristes


Macabre Aventure


Alors que la chaleur laissait place au gel, que l’obscurité avait raison de la lumière, que la mousse dominait l’herbe fraiche, et que le fleuve devenait marécage poisseux, Erebor dépassa la pancarte et d’un pas non-assuré entama sa descente vers le Sud à travers cette étrange forêt.
Suivant le maigre sentier qui se dessinait peu à peu devant lui, ses bras dénudés tremblaient. Il avait l’habitude du froid, mais celui-ci était intolérable. Une brume glaciale reposait sur ses épaules et l’encerclait. Presque pouvait-il la toucher et la saisir dans sa paume tellement elle était épaisse. Sa vue brouillé, par l’absence de quelque rayons de soleil réconfortants, n’arrangeait en rien les choses. Mais dans quoi s’engageait-il ?
Déjà qu’Erebor n’appréciait gère la forêt, celle-ci, il la haïssait et regrettait presque sa décision.
Se gardant de faire demi-tour aussi hâtivement, il s’efforçait de suivre le sentier qui perçait à travers les arbres. Enfin, les arbres … Ils étaient soient morts, soient moisis. Autrefois majestueux et fiers, ils semblaient pleurer et murmurer des plaintes. Ils plissaient mais ne craquaient pas sous la violence du vent, à la cime. L’écorce autrefois brune et solide était maintenant verdâtre et molle. Les champignons et la moisissure en avaient fais leur nid. Une odeur humide, poisseuse et empoisonnée envahit les narines et les poumons d’Erebor qui respirait courtement. Son cœur frappait contre sa poitrine comme s’il voulait en échapper pour fuir. Les battements résonnaient dans sa tête et lui rappelaient qu’il était encore vivant.
Il avait empoigné sa hache et la présentait à ce qui bougeait autour de lui. Les feuilles tremblaient et Erebor manquait de charger. A travers l’épaisse brume, il était impossible de distinguer le vivant du mort et le vrai du faux.


***



Cela faisait maintenant 2 heures qu’Erebor suivait le sentier. Il s’était effacé à quelques moments et Erebor en avait retrouvé la trace. Il gardait sa hache contre sa poitrine en guise de protection. La lumière avait maintenant complètement disparue, et laissait place à une obscurité terrifiante doublée d’une brume morbide. Le silence était maigrement rompu par les craquements de branches et le crissement des feuilles sous la marche du nain. S’il n’était pas seul, il était aisément retrouvable. Des ombres le suivaient, cachées par la densité des arbres. Elles étaient pour le moment inoffensives, mais Erebor s’en méfiait tout de même. Sa tête oscillait entre la gauche et la droite pour s’assurer. Il scrutait au plus loin pour déjouer quelque traquenards ou embuscade. Son ventre se faisait remarquer et indiquait au nain qu’il fallait se poser quelques instants.
Erebor stoppa sa marche et se laissa tomber contre le tronc d’un arbre. Il n’avait pris soin de retirer la moisissure, il s’en moquer. Il posa sa besace entre ses jambes et fouilla. Il en sortit un morceau de porc salé proprement enveloppé dans un tissu et une flasque contenant bien évidemment de la bière. Il dégusta son repas et ferma les yeux quelques instants.


***


Erebor s’était réveillé en sursaut. La sueur froide lui coulait sur la joue et il avait très chaud. Il palpitait et était très effrayé.

« Qui est là ? », grogna-t-il férocement.

Ses paroles furent échos pendant quelques secondes avant de se perdre dans la végétation marécageuse. Pendant quelques instants, Erebor attendit une réponse mais comme rien ne s’était manifesté, il se releva, s’appuyant sur sa hache. Dans le cliquètement métallique de son équipement, Erebor était toujours attentif. Il scruta la cime des arbres qui perçaient à travers la brume nauséabonde puis observa félinement au loin. S’assurant d’aucun danger, il reprit le chemin de terre et poursuivit sa route à travers la brume qui se faisait de plus en plus épaisse. Le vent avait redoublé et le bois craquait par endroit, faisant sursauter le jeune nain. Les craquements et sifflements de feuilles se faisait de plus en plus proches et de plus en plus menaçant. Erebor se sentait traqué et, presque instantanément, se mis à accélérer le pas et voilà qu’il courait maintenant. Il écarte la végétation qui le gêne, ses bottes écorchées piétinent la terre humide. Quand bien même, il continus sa course poursuivis par il ne sait quelle bête de la brousse. Son souffle est à bout, il s'économise. Mais quel drame, quelle malédiction le colonise ? Il entend les brindilles qui craquent sous ses pas, il accélère, décidé de ne pas faire partie du repas. Un temps soit peu, le rythme s'intensifie à mesure que la verdure se densifie, impossible d'échapper à ce redoutable prédateur, il sent son corps le lâcher, il s'embrouille, ses poignées sont serrés. Mais lorsqu’il eu le souffle trop court, il ralenti, espérant retrouver le souffle, mais un objet lourd lui écrasa l’épaule, d’une force suffisante pour l’envoyer au sol. Une silhouette trapue bondit sur lui en poussant un sinistre grognement, ses yeux, gorgés de sang et dont le blanc était presque devenu du noir. Attaquant de ses griffes aiguisées et des ses crocs acérés, Erebor avait le bras gauche lacéré par les assauts répétés de la bête, son bras droit cherchant quelque objet contondant pour neutraliser son adversaire. La créature grognait et poussait des cris aigus, stridents, retentissant dans toute la triste sylve. Sa mâchoire manquait de peu d’arracher le nez ou les yeux du faible nain. Le bras du nain cherchait désespérément, sa main tâtonnant le sol à la recherche d’une pierre ou d’une grosse branche. Elle fut arrêtée par une grosse pierre. Sans hésiter, mais avec difficulté tout de même, Erebor la saisit et d’un geste violent frappa la tempe de la bête diabolique. Celle-ci bascula sur le côté et poussa des cris de lamentation. Erebor eu juste le temps de se relever et d’empoigner sa hache que la bête s’était déjà remise de ses blessures. Elle se souleva, et debout sur deux pattes, elle s’élança sur le nain d’une vitesse si impressionnante qu’Erebor n’eu point le temps de riposter de son arme. L’immonde créature avait entouré la taille du nain de ses fortes jambes et ses mains pressé ses tempes, d’une force ahurissante. Erebor était à bout de force et n’arrivait plus à tenir debout. Sous le poids de la bête, il tomba au sol. La bête en profita pour frapper la tête du nain contre le sol, étonnement dur, à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il perdit conscience.


***


Etrangement, Erebor n’avais plus froid mais chaud et était plongé dans la clarté plutôt que dans la pénombre. Comment cela se faisait-il ? Il était toujours sonné et sa tête lui faisait mal. Il ne portait plus son armure, et n’avais sur lui que son gambison. Son équipement lui avait été retiré. Il se sentait presque nu ainsi.

« Où suis-je », dit-il en ouvrant doucement les yeux.

Erebor était couché, adossé contre un gros arbre. Ses mains n’étaient pas ligotées malgré la ficelle qui trainait non loin. Ses affaires personnelles étaient posées au pied d’un arbre qui, étrangement, n’était pas moisi. Cela était probablement du à la chaleur dégagé par le feu. Il aperçu alors un petit feu à quelques mètres de là, dont le bois grésillait chaudement et les flammes dansaient comme si elles ses moquaient de lui. De part et d’autre, étaient plantés dans le sol deux piquets, d’un mètre de haut environ entre lesquels une broche vide reposait. De l’autre côté du feu, la créature mi-homme mi-bête, se tenait accroupi, et soufflait à la base des flammes pour les raviver. Elle ne semblait pas s’y connaitre parfaitement et même craignait de se brûler.
A longueur de bras, Erebor discernait un parchemin déroulé et noircis par endroit. Facilement et sans attirer l’attention, Erebor le prit et tenta de lire malgré la saleté du parchemin. Il pu tout de même lire : « William Bargest … cannibale ». C’était probablement l’ancien nom de cette créature. Le parchemin devait donc être un acte de recherche ou de suppression lancé par la milice.
Soudainement, l’homme bête surgit et bloqua le nain.

« Comment ose-t-tu bouger, Repas ? », fit-il d’une voix écorchée.

Erebor n’osait point répondre, ne voulant vraiment pas faire office de diner.
Ses mains non ligotées étaient libres mais il n’osait les bouger pour s’extirper de là.

« William … C’est ainsi que l’on vous appeler autrefois ! », osa-t-il tout de même prononcer.

« Silence, Repas ! » cracha-t-il, avant de retourner à l’arrière du feu, pour s’assurer qu’il ne s’éteigne pas.

Erebor devait sortir de là assez rapidement ou sinon il finira vraiment en Repas. Il devait trouver un moyen de l’éliminer autre que la force. Il en avait déjà fais les frais et ne voulait point renouveler.
William souffla encore quelques fois sur les flammes et vint auprès d’Erebor. Il l’attrapa par le bras et le souleva, près à le bâillonner. Mais destiné à ne pas servir de nourriture, Erebor dans un élan de courage attrapa l’homme-bête à la gorge et le serra le plus fort possible. William tentait tant bien que mal de se désengager mais la détermination du nain était telle qu’il n’en fut pas le cas. Erebor ne voulait point en rester là, et en même temps qu’il étranglait William, il l’accompagna jusqu’aux flammes qu’il nourrissait avant, les flammes de l’enfer. Erebor balaya la créature et la fit chuter dans les braises et les flammes. Se tordant et hurlant de douleur, William allait retrouver son frère, là où tout à commencer.
Quand les cris de l’homme-bête se firent sourds et les flammes attisées, Erebor se laissa tomber contre l’arbre. Il en était fini de cette bête maudite.
Erebor prit alors son sac pour y trouver son repas. Il sortit une cuisse de sanglier crue qu’il allait pouvoir cuir avec la broche et une autre flasque de bière. Il allait enfin pouvoir se reposer dans un endroit sécurisé.


***



A l’aube, Erebor fut fort surpris. Un rayon de soleil frappait son visage et le vent était chaud. Le ciel était bleu sans nuages, et on entendait même les chants d’oiseaux. La forêt était complètement changée. La veille, c’était la brume qui avait envahit la sylve mais ce jour-là c’était le soleil. Emplie de cette fraiche ambiance, Erebor se revêtit de son armure, éteignit les braises et se remit en marche. Le sentier était plus propre et la verdure le côtoyait. Il n’y avait plus d’ombre menaçante mais, à la place, des daims et des sangliers qui couraient gaiement. Erebor esquissa sur son visage un sourire et, la poitrine gonflée d’assurance, il se remit en marche vers le Sud.


Après deux heures de marches au milieu d’une sylve nouvelle, Erebor atteignit la lisière. La végétation se faisait moins dense et les arbres plus petits et plus maigres.
Lorsqu’il sortit de cette forêt, la première chose qu’il attira son regard fut la clarté du soleil et tous ses sens furent attirés par le fleuve, qui (comme lui) avait traversé la Forêt des Feuilles Tristes, dont les vagues clapotaient joyeusement. Erebor s’y précipita et s’agenouilla au bord de l’eau pour en boire quelques gorgées et s’y rafraichir.

Trajet en Dahràm et Mertar

_________________
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"Rien n'existe qui n'ait au préalable était pensé" Traité de Faërie, Ismaël Mérindol, 1466


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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Mar 5 Juin 2012 19:48 
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Depuis la route entre Darhàm et Caix Imoros

A peine les premiers troncs franchit, une brume épaisse et glacée nous happa pour nous entraîner dans les bois. L'atmosphère était lourde, froide, silencieuse, trop silencieuse. Nous étions tous tendus. Sur nos gardes. Elles, la main sur la poigne de leurs épées. Moi, m'accrochant à la corde qui me liait les mains. Nous avancions dans la brume, à travers les sapins aux troncs couverts de givre. Ce microclimat était-il dû au camouflage du soleil ? Je sentais mes poumons se gelés, crispés par l'air froid qui les pénétrait. La forêt était si calme que le moindre bruissement de feuille, le moindre craquement de branche nous faisait tourner la tête. Nous avions ralentit la cadence, négociant chaque pas avec prudence et silence, de peur de tomber dans un piège ou de se faire repérer par quelqu'un ou quelque chose. En tant que prisonnier, on m'avait retiré mes armes, ma bourse et ma cape. Je n'étais vêtu que d'une chemise en tissu noir, d'un pantalon déchiré et d'une paire de botte. Me laissant ainsi vulnérable aux températures qui régnaient dans cette forêt. Mes membres commençaient à s'engourdir et c'est moi qui dû briser le silence de cathédrale qui régnait dans cette forêt pour demander ma cape dans un chuchotement. Mes deux ravisseuses me regardèrent comme si j'avais perdu l'esprit. Elles m'ordonnèrent d'un geste de me taire et me mirent la cape sur mes épaules. Je les remerciais d'un hochement de tête avant de reprendre la marche.
Soudain, un craquement sinistre, semblable au bruit d'un nez qui se brise, emporté loin dans la forêt et dans toutes les directions par la brume qui nous entourait. Hellikyn grogna et leva son pied, déclenchant le même craquement qui sembla dix fois plus bruyant que le précédant.
Elle se baissa quelques instants pour ramasser l'objet qu'elle venait d'écraser. Un crâne, visiblement humain. Au même moment la brume se dissipa pour nous montrer un spectacle macabre. Des dizaines et des dizaines de squelettes, tapissant le sol des bois comme l'aurait fait des feuilles vers la fin de l'année. Partout autour de nous, un ossuaire se répandait sur plusieurs mètres.

"Ne traînons pas."


Linwen avait déglutit avant de chuchoter ces mots qui en disaient long sur son état d'esprit. Elle avait peur. Nous avancions en évitant d'écraser d'autres cadavres. S'enfonçant plus profondément entre les arbres. Fuyant la brume qui recommençait à recouvrir le cimetière. Les chuchotements reprirent.

"Beaucoup de personnes se perdent dans ces bois."

"Oui. Et ils viennent tous mourir au même endroit."

Je ne pouvais m'empêcher de réagir de façon sarcastique à cette remarque idiote. Même si ça pouvait m'apporter plus d'ennuis que j'en avais déjà.

"Le traître m'a ôté les mots de la bouche." ajouta Linwen dans un ricanement.
"Je savais qu'il fallait suivre la route."
"La prochaine fois tu gagneras la partie pour pouvoir décider de la route à prendre."
"Certaines décisions ne devraient pas se prendre à l'aide d'un stupide jeu."

Je soupirais. Elles se disputaient encore et rapidement le ton monta, faisant vibrer les aiguilles des pins. C'est quand la brume se fit bien plus épaisse, si bien qu'on ne pouvaient plus s'apercevoir, que le silence se fit. Mais autre chose nous imposait le silence, car dans la brume lourde et glacée, des ombres valsaient autour de nous sans un bruit.

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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Mer 6 Juin 2012 22:49 
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Immobiles, les ombres semblaient nous fixer. Immobiles, nous attendions que quelque chose se passe, un mouvement, un bruit, mais rien. Puis vint un grognement, suivi d’un deuxième, précédant un concert de hurlements hostiles. Hellykin s’empara du manche de son épée, Linwen de deux dagues de jet à sa ceinture. La brume ne nous permettait pas de voir à plus de deux mètres. Quand le premier assaillant rentra dans ce périmètre, il fut immédiatement tranché en deux par la lame de la géante qui avait dégainé à la vitesse de la foudre. Le visage grossier, fendu de balafre, déformés par une gueule béante pleine de crocs, il s’effondra en grognant.

"Garzoks."


Créatures servant les ténèbres. Elles chargèrent. Nombreuses, très nombreuses, trop nombreuses. Nous étions déjà encerclés. Ils sortaient de la brume brandissant leur hache et hurlant leur rage. Linwen lâcha la corde qui me tenait en laisse. Trop occupée à jeter ses armes de jet en pleins visages de nos attaquants. Hellykin la couvrait, tournant autour d'elle. Se servant de chaque partie de son corps pour blesser. Poings, tête, pieds, épaules, coudes, genoux. Aucune armure, aucun muscle n'arrêtait son corps gigantesque. Malgré tous leurs efforts, les orques prenaient l'avantage, même la demi-douzaine de cadavres aux pieds des Shaakt ne les intimidaient pas. La petite Shaakt dû se passer de ses dagues de lancer pour en saisir une autre, bien plus longue dont la lame était légèrement arrondie. Le manche, lui, était noir, ornés de symboles argentées. Une fois sa dague en main elle devint la maîtresse de l'esquive, évitant les haches Garzoks dans une fluidité et une grâce de danseuse. C'était ça, une danse macabre, valsant à travers les haches, tournoyant pour trancher les gorges. Les deux Shaakts s'éloignaient l'une de l'autre, optant pour leur propre style de combat sans être gênée par celle de l'autre. Moi, je m'étais jeté à terre à la première charge. Je rampais vers un orque au visage transpercer d'une arme de jet. J'espérais ainsi me défaire de mes liens et récupérer de quoi me défendre. La brume me camouflait suffisamment pour que les attaquants m'ignorent, trop préoccupés par les deux Elfes noires qui faisaient des ravages dans leurs rangs. J'atteignais enfin mon but, je me mis dos à son crâne pour pouvoir saisir le manche de l'arme. Le combat était caché par la brume, on devinait sa présence aux fracas des lames, des cris de douleurs et d'efforts. J'extirpais la dague du cadavre, regardant aux alentours, de peur de voir un ennemi me sauter dessus. Une fois l'arme en main je me mis à ramper pour me cacher derrière un tronc, le temps de couper mes liens. Les combattants passait à coté de l'arbre sans me remarquer, courant vers le combat. A force d'efforts et de concentration, la corde finit par céder. C'est le moment que choisis un orque pour se dresser devant moi, la hache brandit, s'apprêtant à l'abattre sur ma pauvre personne. J'ouvris grand les yeux, à cet instant j'aurais pu me souvenir d'un tas de choses. On dit qu'on voit toute sa vie défilée devant ses yeux avant de mourir. Mais la seule chose à laquelle je pensais à cet instant, la seule chose que je voulais exprimer, crier, c'était :

(Et merde…)

Tout était fini, j'attendais que le coup me broie le crâne. Mais encore une fois, il n'en fut rien. Je fus sauvé in extremis. L'orque me fixait, incrédule, ne comprenant pas comment une lame pouvait lui traverser la gorge. Comment il pouvait mourir alors que son adversaire était assis devant lui. Il tomba à genoux, me laissant apercevoir Linwen, le visage ensanglanté, la cape trempée de sang. Elle me fixa un instant, inexpressive, puis elle releva la tête, regardant à droite à gauche pour évaluer la situation. Des Garzoks hurlaient encore et nous entendions encore le fracas des épées, signe que la géante se battait toujours. La petite Elfe me regarda à nouveau. Elle me tendit la main. Je l'observais, sceptique.

"Ils sont trop nombreux. Nous allons avoir besoin de toi."


Je pris un instant pour regarder autour de moi. J'apercevais encore des ombres se mouvoir à travers la brume. En effet ils étaient trop nombreux. Même avec moi, nous étions condamnés. Mais pourtant il y avait peu de solutions pour s'en sortir. Je tendis ma main libre, lui saisissant le bras. Elle me tira pour me remettre debout. Elle ria.

"Même Hellykin, cette force de la nature ne peut p..."

Elle s'arrêta nette. Je sentais ma lame qui traversait le cuir de son plastron et transperçait sa chair pour perforer son cœur. Elle me fixa, l'air apeuré. Elle perdit à ce moment précis tout ce qu'elle avait de haïssable. Elle avait l'air inoffensive, la larme à l’œil, un léger filet de sang coulant de ses lèvres. Je pouvais lire dans son regard, cette Shaakt ne voulait pas mourir, pas comme ça. Jamais elle n'avait voulue être la personne qu'elle était. Cette Elfe, comme moi, détestait les siens, détestait nos pratiques, nos méthodes, la façon dont vivait notre société. Elle n'avait pas cet air enjoué parce qu'elle était heureuse d'être elle, mais parce que pendant qu'elle me poursuivait, elle n'était pas enfermée dans une ville souterraine à prier une déesse immonde et faire les pires bassesse pour ces prêtresses manipulatrices. Oui, dans son regard je voyais tout ça. Je sentais ses jambes se dérober sous elle. Je ne la laissai pas tomber. Je l'allongeai délicatement sur le sol glacé pendant que la vie la quittait. Son regard devint terne, puis finit par s'éteindre complètement. J'extirpai alors la lame de son cœur puis pris ses dagues de jet. Je saisissais ensuite sa main tenant encore fermement la longue lame arrondie pour la déposer sur sa poitrine avant de m'enfoncer dans la brume, loin du combat, loin de la mort.

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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Jeu 7 Juin 2012 13:28 
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Les bruits du combat s'étaient évanouit. La géante n'avait pas pu résister à l'attaque des Orques et Linwen était morte de ma main. Elles se faisaient sans doute dévorer par ces cannibales en ce moment. Je continuais d'avancer, n'écoutant pas ma jambe qui me suppliait de faire une pause. Je boitais comme un pirate à la jambe de bois. Je n'osais pas m'arrêter de peur qu'on me rattrape, de peur qu'on me capture alors que j'avais, encore une fois, réussi à m'échapper. La nuit était sûrement tombée, car les bois étaient devenus encore plus sombre, la brume n'était plus qu'une ombre noire qui me troublait la vue et m'engourdissait les membres. J'avais froid, j'avais faim, j'avais soif, j'avais peur. Un vent glacé secouait les branches des arbres, provoquant des craquements sinistres et laissant tomber le givre qui venait me fouetter le visage. Si je m'arrêtais maintenant je mourrai probablement d'hypothermie. Le vent ne cessait de s'accentuer, me poussant dans une direction contre mon gré. Me cinglant le visage, me crispant chaque muscle. Je voulais me diriger vers le sud, en direction des montagnes, mais en réalité j'ignorais complètement vers où j'allais. Je marchais, c'est tout.

Le brouillard se dissipa me laissant apercevoir mon salut, une cabane, à une centaine de mètres, au milieu de la forêt. Faites de planche de bois, n'étant pas bien grande, une cabane de chasseur probablement. Je m'approchais, accroupi, la cabane était peut-être déjà occupée. J'en fis le tour jusqu'à ce que je trouve une petite fenêtre pour jeter un coup d’œil à l'intérieur. Hélas la fenêtre était couverte de givre, ne me laissant rien apercevoir. Je me rapprochais de la porte et collais mon oreille contre mais rien. Pas un ronflement, pas une respiration, la cabane semblait vide. Je mis ma main sur la poignée froide et ouvrit lentement la porte. Personne. J'entrais alors rapidement pour m'y enfermer. Je détaillais maintenant l'intérieur. Mon refuge était loin d'être vide. Les murs étaient ornés de trophée de chasse. Têtes de cerf, de renard et de loup. Une table décorée par des cornes et des sculptures de bois reposait dans un coin. A droite, une armoire de rangement fait à partir de bûches taillées et de planches. Dessus reposait une bourse, un plastron de cuir et des aliments sûrement avariés. De l'autre coté de la cabane trônait un lit, recouvert de couverture. Un poil à bois résidait au centre de l'unique pièce. Le tout était recouvert d'une couche de poussière. Signe que cet endroit était abandonné.
Je retirai la couche de poussière du plastron, le cuir était gelé. J'inspectai les aliments sans grand espoir. Je pris ensuite la bourse et vérifia son contenu. La fatigue et le froid commençaient à avoir raison de moi. Je pris les couvertures sur le lit et m'emmitouflai dedans avec la tenue de cuir. Ainsi elle se réchaufferait pendant la nuit et je pourrais la porter le lendemain. Elle constituerait une protection viable contre le froid. Je m'allongeai sur le lit pour profiter d'un sommeil réparateur dont j'avais bien besoin.


((( Acquisition du plastron de cuir souple et des Yus. Récompenses de la correction du premier rp !)))

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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Dim 10 Juin 2012 22:38 
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Depuis combien d'années je n'avais pas dormi dans un lit ? J'avais beau fouiller chaque recoin de mon crâne, je ne pouvais pas trouver de réponse. En tout cas, je me sentais bien si on met de coté ma jambe douloureuse. Un rayon de soleil qui perçait les arbres me caressait le visage. L'air était beaucoup moins glacé et je fis glisser les couvertures avant de me lever pour me diriger vers l'unique fenêtre de la cabane. A ma grande surprise la brume avait disparu. Le sol s'était débarrassé de sa couche de givre pour se garnir d'une mousse verte et bien odorante. Je pris à la hâte mes affaires et me précipitai dehors. Il y faisait bon. Je m'éloignai de la cabane, respirant à pleins poumons l'air vivifiant sentant les pins et la terre chaude, me redonnant espoir. Je me promenais entre les arbres, caressant l'écorce chaude du bout des doigts. Puis la cabane disparue derrière moi. Me laissant seul au milieu des pins qui m'encerclèrent, tendant leurs branches fourchues pour m'attraper. Et la brume revint, noyant le sol de sa tristesse. Elle vint m'attraper les jambes et grimpa le long de mon buste jusqu'à me mettre à genoux de froid et de peur. C'est là qu'elle apparue entre les conifères. Surgissant de la brume. Hellykin, le visage balafré et déformé par la haine. Le dos décoré de haches, traînant et labourant le sol de son énorme lame en laissant derrière elle une traînée de sang. Elle m'approchait, me fixant d'un regard meurtrier. Elle me paralysa par ses grognements venant du nid de plaie qu'était devenue son visage. Elle m'attrapa, me faisant subir milles et une douleurs. Quand elle n'eut plus aucun espace de chair à lacérer elle leva son pied au-dessus de mon visage et le laissa retomber, autant de fois que nécessaire.

J'ouvris les yeux. Haletant et en sueur dans mon lit gelé. Le cœur battant à tout rompre. Je me mis assis, inspectant chaque coin de la pièce. L'air était toujours aussi glacé et j'entendais le vent souffler par bourrasque contre les parois de bois. Tout ça n'avait été qu'un cauchemar. Je me levais, encore tremblant, avant de mettre le plastron de cuir qui avait dégelé durant la nuit. Je jetais ensuite un coup d’œil dehors. Rien n'avait changé, la brume était toujours présente, camouflant le sol et l'horizon. Le vent toujours aussi fort, faisant tomber le givre des hautes branches. Je serai volontiers rester dans ce refuge, attendant que la tempête ce calme. Mais rien ne m'annonçait qu'elle se calmerait et je ne pouvais plus me permettre d'attendre. Je devais sortir de cette forêt, trouver de la nourriture et quitter ce maudit continent ! Je me préparai en vitesse en embarquant les couvertures, m'en servant comme d'une longue cape qui me tiendrait au chaud. Je sortis enfin de mon abri, bravant le froid et la peur. La veille je n'apercevais pas la porte en arrivant. Et la logique veut que je sois venu du nord. Je savais donc, en théorie, par où continuer pour aller au sud. Peu convaincu de mon sens de l'orientation et de mon jugement dans cette brume opaque. Je n'avais pas d'autre choix que de faire confiance à la logique. Si hasardeuse soit elle. Je pris donc la route vers le sud, enfin ce que j'espérais être le sud.

Équipé d'un plastron en cuir et d'une couverture, le froid était beaucoup plus supportable que la veille. Il en va de même pour ma jambe qui avait eu le temps de se reposer. Le problème restait la faim. J'avançais, ignorant mon estomac qui se tordait en gargouillant. J'avais marché toute la journée, peut être même toute la nuit également. Mon corps était devenu un automate programmé pour mettre un pied devant l'autre sans ralentir, sans faillir, sans réfléchir. Il fallait avancer, c'est tout. Enfin j'aperçus la lumière, le bout du tunnel, la fin de ce cauchemar. Je continuai d'avancer, au même rythme jusqu'à traverser la brume. Le soleil me fit fermer les yeux tellement il était aveuglant comparé à sa présence dans cette forêt lugubre. Devant moi s'étendait les prairies, sèches et désertes certes, mais plus d'arbres ou de brume lugubre. J’aperçus au loin un groupe de voyageur, j'en déduisais que je n'étais pas tombé bien loin de la route reliant Darhàm aux montagnes. Je n'avais plus qu'à suivre cette route pour disparaître dans les montagnes.

Vers laroute entre Darhàm et Mertar

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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Dim 1 Mar 2015 14:37 
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Franchement, je ne saurais pas dire combien de temps nous passons sous cette flotte froide. De même, à cause de la pénombre, impossible de connaitre la période de la journée, mais je doute qu'il fasse assez sombre pour que ce soit déjà la nuit. D'une main étonnement assurée, l'humanoïde félin guide la charrette à travers les terres de Dahràm et je m'étonne du manque de rencontres désagréables en chemin. C'est à croire qu'il sait où se situent les bandes que j'ai aperçu en venant.

En silence, surtout parce que la pluie empêche toute tentative d'échange, le petit groupe pénètre dans une forêt. Cet endroit ne m'inspire vraiment pas, mais les végétaux ont le mérite d'amoindrir les torrents d'eau. Nouvel éternuement de ma part et frisson. Le protecteur a du m'entendre, car il jette un regard inquiet par-dessus son épaule.

Après encore un long moment, je distingue dans ces bois une cabane à moitié en pierres et l'autre en troncs épais. Aucune lueur à l'intérieur, et un appentis à deux côtés fermés jouxtant la construction contient encore quelques bûches taillées. Un logis de bûcheron ou d'un quelconque garde-chasse. Sauf que si je me fie à la présence de ronces au sol et aux toiles d'araignée au niveau du volet ballant, l'endroit n'est guère fréquenté.

"Brr ! J'me les gèle !", s'écrie subitement le félin. "Fin du voyage pour aujourd'hui, tout le monde descend !"

"Minute.", fais-je alors que Dae'ron rapproche Lyïl du chariot.

Je déploie mes ailes, ravivant le peu de chaleur qu'il me reste et m'approche prudemment de l'un des volets. Ce n'est pas parce que l'endroit est apparemment abandonné qu'il ne sert pas de nid à une quelconque bestiole. S'il y a eu des fenêtres ici, elles n'existent plus. J'y pénètre, main sur ma dague. À part de rares feuilles mortes, il n'y a rien ici. Une cheminée en pierre, une table et une paire de chaises, un couchage large et quelques meubles sommaires. À l'intérieur, une poignée de couvertures sentant le renfermé, mais laissées intactes par les rongeurs et les insectes. Aucun luxe, mais un toit qui n'a aucune fuite est déjà un bon point.

Peu après, l'étrange troupe qui nous accompagne entre à son tour. Mes mains tremblent à cause du froid, mais j'agrippe résolument de quoi faire démarrer un feu. C'est d'ailleurs en me posant que je ressens une gêne dans ma jambe frappée plus tôt. Je n'y prête guère attention, aidé par le protecteur à apporter un peu de chaleur à l'endroit. Une fois tout ce petit monde rassemblé auprès du foyer, le chat a l'idée saugrenue de détacher le cheval et de le faire entrer aussi.

"Eh !", m'insurge-je. "Tu vois pas qu'on est déjà à l'étroit !"

"T'énerve pas, l'oiseau.", sourit l'idiot. "Mais j'peux pas le laisser dehors. Un cheval malade, ça sert moins bien. Et puis, t'as bien amené ton piaf, toi.", prétexte-t-il en rabattant aussi le volet.

Je m'apprête à répliquer quand je songe en fait que je m'en contrefiche. Dès demain, mon congénère, Lyïl et moi partirons de notre côté. J'ai épaulé le brun en les aidant à s'échapper. Mon rôle dans cette histoire est donc largement rempli. Mes yeux sombres vont sur Dae'ron, qui aide l'oudio effrayé de se faire mâchouiller les branches et le très jeune elfe vert à s'emmitoufler dans un tissu. Le protecteur lui-même, à peine protégé par son pagne, son bagage et son collier, grelotte. Et pourtant, il fait passer ces inconnus avant lui.

Le voir évoluer dans les airs me cause un bref resserrement de poitrine. Il est en vie, et pour l'instant, il est occupé. Mais je songe d'un coup à ce que cela signifie. Quand le calme sera revenu, j'imagine parfaitement qu'il va vouloir me poser un tas de questions auxquelles je n'ai nullement envie de répondre. Je sens mon visage s'assombrir. Mon attention est attirée par les gestes du chat bipède qui se défait de sa tenue trempée et l'essore. Je fais de même sans la moindre pudeur en me tenant non loin du feu, et constate que ma jambe a un peu enflé. En fait, m'appuyer dessus me cause un inconfort certain et la tâter m'y fait sentir comme une fêlure. Je n'en dis rien et laisse les géants s'installer.

En arc-de-cercle autour du feu, mes spirales tendues pour tenter d'entendre un quelconque arrivant, l'atmosphère se détend. Le chat géant observe brièvement chacune de mes cicatrices et scrute longuement la moitié de mon corps corrompu, sans faire de commentaire. À proximité de moi, mais évitant bizarrement de me regarder, et surtout refusant de se défaire de son vêtement humide, Dae'ron prend la parole.

"Qu'est-ce que vous allez faire maintenant ?"

"J'sais pas trop.", avoue le porteur de griffes. "J'me vois mal me r'pointer devant les quelques copains qu'y m'restent, et qui m'croient sans doute mort depuis des semaines."

"Des semaines ?", soulève le brun.

"Ouais. J'me suis pas laissé faire quand j'ai été choppé. Ces malades n'étaient pas contents de voir du sang sur ma fourrure. "

"Ce qui ne répond pas à sa première question.", coupe-je, vraiment pas enclin à entendre le récit inintéressant de la vie de cet inconnu. Moins j'en saurais sur lui, plus simple il sera de le laisser se débrouiller.

"Faut te détendre un peu, l'oiseau."

Mes yeux sombres le poignardent par-delà les flammes en l'entendant encore m'interpeller de la sorte. La chose amuse mon congénère.

"Nessandro. Moi c'est Dae'ron."

"Ah, moi c'est...", commence-t-il.

"Sans intérêt.", siffle-je méchamment.

"Nessandro !", me dit sèchement le protecteur, rivant enfin son regard au mien.

"Quoi encore ? C'est vrai à la fin ! Ce n'est pas comme si on allait rester ensemble, par mes ailes !"

Mon soudain éclat de voix fait sursauter l'arbre et l'enfant, qui me regardent tous deux avec des yeux ronds. Ma tirade fait d'ailleurs réagir le végétal.

"Aldrydes abandonner nous ?", fait sa voix apeurée. "Aldrydes devoir aider ! Oudio et taurion pas d'ici ! Forêt pas bonne ! Bonne être forêt Cuilnen !"

"Et alors ? Qu'est-ce que ça peut me faire ?", gronde-je avec agacement.

"Cela te fait... Qu'on ne peut pas les laisser.", répond résolument le protecteur avant d'ancrer ses beaux yeux noirs dans les miens. "Regarde-les et réfléchis. Tu crois vraiment qu'ils peuvent rentrer par eux-mêmes ? "

Plus il parle, plus il met de pression dans son regard. Sauf que je ne suis pas si facilement influençable. Il croit peut-être que tout le monde a la chance de tomber sur un gardien dès que le terrain est dangereux ? Je sais par expérience que ce n'est pas le cas. Moi, je n'ai jamais pu compter que sur ma propre force. Pourquoi j'irai offrir à d'autres ce à quoi je n'ai jamais eu droit ? Je soutiens ce poids sans sourciller, et c'est finalement lui qui semble pris d'inconfort et détourne la tête.

"Moi c'est Razar.", fait subitement le chat pour briser le silence. "Et là d'où j'viens, on a un principe qui dit : t'es responsable de celui dont t'as sauvé la vie. Et ça tombe bien, j'ai des connaissances dans un village côtier de l'Anorfain. J'vous accompagne."

"Content de te connaître Razar.", sourit le brun avant de regarder les deux autres. "Tout va s'arranger. On va vous ramener chez vous."

"Qui ça "on" ?", demande-je amèrement, sachant déjà ce que le protecteur va dire.

"Toi, Razar et moi. Après tout, on te doit la vie. C'est normal que tu veilles à ce que nous ne la perdions pas aussi vite.", fait malicieusement Dae'ron, comme ayant soudain repris confiance.

"Merci de te porter volontaire, Nessandro !", ricane le chat.

"Merci pour protection, Nessandro.", ajoute l'oudio au visage illuminé de gratitude, sa voix appuyée par un hochement de tête positif du jeune taurion. Il y a presque de l'admiration dans ce regard inexpérimenté.

"Aaaaaaah ?", m'écrie-je devant ce soudain front de sourires inattendus et inexplicables. "Et puis quoi encore ! J'ai autre chose à faire !", m'offusque-je en serrant les poings.

"Calme-toi. Ce n'est qu'un détour de quelques jours. Tes projets peuvent bien attendre encore un peu, non ?", me lance Dae'ron de façon rhétorique.

"Ce n'est pas le seul probl..."

Et là encore, je suis confronté à des regards entre amusement et chaleur qui me coupent dans ma phrase. J'ai beau être grandement contrarié, l'engourdissement et la lassitude me font juste grimacer. Ma main claire vient se poser rudement contre mon visage, pinçant ensuite l'arête de mon nez, alors que je sens s'amoindrir encore ma liberté. Non, je ferai tout pour ne pas m'attacher à ces imbéciles. Ce ne seront que des fardeaux, des boulets à trainer pendant quelques temps. Je pousse un soupir bruyant, tout en faisant un effort pour ramener à mon esprit l'image d'une carte de Nirtim.

"Allez ronfler au lieu de raconter des femelleries ! Le royaume d'Anorfain, ce n'est pas la porte à côté.", gronde-je sans parvenir à provoquer autre chose que des expressions amicales, voire du soulagement sur le faciès de mon congénère.

Un éternuement m'échappe encore une fois, pendant que je me réchauffe face au feu. C'est dingue. Plus je veux retrouver ma liberté et ma tranquillité, plus cette foutue étoile maudite de ma naissance me met des bâtons dans les roues. Autrefois, je les aurais tous plantés là et serais parti faire la peau de ce fou de lutin. Mais là, quelque chose m'empêche de m'y résoudre sans que je distingue quoi. Cependant, l'expression apaisée de Dae'ron pendant qu'il discute avec les autres est une bonne piste. Peut-être que ce soir, pour la première fois depuis ma réussite au Sanctuaire du Renouveau, je vais réussir à dormir sans cauchemar.

( Mouais. Rien n'est moins sûr... Encore une journée pourrie dans le calendrier de ma liberté... )

Le protecteur se tourne vers moi et m'offre un sourire qui, je suis contraint de le reconnaitre, m'avait manqué. Je me surprends à m'en sentir touché, ce qui n'est vraiment pas rassurant, tout comme cette sensation de pression dans ma poitrine. Mon visage se pare encore d'une moue boudeuse que je détourne sans ménagement. Je n'aime pas ça, et savoir que ce groupe compte inexplicablement sur moi me dérange. Je suis Nessandro, pas un garde du corps ! En voyant leurs silhouettes aux ombres dansantes, j'ai du mal à masquer un léger rictus.

( Dans quoi t'es-tu encore fourré, mon aldron... )

Yeux plissés, petite grimace amère, je secoue lentement la tête. Décidément, Dae'ron m'en aura fait faire des choses...




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"Être libre, c'est ne pas s'embarrasser de liens."


Dernière édition par Nessandro le Jeu 5 Mar 2015 00:40, édité 1 fois.

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MessagePosté: Jeu 5 Mar 2015 00:40 
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Perception familière, incontrôlable. Je sens faire un cauchemar encore une fois, mais celle-ci est différente. Je suis conscient de faire un mauvais rêve, sans parvenir à en sortir. Je redoute ce que je vais voir, mais je suis curieux. Horizon grisâtre, vaguement empli de brume. Traction brutale sur mes ailes et mon corps. Des mains de coloris divers, de chair et d'os, agrippent ma forme dénudée. Un cœur immense, faisant le triple de ma taille, bat confusément. Horrifié, je comprends être piégé dans un bocal, épinglé comme un vulgaire papillon. Mon propre sang s'ajoute à celui que déverse l'organe pulsant.

Me débattre aggrave mes plaies. Mon regard se perd en haut. La seule ouverture est scellée par de la pierre. Mon esprit mélange tout. Plongé dans le noir, je devine une forme ailée émerger du sang qui monte. Une silhouette aldryde brune. Elle me parle lentement. Accusatrice. Je ne l'entends pas. Je sais ce qu'elle me demande. Choisir ma fin. Une arme d'argent est pointée contre ma gorge puis descend sur mon torse, déchirant ma chair, s'arrêtant au niveau de mon cœur.

Le sang monte encore, m'obligeant à lever la tête pour ne pas me noyer. Au-dessus, un brasier immense, bleu, qui descend sur moi. Les mains m'écartèlent en me tirant vers le haut. Je sens la morsure du feu. S'y dessine sinistrement un crapaud noir. Les mains arrachent mes plumes, extirpent mon pouvoir des ombres de mon corps, me vidant de mes forces et de mon souffle. Les griffes me lâchent. Trop tard. Je suis laissé sans défense. Seul. Dans cette pénombre étouffante qui se referme. Je hurle ma haine... J'étouffe... Je brûle...


Violemment, mon corps se redresse sur le flanc. Yeux écarquillés, j'aspire par la bouche à grandes bouffées. La sensation de brûlure persiste. Mon cœur cogne avec la rapidité que demande une pointe de vitesse. Ma chair est hérissée, humide de sueur. Ma vue embrumée se pose sur une source de lumière, et j'identifie bientôt la cheminée. Peu à peu, mes souvenirs me reviennent.

La veille, je suis allé secourir Dae'ron, mon congénère pâle et brun, des griffes d'humains receleurs d'organes. Et au passage, nous avons délivré trois autres géants singuliers. Ils dorment sur le sol de cette cabane, à côté du cheval. Il me faut quelques instants pour me rappeler que je suis dans mon hamac, suspendu entre deux bûches massives. Non loin se trouve celui de mon congénère.

Ma main noire vient se poser contre mon visage. J'avais naïvement cru que sauver Dae'ron mettrait fin à mes cauchemars. Raté. Pas autant de violence cette fois, mais j'ai tout ressenti. Ma couverture chaude me parait glacée. Je me rappelle aussi vaguement avoir laissé mes habits à sécher près du feu. La pluie s'est apparemment arrêtée.

Lentement, je pose les pieds par terre. La fêlure de ma jambe se rappelle vivement à moi. J'accole mes deux mains contre mon visage, frottant mes yeux lentement. Un faible bruit de tissu précède une voix désormais familière.

"Nessandro ?", m'appelle Dae'ron sur un ton concerné. Je le devine redressé sur un coude.

"C'est rien.", lâche-je avec lassitude. "Rendors-toi."

L'aldryde demeure sans bouger. L'aube ne doit pas encore être tout à fait là, mais entre le feu mourant et le ciel dégagé, il fait assez clair pour y voir quelque chose. Après un moment de silence, le protecteur reprend la parole.

"Je t'ai entendu...", avoue-t-il. "Sommeil agité, hein ?"

Je ne réponds rien, agacé de l'entendre pointer ce détail du doigt. Je le sais bien que j'ai mal dormi. Pas la peine de me le plaquer dans la face.

"C'est rien je te dis.", finis-je par lancer brutalement.

Adroitement, Dae'ron s'extirpe de son couchage et s'avance vers moi. Je l'ignore de longues secondes, le laissant debout sans lui adresser le moindre regard. Il n'abandonne pas. Je cède le premier.

"Quoi ?", demande-je en levant la tête.

"Je me fais juste du souci...", me fait Dae'ron, ses beaux yeux noirs se rivant aux miens.

"Pas la peine. J'ai fait un mauvais rêve, c'est tout."

"On... Peut en parler ?", s'enquiert-il avec un ton où son inconfort demeure perceptible.

"Non.", affirme-je sans ciller. À quoi bon lui raconter ce que mon esprit fatigué a décidé de me montrer ? Ce n'est pas comme si cela allait changer quelque chose.

Le brun me regarde sans prononcer un mot de plus. Il finit par afficher une moue presque peinée. S'il veut quelque chose, il n'en dit rien. Nos yeux se trouvent. Je comprends alors qu'il demande silencieusement une invitation de ma part. Un soupir m'échappe. Je réfléchis, tenté de le renvoyer d'un geste agacé. Mais ce n'est pas ce que je fais. Je me décale sur ma gauche, lui libérant de l'espace. Une brève hésitation précède son mouvement de prendre place. Il est si proche que je sens son bras frôler ma peau assombrie.

"Est-ce que...", commence-t-il avec hésitation. "Est-ce que cela te dérange si... Si je te parle du mien ?"

Ce n'est qu'en l'entendant que je me rends compte que son propre corps est secoué de légers tremblements. Sa peau est hérissée, comme ses plumes. J'en fronce les sourcils. Je n'avais même pas remarqué son trouble. Une pointe d'inconfort me perce. J'écarquille brièvement les yeux en m'en apercevant. Moi ? Me sentir mal pour ça ? C'est nouveau !

Agrippant le bord de ma couverture, je l'enroule autour de moi puis plaque le reste contre le dos ailé du protecteur. Il en sursaute et me jette un regard surpris.

"Fait froid.", me contente-je de dire, avisant la forme vacillante des flammes.

Dae'ron prend le temps de s'emmitoufler dedans, ailes comprises. Il inspire longuement contre le tissu. Un souffle confortable lui échappe, puis il se mure dans le silence. Devant l'âtre, l'humanoïde félin s'étire et se retourne dans son couchage sommaire. Doucement, je tourne la tête vers mon congénère. Son visage, jusque-là en direction du sol, remonte vers le mien. Il capte mon regard. Je ne m'en détourne pas.

Une lueur de gratitude ou de soulagement passe sur ses traits. Il doit être aussi surpris que moi que je lui tende la spirale sans m'énerver. Et de mon plein gré en plus. Je dois être encore fatigué.

"J'ai rêvé de la troupe.", finit-il par avouer à voix basse, m'amenant le souvenir de son groupe d'aldrydes. Et surtout de sa fin, causée par cette shaakte au service d'Oaxaca. "J'étais enfermé dans une toute petite cage, et je les voyais se faire massacrer... Un par un... Tous... Shada'ïs aussi..."

Il marque une pause, baisse les yeux et quand il reprend, sa voix traduit une souffrance certaine.

"Et... Toi... Tu te battais férocement... Mais ils étaient trop nombreux et continuaient de venir... Même totalement brisé, tu tenais tête à l'elfe noire... Elle t'a mis en cage et... Et les barreaux... Se sont rapprochés encore et encore jusqu'à... ", s'interrompt-il, visiblement perturbé par les images. "Et je n'ai rien pu faire..."

Dae'ron colle ses mains l'une contre l'autre. Il croise les doigts assez fort pour que ses articulations claires blanchissent encore plus. Fébrilement, il les appose contre son front. Heureusement. Parce qu'entendre qu'il a rêvé de moi me cause un certain inconfort. Je ne sais pas trop comment réagir. Sa détresse est déstabilisante. Même pour moi. Pourtant, mon instinct me hurle ne de pas le laisser s'engouffrer dans la fêlure de ma cuirasse.

Mes propres cauchemars sont de son fait. Sans la vision de sa mort, jamais je n'aurais réalisé avoir autant d'intérêt pour sa personne. Tout est de sa faute. Une partie de moi refuse en bloc ce lien qui m'y enchaine, me causant une tension intérieure plus que désagréable. L'autre lui en veut beaucoup, mais implique hélas que son existence est reconnue par la mienne.

Immobile, je détourne mes yeux sombres sur le côté. Je fais ce que je veux, comme toujours. Pas parce que je pense qu'il va mal. C'est ce dont je me persuade en bougeant mon aile, pour donner une légère poussée à la sienne. Mauvais calcul. Il me regarde avec perplexité.

"Angoisse des derniers jours.", finis-je par lâcher. "Aucun risque que cela m'arrive. Pas assez tendre.", fais-je avec un certain détachement et en touchant le muscle épais de mon bras fléchi. Il me faudrait être incroyablement faible pour périr aussi bêtement que dans son cauchemar. Franchement, rien à voir avec la réalité.

"... Pff !", finit par pouffer doucement le brun après quelques instants de silence. "Tu as une façon particulière de me remonter le moral."

L'entendre le formuler à voix haute me cause un afflux d'émotions, mais principalement un agacement certain. Je ramène mon aile sèchement et me lève du hamac, lui lançant la couverture sur les genoux. Un petit étourdissement fait vibrer mes spirales auditives, mais un bref mouvement de tête le chasse. Je garde les ailes tournées vers lui, ne lui accordant pas un regard.

"Il y a des vivres dans ma sacoche. Mange et retourne dormir.", fais-je sans chaleur, en déployant mes ailes.

"Hein ? Mais...", tente confusément le protecteur.

Sans l'écouter plus, je m'élance et atterris à proximité du feu. Mes habits ont séché et sont assez chauds pour combattre l'air frais de la pièce. Je perçois le sifflement doux de mon harney Lyïl, auquel je réponds distraitement. Je ravive les flammes, tentant de combattre cette gêne aussi désagréable qu'incompréhensible.

Non, je n'ai pas voulu sciemment lui remonter le moral ! Enfin... Si en fait... Mais pas pour qu'il s'en aperçoive ni ne me le dise en pleine face ! Cela ne me ressemble déjà pas de penser à autrui, ou de faire quelque chose qui ne m'apporte rien en retour, inutile d'en rajouter une couche ! Je grimace au léger bleuissement de mon visage. Non, c'était juste une pulsion ! Rien d'autre ! Marre d'être pris au dépourvu par son attitude ! Ras-le-bol de perdre mon sang-froid par sa faute !

C'est décidé ! À partir de maintenant, je l'ignore !



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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Ven 6 Mar 2015 01:55 
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Perché sur le bord de la fenêtre, j'observe l'extérieur de la cabane, bras croisés. Le ciel est dégagé, mais l'atmosphère de cette forêt est étrange. Elle est silencieuse. Beaucoup trop. L'air me semble étonnamment froid aussi, mais passer simplement la main contre mon front m'apprend qu'il est un peu chaud. J'ai aussi une sensation lourde dans la gorge. J'ai du prendre froid à cause de la pluie d'hier, mais je ne suis plus une larve. Ce n'est pas un peu de toux qui va m'arrêter.

L'aube est là depuis une poignée d'heures. Coiffant mon casque, je me tourne vivement vers l'intérieur. L'oudio ressemblant à un bouleau, blanc et strié de noir, dort encore tranquillement. Contre lui, l'enfant taurion est en boule, yeux clos, mais j'ai un doute sur le fait qu'il soit assoupi. Il a l'air encore plus fragile maintenant que je le vois en pleine lumière. Quel âge peut-il bien avoir ? Mes yeux sombres glissent ensuite vers la troisième silhouette géante. Pelotonné dans sa couverture, le mélange de chat et d'humain agite par moment ses oreilles noires, de même coloris que sa chevelure longue répandue au sol. Il a l'air de dormir, mais sa queue féline bouge d'elle-même régulièrement. À sa tronche au sourire benêt, lui fait un rêve agréable.

Rien que ce détail m'agace. Je prends une inspiration conséquente.

"Il fait jour ! Debout là-dedans !", hurle-je sur les endormis, les réveillant en sursaut. Même le cheval teinte poussière amené dans la cabane braque son oeil sur moi.

"Oah ! Hé ! T'es pas bien !", réplique le chat, le poil hérissé. "Ah merde, juste quand j'allais mordre dans ce poulet !"

Il grimace, visiblement peu ravi de ma façon de le tirer de son sommeil.

"Vous avez ronflé jusqu'au début de matinée. Maintenant, bougez-vous.", lâche-je en étendant mes ailes et allant décrocher mon hamac.

Du coin de l'oeil, j'aperçois Dae'ron replier le sien. Je m'efforce de ne pas y penser. Le voyage jusqu'en Anorfain va être long et dangereux. Dahràm n'était déjà pas une partie de plaisir, mais ce groupe va devoir passer le long du territoire shaakt. Qui sait ce que nous allons y croiser ? Si seulement j'avais pu les envoyer paitre au lieu d'accepter contre mon gré d'aider le brun... Et de nouveau l'agacement qui me submerge.

Alors que je vole aux côtés de mon harney, rangeant mon couchage dans son bagage, j'entends le son des ailes du protecteur. Occupé, je garde le dos tourné vers lui.

"Nessandro.", m'appelle-t-il. "Au sujet de ce matin..."

"Tu as récupéré toutes tes affaires ?", le coupe-je sans le regarder.

"Huh ? Euh oui. Juste Plume d'Argent à prendre et..."

"Alors perds pas de temps.", l'interromps-je encore une fois, en fermant solidement le bagage de l'oiseau. "Ils ont besoin de toi.", fais-je en désignant l'elfe et l'arbre du menton.

Je perçois encore sa voix, mais je ne l'écoute plus et me dirige vers le chat. Ce dernier montre une canine supérieure, tentant de faire reculer le cheval. Il veut sans doute le mener à l'extérieur. L'animal n'a pas l'air de vouloir de suivre ses directives.

"Tu fous quoi cette fois ?", lâche-je à l'attention du géant en haussant un sourcil.

"Je danse. T'as pas remarqué ?", me lance Razar entre agacement et moquerie. "C'est pas un canasson, c'est une tête de mule !"

Je pousse un souffle brutal, attrape sans ménagement les rênes puis vole jusqu'au licol de la bête. Il me suffit d'orienter la tête du cheval vers la porte puis d'y voler rênes en main pour qu'il me suive docilement. Une fois dehors, je l'amène auprès de la charrette. Razar me regarde de ses pupilles verticales, affichant une tronche entre incrédulité et bouderie.

"Comment t'as fait ça ?"

"Comment t'as loupé ça ?", réplique-je avec dépit, sans attendre de réponse. "T'arriveras à faire le reste ?"

"Ca va, j'suis pas si con.", boude-t-il.

Malgré la perche qu'il me tend, je ne dis rien. Mes spirales surveillent les alentours. La quiétude de ces bois me met franchement mal à l'aise.

"Nessandro ?", m'interpelle l'oudio en émergeant de la cabane. "Bébé taurion très faim."

"Pareil ici !", fait le chat.

"Dae'ron dire à oudio peut-être aldryde avoir à manger.", évoque-t-il doucement, en braquant ses prunelles vertes sur moi.

Je plisse les yeux. Voilà un problème auquel je n'avais pas songé. Sans un mot, je plonge la main dans ma sacoche et en extirpe l'un des lourds sachets de fruits secs acquis à Bouh-Chêne. J'en envoie un autre au chat. Il fait la moue, mais mange quand même. Donner mes vivres m'agace, mais si je ne le fais pas, j'imagine sans peine les sons irritants d'estomacs gargouillant pendant le trajet.

Je vole à la suite de l'arbre, m'arrêtant dans le cadre de la porte. Je vois Dae'ron venir dans ma direction. Il scrute mes yeux sombres un instant. Je soutiens son regard, tendu, devinant qu'il veut dire quelque chose. Son expression se ferme un peu, il baisse un court moment la tête, la secoue puis il se reprend. Dans les airs, je le vois se placer de profil par rapport à moi, avisant la scène de l'arbre agenouillé près de l'enfant.

"Cela va poser problème.", songe-t-il à voix à peine assez haute pour que je l'entende bien.

"Et très vite.", confirme-je.

"Ce sac représente...", commence-t-il avant de sonder mon expression.

"Un peu plus d'une semaine de vivres. S'il ne servait qu'à nous.", dis-je en fronçant les sourcils. "Et j'en ai donné un autre à Razar."

"Je vois...", dit-il, songeur. "À ton avis, à combien de temps sommes-nous de notre destination ?", me demande-t-il avec sérieux puis un étrange air attendri en voyant le jeune taurion manger avec appétit.

"J'en sais trop rien. Avec prudence... Un peu moins d'une semaine ?", fais-je avec agacement, lissant mon casque de ma main noire. Un bon tiers du sachet est englouti par le petit elfe en un seul repas.

"À quoi penses-tu ?", me demande le protecteur, ayant visiblement remarqué mon trouble.

"À cette forêt. Elle ne me revient vraiment pas. Il faut partir rapidement."

Le protecteur acquiesce. Il l'a remarqué aussi et semble plutôt inquiet pour le duo par terre. Ils sont fragiles, et cela se voit. Je doute même qu'ils aient déjà touché à une arme au cours de leur vie. Razar a l'air davantage débrouillard, mais il semble bien que seuls Dae'ron et moi sachions nous défendre efficacement.

Et mon état fébrile ne fait rien pour m'aider à chasser une sensation désagréable.



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Dernière édition par Nessandro le Sam 21 Mar 2015 22:23, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Sam 7 Mar 2015 19:41 
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Dès que les géants ont fini de manger, Razar prend place sur la banquette à l'avant de la charrette. D'autres bancs dans le véhicule servent de stockage. Hormis une sorte de gourdin, une pierre marquée comme celles que je possède déjà et dont je m'empare avant que l'oudio ne la jette, et un arc à peine assez grand pour que l'elfe s'en serve, il n'y a rien dedans. Au moins, cela permet d'y placer les couvertures trouvées dans la cabane. Je fais la sourde spirale à l'idée que d'autres en auront besoin et enfourche Lyïl.

Ce n'est qu'une fois sur le dos de ma monture, elle-même perchée sur le bord du véhicule, que je vois Dae'ron hésiter. Plume d'Argent en main, il avise d'abord la place à côté de Razar puis celle proche du taurion. Un bref coup d'oeil aux chaos de la voie forestière effacée, et je me manifeste.

"Mauvaise idée.", lance-je à l'attention du brun. "Impossible de surveiller à la fois les alentours et ton équilibre."

"Tu as raison.", avoue-t-il en s'assombrissant un peu.

Il décolle et se met à voler un peu au-devant de la charrette. Il impressionne les géants en se mouvant adroitement dans les airs, mais je ne suis pas dupe. Je l'ai assez vu faire pour savoir qu'il n'est pas entièrement rétabli. La preuve la plus flagrante est qu'il n'a tenté aucune cabriole ces dernières minutes. Il se ménage. Je plisse les yeux à cette pensée. Il faut croire que je commence à le connaître plus que je ne le voudrais. Et pire, que cela me pousse à agir à son profit. D'un geste, j'incite Lyïl à décoller et lui fais faire du sur-place à proximité de l'aldryde. Nos regards se croisent et je pousse un souffle agacé.

"Viens.", fais-je en lui indiquant la place derrière moi du pouce, ne lui laissant pas l'opportunité de refuser. "Un protecteur épuisé n'est utile à personne.", lâche-je avec une pointe d'honnêteté cruelle, avant de masquer une quinte de toux. Je lui tends finalement ma main noircie. "Et tu verras mieux depuis le dos de Lyïl."

Dae'ron fait une petite moue blessée. Ses yeux noirs avisent mon visage casqué puis ma main. Il n'hésite qu'un instant. Sa peau fraiche se pose dessus, l'empoignant avec conviction. Il se laisse mener pendant que je le guide derrière moi. La veille, c'était l'inverse. Au son amusé qu'il émet, il doit penser à la même chose. Il se meut de longs instants une fois assis, me faisant lui jeter un bref regard par-dessus mon épaule.

"Tout va bien au-dessus ?", s'amuse Razar.

"Fais avancer cet animal, toi !", lui lâche-je sans retenue. "On a assez attendu."

"Oui môssieur, bien môssieur !", lance l'humanoïde chat avant de partir dans un grand éclat de rire agaçant.

Mon attention se dirige vers mon congénère. Je ne prononce pas un mot. Pas besoin. Il répond de lui-même à la question que je me pose.

"Le bagage de Lyïl me gêne un peu.", me prévient-il.

La solution me parait évidente. C'est en lâchant un souffle agacé que je lance abruptement mon bras derrière moi, l'appose contre le lombaire du protecteur et le rapproche. J'y suis allé fort. Trop. En plus d'un son surpris quand je le force à avancer, Dae'ron lâche un souffle douloureux. J'ai du appuyer sur son énorme bleu. Par mes ailes, ce n'était pas ce que je voulais faire. Mais aucune parole d'excuse ne sort de ma bouche. Manquerait plus que ça ! Il n'avait qu'à le faire seul !

Regardant devant, je pousse Lyïl à avancer à la suite du chariot. La prise de vitesse est soudaine. Je manque sursauter. La paume du brun s'est réflexivement rivée à mon abdomen. Pris entre l'envie de râler et une bonne dose d'incrédulité, je demeure sans autre réaction qu'un regard appuyé sur cette main. J'ai du mal à démêler le nœud de mon ressenti.

"J'ai été surpris. Désolé...", entends-je coupablement dans mon dos.

"Tch...", siffle-je quand je reprends contenance. Sa main fait mine de partir, mais je la retiens spontanément et fermement par le poignet. Un brin perplexe à cause de ma réaction, je secoue la tête. "Fais pas l'idiot.", gronde-je. "Ça va se reproduire. Tu sais ce dont Lyïl est capable, surtout en virages.", rappelle-je en repositionnant sa main.

Après un instant d'hésitation, la paume du protecteur se fait plus pressante. Ses phalanges se retiennent à l'un des filins de cuir présent sur mon torse. Mon regard se perd brièvement sur ma gauche. Sourcils froncés. Quelque chose me dérange grandement. Je ne supporte pas les contacts et pourtant je l'ai encouragé à se tenir à moi. Non, à ma tenue. Mais le principe est le même.

Je tousse encore une fois et reporte mon attention sur le chariot. La boule de ma gorge n'a pas l'air de vouloir partir. Ma lassitude non plus. Ce n'est qu'en songeant à mon ressenti que je constate quelque chose. Ma main scintillante est encore rivée au poignet du protecteur. J'en écarquille les yeux et le lâche subitement, m'empressant d'agripper la huppe de l'oiseau. Je ne suis vraiment pas dans mon assiette. Et il n'a rien fait pour que je m'en rende compte, en plus.

( Reprends-toi mon aldron. Ce n'est pas le moment de laisser ton esprit s'égarer ! )

"Nessandro ?", m'interpelle soudain l'aldryde, manquant me faire sursauter. "Si je t'ai vexé ce matin, j'aim..."

"Pas maintenant.", le coupe-je.

"Oh.", souffle-t-il avec un brin de dépit. "D'accord..."

Je ne veux pas l'écouter. Je n'ai aucune envie de l'entendre s'excuser. Ou s'expliquer. Ni de savoir quel genre d'expression il a en ce moment. Je ne lui en veux pas tant que cela. Ce qui me dérange le plus, c'est que j'ai pris ombrage de ses paroles. Pourquoi je ne parviens pas à relativiser ? À ignorer ce qu'il me dit ? Il n'y a aucune raison pour que ce qu'il me sorte ait le moindre impact sur moi. Et pourtant, cela commence à être vrai. Y penser me fait m'assombrir.

Je choisis bientôt de faire descendre un peu mon harney, pour amener Dae'ron à proximité de voix des autres. S'il veut parler, ce ne sera pas avec moi. Je dois rester attentif. Cette forêt réveille mon instinct de survie, mais son côté froid ne ressemble pas à celui de la mort. C'est davantage comme un temps précédant un hiver rigoureux. Sauf que nous en sommes à peine à la moitié de l'été.

Plus vite nous aurons traversé cette zone, mieux cela vaudra.




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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Dim 29 Mai 2016 15:05 
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Le lendemain matin, les trois voyageurs repartirent. La journée, étrangement, fut plus sobre. Était-ce à cause des nuages épais qui obscurcissaient les cieux, rendant leur humeur plus morose à l'idée d'être surpris par une averse ? Était-ce le chemin lui-même qui ne descendait plus, ainsi rendu plus ardu ? Ou était-ce dû à leurs rêves respectifs de la nuit passée ?

Inutile de préciser que Yurlungur ne faisait que ressasser la proposition de l'Autre, complètement ailleurs. Elle suivait le pas de Liniel sans le suivre, complètement inconsciemment. L'Autre lui faisait peur et, malgré le discours encourageant de la veille, malgré cette volonté incontestable d'avoir des sentiments humains, la petite fille ne parvenait pas à se décider. Retardant son choix par l'observation lasse des brins d'herbe qui défilaient sur le bord de la route ou par le passage d'un coléoptère, elle ne répondait que vaguement aux rares tentatives de Calua d'entamer le dialogue.

La journée fut donc plutôt morne. Ils s'arrêtèrent brièvement pour un frugal repas de midi puis repartirent aussitôt, toujours sans parole. Ce ne fut que quelques heures après avoir aperçu au loin Dahràm qu'il se mit à pleuvoir.

Ah, la pluie... N'était-ce pourtant pas à l'origine qu'une ligne de front sur laquelle se formait une accrétion de particules dont l'humidité grandissante se déversait finalement en une féconde ondée sur l'humus asséché par une trop longue soif ? Un grand sage, un jour, la décrit en de tels mots, ou approximativement. Il faut croire qu'il y a une grande quantité d'expressions pour définir le si simple événement causant la course de deux enfants Humains et d'une Semi-Elfe dans la force de l'âge.

Les alentours, en effet, ne comportaient guère d'abri potentiel. Ils n'étaient pourtant pas très loin de Dahràm, mais cette intempérie les empêchait maintenant de voir plus de trois mètres devant eux et ils suivaient le chemin en espérant trouver, bientôt, un arbre sous lequel s'abriter. Dans leur hâte, ils ratèrent une intersection, suivant simplement la courbure de la voie qu'ils avaient empruntée jusque là, puis une autre, s'éloignant insensiblement de Dahràm. Et enfin, ils arrivèrent à une forêt.

Ce ne fut qu'une fois relativement à l'abri sous les grandes ramures d'un chêne qui délimitait l'entrée du bois qu'ils s'arrêtèrent pour reprendre leur souffle. Cette pluie drue était typique en cette période de l'année, indiqua Liniel, mais ils fallait qu'ils continuent : en principe, la forêt ne devrait pas être trop grande, il n'y avait pas tant de futaies que ça dans les alentours de Dahràm. Il suffisait donc de traverser celle-ci et, une fois de l'autre côté, d'attendre la fin de l'averse qui, toujours selon les prédictions de Liniel, risquait de ne pas durer beaucoup plus longtemps. Tous consentirent à ce plan et ils se remirent à marcher.

Le prétendu “petit” bois se révéla un peu plus grand que prévu. Au fur et à mesure qu'ils avançaient à l'abri sous les épaisses frondaisons, la pluie avait certes cessé, plus aucune goutte ne passant à travers le feuillage touffus, mais avait été remplacée par une brume glacée qui faisait frisonner les trois voyageurs trop peu protégés contre le froid par leurs fines frasques. Il était vrai qu'une telle température n'était guère habituelle en cette saison, aussi n'avait aucun d'entre eux songé à emmener des couches supplémentaires dans son sac, mais ils s'en voulaient désormais de ne pas y avoir songé plus tôt. Soudain, alors qu'ils continuaient d'avancer sur le chemin, perdus au milieu de ces imposants troncs qui s'élançaient vers les cieux invisibles, Yurlungur eut un cri de surprise.

« Là-à ! balbutia-t-elle, transie par le froid. La feu-feuille est com-complètement recou-couverte par du givre... »

En effet, les quelques feuilles qu'exhibaient la pauvre fougère sur le côté du chemin paraissait glacé. Et pourtant, nous n'étions pas en hiver, le climat était resté clément toute la matinée et tout cela ne pouvait pas relever du réel. Brusquement, des pas rapides se firent entendre dans leur dos et ils se retournèrent en même temps, sursautant : c'est le moment que choisit un être toujours caché dans la brume pour émettre une respiration sifflante sur leur droite. Liniel agrippa les deux enfants par les épaules et les rapprocha d'elle tout en observant les alentours.

« Yurlungur... Calua... Vous allez rester calmes et bien avec moi. Je crains que nous ne soyons pas dans une forêt normale. »

(Sans blague...)

L'Autre ne faisait donc que maintenant son apparition. Yurlungur essaya de l'ignorer et se concentra à nouveau sur sa situation.

« Il faut que nous rebroussions chemin, continua la Semi-Elfe. Je vous expliquerai tout plus tard. »

Sans attendre leur confirmation, elle les lâcha et se mit à marcher doucement, une dague étant apparue subitement dans sa main. Les deux enfants la suivirent sans se faire prier, lançant également des coups d'œil à droite et à gauche. De temps en temps, une ombre passait fugacement, un sifflement venait rompre le silence de mort qui s'était installé entre ces arbres muets, ou un petit grognement. Et à chaque fois, Liniel s'arrêtait pour fixer l'endroit d'où provenait cet indice de la présence de quelqu'un, ou de quelque chose, puis elle reprenait sa marche leste et silencieuse, suivie de près par les deux petits êtres apeurés.

Mais la chose qui les traquait ne se montrait pas. Elle se contentait de se rapprocher imperceptiblement, un peu plus à chaque fois, venant effrayer ses proies. Et à chaque fois, Liniel lui opposait un regard farouche dans lequel on ne pouvait entrevoir une once de peur. Les sifflements se firent plus rauques, plus proches, plus forts. Des murmures se mirent à transparaître au-delà de ces grognements sourds, une silhouette se dessinant progressivement à travers l'étrange brouillard : la silhouette d'un être trapu, véloce et vaguement humain.

La brume s'incrusta dans l'esprit de la petite fille en même temps que ces grognements. Ce n'était guère quelque chose de bien perceptible : un mot, deux parfois, entrecoupés des sifflements habituels. Mais c'était suffisant pour qu'elle se sente atteinte d'un mal de tête affreux, d'une difficulté à se concentrer, d'une étrange torpeur. Elle se prit la tête d'une main lorsqu'elle comprit enfin le premier message qu'on lui adressait.

(Viens... Viens à moi...)

Elle s'arrêta sur le coup, troublée. Ses yeux étaient fixés au sol mais ne le regardaient pas : ils regardaient plus loin, ils regardaient un point invisible dans cette direction. Elle n'entendait plus rien, si ce n'était cette voix qui lui ordonnait presque de venir la rejoindre. Devant elle, Calua et Liniel disparurent dans la brume et elle se retrouva seule.

(Viens... Je suis là...)

La petite fille émit un grognement puis releva la tête, ou plutôt essaya. Ses muscles étaient transis par le froid et elle peinait à se maintenir debout, déjà affaiblie par la journée de marche. Ses bras restaient pendants contre son corps tandis que sa tête restait légèrement penchée sur le côté, incapable de se relever entièrement. La forme s'approchait, la silhouette trapue se laissait apparaître à travers la brume et elle, immobile, elle attendait.

(Bon, tu vas te réveiller maintenant ?)

Elle sursauta, reculant un peu. La chose émit un sifflement de colère et recula elle aussi, disparaissant à nouveau dans le brouillard dense qui les entourait. Les quelques herbes sur le sol étaient recouvertes d'une pellicule de givre non négligeable et désormais, à chaque pas, Yurlungur signalait sa présence par un léger craquement. Elle était prête à céder à nouveau à la torpeur qui l'accablait derechef mais l'Autre n'en avait pas fini avec elle.

(Alors c'est comme ça que tu souhaites finir ? Tu n'es même pas capable de combattre contre cette chose ? Non mais regarde-toi, un peu ! Réveille-toi, bon sang, combats et défends ta vie !)

Yurlungur reçut comme une grande claque mentale en plein dans la figure. Clignant des yeux plusieurs fois afin de reprendre ses esprits, elle amena une main à sa joue, songeuse, mais cette dernière était intacte. Rien. Seule une silhouette qui s'approchait dangereusement droit sur elle, de manière rapide, trop rapide.

La petite fille eut le réflexe de se jeter sur le côté à temps, évitant le corps qui se jetait sur elle, toutes griffes dehors. En se relevant, ses doigts et ses vêtements étaient couverts d'une fine couche d'eau qui commençait déjà à geler à cause du frimas. Mais la douleur qu'elle ressentait n'avait aucune importance. Yurlungur ne pouvait qu'observer, presque fascinée, la créature qui se tenait devant elle.

Il s'agissait d'un homme, un adulte sans doute. Son corps était maigre, étique même, couvert d'une chair chétive et malade, sans cesse agressée par le froid. Le sauvageon était couvert de peaux de bêtes, apparemment, maladroitement cousue les unes avec les autres, mais on distinguait le bout de ses bras, ses mains, blanches et squelettiques, on apercevait ses pieds, nus, couverts d'engelures et de plaies, on ne pouvait ignorer ce visage qui exprimait une hostilité tenace, une folie pure et une sauvagerie sans borne. Deux yeux fixaient la petite fille, deux yeux si laiteux qu'on aurait dit ceux d'un mort, accompagnés d'un rictus de haine et de souffrance. Car l'homme devait souffrir, ainsi attaqué par le climat, climat qui semblait le suivre là où il allait. Ses mâchoires claquaient à peine, mais elles claquaient ; ses mains ne tremblaient presque pas, mais elles tremblaient, tandis qu'une fumée blanchâtre s'échappait de sa bouche à chacune de ses respirations, rapides et sifflantes. La petite fille, face à cette apparition, fit un pas en arrière. De la vapeur s'échappa également lorsqu'elle demanda :

« Qu'est-ce que... Qu'est-ce que c'est que ça ? »

« Il s'agit de William. »

La fillette se retourna vers l'endroit d'où provenait la voix et sentit soudainement une partie de ses forces l'abandonner. Pas toutes, heureusement, mais suffisamment pour lui faire ressentir le froid encore plus glacial qu'avant. Le nouveau venu était un homme encapuchonné qui se tenait là, stoïque, au milieu du brouillard. Il n'avait pas l'air d'en souffrir d'ailleurs, sous sa large cape noire comme la nuit, et se contentait d'observer la scène, apparu comme par magie.

« Mais... Mais... Je ne comprends pas... Vous le connaissez ? »

« On m'a parlé de lui, en effet. »

À nouveau, les forces de la petite fille diminuèrent subitement. Elle ne savait ce qui se passait et se concentra visuellement sur ce William, comme l'appelait l'autre. Ce dernier n'avait d'ailleurs pas l'air gêné par l'apparition de l'homme encapuchonné et se mit à avancer en grognant vers Yurlungur. L'intéressée sortit sa dague de son fourreau et la brandit devant elle, ce qui lui fit gagner quelques instants grâce à la surprise du sauvage.

« Vous, vous allez me protéger contre William, pendant que je vais retrouver Liniel, ordonna-t-elle à l'homme. »

Elle n'avait pas l'habitude d'être aussi directe avec un inconnu, mais dans la situation où elle se trouvait, elle n'allait pas faire la difficile.

« Est-ce une question ? Je ne suis pas là pour intervenir. C'est ton combat, répondit-il. »

« C'était un ordre, mais tant pis. »

Elle n'avait pas le temps de débattre avec lui sur son utilité ou quoi que ce soit. Actuellement, la seule chose qui la préoccupait était la présence du prénommé William qui commençait à s'approcher dangereusement malgré la dague qu'elle pointait en sa direction. Malgré tout, un rire amusé lui répondit.

« Qu'est-ce qui vous fait rire comme ça ? Vous n'avez pas peur de William, vous ? Pourquoi il ne vous attaque pas, d'abord ? »

« Je vais compter cela comme une seule question, répondit-il. Je suis un Gentâme. »

Pour la troisième fois, une partie des forces de la petite fille la quittèrent et elle comprit. L'Autre, à l'intérieur de sa tête, émit également un (Aaah !) en saisissant le pourquoi du comment. (Un Gentâme ! C'est pour ça que notre énergie diminuait... Il était en train de la pomper, le fourbe ! Tu te souviens de ce qu'avait dit le Grand Prêtre de Phaïtos à leur sujet : ils répondent aux questions...) (Oui. Je sais. Laisse-moi me concentrer, là...) (Ou laisse-moi la place. Ce sera plus vite fait. Allez, fais-moi confiance, pour une fois.) Yurlungur grogna un peu puis céda. Aussitôt, un rictus de victoire apparut sur le visage de la fillette qui se dressa sans peur face à l'homme. Ce dernier était déjà courbé, anormalement courbé puisqu'elle arrivait presque à son niveau ainsi redressée.

Ils étaient proches l'un de l'autre, se fixant sans broncher. Lui avait bien compris qu'il y avait quelque chose de changé chez sa proie, aussi se montrait-il méfiant. Mais il ne pouvait résister plus longtemps à la tentation. Il avait faim. Il se jeta sur elle et, esquivant parfaitement, elle vint lui entailler profondément le bras au passage. Il hurla, un hurlement pathétique, couina presque en se réfugiant plus loin derrière un arbre. La petite fille se mit à rire. Cette démarche... on aurait cru un chien qui fuyait, la queue entre les jambes. Mais elle voulait plus de sang. Elle commença à marcher, droit vers lui. Il la vit, hésita. Un peu. Quelques instants plus tard, il fuyait à travers la brume, émettant un dernier sifflement de rage.

La petite fille soupira, baissant la tête. (Comme promis, je te rends le contrôle.) Lorsqu'elle releva la tête, Yurlungur était presque surprise. William parti, il ne restait que le Gentâme qui la fixait de deux yeux rouges, visibles sous sa cape. Et elle qui n'avait même pas pensé à regarder ces yeux. C'était pourtant évident. Elle s'approcha, suspicieuse, attendant qu'il entame le dialogue. Pendant quelques instants, ils se fixèrent ainsi, aucun ne souhaitant commencer à parler.

« Bravo, finit par annoncer le Gentâme d'un ton plus impassible que jamais. »

« C'est tout ? demanda-t-elle avant de s'apercevoir de son erreur. Je veux dire, merci. Ce n'était pas une question. Si vous n'avez plus rien d'autre à me demander, eh bien, je vais y aller... À la revoyure. »

Elle tourna les talons mais le Gentâme ordonna :

« Attends. Phaïtos n'en a pas fini avec toi. »

« Soit, grommela-t-elle. J'avais oublié que vous étiez un envoyé de Phaïtos, continua-t-elle en levant les yeux au ciel, son ton empli de sarcasme. J'attends, dans ce cas. »

Le silence se fit à nouveau. Seul le tapotement d'impatience du pied de Yurlungur contre le sol brisait cette absence parfaite du moindre son.

« Tu pourrais me demander des informations sur l'adversaire que te destine Phaïtos, proposa le Gentâme. »

« Non. »

La réponse était claire, nette et catégorique. Quoi de plus efficace ? Il suffisait d'attendre.

« Ou alors, tu pourrais me demander pourquoi Phaïtos t'envoie des adversaires, tenta-t-il à nouveau. »

« Bof. De toute façon, je doute que tu le saches, répliqua-t-elle du tac-au-tac. »

« Ne me provoque pas... commença-t-il, menaçant. »

« Holà les enfants ! Ça suffit, hop hop hop, tsak tsak, on a des petites choses à régler. »

Yurlungur leva les yeux, surprise, sur le petit papillon bleu qui venait d'apparaître, empêchant l'altercation d'aller plus loin.

« Tu es là, toi ? Et c'est toi que Phaïtos envoie pour m'affronter ? »

C'était à n'y plus rien comprendre. Le papillon ne lui était-il pas amical ? N'était-il pas immortel – quoique cette idée lui soit profondément troublante - ? Elle lança un regard au Gentâme qui ne répondit pas. La question ne lui était pas non plus adressée.

« Ça suffit, Yuyu. J'ai besoin de toi ! Enfin, tu as autant besoin de moi, donc ne fais pas la maline. Tu te souviens de la Shaakt ? Eh bien, elle n'est pas morte. »

« En effet. »

Tous se tournèrent vers l'ombre d'où provenait la voix.

Suite : ici

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Dernière édition par Yurlungur le Dim 29 Mai 2016 15:17, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Dim 29 Mai 2016 15:17 
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((( [:attention:] Certaines scènes de ce rp sont à très forte connotation sexuelle/violente/gore, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture.)))

La Shaakt qui venait de répondre ne perdit pas plus de temps et se mit à incanter. Yurlungur n'en perdit pas davantage et aussitôt, elle céda le contrôle à l'Autre qui, déjà prête, se lança immédiatement sur l'adversaire désignée, la lame à la main. Elle l'avait déjà tuée une fois, elle serait bien capable de le faire une seconde fois. Malheureusement pour elle, avant d'atteindre sa cible, elle trébucha sur un obstacle apparu soudainement sur son chemin. Sans pouvoir freiner son élan, elle vint s'écraser contre le sol, aux pieds mêmes de la Shaakt qui arborait un sourire victorieux tandis que derrière la petite fille, un être se relevait après son croche-patte sournois.

Une vague d'énergie sombre jaillit de la main de la Shaakt et vint frapper la fillette qui tomba au sol sous la violence du sort, après avoir vainement tenté de se relever. Elle grogna. Tombée sur le ventre, elle ne pouvait voir quels mouvements ses adversaires faisaient, car ils étaient bien deux, elle en était certaine. Elle, chuter sur une simple racine qui se serait dressée sur son chemin ? Elle l'aurait vue bien avant et l'aurait esquivée sans problème. Son intuition ne pouvait se tromper, d'autant que des pas pesants arrivaient derrière elle. Elle ferma les yeux et attendit. La Shaakt ne s'était pas remise à incanter, elle ricanait, apparemment sûre de sa victoire maintenant que Yurlungur était à terre. Mais elle oubliait un facteur-clé : son adversaire n'était pas morte.

S'en remettant à son instinct, la fillette attendit que le coup vienne avant de rouler rapidement sur le côté, évitant un poing massif qui vint s'enfoncer profondément dans la terre. La Shaakt recula de surprise, l'expression sur son visage devenant d'une délectation suprême pour Yurlungur, mais n'eut pas le temps de réagir avant que cette dernière se relève et puisse avoir devant elle ses deux ennemis.

Tandis que l'une était d'une grâce et d'une féminité indiscutable, ses formes étant relevées par une robe noire moulant son buste, l'autre était d'une lourdeur et d'une laideur formant un contraste saisissant. Il s'agissait d'un squelette, ni plus ni moins, mais d'un squelette imposant, dépassant de beaucoup sa maîtresse. Il se tenait là, la tête dénuée de toute chair là où le reste de son squelette disparaissait parfois sous d'épaisses lamelles de viande en putréfaction apparente. Lentement, il leva son pied droit, l'avança d'une dizaine de centimètres et le laisse brutalement retomber contre le sol. Puis il fit de même avec le second, s'avançant inexorablement bien que mollement vers la petite fille.

« C'est... un squelette. Lent, précisa-t-elle, plutôt surprise. »

« En effet, c'est mon garde du corps de dernier recours, répondit la Shaakt en récupérant son sourire. Allons, Istovir, attends un peu et reste auprès de moi. La petite n'osera pas approcher tant que tu es là, j'aurai tout le loisir de préparer un sort. »

Yurlungur serra les dents et se crispa sur sa lame. Comment venait-elle de l'appeler ? « Petite » ! Sans parvenir à se contenir, la petite fille bondit en avant, droit sur la nécromancienne à découvert. Elle voulait réduire ce sourire provocateur, cette joie visible sur ce visage elfique, lui faire regretter ses paroles... Elle se prit un magistral coup de poing dans le ventre, la faisant voler sur quelques mètres avant que son dos ne rencontre un arbre malencontreusement placé là. Le squelette, qu'elle avait cru inapte à réagir suffisamment vite, avait réussi à l'atteindre en passant. Heureusement pour Yurlungur, il n'avait pas d'armes, quoique ses énormes pognes étaient déjà bien suffisamment menaçants comme cela.

« Tu n'y arriveras pas comme ça ! avertit la Shaakt en riant. Allons, mes guerriers, levez-vous ! »

Elle leva son bras vers le ciel en déclenchant un nouveau sort. Faisant fi de la douleur, la petite fille qui avait glissé au sol le long du tronc se releva immédiatement, tous ses sens en alerte. La nécromancienne n'avait pas semblé l'attaquer directement, mais en aucun cas elle n'aurait utilisé un sort qui ne soit pas destiné à tuer la petite fille, à terme du moins. Le sol se mit à bouger et la fillette recula. Avait-elle déclenché un tremblement de terre, un séisme, ou un quelconque phénomène terrestre ? Des flammes issues de l'enfer allaient-elle venir la brûler, force tellurique implacable ? Elle n'aimait pas la Magie, mais ce ne furent que trois squelettes faméliques qui s'élevèrent du sol. Les deux premiers étaient armés d'une épée, d'un bouclier et d'une armure tandis que le dernier portait une lance à l'allonge inquiétante ainsi qu'un casque et une pièce d'armure tout aussi usée que les deux autres. Un relent de mort et de pourriture emplit l'atmosphère, mais cela ne fit pas plus peur que ça à Yurlungur.

Elle qui s'était attendue à bien pire ! Souriant presque, elle saisit son couteau et vint au contact du premier guerrier squelette qui se dressait sur sa route. Celui-ci ne paraissait pas très réveillé, d'ailleurs, et elle le renvoya illico presto dans le royaume des morts d'un coup ajusté droit sur la tête. Le crâne se détacha du reste du reste de l'ossature et s'écrasa dans la mousse en même temps que le corps lui-même s'effondrait, maintenant dénué de toute vie. Il n'y avait eu aucune résistance et le guerrier squelette n'avait pas eu le temps d'esquisser le moindre geste, ce qui ne fut pas le cas des deux autres. Le premier tenta un coup d'épée que la fillette esquiva, mais le second vint érafler le mollet de Yurlungur. Ils se rapprochaient de plus en plus d'elle et, voyant que la Shaakt préparait un sort, la petite fille recula brusquement afin de se tenir hors de portée des squelette et du sort si elle souhaitait le lancer.

Malgré tout, la nécromancienne tenta le lancement du sort mais le rayon noir la frôla sans l'atteindre. Même si ainsi elle venait d'échapper aux squelettes et à cette Magie obscure, les deux squelettes invoqués revenaient déjà à la charge et Yurlungur ne voyait aucun moyen simple de leur échapper. Ils seraient sans doute bientôt rejoints par d'autres combattants ramenés du monde des morts et l'infériorité numérique causerait la perte de la petite fille. Cette dernière réfléchit. Une seule solution lui vint à l'esprit et parvint à s'imposer comme le dernier recours. Tant pis.

Les deux squelettes arrivaient tandis que trois autres émergeaient du sol derrière et Yurlungur, bandant soudainement tous ses muscles dans un accès de rage à l'idée de ce qu'elle allait devoir faire, lança une multitude de coups sur les deux morts-vivants, suffisamment idiots pour se tenir aussi proches l'un de l'autre. Les multiples attaques tranchantes de la petite fille firent se détacher les os les uns des autres et les deux squelettes tombèrent au sol, inertes. Lançant un dernier regard de défi à la nécromancienne, la petite fille tourna les talons et se mit à courir.

De ce qu'elle avait vu, le mort-vivant invoqué par la Shaakt était très endurant et très fort mais d'une lenteur extrême. Elle ne l'utilisait que pour se protéger elle-même et, ainsi, il était impossible de venir la toucher au corps-à-corps sans se prendre un vilain coup, trop puissant pour être simplement ignoré. Ensuite, la stratégie de la Shaakt était de submerger ses assaillants sous le nombre des squelettes qu'elle pouvait ramener à la vie. Yurlungur n'avait aucune chance contre une stratégie comme celle-ci et il ne lui restait plus qu'une option : la fuite, cette dernière étant largement permise par la lenteur du garde du corps de son adversaire.

« Attends, Yuyu ! »

Le papillon bleu venait soudainement d'apparaître à ses côtés tandis que la Shaakt, derrière elle, commençait à l'invectiver de revenir se battre.

« Tu choisis bien ton moment, toi, réussit-elle à glisser entre deux inspirations haletantes. »

L'ai qu'elle inspirait venait lui glacer les poumons pendant cette course à travers les bois. C'était un air frais et pur, mais un peu trop frais au goût de la petite fille dont les foulées ne faisaient que se rétrécir au fur et à mesure qu'elle s'éloignait de la Shaakt qui pestait. Petit à petit, la fillette reprit le contrôle sur l'Autre.

« Yurlungur, écoute-moi, tu dois aller l'affronter ! Mais si, tu sais, tu la détestes pourtant, non ? »

Yurlungur se souvint soudainement qu'elle détestait effectivement la Shaakt. Mais, pourtant... rien ne la poussait à la haïr réellement. Qu'est-ce que la nécromancienne lui avait fait, après tout ?

« Bof. Je ne l'aime pas trop, mais du moment que je suis en vie et elle loin de moi, ça me va. »

« Attends, je vais... je vais essayer de te chercher de l'aide, mais tu combats, d'acc ? »

Elle s'arrêta quelques instants, regarda en arrière sans rien apercevoir. Se laissant tomber le long d'un arbre, elle crut pouvoir reprendre sa respiration lorsqu'un squelette fit irruption sur sa droite, arrivant de l'autre côté de l'arbre. Elle ne put que se jeter sur le côté pour éviter le coup d'épée qu'il venait d'essayer de lui adresser. La Shaakt elle-même émergea soudainement des ombres où elle semblait cachée, son imposant garde du corps arrivant à ses côtés tout aussi brusquement.

La fillette s'éloigna prestement en rampant et se releva, veillant à les garder dans son champ de vision. Il y avait quelque chose de pas net là-dedans, elle le sentait, sûrement encore cette maudite Magie. Les vêtements de la Shaakt n'étaient même pas froissés, elle n'avait pas pu courir... Et le papillon bleu avait disparu dès qu'elle était sortie des ombres de ces arbres. Allé chercher de l'aide, hein ? Pourvu qu'elle soit bonne, cette aide, quand même... Cependant, elle entendit dans son esprit une voix intruse qui dialoguait avec elle.

(La Faera a raison. Il faut que tu combattes. C'est le défi que te pose Phaïtos.)

Yurlungur tourna la tête à droite et à gauche, mais elle ne vit rien avant de remarquer le Gentâme qui se trouvait juste derrière la Shaakt, la fixant elle. Elle grommela et annonça :

« Bon, ça suffit maintenant ! »

Cela n'empêcha pas le squelette d'essayer de lui donner un autre coup d'épée qu'elle esquiva sans peine. Emporté par son élan, le combattant réveillé d'entre les morts chuta au sol et elle n'eut qu'à donner un coup de pied en plein milieu de sa colonne vertébrale pour qu'un craquement distinctif la brise en deux. Maintenant qu'il était incapable de se relever, elle se tourna à nouveau vers la Shaakt, derrière laquelle le reste des troupes avançait d'un pas somnolent. (Quelle idée de les réveiller en plein milieu de leur sommeil, aussi...) (Toi, chut.)

« Qu'y a-t-il, jeune fille ? demanda la nécromancienne, amusée, en levant un bras qui arrêta les squelettes, attendant maintenant la suite. »

« Je, euh... Je ne comprends pas bien pourquoi nous combattons, voyez-vous. Je vous aime bien, essaya-t-elle d'un ton mielleux, j'ose espérer que c'est réciproque et... »

« Tu crois que j'aurais des sentiments amicaux envers quelqu'un qui a essayé de me tuer ? la coupa la Shaakt, hors d'elle. »

Sans faire attention, cette dernière abaissa son bras et les squelettes se remirent à se diriger vers Yurlungur.

« Ah oui, zut, j'avais oublié ce détail, répondit-elle d'une voix tremblante en reculant doucement. »

« Tu ne pourras pas t'échapper. »

Le sourire de la nécromancienne était victorieux, fier et victorieux. En se retournant, la petite fille constata en effet que d'autres squelettes émergeaient des ombres, préalablement invoqués par la nécromancienne. Cette dernière fit un geste négligé de la main et, saisissant une fiole de potion de l'autre, elle la but dans son intégralité. C'était un liquide noir qui coulait et la fillette frémit. (Je te laisse la suite, hein.)

« Grumph... »

L'Autre lança des regards à droite et à gauche. Les squelettes étaient nombreux, avançant d'un pas unanime de tous côtés. À vue de nez, ils étaient une bonne douzaine qui formaient un front uni. Le point positif restait que la nécromancienne se tenait les bras croisés, apparemment dénuée de l'intention d'agir davantage. Elle se contentait d'observer sa proie, un léger sourire sur les lèvres. C'est alors que la petite fille inspira un grand coup en fermant les yeux, expira tout l'air qu'elle avait dans les poumons puis, ses yeux se rivant sur la Shaakt, unique pièce du décor qui n'était pas entourée de squelettes, elle se précipita vers elle.

Il suffisait d'éviter le coup qui allait immanquablement arriver. Le gigantesque garde du corps abattit bel et bien son poing à l'endroit où aurait dû se trouver la petite fille si elle avait effectivement voulu attaquer la nécromancienne de front. Mais c'était Liniel qui lui avait enseigné l'art de la feinte et ce fut un mouvement parfait qu'elle parvint à réaliser, se glissant autour du bras du géant, maintenant enfoncé de quelques centimètres dans le sol meuble.

Attaquer la Shaakt de face était tentant, mais c'était un coup à se faire toucher par derrière par le gros tas d'os. Préférant se débarrasser du sous-fifre avant d'en venir à la maîtresse, elle s'agrippa à des lamelles de peau qui dépassaient et escalada prestement ce corps, ses mains venant malgré elle s'accrocher à ces affreuses parcelles de chair en décomposition. Elle fut bien vite sur le dos du monstre et, brandissant sa lame, elle vint l'asséner aussi vite qu'elle le pouvait dans cette viande morte ou contre ces os solidement attachés entre eux. Ses coups avaient peu d'effet, mais le squelette se débattait sans parvenir à l'attraper par manque de flexibilité de ses bras massifs et puissants.

Elle parvint ainsi à continuer son petit jeu jusqu'à ce qu'il donne un grand coup d'épaule alors qu'elle venait d'enfoncer profondément sa lame dans l'échine du monstre. Déséquilibrée, ses deux mains restèrent agrippées à la lame tandis que le reste de son corps était envoyé vers la gauche. C'est le moment que choisit une main bien trop grande pour venir la saisir pour l'envoyer valdinguer. Elle s'agrippa au fourreau de sa dague plantée dans le dos. Lui tira. Elle tint bon. Sa dague non. Au prix de l'ouverture d'une plaie béante sur la moitié de son dos, le gros l'envoya en plein sur les petits : sur les squelettes, bien sûr. Les deux guerriers qui se la prirent de plein fouet amortirent plus ou moins sa chute en se disloquant sous la force de l'impact mais une douleur lancinante vint la traverser le long de la colonne vertébrale.

Tentant d'ignorer une fois de plus la douleur, elle se releva pour s'éloigner des lames d'autres morts-vivants qui se rapprochaient bien trop d'elle à son goût et croisa le regard de la Shaakt. Cette dernière s'avançait maintenant en psalmodiant des paroles que la petite fille ne perçut pas mais qu'elle savait d'avance à portée magique – quoi d'autre ? Il fallait qu'elle bouge.

Elle se jeta sur le côté au moment où le sort fut lancé. Utilisant son élan pour transpercer de part en part l'un des squelettes qui s'effondra au sol, ce fut une gigantesque ombre qui fondit sur la petite fille, venant insinuer en elle une détresse et une frayeur surnaturelles. Aussitôt, tournant les yeux de tous côtés, elle ne voyait plus que des êtres terrifiants qui combattaient contre elle et là où, quelques instants avant, elle se dressait fièrement contre l'adversité, elle ne pouvait maintenant que se lamenter, des larmes s'échappant de ses yeux. Tout lui faisait peur : la Shaakt qui ricanait, les squelettes qui s'avançaient, même les arbres dont les branches bruissaient sous les courants d'air qui passaient là.

Une lame vint la taillader au flanc, une autre à l'épaule ; une lance s'enfonça dans la chair de sa cuisse et elle hurla. La douleur réveilla en elle une rage incommensurable, une envie cruelle de lutter contre le destin qui persistait à vouloir sa mort. Pourquoi la Shaakt n'était-elle pas morte dans le souterrain ? Pourquoi elle-même n'avait-elle pas vérifié que la nécromancienne ne respirait plus ? Pourquoi toute cette souffrance, pourquoi tout ce métal qui s'enfonçait dans ses chairs, pourquoi tout ce sang qui s'en échappait ?

Elle ne pouvait décemment l'accepter. La fureur chassa la peur et, se redressant soudainement, elle commença à donner des coups de tous côtés. Il était inutile de viser dans ces conditions : les squelettes étaient partout. À chacun de ses coups, l'un d'entre eux tombait au sol, inanimé, les rangs s'écrémant petit à petit. Et, brusquement, elle se retrouva seule, dernier être debout au milieu d'un champ d'os éparpillés et de lames émoussées, une flaque de sang formée à ses pieds. Mais les squelettes n'avaient pas de sang. Elle si.

C'était un pitoyable spectacle qu'elle donnait là. Tout son corps était recouvert du liquide pourpre, le sien principalement, la plupart des plaies continuant à déverser leur vital fluide. Il n'y avait rien pour l'empêcher de sortir, rien pour atténuer le supplice de la fillette qui ne parvenait plus qu'avec peine à se maintenir ainsi debout, aussi droite qu'elle le pouvait, aussi fière face à la mort qu'un vaillant soldat. Mais elle n'était pas une soldate. Elle n'était qu'une enfant, une enfant qui s'était mise à pleurer, autant de rage face à la fatalité de la mort qui s'annonçait que de la douleur qui irradiait de tous les pores de sa peau.

La Shaakt elle-même, peut-être impressionnée par cette volonté, par ce sang et par cette apparition soudaine d'une semi-morte, elle qui avait l'habitude de contrôler des morts tout court, avait reculé de quelques pas, l'air consternée. Elle fixait la fillette avec un air dégoûté, laissant encore quelques instants de répit à Yurlungur, mais son dernier serviteur s'avançait sans émotion vers la petite fille. Chacun de ses pas faisait trembler le sol, il grognait doucement en s'apprêtant à ôter la vie à son adversaire. Yurlungur ne souhaitait plus combattre. Elle attendait, ses larmes continuant à se déverser en attendant le moment fatidique.

Lorsque soudain, tout devint blanc.

C'était un déferlement de puissance hivernale qui s'opérait autour d'eux, venant frapper de plein fouet le guerrier qui rugissait face à cette attaque imprévue. La Shaakt tournait la tête vers l'origine de l'attaque, mais la tempête s'abattit bien vite sur elle également. Seule la fillette était miraculeusement épargnée par le puissant sort du lutin autour duquel voletait le papillon bleu, usant de tous les pouvoirs qu'il avait pour pousser le maître de cette forêt à se révolter contre l'assassinat d'une petite fille sans défense par une affreuse nécromancienne.

Ladite petite fille se redressa, un sourire las aux lèvres. C'était l'aide attendue, l'aide promise par le papillon. La nécromancienne essayait en vain de lutter, usant de toutes ses forces magiques, mais elle était clairement surpassée. Si bien que ni elle, ni son squelette ne prenaient désormais attention à Yurlungur. Cette dernière, usant de ses ultimes ressources, se précipita sur la Shaakt. Avant que celle-ci ne puisse réagir, sa jugulaire fut tranchée d'un coup net, la transformant instantanément en un cadavre, comme ceux qu'elle avait aimé réanimer jusqu'à présent. Son guerrier s'effondra en hurlant, la tempête cessa brusquement.

Yurlungur se releva, croisa le regard du lutin. Celui-ci était effrayé, visiblement, par ce qu'il avait causé.

« Merci, annonça la fillette. »

Il ne répondit pas et s'enfuit, disparaissant à jamais dans la forêt. Le monde tournait autour de Yurlungur lorsque le papillon bleu apparut à ses côtés, volant victorieusement au-dessus du corps de la Shaakt. Il frémissait de joie. Il hurla :

« Enfin ! Enfin ! ENFIN LIBRE ! »

« Minute, papillon ! l'arrêta Yurlungur. »

Il était pourtant prêt à partir, disparaissant à jamais dans la forêt à son tour, lorsqu'il se retourna vers elle, se changeant soudainement en le petit être bleu qu'il avait été dans les ruines, gardant uniquement ses ailes pour rester en l'air. Son visage s'était décomposé, affichant soudainement un air affreusement triste.

« Que... Quoi ? Qu'est-ce que tu viens de dire ? »

Yurlungur ne comprenait pas. Elle le regarda quelques instants et répéta, bêtement :

« Ben... Minute, papillon. C'est une expression, en fait. Mais ça marche bien avec toi, parce que normalement, tu ressembles à un papillon... »

Elle sentit ses jambes faiblir. Des tâches noires apparurent sur son champ de vision tandis que le papillon commençait à se lamenter devant elle. Elle n'entendit plus rien, les tâches grossirent, le monde s'effondra autour d'elle.

***

Elle ouvrit un œil. Puis un autre. Au-dessus d'elle, le Soleil brillait vert entre les arbres aujourd'hui. Yurlungur restait là à contempler le spectacle de l'astre roi qui traversait les cieux. C'était fort lent, mais cela lui suffisait. Tous ses membres étaient endoloris, couverts de plaies, mais celles-ci semblaient ne plus saigner. Elle aurait des cicatrices, beaucoup de cicatrices... Tant pis. Elle était trop faible pour y penser, trop faible pour bouger... Posée sur son ventre, la petite fée lui tournait le dos. Elle ne pesait rien.

« Bonjour, toi, dit-elle d'une voix faible et cassée. »

Il se tourna vers elle. La fixant dans les yeux, elle s'aperçut qu'il s'était calmé.

« Salut, Yuyu. »

« Tu as donc décidé de m'appeler comme ça... En fait, je ne connais toujours pas ton nom. »

« C'est toi qui me l'as donné, tu sais, répondit-il simplement. Maintenant, je m'appelle Papillon. »

Elle le regarda sans répondre. En fait, elle n'arrivait même pas à penser à ce que cela impliquait.

« Papillon... Mais tu n'as pas de nom à toi ? finit-elle par demander. »

« Non. Je suis ce qu'on appelle une Faera, vois-tu. Tu en as déjà entendu parler ? »

Son ton était, étrangement, empli d'une douceur qui lui était inhabituel. Peut-être était-ce le fait de voir la fillette dans un tel état de faiblesse, ou simplement d'avoir l'opportunité de discuter sincèrement avec quelqu'un. Yurlungur pour sa part n'avait entendu ce mot qu'une seule fois et c'était de la bouche du Gentâme, justement pour désigner Papillon.

« Je... Je ne sais pas ce que c'est, non. »

« Ben, c'est quelque chose comme moi. Je ne sais pas exactement combien nous sommes... Mais nous sommes nombreux, ou nombreuses, c'est selon. »

« Mais toi, tu es un garçon ? l'interrompit-elle. »

« Si on veut, répondit-il, un demi-sourire sur les lèvres. Je n'ai pas vraiment de sexe, tu sais, comme toutes les Faeras... Mais je préfère une apparence de garçon, comme maintenant. Quoique celle d'un papillon me va bien aussi, comme tu as pu le constater... Ça me permet généralement de passer inaperçu tout en étant visible. C'est que je n'aime pas me cacher complètement. Tu sais, je te l'avais dit, je peux devenir invisible. Non, je ne te l'avais pas dit ? Je ne sais plus... »

« Tu m'avais déjà dit que tu étais amnésique, ajouta-t-elle avec un sourire las. »

« Ah oui, c'est vrai. »

Pendant quelques instants, ils se turent, s'observant simplement l'un l'autre.

« Enfin, tu découvriras rapidement ce que je suis capable de faire d'autre. La Shaakt était ma maîtresse, avant. J'avais été lié à elle contre mon gré, d'abord emprisonné dans une cage magique puis on m'avait donné un nom... Je comptais sur toi pour me délivrer. J'avais lu dans les limbes du futur que tu serais amenée à affronter ma maîtresse, c'était une aubaine. Il suffisait de te pousser un peu. »

Yurlungur eut un petit rire.

« Tu es en train de me dire que c'était toi qui m'influençait pour la tuer ? »

« Oui. »

Ils se turent à nouveau. Un calme plat régnait dans la forêt. Le temps était doux, la brume s'était retirée en même temps que le lutin. Et ils profitaient, simplement, de l'instant présent.

« Tu crois que tu peux te lever ? demanda Papillon. »

Elle haussa les épaules et celles-ci lui firent mal. Dans un soupir, elle répondit :

« Je ne sais pas. Tu ne préfères pas attendre un peu ? Nous sommes bien, ici, et j'ai réussi le test de Phaïtos... C'est l'occasion de se reposer un peu. »

« Pas vraiment. »

Elle leva les yeux. Juste au-dessus d'elle, à une dizaine de centimètres de sa tête, se trouvait le Gentâme. Il était là, présence éthérée obscure et puissante, impassible comme à son habitude.

« Phaïtos n'est pas satisfait. L'intervention du Mage de l'hiver n'était pas prévue. »

« Ce n'est pas de ma faute, bougonna-t-elle, le premier instant de surprise passé. »

« Phaïtos t'a fixé un autre défi. Il te laisse trois jours pour te reposer, après quoi tu devras le remplir, annonça le Gentâme. »

« Génial... Eh bien, à plus tard, alors. »

Le Gentâme resta présent quelques instants, attendant visiblement quelque chose. Finalement, ce fut Papillon qui répondit :

« Inutile de rester. Elle ne te posera pas de question. »

Il avait un sourire malicieux aux lèvres, sourire qui s'élargit lorsque le serviteur de Phaïtos disparut dans l'ombre d'un conifère. Heureux d'avoir visé juste et se sentant soudainement en meilleure forme, la Faera se leva, fit un petit saut en l'air et se mit à voleter autour de la fillette.

« Bon, allez Yuyu, on n'a pas que ça à faire. Trois jours, ce n'est pas grand-chose ! Il est un peu avare en temps, ton Dieu. Lève-toi ! En marche ! »

Le rire d'un papillon s'éleva jusqu'aux cimes des arbres, joyeux et guilleret. C'était une longue semaine qui commençait.

Suite : ici

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Dernière édition par Yurlungur le Dim 29 Mai 2016 15:38, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Dim 29 Mai 2016 15:24 
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Le sanglier releva la tête du buisson où il se sustentait et renifla rapidement. Il y avait dans l'air une odeur qui ne lui plaisait pas, l'odeur d'une Humaine des villes. Ses larges défenses étaient bien suffisantes pour lutter contre les quelques prédateurs de la forêt en temps normal, mais il avait dû se montrer très prudent depuis quelques jours. Sa précédente confrontation avec un autre mâle de la forêt l'avait laissé blessé au flanc, une large entaille qui le faisait boiter et l'empêchait de se déplacer en toute discrétion, laissant des traces d'un rouge presque noir sur les troncs, feuilles ou buissons contre lesquels il venait négligemment se frotter à chaque fois que quelque chose le grattait ou simplement parce qu'ils étaient sur son passage. Et de plus, maintenant, il n'avait plus de harde, ayant dû céder sa place de dominant à ce sanglier parvenu.

L'odeur empestait les alentours. Il se mit à grogner, mais rien ne se montrait. Reniflant de plus belle, il commença à gratter rageusement le sol de son sabot le sol meuble, dégageant à chaque fois une motte de terre vers l'arrière. Croyant qu'il allait charger, quelque chose bougea dans le buisson en face. Les sangliers, dotés d'un excellent odorat, n'ont certes pas une très bonne vision mais détectent aisément les mouvements : sans attendre davantage, celui-ci fonça sur sa cible, la tête penchée en avant. En quelques mètres, il atteignit une vitesse impressionnante et traversa les buissons à l'endroit où devait se trouver la chose à toute allure.

Un petit papillon bleu s'envola, évitant de justesse la charge qui, de toute façon, ne lui aurait pas causé de grands dommages. Dès que le sanglier ressortit des buissons, il trébucha sur un amoncellement de pierres, haut d'une dizaine de centimètres de haut, spécialement posé là pour l'occasion, et chuta au sol. Sa vitesse le fit rouler-bouler sur un bon mètre mais, avant qu'il ne soit complètement immobile, quelque chose lui était déjà tombé dessus.

La petite fille s'était mise à taillader, dépecer et découper le cuir épais du sanglier qui se débattait tant bien que mal. La blessure fut rapidement rouverte et il suffit à Yurlungur d'enfoncer un peu plus sa dague entre les chairs de la bête, passant par cette heureuse ouverture, pour atteindre quelques organes et arracher au mammifère des cris de douleur. Il cessait progressivement de se débattre et, malgré quelques éraflures, la fillette n'avait rien. Elle se releva, satisfaite, tout en vérifiant que ses bandages ne s'étaient pas enlevés.

« C'est bon, Papillon. Je l'ai eu. »

Le petit papillon bleu voleta jusqu'à elle de quelques battements au gré des légers courants d'air qui traversaient les bois. Soudain, reprenant une forme humanoïde en conservant toujours ses ailes de papillon, il sourit à la petite fille.

« Tu auras autre chose que des baies aujourd'hui, n'est-ce pas ? Enfin, je suis content de voir que tes blessures sont presque guéries, ajouta-t-il. »

« Presque, presque, c'est un grand mot. Elles ont vite cicatrisé, mais c'était pas si profond, aussi, répliqua-t-elle. »

Cela faisait maintenant deux jours que le Gentâme était parti. Le premier soir, Yurlungur n'avait rien mangé. Elle n'en avait pas eu la force et s'était contentée de couvrir ses plaies de quelques bandages miraculeusement découverts au fond de son sac. Elle avait ainsi remercié la famille Mawess de ne pas s'être contentée de leur donner uniquement des rations de nourriture et avait choisi avec soin les plaies les plus profondes, les autres restant à l'air libre. Puis elle s'était endormie, assise le dos contre un arbre, chargeant Papillon de monter la garde. Ça n'avait pas été une nuit facile. Elle s'était réveillée plusieurs fois, en sueur, toutes ses blessures suintant d'un pus jaunâtre peu ragoûtant, ou avait dû faire fuir quelques prédateurs nocturnes avant de pouvoir se rendormir.

Le deuxième jour, elle avait réussi à se relever complètement et était partie à la recherche de quelques baies pour se sustenter. Elle avait dû se contenter de bien peu, ces deux jours durant, préférant s'économiser et éviter toute confrontation avec l'un des habitants de la forêt. La veille au soir, cependant, elle avait tenté d'escalader l'un des arbres, en choisissant un aux branches nombreuses et basses. Elle n'était guère montée bien haut, rapidement épuisée, mais put dormir plus calmement. Aucun réveil en sueur ni bête sauvage pour la déranger cette fois-ci et le lendemain matin, c'était avec une mine un peu meilleure qu'elle se réveilla. L'Autre exigea, pour ce jour-ci, un peu de viande, faute de quoi elle allait mourir. Et maintenant, bien qu'essoufflée, ils avaient réussi à abattre ce vieux sanglier déjà un peu blessé, mais quand même.

« Tu penses que c'est bon, la chair de sanglier cru ? demanda-t-elle en observant le sang qui coulait lentement sur la mousse. »

« Absolument pas. Après, c'est toi qui vois... »

Elle soupira et intima à Papillon :

« Tu surveilles le sanglier pendant que je vais chercher des bouts de bois. »

Ce ne fut pas long. Même en ne se déplaçant que lentement, les branches cassées, brindilles et autres restes d'arbres majestueux abondaient sous les larges ramures feuillues. En ramenant tout un paquet à côté du sanglier, Yurlungur les disposa côte-à-côte puis en saisit un. Elle n'avait jamais fait de feu, même si elle savait comment en faire. En principe, en frottant les deux bouts de bois, ça devrait marcher... Elle fit glisser rapidement entre ses mains la tige puis l'écarta pour voir si un feu commençait en-dessous. Rien.

« Tu devrais éviter de commencer un feu sur un lit de mousse, suggéra Papillon. »

Elle rougit.

« Ah, oui ! »

Précipitamment, elle se mit à arracher la verdure en-dessous, la jetant plus loin. Une fois un espace dégagé obtenu, elle se remit en position et refit vivement tourner la tige. L'écartant à nouveau, elle grommela en ne voyant aucune étincelle apparaître. Le bois était pourtant plutôt sec malgré cette étrange brume qui se baladait entre les troncs et son mouvement correct...

« Dis-moi, Yuyu, as-tu jamais allumé un feu ? demanda la Faera. »

Elle leva un œil méfiant vers le petit être bleu. Il avait donc décidé de l'appeler “Yuyu” pour toujours ? En l'absence de réponse, il fit mine de retenir un petit rire et expliqua :

« Tu n'y arriveras pas comme ça, ma vieille. Regarde, prends ta brindille entre tes deux mains puis tires-en une pendant que tu pousses l'autre. »

Elle essaya et, effectivement, la tige tourna plus vite. Regardant avec espoir en-dessous, elle ne put cependant que commenter :

« Ça ne marche pas, ton truc... »

Il éclata d'un rire franc et ajouta :

« Ce n'était pas tout. Maintenant, fais la même chose, mais plusieurs fois dans les deux sens. Jusqu'à ce que le feu prenne. »

Elle se concentra, essayant d'ignorer Papillon qui se moquait d'elle et se remit à la tâche. Ses mouvements étaient maladroits dans un premier temps, mais bien vite, ils se firent plus précis et, après quelques instants, une légère fumée s'éleva du tas de bois.

« Continue, ne t'arrête pas ! ordonna Papillon. »

Yurlungur reprit de plus belle et, finalement, ce fut une flamme modeste mais déjà bien réchauffante qui commença à lécher le tas de brindilles. Laissant le feu se mettre en place de lui-même, la petite fille maintenant souriante s'approcha du cadavre du sanglier et se mit à découper dedans. Elle n'avait jamais étudié un corps mort jusqu'à présent, puisqu'elle avait principalement tué des hommes dans la ville et qu'elle n'avait jamais eu le temps de rester bien longuement sur le lieu de son méfait pour dépecer sa victime, mais il fallait bien commencer quelque part : en l'occurrence par un sanglier.

Sous les conseils de Papillon, elle conserva une partie du cuir qu'elle mit dans son sac. Bien que prenant beaucoup de place, la Faera lui indiqua qu'il y pourrait toujours y avoir des tanneurs intéressés par la reprise de ces quelques peaux. La fillette lui fit confiance puis, une fois qu'une large partie du ventre était à découvert, elle put se mettre à découper la chair à proprement parler. Il n'y eut que peu de résistance, sauf lorsqu'elle rencontrait des os, mais elle se contenta de la viande située dans le ventre. Délaissant les organes de peur qu'ils ne soient pas très bon, elle se satisfit donc de la plus rouge, la plus saignante des viandes, en mettant la moitié dans son sac et l'autre moitié à manger : découpée en petits morceaux, alignée sur des bouts de bois rigides puis tenus au-dessus du feu.

Après quelques minutes d'attente, elle se décida à croquer. Ce n'était pas cuit uniformément, mais c'était suffisant. Avec tout ce qu'elle avait là, elle n'aurait sans doute pas besoin d'autre chose, aussi s'allongea-t-elle sur la mousse et fixa-t-elle un ciel gris qu'on voyait vaguement au-dessus des arbres. Puis elle s'endormit, profitant d'un après-midi au temps clément.

Certes, ce n'était pas bien prudent. Elle avait laissé son feu allumé et la carcasse sanglante de la bête allait sans doute attirer des prédateurs. Mais justement, le feu n'allait-il pas les éloigner ? Et Papillon n'était-il pas là ? Elle profitait simplement de la présence d'une mousse moelleuse et duveteuse, l'un des meilleurs lits de toute sa vie. Et puis, de toute façon, elle était fatiguée.

***

Elle se réveilla plus tard, le Soleil se couchant déjà à l'horizon. Se redressant, elle bâilla et regarda autour d'elle. Le feu n'était plus qu'un tas de braises fumantes et lorsque Papillon apparut soudainement devant elle, Yurlungur sursauta.

« Ah, tu es réveillée ! remarqua-t-il d'un ton enthousiaste. »

« Quelle sagacité... répliqua-t-elle en souriant. »

« Je vois que l'on va bien s'entendre tous les deux ! Allez, va ranimer ce pauvre feu, sinon on va devoir recommencer. Et vu le temps que t'as pris la première fois, on est pas tirés d'affaire... »

Elle fit mine d'ignorer le commentaire mais son sourire n'avait pas disparu. Après quelques minutes, elle revint et remit du bois sur le feu puis, toujours sous les conseils de Papillon, elle ajouta quelques feuilles mortes. Celles-ci s'embrasèrent presque instantanément et le feu, avec l'aide de quelques souffles de la petite fille, se remit à briller au milieu de la forêt devenue noire. À nouveau, Yurlungur fit cuire la viande du sanglier par petits cubes découpés. La Faera lui conseilla de faire cuire aussi la viande qu'elle n'allait pas manger ce soir, ce qu'elle fit, laissant ainsi dans son sac comme dernier recours de quoi faire un repas. Puis, éteignant le feu de quelques coups de pieds dedans, elle abandonna la dépouille du sanglier et commença à marcher à travers la forêt, vers l'endroit où elle avait dormi la nuit précédente. Le trouvant finalement, elle vint se nicher au même endroit, à l'abri, mais elle n'avait plus sommeil.

« Papillon ? T'es là ? »

« Ouaip. »

« Tu m'as dit que t'avais des pouvoirs. C'est vrai ? Tu... Tu sais faire de la Magie ? »

Étrangement, cette idée ne la dérangeait pas tellement. Elle avait toujours cru être répugnée par ce prétendu “art”, cette chose qui lui était inconnue, mais c'était principalement parce qu'elle ne savait pas l'utiliser et que ses adversaires si.

« Ouaip. »

« Bon... Tes réponses sont un tantinet répétitives. Tu veux pas m'en dire plus ? »

« Tu as déjà tout vu, ou presque. Je suis plutôt... dans le genre manipulateur, en fait. »

Il jeta un œil à la fillette qui, si elle ferma un peu son visage, l'intima d'un geste de la main à continuer.

« J'ai toujours eu un don pour énerver les gens, je crois. Ou les rendre plus joyeux. Ça dépendait des moments, en fait. Je crois que je les rends plus libres. Je les incite à suivre leurs désirs les plus profonds, je les pousse à faire ce qu'ils veulent faire et à ne plus rester prisonnier du carcan de la société. »

Il adressa un regard presque las à Yurlungur.

« Ce sont de jolis mots, n'est-ce pas ? »

« C'est bien dit, en effet. »

Ses yeux se fermaient lentement tandis que la nuit reprenait son dû.

« Je ne sais pas pourquoi je te dis ça, en fait, ajouta Papillon. Je n'ai jamais eu de maître enfant, avant. Que des adultes, qui essayaient d'user de mes pouvoirs pour leurs propres buts. Mais ça doit être ton sourire. Tu sais que tu as un très joli sourire ? Il m'adoucit, il m'apaise. Ça me rappelle une de mes anciennes maîtresses... Elle avait le même que toi. »

Le regard de Papillon se perdit dans l'obscurité de la forêt. Yurlungur, presque endormie, demanda :

« Et après... »

Il tourna la tête vers elle, récupérant une expression douce et apaisée.

« C'était une jeune femme intéressante. Elle avait compris, comme les autres, que je ne pouvais pas mentir, mais c'est elle qui m'a appris à parler par des questions, à insinuer des choses fausses sans vraiment les dire. À semer le doute. Et puis, nous nous aimions. Nous étions promis l'un à l'autre, ça avait été le coup de foudre dès que nous nous rencontrâmes. Une de mes premières maîtresses... Je me souviens encore de ses yeux pétillants, de sa joie de vivre, de sa voix si claire et si limpide... Ah, que de nostalgie. »

Il lança à nouveau un regard sur Yurlungur. La respiration de la petite s'était faite lente et régulière, mais il sentit qu'elle ne dormait pas encore complètement.

« Elle avait de longs cheveux blonds comme l'or, des yeux d'un bleu si bleu... Lorsque je prenais ses mains dans les miennes, elles étaient d'une telle douceur, et nous nous envolions ensemble vers les cieux, dans des rires et des merveilles. Nous nous ressemblions tant. Le papillon et l'oiseau... Je crois que je n'oublierai jamais cette Aldryde. »

Yurlungur s'était complètement endormie. Papillon resta assis à côté d'elle cette nuit-là, observant avec calme ce sourire d'enfant.

***

Yurlungur ouvrit un œil et aussitôt, elle sursauta en essayant de reculer. Manquant de peu de chuter de l'arbre sur lequel elle était montée, elle réussit à reprendre le contrôle d'elle-même tandis que la silhouette inquiétante du Gentâme restait là, immobile, la fixant. Elle haletait malgré elle, sentant son cœur battre à toute allure dans sa poitrine. Finalement, elle-même n'osant pas rompre le silence, ce fut le Gentâme qui parla.

« Phaïtos a déterminé ton défi. Tu dois te rendre au lieu qu'on appelle dans le monde des hommes la Crique de la Terreur. »

« Je ne sais pas où c'est, répliqua-t-elle en veillant à ne pas poser de question. »

Était-ce un soupir qu'elle perçut chez la créature ? Cette dernière indiqua cependant :

« Je te guiderai lorsque tu souhaiteras partir. »

Le Gentâme recula et, comme par Magie, même ses deux yeux rouges disparurent dans une ombre. Comme la dernière fois. Reprenant tant bien que mal une respiration normale, Yurlungur se laissa glisser le long du tronc et atterrit avec douceur sur le sol. Papillon apparut aussitôt à ses côtés.

« Tu aurais pu me prévenir qu'il était là... lui reprocha-t-elle. »

« Hé, doucement. C'est qu'il est discret, ton bonhomme. »

« Tu as déjà entendu parler de cet endroit, la Crique de la Terreur ? demanda-t-elle en s'avançant dans la forêt, cherchant des baies des yeux. »

« En effet. C'est un lieu... étrange. Ça ne m'étonne presque pas que Phaïtos souhaite t'y voir, tant la Magie noire est présente là-bas. Attention, ne prends pas ces baies-là, elles sont toxiques. Prends plutôt celles-là. »

Il lui indiqua lesquelles prendre et, lorsqu'il s'étonna de ne pas la voir prendre ce qu'il restait de viande de sanglier, elle haussa simplement les épaules. Ce n'était pas ce qui l'attirait le plus pour un petit-déjeuner, elle devait bien l'avouer...

Finalement, après une demi-heure, elle avait récolté suffisamment de petits fruits pour calmer son estomac en colère. Elle revint vers l'arbre où le Gentâme s'était trouvé et celui-ci émergea de l'ombre. Elle hocha de la tête et, suivant le serviteur du Dieu des morts, ils quittèrent ce pan de la forêt qu'ils avaient fréquenté ces trois jours durant. Remarquant que Papillon traînait, la petite fille se retourna et le vit retourné, observant immobile l'arbre où ils avaient dormi.

« Bah, qu'est-ce qu'il y a ? Tu viens ? »

Il lui adressa un grand sourire et vint la rejoindre en une courbe de vol parfaite.

« Allez ! C'est parti. »

Pour l'occasion, il récupéra son apparence papillonesque habituelle et se remit à voleter autour de Yurlungur. Qu'est-ce qu'il pouvait bien leur arriver, de toute façon, dans cette fameuse crique ?

Suite : ici

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 Sujet du message: Re: Forêt des Feuilles tristes (+Baon, maître magicien de glace)
MessagePosté: Mar 30 Aoû 2016 13:33 
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Arrivé dans la Forêt des Feuilles tristes, Boctrakz marchait, marchait, marchait. Au bout d'une heure de marche, il tomba dans les pommes, il était trop épuisé. Il avait oublié de boire et il avait oublié qu'il possédait une gourde dans son sac. Quand il se réveilla, il pris sa gourde et il bus. Trente minutes plus tard, il tomba nez à nez avec un Tigre noir avec des yeux rouges et des énormes griffes !

-Oh merde ! C'est quoi cette bête !?

Le tigre sauta en direction de Boctrakz et (Jet de dés) il esquiva sans problème le tigre. Il sort son couteau et prend par la gorge le tigre et (Jet de dés) essaya d'égorger le tigre, mais celui-ci esquiva et donna un coup de griffe sur la tête de Boctrakz (-5PV : 14PV). Boctrakz lança son couteau en direction du tigre et (Jet de dés) celui-ci esquiva. Boctrakz n'avait plus d'armes sauf ses poings et ses pieds. Le tigre coure vers Boctrakz et celui-ci lui balance un énorme coups de pieds en direction du ventre du tigre (Jet de dés) qui tomba à terre. Boctrakz reprend vite son couteau et (Jet de dés) il se prend un autre coup de griffes sur la tête (-5PV : 9PV). Boctrakz était faible. Il essaya une dernière fois de donner un coup de couteau au tigre (Jet de dés) et il réussi à le toucher. Mais le tigre était toujours debout. Il était maintenant énervé et il fonça sur Boctrakz pour le finir, quand tout à coup, une épée traversa la gorge du tigre, qui celui-ci, tomba à terre.

Boctrakz ne comprenait pas. Un homme s'approcha de Boctrakz et pris son épée et la rangea.

-C'est un tigre de Gérak, ils sont très puissants et difficiles à battre. Je m'appelle Lyreco, je suis un Guerrier du Camp des forces d'Oaxaca. Si j'aurais pas été là, tu serais sûrement mort !
-Merci. Moi, c'est Boctrakz.
-Tu as l'air mal en point ! Viens, je vais t'amener dans mon camp pour te soigner. Suis moi !

Boctrakz suivi l'inconnu Lyreco.....
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Campement des forces d'Oaxaca : campement-des-forces-d-oaxaca-t5558.html

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Mon silence peut tuer... Boctrakz, Sektegs, Voleur


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