« Maître,
Les pas lourds sur l'escalier usé par le sel et les bottes brutalisaient chaque marche en emplissant la pièce d'un peu plus de mon appréhension. Mon capitaine ouvrit la porte à la volée. Un bandage serrait son bras et une plaie fraîchement recousue ornait son visage. Il faisait pendre un sac de toile sur son épaule. Malgré tout, je n'avais d'yeux que pour son épée accrochée à sa taille. Voilà la main, voilà l'arme et voilà la raison de ma mort pensai-je. Sans me morfondre, je quittais ma chaise et attendis ses récriminations debout. Il se jeta contre la coque et se laissa glisser jusqu'à trouver la position à son goût. Sa voix rauque tonna en un sourire salvateur.
« Assis-toi, je vais pas te bouffer. Faut juste, je pense, que nous parlions de ce qui s'est passé lors de l'abordage. »
Je suivis sa proposition et pris place à côté de lui. Il me tendis une bouteille de tafia qu'il sortit de son sac. Une rasade puis une seconde me firent le plus grand bien. La liqueur de canne brûlait mon œsophage, me permettant de cartographier avec précision son parcours.
« Tu comprends j'imagine pourquoi nous t'avons mis aux fers ? Insubordination qu'ils appellent ça. Dans mes termes, ça devient plutôt que t'es devenu complètement timbré, un vrai fou en transe, un névrosé d'la caboche. C'est que je ne soupçonnais même pas que tu pouvais me faire aussi mal. »
Baissant les yeux, je tentais de trouver mes mots les plus justes.
« C'est que, parfois, j'ai des excès de … rage, dirais-je. Le sang m'attire profondément. Mon maître m'a expliqué d'où cela venait. Tous les gobelins sont créés comme ça. C'est même peut-être la seule chose que nous avons de commune avec les gobelins dits naturels. Il était là, couché par terre, et j'étais sur lui. Il saignait et son odeur me faisait saliver. Après l'avoir mordu, je n'arrivais plus à me contrôler. Dans ces cas là, vois-tu, ma vue se trouble, mes sens sont aux aguets. Le sang bouillonne dans mes veines. »
Je regardais mes griffes, puis ses plaies.
« Mais je sais que ça ne change rien. Ce n'est pas excusable. Mes regrets n'ont d'ailleurs aucune importance. Le pire, sais-tu, c'est que j'adore ça. Lorsque je deviens cette bête, tout redevient simple. Me savoir me contenter de cette simplicité me dégoûte au plus profond de moi. L'acte est en lui même jouissif, mais laisse derrière lui une impression de souillure. Je suis sale et comblé. »
Il sortait une dague de son sac. J'eus pour la première fois une once de peur et me reculais par réflexe.
« Ne sois pas débile. Je vais pas te tuer. Tous savent que tu n'étais pas toi même lorsque tu as fait cela.
–C'est là où tu te trompes. J'étais entièrement moi même : un être faible incapable de maîtriser la moindre de ses pulsions.
–Et bien, en tout cas nous, nous considérons que t'as pas à être buter pour ça. Nous t'avons mis aux fers pour te calmer, et ça n'aura pas de suite. Et puis, pour lui avoir fait peur, tu lui as fait peur. Notre navire va devenir une légende de terreur, peut-être même des rumeurs de bateau fantôme seront murmurées dans les tavernes ! »
Il me tendis la dague.
« Prends la, on l'a trouvé sur le type que t'as bouffé. Nous nous sommes dits que ça te ferait un souvenir.
–Très drôle. Merci quand même. »
Je forçai un sourire et rangeai la lame dans une botte. Sa jovialité trébucha et son visage devint sérieux.
« Tout le monde connait cette sensation. Tu ressens de la frustration, tout simplement. Tout le monde connait ça, par exemple avec les femmes. Tu crois que ça donne du bonheur que de payer pour aimer ?
–Je n'en sais rien, je ne peux pas aimer. Enfin, je ne peux pas aimer comme vous l'entendez. Je n'ai pas d'organes sexuels. » Son regard étonné et sa bouche bée m'incitèrent à en dire d'avantage. « Je suis une création. Il y a des gobelins qui vivent en tribus, qui ont des enfants et qui se font la guerre. Mais ce n'est pas la majorité. Un processus qui nous est interdit de connaître sous peine de mort permet notre création. Tout ce que je sais, c'est que nous naissons de la boue. Ainsi, nos maîtres peuvent nous façonner comme ils le désirent.
–Veux-tu dire que tu n'as pas de parents par exemple ?
–Par exemple. Je ne suis d'ailleurs ni un homme ni une femme biologiquement parlant. Par ailleurs, je fais difficilement la différence mentalement parlant. » Sa stupéfaction m'étonnait, il me semblait que tous le savait. « Pour revenir au sujet, cette frustration que tu évoques doit sans doute se rapprocher de ce que je ressens. Mais vous, vous avez la possibilité de vous en sortir : vous pouvez aimer. Moi, il me semble impossible de contrôler, de canaliser tout cela. »
Mes yeux cherchaient au plus profond des lattes du plancher une noirceur qui semblait si intéressante. Je me découvrais peut-être pour la première fois entièrement à quelqu'un d'autre que vous.
« Aimer ? C'est de la connerie. Tu ne contrôles pas cela par amour. Je ne sais même pas ce que c'est. Une idée mystifiée au cœur des histoires. Nous sommes des pirates. Tu peux aimer toutes les filles que tu veux, tu ne les reverras jamais. Nous avons épousé notre mer, si tu me permets ce sarcasme. »
Il ria amèrement et baissa le regard. Un silence profond nous fit le plus grand bien. Nos têtes se tournèrent alors l'une vers l'autre et nous nous retrouvâmes les yeux dans les yeux. Une lassitude perçait ses traits désolés. La même que moi sans doute. Celle d'avoir peur de passer à côté d'une autre vie, plus heureuse. Plus commune. Rentrer dans le rang. Et puis, son rictus bienveillant et son visage balafré me rappelait à ce que je vivais. Pour la première fois de ma vie, j'éprouvais de l'amitié. Pour vous, j'éprouve une servitude totale et un respect majestueux. Je vous aime comme d'autres aiment un dieu. Mais là, c'était une sensation différente. Je n'avais pas besoin de jouer un rôle avec lui. Nous sommes obligés de porter des masques, toujours, dans nos relations avec autrui. Et un jour, nous arrivons à retirer le dernier de ces masques dans une relation d'égalité respectueuse. N'en dire que cela ne serait pas la décrire, loin de là. À cet instant, je compris qu'il m'intégrait dans une communauté restreinte. Nous étions dans la marge et c'est là où nous trouvions notre liberté.
Il me lança les clefs des chaînes et sortit sans piper mot.
J'avais passé une douzaine d'heures dans les cales. Sur le pont, les matelots de quart s'activaient tranquillement. La mer ne s'agitait pas, le Soleil brillait et le vent soufflait. Des conditions idéales. Mon prochain quart ne serait que ce soir et je dormais depuis assez longtemps pour me promener sur le navire. Les douleurs de la bataille persistaient mais comparé à ce que j'endurais à la mine, cela m'apparaissait comme un simple désagrément. Au niveau de l'entrepont, quelques flibustiers instruits s'occupaient de la répartition du magot. L'abordage n'avait pas comme but la richesse. De maigres bourses s'alignaient sur une table bancale. Rhode m'aperçut depuis son siège où il griffonnait avec exactitude les parts données et les parts restantes. Il me jeta une bourse et se leva pour venir me parler.
« Alors terreur, tu t'es calmé ?
–Comme tu le vois... répondis-je quelque peu blasé.
–Fais pas cette tête ! Viens par là, j'ai quelque chose à te donner. »
Il m'amena dans une pièce remplie d'armes et d'armures, mais aussi de vases, de dentelles et autres prises. Un vrai bordel. Le bosco s'approcha d'une malle où des fripes se faisaient la guerre pour la meilleure place. Il en sortit une des chemises que tous portaient sur le navire. Froissée mais étincelante, il me la tendit en m'indiquant de l'essayer. Elle tombait un peu trop bas mais me permettait une liberté de mouvement appréciable.
« Tu sais ce qu'elle signifie ?
–Pas vraiment. Un truc du genre que je fais partie de la communauté des pirates ?
–Si on veut. C'est un peu plus complexe. Tu viens de devenir Citoyen de la République sans Terre. Voilà maintenant deux siècles qu'elle a été crée. Devant la recrudescence des navires de course qui étaient à nos trousses, nous dûmes oublié les querelles qui régnaient en maître parmi les pirates et former une organisation qui nous protègerait de ces milices.
–Et la solution, c'était de porter des chemises blanches ? » plaisantai-je. Un rictus jovial s'empara de son visage.
« Exactement ! En fait, ce que les Fondateurs, les cinq Capitaines pirates à l'origine de la République, voulaient faire, c'était réussir à faire de chaque flibustier un membre de tous les équipages de tous les navires pirates. Cela permettait une rotation régulière, de l'aide là où il y en avait besoin et surtout une cohésion de groupe. Car ces cinq Capitaines étaient en guerre lors de la création de la République. Ils se faisaient détruire par les pavillons colorés des continentaux, mais aussi par les pavillons noirs de leurs frères. »
Nous retournions vers la table où trônaient les faibles récompenses de chacun. Les bourses passaient dans les mains d'une petite troupe d'estropiés. Un énorme colosse que j'avais déjà aperçu mais à qui je n'avais jamais parlé se maintenait avec difficulté sur une canne grosse comme mon poing. Ses trousses laissaient paraître le début de l'immonde plaie qui lui taillait toute la jambe gauche. Sa graisse remuait en vague à chacun de ses mouvements, refermant ou étirant d'une douleur vive les lèvres de la blessure. Voyant que je l'observais, il me fit un signe de la tête et grogna une salutation.
Le groupe qui l'entourait sortait vraisemblablement de l'infirmerie. Un elfe aux traits rongés par un rictus rendant son visage malheureux portait son bras en écharde. Un bandage serré autour de son poignet révélait une coulée de sang. Sa main ne bougeait pas, ses doigts paraissaient gonflés. Il discutait hardiment avec un petit homme qui se tenait sur des béquilles dont le sourire jovial n'enlevait en rien la peur et la douleur dans ses yeux. Une seule jambe le maintenait debout. Au dessus du genoux, un moignon bandé faisait office de tous les pleurs cachés qui avaient creusé un sillon sur sa trogne un peu ronde.
« Mais, vois-tu, la trêve signée, la République fondée et un front commun se sont créés contre ceux qui voulaient tous nous voir envoyer par six cents pieds de fond. Et grâce à tout cela, nous n'abandonnons plus ceux qui ne peuvent plus combattre. Une réelle solidarité se met en place. Nous trouvons à tous quelque chose à faire dans notre organisation. Nous sommes parvenus à garder cinq points d'attache fixes. Trois sont des îles, un est sur Nosvéris et un autre sur Imiftil.
–Et chaque pirate est un citoyen ?
–Bien sûr que non. De nombreux pirates roulent pour eux-mêmes et d'autres organisations, plus petites, existent. Mais nous sommes sans conteste la plus puissante. »
Les flibustiers qui faisaient trembler chaque marchand transférant quelques Yus biens placés de port en port ressemblaient plus aux légendes des Sept Honorables, exemples de vertu pour la jeune Oranan. Intègres et courageux, ils prônaient chacun, haut et fort, leur mode de vie, leur idéal et leur amitié. Leur étendard, le vivre-ensemble. Dans un combat contre les institutions continentales, ils vivaient libres au milieu de l'océan. Autour d'eux, de l'eau à l'infini. Au dessus d'eux, l'espace à l'infini. Là où ne se voyait nulle terre, l'éternité s'offrait.
Les visages graves marquaient mon esprit lorsque je les croisais. L'insouciance, maîtresse de leur vie libre, ne parvenait pas à cacher la tristesse des conséquences de l'abordage. La douleur battait les tempes de tous. Seulement, il fallait continuer vers notre prochain assaut. Le vrai, pas la mise en bouche. Alors, tandis que je grimpais relayer la vigie, les mousses de quart quittaient les parties de cartes et les bouteilles pour passer une partie de la nuit à essuyer les lames de fond et le vent salé. Perdu du haut de mon perchoir, mes divagations me distrayaient au milieu de cette nuit calme. De sombres et pâles lueurs nageaient auprès de notre vaisseau. Je suivais la danse poétique de leurs parades entrelacées. Les quelques couples se rejoignaient doucement, formant un ballet immense et magnifique. Le premier dauphin que je vis de toute ma vie sauta alors hors de l'eau à plusieurs pieds. Puis rapidement, une violente chorégraphie d'une beauté extraordinaire envoya voler jusque moi une eau qui pénétrait mes vêtements et me faisait trembler. Je frissonnai devant le spectacle que les créatures m'offraient tout comme d'un froid insidieux qui gelait les os et les muscles. Ils repartirent comme ils étaient venus : en couple. Je finis mon tour et, sous un soleil levant berçant le ciel nuageux de ses couleurs roses et oranges, allais me coucher.
Attablé à l'entrepont avec Tom, nous mangions une mélasse gouteuse en échangeant quelques banalités. La discussion d'un groupe éparse de flibustiers attirait notre attention.
« Archibald, c'était un grand pirate !
–Un grand ami surtout. Sa mort reste encore marquée dans mon cœur.
–Vous pouvez m'en parler un peu plus ? Je ne l'ai jamais vraiment connu.
–C'était une force de la nature ce bonhomme. Il devait faire deux têtes de plus que toi et bien trois fois ton poids. Bordel, qu'est-ce qu'il envoyait !
–Un jour, il a soulevé une espèce de lieutenant de je-sais-pas-quoi. Tout en armure le gars, cotte de maille, plates, heaume, jambières... La totale ! Rien que l'épée du type, je ne suis pas sûr de pouvoir la porter. Bah Archi, il l'a soulevé et l'a balancé tout connement à la flotte. Tout le monde à rire de voir le gonze s'enfoncer dans les abîmes de l'océan.
–Et le cœur sur la main. Il n'avait pas besoin de mots, qu'il ne maniait pas très bien de toute façon.
–On pipait rien à ce qu'il disait !
–Ouais, à peu près. Il venait de Naora, et personne ne comprenait quand il commençait de longues discussions. Quand Eugénie, la sœur de Balou, qui navigue maintenant sur le Ravageur, est morte, ce dernier était trop fier pour montrer sa tristesse. Il ruminait intérieurement. Archi, de la même carrure que lui, l'a pris dans ses bras et l'a serré. Ils se sont lâchés que trois quarts d'heure plus tard. Ils avaient les épaules trempées de larmes.
–Voir ces deux montagnes s'embrasser ! Ça devait être impressionnant !
–Il était comme ça Archibald. Pas de superflu. Il était vrai !
–Putain, il me manque. »
Les anecdotes sur sa vie continuèrent pendant un bon moment. L'elfe bleu, le menton reposant dans la paume de ses mains, les coudes sur la table, les écoutait pensivement.
« Tu le connaissais bien ?
–Plutôt. Nous avons naviguer ensemble environ dix ans.
–Il est mort à l'abordage de la galère shaakt ?
–Non pas du tout. Il a été pris lors d'un abordage raté et pendu sur Nosvéris. Ça doit faire peut-être cinquante ou soixante ans de cela.
–Autant de temps ? Mais quasiment aucun d'entre eux ne l'a connu alors !
–Non, ça ne les empêche pas de l'aimer.
–Je ne comprends pas tout. Tu veux dire qu'ils parlent de quelqu'un mort avant même la naissance de la plus part d'entre eux comme de leur meilleur ami ?
–Nous t'avions prévenu. Nous ne travaillons pas ensemble, nous vivons ensemble. Il se trouve qu'Archibald était très aimé, son nom a marqué nos mémoires et nous voulons nous souvenir de lui. Il y a une liste longue comme mon bras de gens que je n'ai jamais connu mais qui me manquent comme une partie de moi même. »
L'esprit de corps. Je réalisais que la République ne se constituait pas de citoyens mais qu'elle se réalisait en chacun de ses membres – ou plutôt de ses organes. Jamais la métaphore martiale n'avait été assez juste que pour cette compagnie. Leur conception de l'amitié me marqua profondément. Chacun des actes qu'ils faisaient, chacun des engagements qu'ils prenaient, en clair la vie qu'ils choisissaient les inscrivaient dans une postérité nostalgique de cette existence. Sans romantisme, sans adoucir les angles de la personnalité de l'être manquant, ils l'évoquaient avec plaisir et amour.
Nous approchions de la crique qui devait nous servir de planque pendant une journée où le repos était maître mot avant de passer à l'attaque, bien plus risqué que celui de la galère shaakt. Certes, leur navire était rôdé pour la guerre, mais ils ne pratiquaient qu'une manœuvre en mer, une simple sortie à vide. Nos prochains adversaires ne pouvaient qu'être sur leurs gardes. D'un côté, ils transportaient une tapisserie d'une valeur inestimable, sans compter, sans doute, de nombreux autres cadeaux somptueux pour le mariage. D'un autre, ce mariage attirait la convoitise et la peur de nombreux notables des deux pays et des trois races. Ils s'attendaient à se faire attaquer et s'y serait préparés de façon certaine. Combien de noms iront rejoindre la liste de Tom ? Qui débutera la mienne ? Il semblait nécessaire qu'à l'abordage, nous ne reviendrions pas tous.
La nuit à la crique fut formidablement festive. Les rires et les bouteilles sortirent lorsque le soleil vint teinter de rose l'horizon d'azur. Les grandes falaises qui entouraient notre navire reflétaient grâce à son mica et à ses étranges et longues strates de calcaire laiteux les derniers rayons de l'astre sombrant dans l'Océan. De petits groupes discutaient tranquillement en buvant du tafia et en fumant du jérìch. Une atmosphère fraternelle planait sur le pont aéré d'un petit vent frais. L'herbe et l'alcool agissant, nous partîmes pour une soirée de partage de chants et d'histoires. Nos étouffantes chansons gobelines, à la mélodie chaotique mais aux paroles crues, sincères et libératrices, plurent à mes camarades. Ils reprirent tous en chœur avec moi
« Brisons leur nuques et partons, amis,
Brisons nos chaînes et partons, amis,
Car les plaines et les montagnes
Nous terreront sans eux. »
Leurs cantiques variaient de leur vénération pour les filles de joies à leur adoration des sabordages, des bars glauques lors des escales à leurs compagnons plongeant à jamais. Avec eux, je riais, je pleurais, je dansais. Ils représentaient la mine de vécus, d'expériences, de passés dans laquelle je rêvais toujours de piocher pour m'approprier une vie. J'allais me coucher au milieu de la fête, pesé par mes excès et la fatigue. Depuis ma paillasse, j'entendais en sourdine les bruits des marins heureux qui trinquaient avec la mort. « Le voile noir recouvrira bientôt l'un d'eux » pensai-je. « Mais ils ne s'en soucient aucunement. La nuit est à eux comme le jour d'après leur sera pénible. » Chaque son m'obsédait : les pas sur le pont des fêtards, les bottes qui descendaient discuter au calme de l'entrepont, les malades qui couraient vomir par dessus le bastingage ou se transportaient cahin-caha jusqu'à un lit non occupé ; et puis bientôt, les dés qui roulaient sur le bois, les soupirs des perdants et les hourras des gagnants ; et enfin, plus rien, mise à part les ronflements rythmés et apaisants des camarades alentours.
Comme prévu, nous nous éloignâmes assez tôt de la côte. Un vent favorable nous porta en une courte matinée au-delà du continent pour nous retrouver en eaux profondes. La tension palpable marquait chacune des secondes d'attente qui remplirent l'après-midi. Certains vaquaient à des tâches utiles : ils avaient bien de la chance. La plupart patientait difficilement laissant ainsi la place à l'interrogation - quant à l'issu de la bataille, quant aux chances de survie d'untel ou d'untel, quant à l'heure de l'abordage, quant à ce qui les retardait, quant à la raison de leur naufrage probable (parce que là, c'est sûr, ils ne vont plus venir)... Je m'ennuyais, une pipe à la bouche au tabac sinori onctueux, à mon poste de vigie. Une onctueuse fumée jaillissait périodiquement de ma gorge, rejoignant lentement les faibles nuages qui barrait le ciel en d'épars endroits. La crème gazeuse obscurcit le pavillon aux couleurs de Dehant de mon champ de vision. Je m'époumonais alors :
« Navire à dix heures !
–C'est notre proie ?
–J'crois bien, ouais ! »
De l'ennui mortel des heures précédentes, nous passâmes brutalement à une excitation folle. Chaque matelot de quart s'empressait aux manœuvres tandis que les autres flibustiers se préparaient à l'abordage.
« Ils nous ont vu ?
–Sans aucun doute ! C'est blindé d'elfes, j'ai l'impression qu'ils voient la couleur de mes yeux d'aussi loin !
–Alors que la partie commence ! Hisse le drapeau noir ! »
Un énorme « houba » fit écho à ses paroles. L'elfe bleu dégageait le pont pour préparer ses rituels. Tandis que notre cible manœuvrait pour aller cap au Nord, afin de rejoindre les côtes et les patrouilles, nos voiles se remplirent grâce à ses miracles. Il fallait rapidement décider vers où aller pour les rattraper. Rien n'était joué, même si nous avions l'avantage technique : le Crépuscule est plus léger, plus rapide et plus adapté à la haute mer. De plus, ils étaient probablement chargé jusqu'au dernier tonneau alors que nous n'avions rien de stocké, hormis le strict nécessaire quotidien. Barry choisit une technique fine et pleine de compromis.
« À la voile mes gorets ! Cap à neuf heure ! Nous allons leur rentrer dans le bide dès qu'ils vont vouloir arrêter de manœuvrer pour foncer vers la terre ! »
Le vent tonnait derrière moi, me poussant à m'accrocher au mât, en un vacarme abominable : il rentrait dans les voiles brusquement et y claquait nettement pendant tout le changement de cap. Nous avancions promptement tandis qu'en face ils manœuvraient timidement. Le vent naturel venait du Nord, leur empêchant de regagner la côte sans un appui magique. Mais ils étaient vraiment lent, à ce point, cela n'annonçait que deux choses : soit la prise sera facile, soit elle ne le sera pas du tout. L'appréhension monta en moi à cette prise de conscience. Si mon regard fut assez perçant, j'eus vu sans aucun doute un sourire narquois sur les visages de ces maudits elfes. Mais nous n'étions encore qu'au début de la soirée et le soleil se couchait à peine lorsque tous découvrirent qu'ils ne faisaient pas cap au Nord.
Bercé de la lumière du crépuscule, alors que notre navire devait être dans le même alignement que les fuyards, nous les aperçûmes continuer à manœuvrer. J'indiquai au capitaine le maintien de leur changement de cap. Ils étaient désormais à deux heure et continuaient à manœuvrer ! Je pouvais palper de là-haut l'incompréhension des autres pirates. Les deux navires prenaient des directions parallèles lorsqu'ils firent tomber toutes voiles. Nous étions à deux fois une distance de tir, même de si bons tireurs ne pouvaient nous avoir. Un soulagement gagna chacun des membres de l'équipage lorsqu'ils s'en rendirent compte. L'ordre fut tout de même lancé d'aller chercher les pavois afin de nous protéger des flèches qui, personne n'en doutait, allaient bientôt fuser dans le ciel rosâtre.
Une petite détonation, un claquement sourd et soudain le bois qui s'encastrait dans le bois, volant en éclats qui blessèrent plusieurs matelots. Le bastingage venait de se faire pulvériser. Alarmé, je cherchais sur le navire ennemi ce qui avait pu faire ça. À l'arrière, deux soldats en uniforme aux couleurs de Dehant réarmaient une machine de guerre ressemblant à une arbalète d'un énorme trait pointé de fer. Je criais au Scorpion. J'observais alors Barry s'arrêter pour réfléchir à la situation, faisant signe à son bosco de s'occuper de parer le prochain tir. La pagaille se répandait parmi l'équipage mais les plus expérimentés réparaient déjà sommairement les dégâts.
Continuer la manœuvre ainsi, c'était plonger dans la gueule du loup. Si nous arrivions par derrière, outre les plusieurs traits que nous aurions essuyé, nous nous exposions directement aux arcs elfes. Barry décida donc de leur faire croire à notre départ en faisant une manœuvre inverse. Nous allions attaquer de front en faisant un tour d'horloge. Nous commencions à changer de cap lorsque le scorpion claqua une seconde fois. Il ne nous toucha pas, s'écrasant dans l'eau en une giclée impressionnante. Le troisième nous atteignit alors que nous étions cap à l'Ouest, comme pour partir du combat. Il explosa une chaloupe et les débris s'éparpillèrent avec violence dans les jambes des marins. Les moins chanceux criaient de douleur, allongés sur le sol, d'énormes pics en travers de la cuisse.
Nous continuâmes un peu droit devant jusqu'à ce qu'ils retendent les voiles, pensant nous avoir fait fuir. Alors, nous poursuivîmes notre rotation vers eux afin de les empêcher d'être dans un alignement optimal leur permettant d'annoncer notre mort. Voyant notre tactique, ils durent de nouveau enlever les voiles et se préparer au combat. Ce temps de répit nous permit d'échapper à l'angle de tir de la baliste qui tenta tout de même de nous atteindre mais ne réussit qu'à nous éclabousser de nouveau. Malgré notre nouvelle tactique, la panique ne se répandit pas sur le navire ennemi. Je pouvais observer les soldats, surtout elfes, se placer à l'avant du navire dans un calme froid et effrayant, parer leur arc et disposer plantée devant eux une dizaine de flèches afin d'avoir une cadence de tir rapide. Nous allions essuyer un feu des plus mortels dès que nous serions à portée.
Une fois informé de cela, Barry fit mettre en place le dispositif d'abordage à l'avant. Deux jeunes pirates montaient dans le premier mât avec des grappins tandis qu'une douzaine de gars installait un pont avec des crochets sur le bastingage. Lorsqu'il tombera de l'autre côté, le même dispositif se fixera et nous pourront passer au corps à corps. Barry me fit monter mon arc ainsi qu'un grappin. Ma position, en haut du grand mât, était fort stratégique et il serait dommage de ne pas en profiter. Il m'indiqua de viser prioritairement la vigie. Les pavois furent alors pris en main et les pirates en position. Un pavé compact et fermé entièrement devant, en hauteur et sur trois rangs de côté se maintenait fièrement au devant du danger imminent.
La première salve fusa en corps réglé. Quinze flèches tirées au même moment fendirent le ciel en un sifflement ordonné. En cloche, elles parcoururent exactement la distance qui séparait nos deux bateaux. Pas une ne tomba à l'eau. Toutes visaient les espaces entre les pavois et trois percèrent, au premier rang. Tombés, les pirates furent tirés jusqu'à l'arrière et remplacés avant la seconde salve qui ne tardaient pas à être envoyée. De nouveau le sifflement mais cette fois, les boucliers serrés, ils tinrent bon. Nous nous rapprochions toujours de plus en plus près d'eux. Bientôt, je pus viser les elfes qui s'attaquaient à la future charge. Ils savaient les ravages que feraient l'arrivée au corps à corps. Ce ne fut qu'après la quatrième salves que je sentais ma position assez bonne pour en toucher un. La flèche traversa son poignet et lui fit tomber l'arc des mains. Il cria tant de surprise que de douleur et tous ses frères se retournèrent vers moi. Leur projectiles furent arrêté en grande partie par les voiles, les déchirant à de nombreux endroits, sans pour autant que cela soit dommageable pour nous. Une seule arriva vers moi et se planta sur le grand mât, juste au dessus de la vigie. Je m'étais heureusement recroquevillé sur le plancher.
Le pont tomba comme un couperet sur le bastingage adverse. Un claquement sourd mais puissant empli les oreilles de chacun des êtres présents sur les deux navires. C'était à ce moment là que tout commençait vraiment. Les pas puissants chargeant les archers ayant dégainés leurs épées en un chuintement caractéristique vibrèrent sur l'océan en des milliers de vaguelettes concentriques. L'impact des boucliers contre les armures des soldats résonnèrent tandis que le temps s'arrêtait. Les lances sortirent de nos rangs pour empaler les premières lignes, criant vengeance pour nos blessés restés sur le Crépuscule, les plus valides avec un arc en soutien.
La seconde ligne d'elfes était cependant rodée aux charges. Les lanciers obligés de lâcher leur arme ou de porter leur victime sur quelques mètres d'élan se virent tous contournés d'un demi pas vers la gauche. Cinq sur six périrent sur le coup, leur sang jaillissant d'une entaille nette au défaut de l'armure. Les soldats humains arrivaient au pas de course tandis que les derniers elfes résistaient comme ils le pouvaient. Cependant, le pont était fixé et les flibustiers passaient tous de l'autre côté. La bataille pseudo-rangée se transforma en un chaotique mélange d'uniforme et de tenues dépareillées s'entretuant allègrement.
Pour ma part, je m'évertuais à viser la vigie d'en face. Leur grand mât était bien plus bas que le notre, la tâche se simplifiait donc amplement. Le type d'en face devait avoir moins d'une quinzaine d'années. Mousse, sans aucun doute, ils avaient dû le mettre là au vu de ses piètres qualités de combattant. Ses bras étaient maigres, ses mains fines et ses yeux apeurés. Mon arc bandé, il braqua son regard dans le mien alors que le projectile était déjà projeté. Sa bouche évoqua alors un sourire apaisé. Ses yeux versaient une larme mais son visage se contentait de la manière dont sa vie prenait fin. Le bois entra dans sa gorge en un jaillissement pourpre coulant sur les voiles sales du navire marchand. Je projetais le grappin vers son corps encore souffrant. La corde tendue, je me rendais à califourchon vers ma victime pour l'achever.
Je n'éprouve aucune peine à tuer quelqu'un. Ce n'était pas la première fois et je tuerais dans le futur d'autres personnes. Sans doute est-ce là le résultat de ma création : j'ai été ainsi fait. La vie a toujours un terme, quoi qu'en pensent les plus fous des magiciens. La question n'est pas « quand vais-je mourir ? » mais d'avantage « que faire du temps qu'il me reste avant ma mort ? ». Voir ce jeune corps périr et ne pas l'achever aurait par contre été cruel. Je récupérai donc ma flèche, le mis sur le ventre et la plantai dans la moelle épinière. Un poste avancé chez l'ennemi m'était ainsi tout préparé. De là, je pus mieux voir la pagaille d'ensemble que l'assaut, muté en pugilat, devenait.
Sur le Crépuscule, mon capitaine se maintenait bien haut, afin de diriger au mieux ses troupes. Un charisme naturel émanait de chacun de ses ordres, hurlés de sa puissante voix grave à faire vibrer les voiles des deux navires. Un côté de lui que je ne connaissais pas : sa fine stratégie. Il déplaçait avec intelligence chacun de ses gars, dans l'espoir d'en perdre le moins tout en menant à bien sa mission. Ses efforts pour ne pas se laisser déborder par les nouveaux fronts que formait impatiemment et continuellement le flot incessant des innombrables soldats furent récompensés pendant au moins cinq bonnes minutes. Alors que plus personne ne sortait de l'entrepont, mes flèches ne servaient plus à rien, le combat se déroulant à mes pieds. Aucun angle de tir correct et perdre quelques flèches ne m'aurait avancé à rien. Mes amis avaient réussi à s'avancer jusqu'au grand mât mais les militaires de profession qui leur faisaient face étaient dans une position qui leur était chère : une grande ligne bien droite, avec deux rangées – bouclier et épée longue – repoussant toute attaque avec une facilité déconcertante. Là, Barry montra un sacré sens du risque.
D'un signe de tête, il m'indiqua de descendre. Je devais sans aucun doute récupérer la tapisserie et me jeter à la mer. Tant pis pour le reste, tant pis si elle ne valait plus rien. Eux ne l'avait plus et nous avions été jusqu'au bout de nos capacités pour respecter notre contrat. Je me faufilais donc discrètement à l'arrière du combat vers les cales ; j'entendis ainsi l'ordre de mon capitaine de façon étouffée.
« Lancez les bouteilles qui sont à l'armurerie ! »
Je ne m'attendais pas à ça. Derrière un stock de glaives émoussés et d'arbalètes à réparer depuis des siècles trône une caisse large comme la pièce de fioles transparentes remplies d'une pâte verdâtre. Je pressais le pas afin de parvenir le plus vite possible à la tapisserie. Les bottes tonnaient au dessus de ma tête en une inexplicable fuite pour nos adversaires. Je sentais déjà le bonheur des survivants qui criaient leur prétendue victoire. Soudain, un claquement sourd. Puis un autre. Une pluie de petites explosions recouvrait mon plafond et je me pressais pour ne pas mourir. La chaleur montait et les hommes hurlaient déjà lorsqu'un sage – ou un commerçant – annonça, le plus fort possible, avec raison « feu grégeois ! »
Le pont en flammes brûlait vif de nombreuses âmes apeurées qui se jetaient, en armure, à la mer, coulant inexorablement après s'être rendu compte de leur bêtise. J'y avais déjà réfléchi : si une telle alternative se présentât, j'eus choisi l'incinération. Une préférence étrange pour le feu, la noyade m'apparaissait vraiment plus horrible. Une petite explosion derrière moi : une fiole était venue s'écraser sur l'escalier qui menait au pont au moment même où j'entrai dans la pièce où la tapisserie siégeait paisiblement dans un coffre ouvert, enroulée dans un papier fin. Je claquai le vieil infirme – l'oncle de la mariée ? – qui s'écroulait par terre en un râle apeuré et me précipitait sur mon butin. Le vieux, au sol, s'agrippa à moi. Je lui donnai un coup de pied dans la mâchoire qui le fit lâcher prise. Un filet de bave mêlé de sang coulait le long de son visage inconscient.
Un dernier problème se posa alors à moi. Le rouleau de tissu était bien trop lourd pour que je pusse le porter. Après une minute de tentatives infructueuses pendant laquelle je sentis chaque seconde s'accompagner d'une augmentation de température, suant sang et eau malgré mes habits éparpillés par terre, je compris que le seul moyen était de la tirer. Frottant le bois dans un vacarme à peine bon à couvrir les cris des derniers soldats, mes forces s'épuisaient peu à peu à sauver notre pécule. Je le voyais d'ici, je ne parviendrais pas à le hisser jusqu'en haut de l'escalier. Ce constat fait, je me tournai vers ce qui n'était au final qu'un bout de tissus à mes yeux pour le voir prendre flamme à l'autre bout. Du feu grégeois gouttait des interstices entre les planches du pont. Affolé, je le secouais énergiquement, mais rien à faire, le butin prenait feu. Un parchemin rebondit sur le sol, s'échappant de l'emprise de la tapisserie. C'était une reproduction, avec une traduction du texte original à côté. Je m'en saisis et décida qu'il était temps de déguerpir.
La course à travers les flammes s'annonçait plutôt bien. Ce n'était pas mon premier incendie. Les flammes avaient souvent pris dans votre mine d'argent, maître, et nous avions beaucoup moins de chances de nous en sortir qu'en pleine mer. N'étant qu'une question de moral, je pris mon élan et traversa la zone très chaude du couloir et les escaliers qui flambaient. Remonté sur le pont, l'odeur de porc grillé émanant de mes poils roussis me prit à la gorge. Les corps carbonisés jonchaient le sol de leurs mines atroces. Pas de doute, il y allait avoir des représailles si le navire ne coulait pas. J'escaladais sans peine le grand mât à l'aide de mes griffes et fut de retour sans encombre sur Le Crépuscule qui n'attendait que moi pour faire plein voile vers l'est.
« Douze morts » lâcha amèrement Barry, alors que nous buvions un peu de tafia dans sa piaule avec Bart et Tom. Il prit une goulée à s'en arracher l'œsophage et tira les traits de sa gorge avec douleur. Il le vivait comme un échec. Dans mes mains tournait le parchemin, sans que nous ne l'ayons encore lu. Le navire en flamme avait sombré alors que nous allions le perdre de vue. De leur côté, le nombre de morts fut beaucoup plus important... Même pas sûr. Tout dépend de ce que signifie important. Je lisais sur leur visage la double perte : les copains et le pognon. L'honneur et la croûte. Je profitais d'un moment de silence pour lire ce que disait la tapisserie, afin de ne pas me morfondre comme mes trois camarades.
C'était un poème mal traduit - peut-être mal écrit originellement ? - qui ne s'attardait pas forcément sur la description réaliste d'un monde onirique. En fait, ça ressemblait plutôt à une énigme.
Toujours le chaos règne
Et l'opposé y nait.
Quand la mort est mécanisé
Quand la fin se localise
C'est là qu'il nait.
Je vous livre cet extrait car il est celui qui m'a fait comprendre que c'était vous notre commanditaire. J'ai rapidement demandé à Barry si c'était un petit homme d'une cinquantaine d'années qui lui avait donné le plan, très maigre avec un sourire d'assassin. Tous remarquent et mémorisent sa mâchoire hors du commun. Évidement, il a reconnu Fredo. Ainsi, l'information qu'il cherchait servait ma mission. Je compris mieux pourquoi nous nous rencontrions si souvent. Une rapide analyse du poème me permit de découvrir que son sujet réel n'était pas énoncé une seule fois. Moi qui n'ai que ce mot en tête depuis quelques années, ça m'a sauté aux yeux. Le poète n'avait pas utilisé une seule fois le mot jamais alors qu'il ne parle que du temps.
Si la prédiction, ce que vous semblez croire, est vraie, ce que vous m'avez envoyé chercher se trouve à Pohélis. Le sang a coulé, la mort règne là-bas en maître, imposant le chaos de Oaxaca. Il semble normal, maintenant que j'y repense, qu'une Rune Jamais y apparaisse. J'ai discuté avec Barry, il va me trouver un navire pour faire la traversée vers Nosveris. Je me suis d'ailleurs permis de lui signifier qu'il sera tout de même payé, puisque l'information recherchée était arrivée au bon destinataire. Si vous pouviez en informer Fredo, ce serait formidable.
Je me dirige ainsi vers l'accomplissement de ma tâche. Avoir chercher si longtemps et savoir enfin vers où se tourner me met dans tous mes états. Mais il va être difficile de chercher dans une ville contrôlée par la Sorcière Noire. J'ai cependant le profil de l'emploi, ou plutôt la couleur. Je me faufilerais partout pour la trouver, au milieu de ces puants. En attendant, je vais devoir m'embarquer pour un long voyage.
Votre dévoué serviteur.