Eyllwë, visiblement surprise, déclara à Dae’ron qu’elle n’avait jamais vu de créatures comme eux, et que s’ils n’avaient pas parlé, elle les aurait volontiers mangé, pensant qu’ils n’étaient pas intelligents. Du moins, un des deux l’était selon elle. Elle remercia ensuite la grise, expliquant qu’elle n’avait pas tout saisi, puisque son Sindel était rouillé, et que l’eruïon était différent. Elle le savait, mais elle ne pensait pas qu’il l’était autant.
- « Oh ! J’en suis désolée, je ne pensais pas qu’il en était si différent. Veux-tu que je réexplique ? » demanda Avalyn.
Le nain, Gorog, lui demanda ensuite de parler dans une langue que tout le monde maîtrisait. Bien sûr, ce n’avait pas été formulé ainsi, mais cela restait tout de même encore poli. Evidemment, il l’avait dit par pur plaisir de l’enfoncer. Ne souhaitant toujours pas se faire des compères des ennemis, et arguer en retour leur ferait trop plaisir, elle décida de rester polie.
- « Oui, bien sûr. J’y ferai plus attention à l’avenir si cela te gêne. »
L’elfe brune ayant servi du « Maître » au nain, il transpirait la fierté quand il lui répondit que c’était un plaisir. Il n’avait pas l’air d’avoir compris qu’Eyllwë était une elfe, sinon il ne lui aurait pas donné du « Dame » en retour. Quand il le découvrirait, elle donnerait cher pour y être. Très cher.
L’elfe vit Mathis accepter de collaborer avec Oriana. Ainsi ils allaient travailler ensemble. Elle se promit de demander à venir avec eux, dès qu’ils seraient à la Milice.
Pourquoi ne pas le faire maintenant ? C’est qu’il fallait dire qu’elle n’avait point envie de parler. En fait, elle n’aimait jamais vraiment parler. Bien qu’un débat puisse être très intéressant et une discussion très enrichissante, quand prendre la parole ne servait à rien ou qu’elle n’y voyait aucun intérêt, elle se taisait. Elle n’était pas taiseuse, loin de là. Non, elle préférait observer puis parler. Observer, avoir toutes les cartes en main, avoir le temps de cerner l’autre, puis parler. Des fois elle parlait en premier, sans avoir pu se faire une idée sur l’autre. Dans ce cas, elle y allait avec franchise. Et même si elle calculait toujours ses réactions, elle le faisait un peu moins.
Le don de la parole était donné pour l’user à bon escient, pas comme certains qui s’en servaient pour ne déblatérer que des stupidités en se moquant du monde. C’est que le destin aurait mieux fait de les faire naître muets ceux-là.
Le destin était un enfant moqueur et capricieux, tout comme ce monde était bien ironique. Cela, elle l’avait compris. Elle l’appréciait, le destin. Il était joueur. Il échappait à tout le monde, et la seule solution était de s’en remettre à lui. Aveuglément. Elle méprisait tous ceux qui se croyaient capables d’écrire leur destin. Il était déjà écrit, de toute façon, et puis comment de simples mortels pouvaient-ils changer quoi que ce soit ? Non, franchement, quelle idée absurde.
Mathis se tourna vers les nains, afin de leur demander d’aller prendre un bain, s’ils ne comptaient pas utiliser leur odeur comme arme contre les Aldrydes, et de ne pas ménager le savon et l’eau. Un sourire moqueur faillit naître sur les lèvres de la Sindel, qui était d’accord avec lui. Elle se rétracta aussitôt pourtant, ne souhaitant pas attirer l’attention des compères nains. Cela ne la mènerait à rien de montrer qu’elle était d’accord avec le blond, sinon à susciter l’animosité des Thorkins.
D’ailleurs Gorog lui répondit qu’il pourrait se permettre ce genre de commentaires quand il aurait du poil au menton et que là encore ils seraient malvenus. Il l’avait cherché.
Le blond prit la parole, s’adressant à Dae’ron en lui expliquant qu’il pensait qu’ils seraient les plus aptes à enquêter sur les Aldrydes femelles, devant les connaître mieux que quiconque. Il se demandait si leur sensibilité aux éléments de la nature ne les avait pas troublées, et les interrogea sur les sensations qu’ils ressentaient depuis les aurores. Il se tourna ensuite vers les miliciens, soutenant qu’Aeden devrait partir vers Bouhen aussi, ce qu’approuvait Avalyn. Elle n’était pas la seule à penser qu’Aeden devrait partir, et elle voulait que la milicienne parte avec eux. Elle sourit, discrètement. Elle se découvrait une envie de défendre la jeune milicienne. Etait-ce de l’attachement ? Elle ne savait pas. Il n’y avait pas de sensation de chaleur, de la chaleur qu’aurait dû éprouver la grise face à la jeune femme. Mais cela progressait déjà quelque peu, si elle se découvrait cela.
Oriana défendit également Aeden, déclarant qu’il n’y avait pas besoin d’être haut gradé pour le faire, avant de se tourner vers Mathis et de dire que via son père elle possédait quelques contacts, lui demandant ensuite s’il en avait en ville. Pour sa part, Avalyn ne connaissait ici qu’Iloran et Pulinn la blanche, gardienne aux lèvres d’or. Il y avait bien quelqu’un qu’elle aurait pu contacter, mais elle rechignait à le faire. Et puis, il n’était pas à Kendra Kâr.
Mathis lui répondit qu’il s’agissait d’une excellente idée, mais qu’il n’avait pas de contact ici.
Cassius répondit à Broginn qu’ils n’apportaient rien avec eux, devant juste savoir pourquoi les Aldrydes se battaient et s’il était possible que cela cesse. Il lui demanda ensuite de modérer ses propos, aider ne lui donnant pas tous les droits. C’est vrai que sa sœur semblait vouloir étriper les deux nains, les étrangler ou tout simplement leur faire passer le pire quart d’heure de leur vie.
L’elfe l’en sentait tout à fait capable, qui plus est. Cassius devait connaître le caractère explosif de sa sœur. Enfin, ceci étant fait, ils les conduit à travers les rues de Kendra Kâr jusqu’à la milice. Entendant les rires d’enfants, voyant des vieillards et des couples passer, des femmes discuter, en voyant ce tableau de bonheur que les citoyens de la blanche cité dépeignaient, elle avait juste envie de tous les envoyer chez Phaïtos. Ils vivaient, sans soucis, et elle non. Elle se sentirait presque misérable, se demandant si elle ne valait finalement pas mieux qu’un animal. Sans compter qu’un animal, lui, pouvait s’attacher et ressentir de la haine.
Enfin, ce serait vraiment misérable si elle pouvait ressentir tout le malheur que générait sa situation… N’est-ce pas ?
Enfin arrivés devant la milice, ils la pénétrèrent sous le regard amusé des gardes et des soldats. Elle ne fit pas cas des regards, se mouvant avec la grâce qui lui était propre, avançant avec les autres, sans problème. On leur apporta des pièces d’armures légères, avec le tabard de Kendra Kâr. Avalyn ne supportait pas la vue de ce tabard. Elle n’était pas un émissaire de la cité blanche, et c’était peu discret pour enquêter. A moins de se battre, elle ne voyait pas l’utilité d’en porter, et surtout avec ce symbole dessus. Elle faillit le retirer, mais se rappela que ce serait probablement mal vu.
Cassius, avant de partir, demanda à clarifier une bonne fois pour toutes qui partait avec qui. Buté comme un âne, il restait sur l’idée qu’Aeden devrait rester à la milice. La grise sentait bien que Cassius ne faisait aucun effort. En fait, elle pourrait presque penser qu’il faisait exprès de mettre la seule qui pourrait lui voler la vedette sur cette mission à l’écart. Vu comme il était orgueilleux, cela ne l’étonnerait pas. En fait, cela n’aurait pas pu l’étonner, mais qu’importe. Rien que pour cela, elle ne l’appréciait pas.
Il répéta encore que comme la mission était de faible importance, il n’avait pas la possibilité de mettre quelqu’un à la voie de garage qu’il avait choisie pour sa sœur, lui déroulant même le tapis rouge pour cela. Du moins, pas sans preuve pour lui qu’elle soit utile. Enfin, que ce soit nécessaire. Levant les yeux au ciel, la Sindel prit la décision d’intervenir dès qu’elle pourrait.
Gorog et Eyllwë intervinrent tous deux pour signifier clairement ce qu’ils pensaient : que faisait la milice ? Le nain exposa encore son idée : Aeden en hôtesse d’accueil, Gaël avec le groupe des enquêteurs et Cassius, nommé Krassus par ses soins, avec l’autre groupe. Eyllwë, elle, expliqua que c’était une honte chez son peuple.
Mathis intervint alors, en faveur d’Aeden. Il expliqua que même un gamin pourrait diriger les aventuriers qui suivraient et lui déclara que s’il tenait tant à ce que quelqu’un reste à la Milice, ce serait lui, les Aldrydes auraient plus tendance à écouter une milicienne qu’un milicien.
Au même moment, Dae’ron répondait à Mathis qu’il n’avait rien ressenti, n’ayant pas vécu longtemps à la ruche mais que quand il était petit, il avait entendu les mâles chanter une chanson sur le feu du ciel, ce qui avait énervé une femelle et elle avait voulu les faire s’arrêter, mais une autre lui avait dit que ce serait sacrilège.
Le blond demanda aussitôt à Gaël s’il connaissait un ménestrel qui pouvait chanter la chanson, pensant qu’il serait utile de creuser de ce côté-là. Avalyn était d’accord avec lui, ce serait toujours utile. Elle s’approcha de lui et d’Oriana, inclina adorablement sa tête et leur sourit, avant de leur demander de sa voix cristalline :
- « Bonjour ! Je me nomme Aurora, Aurora de Malaran. Puisque nous allons enquêter tous les trois sur la même chose, et que j’ai vu que vous aviez pris la décision de faire équipe. Je me demandais, puis-je en faire partie également ? Si cela ne vous dérange pas, bien sûr. »
Elle attendait leur réponse avec impatience.
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Avalyn, Aéromancienne sindel.
Multi de Yuélia.
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