L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Ven 14 Oct 2011 02:37 
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L’aube naissante dorait les façades des maisons et les ombres étirées se démarquaient de l’obscurité évanescente de la nuit. Les rues étaient encore dépeuplées et les quelques grises mines qui les parcouraient semblaient émerger lentement d’un sommeil trop court. Au milieu de ses masques quotidiens, un jeune homme, presque un enfant, filait dans les rues du quartier aisé pour rejoindre une demoiselle qui, elle, avait au contraire un sommeil bien trop long. Tandis que ses pas résonnaient, Blaze était plongé dans ses pensées, bouillonnant intérieurement.

(Enfin, je vais pouvoir revoir Aurore. Je ne tiendrais pas une minute de plus sans retrouver la candeur de sa peau.)

Le damoiseau n’avait pas eu l’occasion de voir sa belle depuis plusieurs jours à cause d’une terrible maladie qui l’avait prise dans son sommeil. Empêtrée dans d’affreux cauchemars, elle ne pouvait se réveiller et son état végétatif avait mis en émoi ses proches. L’argent du père – un baron – aidant, une multitude de médecins et de prêtres travaillaient à son chevet depuis lors pour la sortir de cette emprise, empêchant toute visite, notamment de Blaze qui se languissait de la jeune femme dont il était éperdument amoureux. Aucune visite au domicile des Bellechasse n’avait été possible à cause du mal de la demoiselle et Blaze avait vu plusieurs fois la porte restée fermée, reportant à plus tard la possibilité de la voir, jusqu’à ce jour qu’on lui avait promis comme celui des premières visites.

(Je suis sûr que ma présence lui fera du bien.)

L’attente avait consumé la patience de Blaze, expliquant l’arrivée à l’aube du jeune homme devant la demeure de son aimée. La ville s’animait et il était enfin une heure décente pour frapper à la porte d’une maison noble. Il empoigna le heurtoir cuivré et donna deux vigoureux coups dans le bois de la porte. De lents pas retentirent à l’intérieur et Blaze trépigna sur place sur le perron, impatient. La lourde porte s’entrouvrit et la tête d’un vieil homme moustachu apparut dans l’embrasure. C’était le majordome des Bellachasse, un serviteur affable et protocolaire qui était un véritable rempart contre toute tentative non souhaitée dans la demeure. Son œil vif montrait que le vieillard était levé depuis longtemps et il jeta un regard peu surpris vers le jeune homme impatient.

« Bonjour Messire Scaringe. Si vous voulez bien entrer. »

Il ouvrit plus grand la porte, invitant Blaze dans le hall dont les moulures travaillées indiquaient rapidement la richesse des lieux. Celui-ci n’hésita pas une seule seconde et pénétra dans l’atmosphère tamisée de l’entrée qui était éclairée par un unique œil de bœuf teinté de bleu céruléen. Le majordome indiqua une banquette en s’éloignant.

« Le maître sera là dans un instant. »

Blaze le remercia, mais ne s’assit au départ du serviteur. Il était trop nerveux pour se mettre à l’aise en attendant et préférait un piétinement sur le tapis oranien qui couvrait le parquet. Il hésita un instant à gravir l’escalier et rejoindre la chambre d’Aurore sans attendre, mais son éducation lui intima d’éviter de passer outre une étiquette presque sacrée pour les nobles kendrans comme les Bellechasse. Il se contenta donc d’attendre que le père fasse son apparition quelques minutes plus tard.

Le maître de maison avait une stature qui reflétait complètement son statut social. Droit, la tête haute, il arrivait avec un pas mesuré et élégant. Malgré l’heure précoce, il était fraichement rasé, avait soigneusement coiffé ses cheveux grisonnants en arrière pour dégager son visage et sa tenue n’aurait pas dénoté dans une réception royale. En toute situation, il se montrait irréprochable et Blaze admirait chez lui cette qualité. Mais en arrivant, le père d’Aurore avait un visage impassible mis à part une lèvre légèrement pincée.

(Cela n’augure rien de bon…)

« Salutations à vous Messire Scaringe. Que nous vaut l’honneur d’une visite à une heure si matinale ? »

« Bien le bonjour, Baron Bellechasse. Je suis venu pour visiter le chevet de votre fille et m’enquérir de son état de santé. »

Le sourire froid du noble se referma un peu plus, même s’il ne paraissait aucunement surpris. Blaze sentait une rafale gelée mordre les espoirs qui le portaient depuis son réveil.

« Malheureusement, c’est impossible pour le moment. Son état de santé ne p… »

« Permet pas qu’on l’a visite pour le moment. C’est ce que l’on me répète depuis des jours. Mais les médecins ont dit que son état ne changeait pas malgré le passage de nombreux guérisseurs et vous m’aviez laissé entendre il y a trois jours que je pourrais venir aujourd’hui car les soins prodigués seraient suffisant pour lui permettre de recevoir des gens. »

Un refus aussi net avait énervé Blaze et sa patience avait éclaté, laissant sa colère dissoudre toute notion de politesse. Il faut dire qu’il avait eu le droit à cette phrase à de trop nombreuses reprises dans la semaine. Bellechasse se vexa par cette interruption déplacée, mais il ne s’énerva pas à son tour. Il grimaça simplement et semblé de plus en plus gêné.

« Oui, je comprends bien votre attente, mais je ne pouvais pas prévoir avec exactitude sa guérison. Une visite devrait être possible dans deux jours si tout va bien. »

« J’ai vu hier soir sortir de chez vous une amie d’Aurore. Elle est restée plus de deux heures. »

Le baron souffla d’exaspération et son visage se raidit dans une expression sévère. Blaze sentait les événements déraper douloureusement en sa défaveur. Loin de chercher une nouvelle excuse fumeuse, Bellechasse fit preuve de son art du langage pour souffleter verbalement le jeune homme en toute innocence.

« La fille Rochechouart est d’une nature calme et Aurore peut supporter sa présence dans son état. »

Blaze tomba des nues et il vacilla sous l’impact des mots. Mais très vite, le sang lui monta au visage et il répliqua en haussant le ton.

« Vous voulez dire que ma présence serait néfaste pour elle ? Au contraire, je suis sûr que ça lui fera du bien de m’avoir près d’elle. »

Le masque tomba et le courroux paternel déferla tandis que Bellechasse sermonnait Blaze.

« Vous ? Vous avez peut-être du sang bleu dans les veines, mais vous n’êtes qu’un impudent, un voyou qui avait une mauvaise influence sur ma fille. Votre réputation n’est plus à faire et je ne veux plus qu’Aurore soit souillée par votre déchéance. »

Blaze se sentit happé par une tornade de sentiments mauvais. L’homme voyait clairement la noirceur du garçon, mais il omettait la lueur qu’avait amenée sa relation avec Aurore. Une lueur mise à mal ces derniers temps et les paroles du baron avait voilé cet éclat. Blaze se mit à crier, perdant toute contenance.

« Je veux la voir ! Elle a besoin de moi ! Vous ne pouvez pas m’en empêcher. »

Bondissant comme un chat, il se dirigea vers l’escalier d’un pas décidé. Bellechasse s’interposa, retenant Blaze par le bras avec une poigne ferme. La majordome arriva aussitôt, poussant avec rapidité le jeune homme. Face aux deux, celui-ci ne pouvait rien faire et il fut prestement ramener à la porte, non sans cogner les murs en criant. C’était une vraie tornade et c’est débraillé et écarlate que Blaze se retrouva sur le perron. Le baron se tenait dans l’embrasure de la porte, droit comme un piquet et l’air sévère. D’une voix sèche et calme, il conclut la discussion.

« Vous n’êtes pas la bienvenue chez nous et lorsque ma fille se réveillera, n’espérez pas la revoir. Je ne vous souhaite pas une bonne journée, messire. »

Sur ce, il claqua la porte, réduisant les chances de visite du chevet d’Aurore à néant. Furibond, Blaze l’injuria à travers le lourd battant de bois, ignorant les regards interloqués et méprisants des passants. Son amour pour Aurore se muait peu à peu en une obsession malsaine de la revoir et son comportement n’allait pas en s’améliorant. Mentalement, il jura sur Thimoros de se venger et d’obtenir raison coûte que coûte. Mais en attendant, il ne pouvait rien faire et c’est l’esprit miné par la rage qu’il s’en alla, cheminant vers chez lui.

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Blaze Scaringe, voleur sans conscience, à Kendra-Kar


Dernière édition par Blaze Scaringe le Ven 4 Nov 2011 02:15, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 17 Oct 2011 16:02 
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En provenance du Grand Marché de Kendra-Kâr

Délaissant l’agitation régnant sur les ruelles composées de tentes, étals et autres boutiques improbables du Grand marché, l’écuyer sans chevalier qu’était Calimène regagna ses pénates. Mettant ses dernières hypothèses à l’épreuve des faits, la jeune mettait à profit l’éducation classique que son père avait tenu à lui inculquer dès ses premières années. Pour son père, le monde se décomposait de manière presque béate en deux grands ensembles ; les « zéro » et les « un ». Si les premiers indiquaient des pertes latentes et autres affaires en berne, les seconds mettaient l’accent sur les profits et les réussites ostentatoires. Il n’était pas difficile, dès lors, d’appliquer une règle de bon aloi : pertes et profits régissaient des pans entiers de l’existence.
Pertes et profits.

Au travers de la ville, les pertes se comptabilisaient désormais par centaines, du fait de la maladie qui infectait désormais les rues. Aucun quartier, du plus humble au plus fortuné, ne semblait pouvoir échapper à la malédiction rampante. La garde s’échinait à dresser des cordons sanitaires autour des lieux les plus durement atteints mais combien fallait de lances ou de hallebardes pour restreindre un rhume, pour emprisonner une fièvre ou mettre une pneumonie aux arrêts.

Si Calimène, comme tout un chacun, n’avait aucun mal à dresser l’inventaire des pertes que devait endurer la cité, la colonne des profits restait elle désespérément inerte. En l’occurrence, identifier les sources de profils revenait à mettre en lumière les mobiles des instigateurs de cette épidémie aux symptômes si particuliers.

La mine renfrognée, elle repoussa de la main la porte métallique donnant accès au jardin de sa propriété. Cette dernière, mouchetée de tâches de rouilles, aurait mérité quelques soins particuliers afin de retrouver l’aspect du souvenir de sa prime jeunesse. Les ornements de la porte laissait présager un lieu d’habitation bourgeois ; la rouille, des revers de fortune.

Calimène passa outre ces détails et referma la porte derrière elle. D’un pas décidé, elle traversa le jardin et prit place, comme de coutume, sur la terrasse qui ornait l’arrière de la demeure. Cette dernière, autrefois cossue et pimpante, commençait à accuser les années. Divers revers de fortune en avait terni l’apparat mais elle se présentait encore forte de nombre d’atouts : un jardin privatif, une terrasse agréable ornée d’un pommier et d’un citronnier, ainsi qu’un puit à l’eau claire. A son intention Diane avait laissé un broc d’eau et deux verres, pour le cas où la maitresse de maison serait revenue accompagnée. Bien qu’un tel évènement ne se fût présenté depuis des lustres, la bonne éducation de sa servante perpétuait sans cesse la délicate attention.

Installée sur une chaise de bois, elle souleva le carafon de cristal et se servit en citronnade.

« Si la source de l’épidémie provenait de l’eau, tout le monde serait atteint, sans réelle distinction. Un empoisonnement de l’eau ne peut se montrer sélectif dans ses cibles… » Dicta-t-elle pour elle-même, à voix haute.

Ménageant une pause dans sa réflexion, elle sirota un peu du liquide citronné et reprit le fil de sa réflexion.

« Par le pain qui est le seul aliment que tout habitant de Kendra-Kâr ingère une fois par jour, l’on pourrait au contraire sélectionner, à grosse maille, qui l’on empoisonne. Chaque maître-boulanger a sa clientèle de prédilection, qu’elle soit de quartier, populaire, bourgeoise ou noble. » Poursuivit-elle.

« Par ailleurs, ce maitre-boulanger Garmin a concédé avoir eu plusieurs départs récents dans ses apprentis et subordonnés : quatre, voilà qui est inhabituel. C’est un homme agréable, qui a avoué immédiatement son incapacité à fournir la prestation demandée avec la qualité escomptée et les temps impartis, ce qui est plutôt un signe d’honnêteté. Ses produits sont réputés et leurs prix loin d’être bon marchés. Autrement dit, la paie doit être correcte. Hmmm, dans quel cas quitte-t-on un employeur honnête, serviable et dont l’affaire semble être en bonne santé. » Glissa-t-elle d’une voix trainante.

Le Père de Calimène avait pour usage de dire que la réponse à une question est toujours évidente pour celui qui en possédait déjà la réponse. En d’autres termes, il allait être nécessaire d’identifier le nom de ces employés, de localiser leur lieu actuel d’habitation et d’investiguer plus avant sur leurs motivations. Autrement dit, arpenter la ville dans tous les sens pour un résultat hautement improbable. Toutefois, toutes les supputations les plus adroites du monde devaient un jour ou l’autre se trouver confrontées à l’épreuve des faits.

Le monde était ainsi fait.


En direction du Grand Marché et de ses rues périphériques.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Ven 4 Nov 2011 20:23 
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Sur les pavés, les roues du carrosse vibraient dangereusement. Sans être lancé au grand galop, le véhicule avançait à un rythme soutenu pour lequel il n’avait pas été conçu. Les quatre montures tirant le navire terrestre peinaient à soutenir l’allure à laquelle les soumettaient leur cocher. Crinière au vent et fouet claquant étaient les deux extrêmes de ce clair-obscur animalier.

« Ils se rendent au manoir de leur père » commenta Victorin en criant afin de couvrir le bruissement du vent et le bruit des sabots de leurs montures. Il adressa un ordre à plusieurs de ses hommes d’un mouvement de main. L’acceptant d’un hochement de tête l’un d’entre eux fit obliquer sa monture sur la droite, emportant dans son sillage deux de leurs compagnons. Le Capitaine tourna la tête vers Calimène et lui fit part de sa décision.

« Nous nous contentons de suivre le Carrosse, les autres vont forcer l’allure et les empêcher d’entrer dans la propriété du Baron de Lume. Nous n’en sommes plus qu’à quelques rues » cria une nouvelle fois Victorin. Calimène tarauda sa monture et força sur ses étriers en prenant de la vitesse. A sa suite, Victorin se plaça à sa droite, tenaillant le carrosse. A ses fréquents retournements, il était difficile de savoir si le cocher s’inquiétait d’une agression de voleurs ou au contraire de la présence de la garde. Toujours est-il que son expression facile trahissait sa peur ; qu’elle soit inspirée par ses poursuivants ou par ses maitres ne changeaient finalement rien à la donne. Peu à peu, le cocher fut bien obligé de ralentir pour négocier les dernières centaines de pas. Par ailleurs, trois membres de la garde, placés devant le portail du Manoir du Baron de Lume, bloquaient l’entrée de l’auguste demeure, pied à terre.

Le carrosse fit un demi-cercle et se plaça latéralement au portail. Victorin et Calimène le dépassèrent et se fichèrent entre le véhicule et le portail. S’il était interdit à la garde de pénétrer la propriété d’un noble sans une excellente raison, Calimène espérait que leurs deux suspects n’oseraient pas forcer un barrage de soldats sous la responsabilité d’un Capitaine. En ce sens, la situation était en apparence stabilisée. D’un côté, les deux nobles ne savaient pas encore ce qu’on leur reprochait mais devaient s’en douter. De l’autre, peu de preuves réelles pouvaient être invoquées. Par ailleurs, le roi n’admettait pas que l’on moleste inutilement des membres de la noblesse. Même pour de bonnes raisons, il fallait se montrer respectueux du statut de son interlocuteur, à défaut d’estimer sa personne.

La porte de la calèche mit de nombreuses minutes à s’ouvrir et durant ce long moment personne ne cilla. Les deux nobles restèrent silencieux et la garde fermement campée sur sa position. Puis, cédant au jeu de la patience, le plus imposant des deux fils du Baron rompit l’attente. Imposant, il prit pied sur la première marche et se trouva rapidement sur les pavés. Toisant les hommes de la garde, il lissait négligemment son veston et paraissait n’accorder aucune réelle importance aux hommes en armes lui faisant face. Il restait néanmoins sur place et n’osait pas pousser son avantage jusqu’au portail.

« Et bien ? » tonna Ergoran de Lume, l’ainé des deux frères.

Victorin se présenta formellement. Bien que les deux hommes se soient déjà croisés, il convenait de respecter les formes et les usages entendus entre deux membres de la noblesse. Calimène pesta intérieurement. Si ces deux hommes étaient bien ce qu’elles suspectaient qu’ils soient, des traitres, un seul traitement convenait : les jeter à terre et les molester jusqu’à recueillir leurs aveux. A son étonnement, ce fut le suspect qui reprit le premier, d’un air assuré.

« Enchanté de vous revoir, Victorin. Maintenant, ramassez vos ouailles et dégagez le chemin, que je puisse accéder à ma demeure » ordonna-t-il.

Calimène manqua de bondir sur place et de réduire la distance qui les séparait pour l’empoigner par le col, bien qu’il soit plus grand qu’elle.

« C’est malheureusement une requête qui apparait comme inappropriée, Ergoran. Les charges vous étant reprochées sont particulièrement graves et dans votre intérêt, nous souhaiterons éclaircir quelques points particuliers en votre compagnie » pérora Victorin.

« Nous n’en avons pas le temps, ni l’envie » tonna le second fils du Baron en descendant du carrosse.

Calimène sourit légèrement. Qu’il n’en ait pas l’envie était une chose concevable mais le temps déjà lui manquait. Si l’effet du poison par ingestion était plus lent que par le sang ou par les voies respiratoires, l’effet d’un antidote absorbé par la même méthode était de même ralenti.

« Par ailleurs, vous n’êtes pas autorisés à porter la main sur nous. La garde s’intéresse au péquin sans vouloir vous offenser, pour nous autres, il faudra vous couvrir d’une autre autorité, Victorin… » Le tança Ergoran, d’un air peu affable.

« Silence » le coupa Calimène.

La plupart des participants se tournèrent vers l’écuyer.

« Mon nom est Calimène, Chevalier-Sirène au service de l’Intendance de la Maison Royale et parfaitement en droit de circonvenir à vos projets » dit-elle d’une voix tranchante. Droite et parfaitement redressée, elle trahissait une telle assurance que personne n’osa objecter immédiatement, ce qui lui permit d’enchainer rapidement.

« Capitaine, votre ordre de mission est formel : ces hommes ne doivent pas nous échapper. S’ils font mine de ne serait-ce qu’imaginer nous échapper, vous et vos hommes avez mon autorisation pour les contraindre à l’immobilité … » poursuivit-elle d’une voix habituée à être obéie et respectée.

« Je proteste form… » Entama le cadet du Baron.

« … et à les contraindre au silence » le coupa-t-elle sans façon.

Victorin entra dans son jeu et dodelina de la tête en signe d’assentiment.

« Nous avons le droit de connaitre les chefs d’accusations » protesta Ergoran.

« Complot contre la Couronne, tentative de renversement et d’assassinat de Monsieur le Roi » rétorqua derechef Calimène. Puis, après une légère pause, elle reprit rapidement. « Vos complices vous ont vendu, messieurs » dit-elle d’une voix raide. Elle constata que le cadet des deux frères sursauta vivement. L’argument venait de porter, signe que d’autres conspirateurs s’agitaient encore dans l’ombre. Aucun des deux ne céda pourtant au point de passer aux aveux.

Plissant des yeux, elle se tourna et posa la main sur la poignée du portail. Elle l’ouvrit et sans un mot remonta l’allée principale du jardin en direction du Manoir. A chacun de ses pas, le gravier crissait péniblement, mettant les nerfs de chacun à rude épreuve. Sous le porche, le Baron était sorti, manifestement averti de la situation par ses gens. Hors de portée d’écoute, tous observèrent sa réaction. Il s’agita un instant et tourna son regard plusieurs fois en direction de ses fils puis, à la surprise générale, invita Calimène à entrer.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 5 Nov 2011 19:28 
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Prudente, Calimène passa la porte du Manoir à pas mesurés, attentive aux moindres mouvements autour d’elle. Le baron, serviable, lui tint la porte et la referma derrière elle une fois qu’elle fut entrée. La cinquantaine ombrageuse, il se tenait droit derrière elle, les mains fermement ancrées dans son dos. Son attitude, martiale et grave, ne manquait pas de noblesse. Les serviteurs, rassemblés en périphérie, semblaient particulièrement inquiets mais aucun ne paraissait sur le point de céder à la panique. Le calme apparent du maitre des lieux permettait à ses subsides de ne point sombrer dans l’inquiétude, malgré la gravité supposée des évènements.

« Laissez-nous » ordonna le baron en congédiant ses serviteurs. En bon ordre, ces derniers se replièrent en d’autres lieux de la demeure. Le clac sonore de portes se refermant sur leur départ marqua leur retrait définitif. Dès lors, Calimène et le baron profitèrent d’une relative intimité. Ce dernier l’invita de la main et la dirigea vers un petit salon usuellement destiné à la réception des visiteurs.

« Expliquez-vous, immédiatement. Vous avez en votre possession deux de mes enfants, en cette heure tardive… » Entama-t-il en s’installant dans un fauteuil et invitant Calimène à faire de même. « C’est donc que l’affaire qui vous emmène est d’une gravité telle que le petit matin n’a pas pu être attendu pour en avancer la résolution » poursuivit-il. En l’absence de ses serviteurs, la fatigue, l’âge et l’inquiétude semblaient l’avoir immédiatement rattrapés. « Et pour commencer, qui êtes-vous donc ? » précisa-t-il.

Calimène préféra ne pas s’installer dans l’un des fauteuils. Assise confortablement elle se serait sentie mal à l’aise et incapable de tirer son arme hors de son fourreau.

« Mon nom est Calimène, monsieur le baron, et de votre point de vue, je ne suis personne. Toutefois, et pour quelques heures, mon nom est auréolé de l’autorité de l’intendance royale et ce qui parait être une menace pourrait aussi permettre à vos fils d’être innocentés » entama Calimène. Bien qu’elle n’en pense pas un mot, elle se devait de jouer sur la fibre paternelle du baron pour permettre à ses arguments de porter. « Vos deux fils sont les principaux suspects d’un complot fomenté contre la couronne et la cité ; mon intervention pourrait être leur dernière possibilité de se voir innocentés » annonça Calimène.

Le baron resta silencieux un long moment, étudiant visiblement la proposition.

« Poursuivez » reprit-il d’une voix creuse. Le ton était bas mais son regard avait conservé toute son acuité. Malgré la situation, il sentait qu’un négoce était encore possible et réunissait ses forces en vue des prochaines décisions qu’il devrait immanquablement prendre. Calimène reprit la parole avec une lenteur consommée, laissant son interlocuteur s’imprégner de chaque point du récit et apportant des précisions à chaque fois que le baron le souhaitait.

« Toute votre argumentation ne repose que sur la crédibilité de votre histoire » répondit-il en se massant le menton. « Certes, excaver la ferme incendiée permettra certainement de vérifier la véracité de vos dires mais pour ce qui est de la culpabilité de mes fils, vous êtes dans l’accusation la plus informelle » dit-il avant de préciser ses pensées. « Votre méthode est remarquable de subtilité et de duperie, pour autant, aucun tribunal ne portera un jugement sur des conclusions aussi douteuses » argumenta-t-il.

Elle hocha de la tête, partageant visiblement les conclusions de son interlocuteur.

« C’est pourquoi, Monsieur le baron, je sollicite votre aide afin de confondre les comploteurs » affirma-t-elle sans se dédire. Le quinquagénaire resta interdit de longues secondes.

« Vous me demandez de trahir ma progéniture ? » la questionna-t-il en la fixant avec gravité.

« De faire votre devoir envers le Roi et la Cité, monsieur le baron, votre devoir … » tenta-t-elle.

L’argument resta en suspens quelques instants. Tristan de Lume s’engonça dans son fauteuil et y resta immobile un long moment. La scène comme suspendue, Calimène en profita pour observer plus avant les lieux. Plusieurs fauteuils aux tissus épais et aux dorures marquées trônaient dans la pièce, réunis autour d’une table basse. Le long du mur un buffet trahissait pour le visiteur l’espérance de quelques vins rares et digestifs gouteux. Enfin, une cheminée aux moulures particulièrement travaillées apportait lumière et chaleur au lieu. Un panier de fruits ainsi qu’une carafe d’eau restaient disponibles à l’entrée de la pièce pour qui en ressentait la nécessité. En dehors de ces circonstances peu propices à la détente, l’endroit semblait être parfaitement agencé pour prendre quelques repos dans l’attente de l’arrivée du seigneur des lieux. Le visiteur pouvait ici se reposer, se rafraichir ou se réchauffer et bénéficier d’une légère collation. Le baron toussa légèrement pour s’éclaircir la voix et annonça ses intentions en se levant.

« Vous aurez mon entière collaboration, Calimène. Ma demeure vous est ouverte et vous la visiterez le temps qu’il vous plaira. » Affirma-t-il, plutôt sereinement. « Bien que vos accusations puissent encore être retournées, le scandale et la rumeur entacheront le nom de ma lignée si l’affaire venait à s’ébruiter. Aussi, ne puis-je que vous permettre d’aller et venir à votre guise ; si vous ne trouvez rien, par contre, cette partie de l’affaire restera notre secret et vous devrez alors vous contenter d’avoir démantelé l’atelier des empoisonneurs, ce qui est, je le crois, déjà un acte remarquable dont la cité vous sera reconnaissante. » S’expliqua-t-il.

L’écuyer s’inclina légèrement face à cette décision qui ne manquait pas de panache.

« Et vous apportera votre lot d’ennemis, bien entendu. La légion des jaloux qui n’obtenaient aucun résultat dans cette enquête et qui envieront votre succès, les prêtres et alchimistes qui se voyaient financés par le roi pour trouver un remède et qui se trouveront soudainement à court de moyens financiers, sans compter, bien entendu, votre nom, connu des instigateurs de cet empoisonnement à grande échelle. » Poursuivit-il d’un ton froid et régulier.

« Plus grand sera votre succès, plus rapide sera votre chute. Si mes fils devaient chuter de par leur implication dans cette conjuration, ils seraient rapidement vengés par leurs sombres alliés. » Dit-il en complément. De la main, il l’invita à sortir de la pièce et à le suivre vers d’autres pièces de la maisonnée.

Contrariée, Calimène le précéda dans l’entrée, la main sur la garde de son arme. Glissant son doigt sur la sirène argentée qui ornait le montant de son fourreau, elle se préparait à contrevenir à toute réaction excessive de la part du baron. Pour autant, ce dernier ne fit que se présenter face à elle, mains libres de toute agressivité.

« Peut-être devriez-vous entamer vos recherches par la cave. Je ne suis point alchimiste ou herboriste mais puisque vous supposez que mes fils cherchaient un antidote, il se trouve potentiellement en sous-sol. Tout bon collectionneur de vin sait qu’un breuvage, quel qu’il soit, voit ses propriétés altérées s’il ne bénéficie pas d’une lumière et d’une température constantes. » Proposa-t-il.

« Les poisons utilisés étaient effectivement élaborés en sous-sol. De même, et je le regrette maintenant, plusieurs fioles étaient rangées en diverses étagères. Il ne m’est pas venu à l’esprit que l'une d’entre elles pourrait contenir un remède. » Avoua-t-elle sans détours, quoique avec regrets. « Par contre, il me sera aisé de reconnaitre les contenants, si je les croise... » referma-t-elle temporairement.

Le baron fouilla dans l’une de ses poches et en tira un jeu de clés.

« L’accès à la cave n’est possible qu’en utilisant un jeu de clés, pour éviter que quelques voleurs ne viennent y jeter un œil. Seuls mes fils, moi-même et mon intendant en possèdent un exemplaire » dit-il en ouvrant une porte donnant sur un escalier s’enfonçant sous la maison. Sans explication supplémentaire, il entama la descente, suivi de Calimène, la main fermement ancrée sur la garde de son arme.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 7 Nov 2011 14:50 
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L’attente fut longue. Par plusieurs fois, les deux fils du baron tentèrent de forcer le passage en usant de l’autorité de leur statut de naissance. Mais plusieurs, en réponse, les agents de la garde répondirent à leurs menaces par l’autorité de leurs lames effilées. Plusieurs fois, la situation manque de dégénérer en affrontement et seule l’attitude tempérée mais ferme du Capitaine Victorin repoussa l’inéluctable moment où la coercition ne serait plus suffisante. Ce fragile équilibre se rompit au moment où le baron émergea de sa demeure. Victorin retint un instant son souffle jusqu’à voir Calimène émerger du manoir à sa suite. Porteuse d’une mallette de bois, renforcée de contreforts et de clous métalliques ; Calimène ne semblait pas peiner à déplacer l’ustensile, signe d’un artefact aux propriétés remarquables, alliant légèreté et durabilité. Les mains du propriétaire des lieux étaient occupées par une lame longue, gainée dans un fourreau de cuir aux ornements patinés par le temps.

Les pas du baron martelaient le gravier du talon de ses bottes et sa résolution transparaissait sur ses traits. Sa fureur et son indignation apparaissaient clairement maintenant qu’il s’était rapproché. La garde recula de plusieurs pas, ne sachant pas encore vers lequel d’entre eux se tournerait la vindicte du baron. Devant son attitude même ses fils reculèrent vivement et ce n’est que lorsqu’il leva son poing dans leur direction que Victorin relâcha son souffle.

« Des empoisonneurs, hein ? Sous mon propre toit et de mon propre sang ! » S’emporta Tristan de Lume, au comble de la colère. Ses fils tentèrent en vain de s’exprimer mais leur géniteur ne les écoutait plus. D’une voix autoritaire qui n’appelait à aucune contestation il ordonna que l’on ouvre grand le portail marquant l’entrée de son domaine. D’un signe de tête, Victorin obtempéra silencieusement. Deux des hommes de la garde repoussèrent les ventaux et dégagèrent l’accès au domaine.

« Entrez ! Tous ! » Commanda le baron, ce à quoi personne n’osa rétorquer. Tous s’exécutèrent et mirent les pieds dans le domaine de Lume avec précaution, comme si le gravier pouvait bruler ou si derrière chaque massif de fleurs pouvait se tenir un homme de main embusqué. Lorsqu’ils furent tous entrés, il tonna pour ordonner la fermeture du portail et le silence se fait durant de longs instants.

« Calimène, ouvrez cette mallette pour nous » demanda-t-il d’un ton à peine plus courtois.

L’écuyer déposa le coffret au sol et en souleva le couvercle. A l’intérieur, plusieurs fioles contenant toute le même liquide ambré étaient apparentes.

« Il s’agit là des mêmes fioles que celles que j’ai pu voir dans la cave de la ferme brulée, Capitaine. Mon témoignage en sera complété devant la justice. De plus, nous avons trouvé dans ce coffret deux lettres émises par un donneur d’ordre, visiblement originaire d’Oranan. » Commenta Calimène en se relevant, lettres en main.

« Impossible » jura Ergoran.

« Faisons venir un juge qu’il délie ces preuves » lui glissa son frère.

« Certainement pas » trancha le baron. « A défaut d’être encore mes fils, vous êtes encore des nobles, jusqu’à ce que le roi en juge autrement ou que vous ne rendiez gorge » dit-il en tirant son arme hors de son fourreau. « Ce qui ne devrait désormais plus réellement tarder. Capitaine, reculez, il s’agit d’un duel sur un territoire privé et la garde n’aura aucun mot à y redire jusqu’à demain matin » précisa-t-il.

Les deux fils furent atterrés par cette dernière réplique. Machinalement, ils tentèrent de se défendre mais toutes paroles se révélèrent vaines, la décision de leur père étant prise. Ce dernier pointa son arme sur son ainé et le défia en combat singulier. Victorin tiqua visiblement. Bien souvent, un duel entendait que le conflit était vidé de sa substance par la mort de l’un des participants et durant de longs instants, il eut la crainte de voir le baron se sacrifier au profit de son fils. L’un de ses hommes remit sa lame à Ergoran et n’eut que le temps de se reculer que le baron, déjà sur son adversaire, pressait son avantage. Les lames choquèrent l’une contre l’autre, produisant le tintement caractéristique du métal rencontrant le métal. Ergoran se replia immédiatement en défense, peinant à croire que son père irait jusqu’à commettre l’irréparable et ne dut se rendre compte de son erreur que lorsque la lame de son géniteur lui traversa le corps de part en part. Il signifia son étonnement par une longue toux, gorgée de sang et s’effondra sur le côté, sans mot dire.
Sans perdre un instant, le baron jeta son arme aux pieds de son second fils.

« Tu sais quoi en faire maintenant » annonça-t-il d’une voix claquante.

Ecker de Lume, second fils du baron de Lume, empoigna l’arme. Plusieurs des gardes tirèrent la leur et se préparèrent à intervenir au signal de leur Capitaine. Mais ce dernier, ayant visiblement percé les intentions de son homologue, resta muet, quoique la mine soudainement soucieuse. Il pointa son arme vers Calimène et la prit pour cible, sans toutefois amorcer le moindre mouvement.

« Calimène, puisque vous êtes notre principale accusatrice, me voilà au plaisir de vous défier » confia-t-il comme à regrets.

Victorin intervint immédiatement.

« Refusez Calimène, vous n’êtes pas née de noblesse et n’avez pas à vous contraindre à de telles coutumes » précisa-t-il.

L’écuyer sans chevalier se redressa lentement, mallette refermée en main. Actionnant précautionneusement le couvercle sur les fioles, elle remit le colis au Capitaine de la garde.

« Prenez-en soin, il s’agit probablement du remède à la maladie » dit-elle en remettant la mallette à Victorin. Elle constata que son futur adversaire observait le coffret de bois d’un air particulièrement avide, ce qu’elle jugea encourageant et allant dans le sens d’un possible traitement pour la maladie. Revenant sur ses pas, elle tira sa lame hors de son fourreau d’un geste lent et maitrisé. Testant ses appuis sur le gravier, elle adopta une garde basse, suffisamment pour laisser une légère ouverture dans sa défense.

Instantanément, son adversaire s’y engouffra de pointe mais Calimène, ayant elle-même sollicité ce mouvement, le para aisément. Les deux opposants se séparèrent de quelques pas et de cette incartade dans sa défense, Calimène jugea son adversaire comme étant formé et bien préparé à ce type d’affrontement ; ce qui devait être assez répandu chez les enfants de familles nobles. Par ailleurs, bien que le second fils ait été plus nerveux que son ainé, il fallait posséder un caractère bien trempé pour se lancer dans une conspiration visant à empoisonner la cité dans laquelle on habitait, ainsi que ses voisins, ses concitoyens, ses confesseurs et ses proches. A n’en pas douter, il ne se laisserait pas cerner par les doutes au moment de frapper.

Adoptant une trajectoire circulaire, Calimène engagea un mouvement latéral. Son arme dressée devant elle fermant toute ligne d’attaque, elle laissa son adversaire revenir sur elle. Bien qu’il ait tenu un long moment, son envie d’en découdre et de reprendre la main sur le seul évènement où il avait désormais une part active le fit attaquer le premier. De nouveau, les lames se rencontrèrent et chantèrent l’une contre l’autre. Reculant pas à pas, en bon ordre, l’écuyer sans chevalier se replia en une défense méthodique et imperméable. Placée latéralement envers son opposant, elle réduisait à presque rien l’ampleur de ses mouvements d’armes en défense, là où le jeune noble redoublait d’efforts. Lorsque la lame ennemie tentait de la trouver le pointe, elle s’esquivait d’un pas. Et lorsqu’elle tentait de la sectionner d’estoc, l’épée de l’écuyer se contentait de la dévier et de l’accompagner loin d’elle. Réduisant sa zone de défense à peau de chagrin, elle s’économisait là où son adversaire consumait ses forces peu à peu. Peu à peu, constatant le manque d’efficacité de sa méthode, le jeune noble mesura son investissement offensif et réduisit la voilure. Mais il était trop tard. Le souffle court, il laissait la pointe de son arme un brin trop basse, l’épée désormais légèrement trop lourde pour ce qui lui restait de force. Sentant le vent du combat changer de direction, il tenta de se replier à son tour en défense mais trop tard car Calimène, soudainement vindicative, poussa son avantage en le poursuivant. De pointe, elle lança plusieurs assauts destinés à tester la garde de son opposant puis, de quelques mouvements rapides, chercha une faille sur les flancs. Le noble, peinant à retrouver son souffle, marquait un temps d’arrêt à chaque fois que son arme retenait celle qui cherchait ses chairs. L’un et l’autre le savaient désormais, le dénouement du combat n’allait plus tarder. Cherchant dans la force ce que la rapidité ne pouvait plus lui donner comme échappatoire, le fils du baron réunit ses deux mains sur la garde de son arme et la hissa à deux mains en direction de Calimène. La garde ouverte, elle ficha la pointe de sa lame droit dans le plexus de son ennemi, sans hésitation aucune, son entrainement l’ayant préparée à ne pas douter au moment culminant de la mise à mort. Vindicatif, le noble tenta d’abattre sa lame sur elle et de plusieurs bons en arrière, elle dut se mettre hors de portée. Son attaque ratée, le corps déséquilibré, son adversaire chuta en avant, l’épée du chevalier toujours fichée en son sein. Il gémit quelques instants et lorsque ses plaintes finirent par se dissiper, son âme fut enfin libérée.

Le visage neutre, Calimène retira son arme du corps du défunt, regrettant qu’il n’ait pu être jugé pour ses crimes ou forcé à avouer ce qu’il savait d’éventuels autres empoisonneurs. Elle remisa son arme au fourreau et posa son regard sur le baron. Ce dernier, extrêmement pale, commenta d’une voix d’outre-tombe.

« Pour mes fils, justice fut rendue. Ils n’auront à affronter ni procès, ni torture. Le nom de ma maison sera épargné par mon propre crime de sang, peut-être même encensé. » Dit-il avant de tousser, probablement d’écœurement. « Maintenant, partez, mes gens vont venir les prendre et moi, porter le deuil, pour une durée indéterminée » conclut-il.

Calimène souffla et récupéra la mallette où se trouvait le potentiel remède à la maladie, ainsi que deux lettres dont elle avait mémorisé le contenu. Tout d’abord hésitante, elle finit par se retourner et remonter l’allée de gravier conduisant à la sortie de la propriété, entrainant à sa suite le Capitaine Victorin et ses hommes.

Elle pressa la mallette contre sa poitrine, fermement. Dans cette nuit noire, et malgré la présence de ses protecteurs de la garde, elle se sentit soudainement faible et esseulée. Les menaces du baron finirent enfin par porter et Calimène, soudainement épuisée, n’eût que la force de murmurer un « Victorin, raccompagnez-moi, je vous prie » auquel il n’eut le cœur de se défiler.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 8 Nov 2011 11:56 
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Épilogue


Cent fois, il avait enduré la mort et s’il avait pu penser d’une manière construite, cohérente et non animale, il l’aurait peut être appelé de ses vœux. L’incendie de la ferme, intentionnellement attisé par ses maitres, avait déchainé autour de lui un univers de peur viscérale composé de flammes, de chaleurs et de crépitements plus agressifs que la plus effrayante des plaintes animales.

La température devint rapidement infernale dans la cave où l’imposant rat noir avait sa tanière, abandonné ici par ses dresseurs et enfermé dans une cage au maillage métallique. Rapidement, le feu l’avait cerné et les poussières, innombrables dans l’air saturé et non renouvelé du sous-sol, envahissaient ses voies respiratoires. Quelques minutes de ce traitement suffirent à lui faire perdre une bonne partie de l’eau que son corps renfermait et son pelage, jadis gonflé et le rendant plus massif qu’il n’était, ne semblait plus être qu’une serpillère abandonnée en plein soleil estival.

Étrangement, son salut était venu de l’effondrement de la toiture laquelle, par un coup du sort, avait soufflé une bonne partie des flammes. Certes, la cave s’en était retrouvée enterrée et largement envahie par les gravats mais tout ceci n’était que détail pour la créature fouisseuse qu’il était. A la force pure, il se dégagea de sa cage brisée par l’affaissement du plafond. Ses griffes dégagèrent tant et tant de pierres, sables et briques qu’elles s’affutèrent pour la plupart, les autres s’étant arrachées sous l’effort. Ses dents rongèrent la moitié d’une poutre qui gisait en travers de son chemin et son estomac du faire régime de bois durant plusieurs jours. Enfin, des braises encore ardentes s’enfoncèrent sous sa peau, lorsqu’elles n’enflammèrent pas son pelage.
Fouissant frénétiquement, il accéda enfin à l’air libre, se gorgeant d’air et de l’odeur encore persistante de sa dernière visiteuse. Instantanément, il en conçut une haine sans limite pour cette femme qu’il assimila à toute les douleurs qu’il avait du endurer à la suite de son apparition.

Sans plus attendre, il se mit en route. Revanchard, il traversa les bois d’une marche forcenée et de nuit remonta les champs cerclant la cité de Kendra-Kar. Au petit matin du jour suivant, il pénétra les égouts de la cité, effrayant la vermine à son approche. Certains de ses congénères tentèrent de lui contester le passage et durent payer cet affront de leur sang. Nuit après nuit, il se rapprocha de sa cible et finit par s’embusquer au fond de son jardin dans un trou qu’il creusa sous le mur, à l’abri d’un massif d’où il pouvait espionner les allées et les venus à loisir. Sa colère viscérale ne l’empêchait pas de respecter l’instinct de survie qui était le sien : survivre le temps d’être en mesure de tuer.

C’est ainsi embusqué qu’il observa Calimène se rendre en ville pour témoigner de ses allégations et mettre un point final à ses dépositions et autres explications. Contrarié, il nota par ailleurs la présence de plus en plus régulière d’un homme, souvent armé, qui l’incita à redoubler de prudence.

Puisse Calimène mener ses affaires, c’est de son propre jardin qu’elle récolterait la pire vengeance qu’un homme ou une bête puisse imaginer.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 20 Nov 2011 15:53 
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<Les rues>

Une fois à l'intérieur, porte close, je m'octroyais une minute de répit pour reprendre mon souffle. La jeune femme m'emmena ensuite dans le petit salon. Contrairement à l'extérieur décrépit et aliéné, l'intérieur était confortable, bien qu'un peu sombre.
Trois vieux canapés en tissus bleu roi étaient tournés vers la cheminée éteinte, un large tapis aux couleurs passées demeurait au sol, une cruche de vin et des verres de belle ouvrage étaient posés sur une table basse tandis que quelques bougies complétaient la scène. Les longs rideaux de velours cachaient les fenêtres condamnées.
Je découvrais la pièce, osant à peine marcher de peur de faire du bruit et déranger le calme ambiant. J'étais surtout intriguée par les peintures suspendues au mur, et par les moulures nobles au plafond. Je m'exécutais lorsque la jeune femme m'invita à m'asseoir: je posais à peine le bout des fesses sur le canapé, droite comme un I, les épaules tendues et les mains cachées entre les jambes. La Kendrane se posa tranquillement sur un autre fauteuil, nonchalamment installée et les jambes croisées.

- Bien, par où commencer ? Moi, c'est Mahaut, voleuse de mon état. ( Elle mima une courbette. ) On est un petit groupe à vivre ici. On a des passés et des buts différents, mais notre quête principale est la même : la justice. Les autres rentreront un peu avant le coucher du soleil, tu les verra après. Les deux qui ont essayé de t'attraper, ils font partie d'un autre groupe, les Buveurs. C'est bien simple, ils attrapent des gens qui ont un peu de potentiel magique et boivent leur magie. Et toi et bien, tu y as échappé de justesse.
Bon, je vois que tu es encore un peu sonnée. J'ai encore des choses à faire, va à la première porte à droite en montant les escaliers, et détends toi un peu, on parlera de choses plus sérieuses ensuite. A toute à l'heure !


Elle s'était levée, avait posé une main sur le sommet de mon crâne avant d'ajouter :

- Ne t'inquiète pas, tu es en sécurité désormais.

Et s'était volatilisée, me laissant là, seule. D'un coté, ce n'était pas plus mal, j'avais besoin de m'isoler un peu après ce qu'il s'était passé. Je repensais à ce qu'elle m'avait dit, mot à mot. Elle avait débité ces paroles avec une simplicité déconcertante si bien que j'en avais du mal à savoir si tout cela était réel ou non. A vrai dire, c'était un peu le cas de tout ce que je vivais depuis mon réveil. Pensant à cela, je posais doucement la main sur ma bosse.
Ce n'est pas possible, me dis-je, tout va bien trop vite pour que ce soit vrai...

J'étais encore un peu assommée, je décidais donc de ne pas réfléchir davantage et montait les escaliers comme m'avait proposé Mahaut. Je pénétrais immédiatement dans la première pièce, trop fatiguée pour céder à la curiosité d'explorer toute la battisse. La pièce était simple, deux bougies posées sur une commode étaient déjà bien entamées, et procuraient un peu de lumière dans cette sombre pièce à la fenêtre condamnée également. Une autre source lumineuse provenait de la cheminée allumée, contrairement à celle du petit salon. Certes, le feu était petit, mais il suffisait à me réchauffer tout entière, jusqu'aux os.

Au fond de la pièce, à coté du lit au matelas en paille, étaient posées une cruche et une bassine vide. L'eau de la cruche était froide, je la plaçais donc un moment au dessus du feu, le temps d'ôter mes tresses et mes vêtements. Je déversais alors le liquide tiède dans la bassine et y plongeais le visage avec délectation. Cela faisait un temps que je n'avais pas eu droit au confort, et j'en avais oublié à quel point se sentir fraiche était revigorant.

Une fois ma toilette effectuée, les cheveux encore humides, j'enfilai la chemise en lin légère et le pantalon de toile qui avaient étés soigneusement pliés au bord du lit. J'entrepris alors la toilette de mes vêtements. Je trempais directement dans l'eau chemise, pantalon et cape. Inutile de nettoyer le cuir: la saleté ne le rend que plus rigide. Enfin, je les essorai et les étendis au sol, espérant qu'il ne seraient pas trop longs à sécher.

Je me coiffai finalement de deux tresses que je rejoignis sur le sommet de mon crâne, prenant garde à ne pas appuyer sur ma bosse. Je m'allongeais alors sur le lit, et fermais les yeux juste le temps de... le temps me reposer...



Lorsque je me réveillais, de faibles rayons de soleil pénétraient la pièce à travers les volets cassés. La cheminée était éteinte, mes vêtements étaient secs et des voix me parvenaient du rez-du-chaussée. J'enfilais en vitesse mes vêtements, bottes, brassards et armes, et m'approchais farouchement de l'escalier. Je descendis une marche, puis une seconde, le plus discrètement possible.
En m'accroupissant, je pouvais désormais discerner une partie du petit salon, vu d'en haut. Mahaut était installée sur un des canapé, aux cotés d'un étrange vieillard muni d'une grosse racine en tant que canne, et vêtu de gris et vert. Un joli oiseau siégeait sagement sur son épaule. Un amoureux de la nature sûrement, nul doute que ce genre d'étrange personnage cachait des nids d'araignées dans sa barbe, ou des souris sous sa robe... En me déplaçant un peu je pus apercevoir une toute petite femme, dont la taille n'avait rien à voir avec ma petitesse : elle était minuscule, une petite fée, une aldryde, ou quelque chose comme ça. Ne pouvant me déplacer davantage pour mieux voir sans risquer d'être vue à mon tour, je tendis l'oreille pour percevoir la discussion qui se déroulait un peu plus bas.

C'est alors que j'entendis sa voix. Une voix que je reconnus immédiatement et qui fit naitre en moi un sentiment d'intense bonheur. Je descendis les marches quatre à quatre et déboulai dans le petit salon, je sautai alors dans les bras d'Alex, mon kendran préféré!

La surprise et la chaleur des retrouvailles passées, il expliqua aux autres présents que nous nous connaissions, et ajouta à mon attention:

- Mahaut m'avait dit qu'elle avait sauvé une petite fille.Jamais je n'aurais osé imaginer une seconde qu'il puisse s'agir de toi, ne le connaissant pas, elle n'avait pas mentionné ton nom ! Je te croyais partie si loin!
- Je suis si contente de te revoir! Ajoutais-je simplement, émue.
- Ravie de voir que tu as perdu ta timidité, petite, et contente que tu aies pu te reposer.
- Merci à vous, cela m'a fait un bien infini! Rougis-je, génée d'avoir oublié de remercier mon hôte.
- Artum, voici notre convive, une kender qui se nomme...
- Loys. Complétais-je

Le vieillard tremblant me salua de sa canne et je ne pus m'empêcher de me demander, face à ses nombreuses rides et a son apparence cadavérique, dans combien de temps il succomberait.

- N'y avait-il pas une fée ?

- Lalie a eu peur , il ne faut pas lui en vouloir elle très timide. Il faut juste le temps qu'elle s'habitue à toi. Viens donc ma belle, allons nous promener et discuter.

Nous sortîmes alors, saluant Mahaut et Artum.

- Je connais un endroit qui va te plaire...


Le regard malicieux et séduisant d'Alex m'avait vraiment manqué, bien plus que je ne le pensais. J'étais si heureuse que tout les problèmes alentours étaient oubliés. Je sautillais de joie tandis que nous nous racontions mutuellement ce que nous avions vécu depuis notre séparation.


<La cour des archers>

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Dernière édition par Loys le Jeu 24 Nov 2011 21:17, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mer 23 Nov 2011 11:06 
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Epilogue de l'aventure précédente - Des empoisonneurs à Kendrâ-Kar

Correction GM X


La résolution de l’affaire dite des empoisonneurs avait laissé Calimène dans l’expectative. Tout d’abord soulevée au rang d’héroïne, par ses proches comme par de plus neutres observateurs, la jeune femme s’était rapidement vue reléguée au second rang des évènements par ses détracteurs. Plusieurs magistrats, vindicatifs, l’avaient prise en grippe pour avoir résolu une affaire sur laquelle ils s’échinaient depuis plusieurs mois. De jeunes nobles, conscient du manque de soutien qu’elle pouvait avoir dans les hautes sphères de la cité, la calomnièrent amplement sous le couvert de sourire de façade et de manières aimables. Enfin, certains incompétents de la garde ne tardèrent pas à s’immiscer dans le récit de l’enquête, tentant de récupérer quelques miettes de gloire et d’éviter quelques remontrances de la part de leurs supérieurs.

Installée dans son boudoir, dégustant un thé provenant de la dernière cuillerée tirée d’une boite ramenée par son défunt père d’Oranan, Calimène pestait. En sus d’une petite et éphémère notoriété, l’administration de la vile l’avait contentée d’une petite cagnotte initialement destinée à délier les langues sur toute information utile. Le trésorier royal lui avait remis l’argent sans rechigner, visiblement très satisfait de payer l’intégralité de la résolution de l’affaire pour le simple prix de ce qu’il pensait débourser pour une information de seconde main. De ses dires, il s’agissait là du meilleur investissement qu’il avait fait en trente années de bon office au service de la couronne.

L’argent était un problème annexe. Et d’ailleurs, quelle que soit la somme, elle était bienvenue pour équilibrer le budget de la maisonnée. La rente payée par les associés de son père permettait de vivre confortablement mais sans excès ni plaisirs particuliers. Hors la demeure familiale aurait bien eu besoin de quelques travaux d’entretien ; le toit en particulier et le jardin en général ne se contenteraient plus longtemps de déclarations d’intentions et méritaient prochainement quelques délicates attentions.
Lorsque son agenda le lui permettait Victorin s’échappait pour la rejoindre et partageait le thé, les nouvelles ou d’hypothétiques projets en compagnie de la jeune femme. Face à la marée gluante que représentait le personnel administratif et l’aigre-doux qu’incarnait les nobles de Kendra-Kâr, le jeune Capitaine de la Garde dévoilait jour après jour une personnalité riche et intéressante.

Après avoir soupiré avec lassitude, Calimène vida son thé d’une traite. Tiède, le liquide lui rappela qu’elle avait consacré un temps trop long en réflexions stériles. Délaissant la tasse sur la table basse, où le personnel de maison viendrait la récupérer, elle quitta immédiatement les lieux. Elle gravit les marches menant à l’étage de pas mesurés et tira une longue clé dentelée de sa poche. Présentant l’ustensile à son vis-à-vis, elle déverrouilla une lourde porte de bois brut et la repoussa sur ses gonds. Sombre, la pièce s’étendant devant elle ne contenant qu’un portant, où reposait l’armure qui fut autrefois celle du Chevalier Sirène.

Durant une année, Calimène avait cheminé en compagnie du Chevalier Sirène, Myrne. Une année durant, le Chevalier avait initié la jeune femme au métier des armes, à l’équitation, à l’héraldique et aux règles anciennes régissant l’attitude que devait adopter un véritable chevalier. L’épée et la lance avait marqué l’essentiel de leur temps d’entrainement, d’abord seule puis en confrontation directe envers Myrne. Disposant de prédispositions martiales, la jeune Kendrane avait rapidement assimilé les bases du duel, voire même un peu trop rapidement au goût de son initiatrice. Bien que cette dernière n’ait jamais suspecté Calimène de duplicité, elle regrettait toutefois que son élève ait montré de si vives envies de progresser dans un domaine où la finalité n’était que de dispenser la mort. L’art équestre n’avait fait l’objet d’aucune réelle leçon, si ce n’est d’importants trajets réalisés à dos de cheval, avec pour tutrice le mal de dos, la nuque raidie par l’effort et les jambes rendues gourdes par les vibrations. Petit à petit, Calimène avait d’elle-même perfectionné ses postures, testant par moment de nouvelles positions et à d’autres, d’autres manières d’ajuster sa selle ou de positionner son bardas pour qu’il ne la gêne pas lors du grand galop ou qu’il soutienne efficacement le bas de son dos.

Myrne était morte d’une banale fièvre hivernale et de cette année passée ensemble ne subsistait comme trace tangible que l’armure de la Dame sur un portant. Elle était partie dans son sommeil, sans livrer quelques consignes que ce soit, comme si se préparer à son ultime croisade l’avait accaparée de but en blanc. Face au corps de son chevalier de tutelle, son écuyer était resté démuni. Désormais dans l’incapacité de se faire adouber et sans guère de chance de pouvoir poursuivre son instruction, Calimène était restée un long moment aussi terne et pâle que la défunte. Loin de tous et de tout, elle avait du elle-même creuser la fosse qui servirait de dernier tombeau au chevalier sirène, pelletée après pelletée, pierre après pierre.

Calimène, toutefois, n’avait pu se résoudre à abandonner l’armure du chevalier sirène. Celle-ci trônait désormais sur un portant, au sein d’une chambre vide de meubles, aux volets renforcés et à la porte verrouillée à double tour. Usuellement, Calimène n’avait l’usage que de la cuirasse et de la lame, ceinte au cœur d’un fourreau de cuir, d’or et d’argent, gravé à l’image d’une sirène alanguie. L’écuyer sans chevalier dégrafa deux protections de bras, délicatement ciselés, du portant et les passa à sur elle. Elle testa leur poids longuement avant de les retirer et de les réintégrer à la composition de l’armure dressée. De même, elle reproduisit le mouvement avec les jambières, produisant quelques mouvements latéraux pour jauger de sa nouvelle mobilité. Puis, avec une délicatesse consommée, elle les retira lentement pour les replacer au bas de la construction métallique.

Calimène inspira et soupira lentement puis entama une prière à l’intention de Gaïa, pour qu’elle accueille le chevalier Myrne auprès d’elle si cela n’était point encore fait. Puis, l’écuyer ficha le fourreau à son baudrier et referma la porte derrière elle en sortant, verrouillant de nouveau la serrure. Comme de coutume, elle s’était arrogé le droit de porter certaines pièces d’équipement de l’armure, il fallait bien le reconnaitre, volée à Myrne. Pour chaque réalisation d’importance, Calimène se donnait le droit de s’approprier définitivement ce qui appartenait autrefois à son instructrice. Et lorsque ses actes auraient racheté l’intégralité de l’armure, elle n’aurait plus aucun remords à se désigner elle-même sous le sobriquet de Chevalier Sirène.

Satisfaite, elle abandonna les lieux et se rendit en ville, où Victorin l'attendait pour l'une de leurs rencontres habituelles.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 24 Nov 2011 12:43 
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De retour d’un entretien auprès de Victorin et plongée dans ses réflexions, Calimène se laissait porter par les habitudes. Sélectionnant un passe au sein d’un jeu de clés usées par la rouille et les années, elle ouvrit la porte donnant sur l’arrière du jardin de sa propriété sans même y penser. Comme de coutume, elle força du plat de la main et fit gémir les gonds sous la pression, jurant intérieurement et pour la millième fois de faire huiler les articulations du portillon. Passant rapidement de la rue à l’intérieur de son domaine, elle referma derrière elle ; non sans avoir vérifié que la rue soit vide de toute présence. Consciencieusement, elle ficha de nouveau la clé dans la serrure et referma à double tour. Machinalement elle fit quelques pas dans l’allée et remonta le chemin entre les arbustes et les massifs du jardin en direction de la terrasse idéalement positionnée à l’arrière de la maison. Ce fut l’odeur qui la mit en alerte ; acre et animale, terreuse et pourtant si agressive, elle surpassait la fragrance des thuyas et le parfum des massifs de rosiers. Immédiatement son instinct prit le dessus sur la réflexion et ses yeux papillonnèrent au travers du jardin. Le corps soudainement en alerte, elle se replia sur elle-même, adoptant une posture défensive. Le cœur battant la chamade, elle tira lentement son épée hors de sa gaine, réduisant le bruit du métal de la lame contre celui du maillage de fer du fourreau à peau de chagrin.

Sur ses gardes et d’autant plus sur les nerfs que sa demeure était usuellement un lieu de repos, elle sortit de l’allée et s’accroupit à l’arrière d’un massif de plantes. A la nuit tombante, elle ne constata en détaillant la façade aucune trace d’effraction ; aucune fenêtre ne semblait avoir été brisée et aucune porte n’était restée entrebâillée. Bien entendu, cela n’était en rien significatif, un intrus ayant tout à fait pu entrer dans la maison par l’autre façade, laquelle donnait sur une large avenue. Pour un voleur, il était toutefois bien plus plausible de pénétrer dans la maison par l’arrière, le jardin étant certes cerné de hauts murs mais aussi de rues bien moins fréquentées que celles donnant sur la rue principale. Bien entendu, un voleur avait tout aussi bien pu entrer en faisant usage de sa science de la serrurerie et avoir refermé la porte derrière lui sans laisser trace de son passage. En d’autres termes, Calimène réfléchissait à toute vitesse mais en vain, aucune de ses hypothèses ne pouvant être vérifiées pour l’instant.

Par ailleurs Diane, la fille de ses serviteurs, devait être présente dans la maisonnée à cette heure-ci. Ses parents étaient partis visiter une cousine habitant l’arrière pays et ne seraient de retour, hors complications liées à l’état de santé de la pauvre femme, que dans quelques jours, au mieux. Prenant conscience de ce fait, Calimène se redressa et força en avant au travers du jardin, la lame pointée en avant. Elle remonta l’allée d’un pas décidé, surveillant les deux portes donnant sur le jardin. L’une, de bois, donnait directement sur les cuisines alors que l’autre, principalement de verres et de métal, donnait accès à un cossu petit boudoir.

A sa grande surprise, elle n’eut pas à se poser de réelles questions sur la direction à prendre car lorsqu’elle mit le pied sur la première marche de sa terrasse, un homme en arme émergea des cuisines. Durant quelques instants, une hésitation commune se fit, prouvant qu’aucun des deux ne s’attendait à croiser quelqu’un en cet étrange instant. Conjointement toutefois, chacun tourna sa lame vers l’autre, les corps prenant conscience de la situation une seconde avant les esprits.

« Attendez … attendez… » Caqueta l’intrus d’une voix irrégulière entre deux inspirations exaltées.

Calimène n’attendit pas. Rebroussant chemin, elle engloutit l’espace la séparant de son opposant, pointant en avant de son épée et profitant de l’allonge supérieure de son arme. L’intrus dévia le coup d’une lame courte et large, aisée à manier dans un espace réduit. Acculé contre le mur, il mit une mauvaise grâce toute particulière à se laisser transpercer et fut rapidement contraint à adopter une posture défensive. De quelques pas latéraux, Calimène marqua un demi-cercle autour de lui, coupant sa voie de retraite et l’obligeant de nouveau à reculer vers la porte. Étrangement, il marqua l’arrêt en sentant le bois dans son dos et investit énormément d’énergie à ne pas rester plus longtemps en contact avec l’encadrure de la porte, ce qui étonna la jeune femme. Obligée de reculer devant l’assaut rageur, Calimène fut à son tour contrainte de se replier, écrasant au passage un massif de tulipes qui n’avait rien demandé à personne. De plusieurs bonds en arrière, elle ouvrit un écart entre eux et se donna assez de temps pour reprendre sa posture préférée. Placée de côté, n’offrant que peu d’ouvertures à son adversaire, elle conservait son bras armé pointé vers l’ennemi. Dans cette position les coups portés n’étaient certes pas très puissants mais rapides et précis. Par ailleurs, ses frappes ne lui coutaient que peu d’énergie et lui permettait de se battre longtemps contre des adversaires à la condition physique plus affirmée que la sienne.

Éloignée de plusieurs mètres, elle constata que son ennemi n’avait pas réussi à la suivre. De fait, il soufflait déjà lourdement alors que le combat venait à peine de commencer. Plissant les yeux, elle constata avec surprise, mais sans le moindre émoi, que la cuisse et le mollet gauche de son adversaire étaient déjà englués de sang, réduisant grandement la motricité de son adversaire. Pendant plusieurs secondes, l’affrontement restant en suspens, Calimène réfléchissant à la suite des évènements et son opposant profitant de toute pause pour récupérer son souffle. De toute évidence, les quelques passes d’armes qu’ils venaient d’échanger lui avaient couté ce qui lui restait d’énergie.

« Me laisserez-vous partir si je me rendais maintenant ? » questionna-t-il d’une voix suppliante entre deux courtes et rapides prises d’air.

« C’est peu probable » rétorqua Calimène, pas encore réellement fixée sur ses intentions. Il était une chose de donner la mort lorsque sa propre vie était en jeu et une autre que de tuer lorsque la nécessité d’un tel acte n’était plus aussi évidente.

« Dites-moi qui vous envoie ? » reprit-elle en le contournant lentement.

« L’appât du gain est mon seul donneur d’ordre, voyez-vous. Vous avez réussi un coup d’éclat et mon raisonnement était de me dire que vous en aviez certainement retiré une bonne récompense ; mais si tel est le cas, il n’en reste plus trace, sans vouloir vous vexer, bien entendu » expliqua-t-il en redressant son arme vers Calimène.

« La jeune fille ? » commanda l’écuyer d’une voix menaçante.

« Enfermée à double tour dans une pièce du premier étage, au bois épais et au chambranle imposant. Le verrou en est inviolable tant qu’elle tient la clé fermement et d’ailleurs, elle y était déjà enfermée à mon arrivée » expliqua-t-il en toute hâte.

« Pardon ? » ajouta Calimène, interloquée par la situation. Boitant d’un pas en avant, le malandrin désigna sa jambe de sa main libre.

« Elle devait fuir la créature qui m’a fait cela » précisa-t-il sans détours en prenant pour preuve l’abondance de sang qui poissait son vêtement.

« Une créature ? Qu’est ce donc encore que cela ? » Répondit-elle, plus pour elle-même qu’à l’intention de son interlocuteur. Elle observa les volets fermés de la salle où au premier étage étaient habituellement entreposée l’armure du Chevalier Sirène.

« Elle rôde encore dans la maison, c’est pourquoi j’avais tant hâte d’en sortir, lorsque nous nous sommes tombés dessus. Avouez que je n’ai pas de chance… » Affirma-t-il en affichant un air cynique.

« La chance tourne si l’on vit assez longtemps » dit-elle en le pointant de son arme. « Déposez votre arme et votre sac à terre et fichez le camp » ordonna-t-elle.

« Vous… me volez ? » répondit le cambrioleur d’une voix éberluée.

« Votre arme pour ma propre sécurité et votre sac pour m’assurer que vous n’emportez rien que ne m’appartienne. Mais je ne vous dépossède pas de votre vie et c’est là, je crois, une affaire que vous ne refuserez pas. » Conclut-elle en faisant tourner sa lame sur elle-même, en signe d’agacement.

Le malandrin ne fut pas long à prendre sa décision. Dans le métier, on réfléchissait vite ou on mourrait souvent. Il planta sa lame courte dans le sol meuble et abandonna son sac à terre, sans regrets visibles. Il contourna ensuite prudemment Calimène et s’éloigna à pas rapides, n’osant visiblement pas croire en sa chance. L’écuyer le laissa fuir en l’observant. Lors de son duel avec l’un des empoisonneurs de Kendra-Kâr, elle avait rencontré un adversaire bien plus formé au métier des armes et il n’avait fallu que quelques passes envers le voleur pour qu’elle soit presque certaine de l’emporter. En conséquence, il ne lui apparaissait pas nécessaire de l’éliminer ; au pire, il ne représenterait qu’un danger mineur, au mieux, il préviendrait ses confrères que l’on ne badinait pas avec le vol de la vaisselle au sein de la Maison Ligure.

Prudemment Calimène repoussa la porte de la cuisine de la pointe de son épée après en avoir déverrouillé le loquet.

Au-delà se trouvait une cuisine achalandée, plongée dans une semi obscurité et où se tenait embusquée une odieuse créature.

Calimène fit un pas en avant et entra en sa demeure devenue l’antre d’une bête étrangère, bien décidée à récupérer son bien.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 24 Nov 2011 22:39 
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A peine entrée, Calimène fut prise à la gorge par une odeur rance, acre et fondamentalement détestable. Mille fois traversée depuis l’enfance, la cuisine de la demeure familiale prenait soudainement des contours effrayants. La longue table de bois où les plats en préparation étaient usuellement étalés devenait un obstacle perturbant et les multiples rangements placés au niveau du sol, de parfaites cachettes pour une créature embusquée. La pièce, habituellement parfaitement ordonnée par les bons soins du personnel de maison, était actuellement similaire à un capharnaüm indescriptible. La nourriture, en partie dévorée, jonchait le sol, à proximité d’excréments et de taches dont l’odeur évoquait irrémédiablement l’urine. Une puissante odeur animale, mêlée aux autres, imprégnait l’ensemble de la scène.

Réprimant un haut le cœur, Calimène déglutit et prit le temps d’avaler une bouffée d’air pur, le temps de se reprendre. Puis, la mine décidée, elle rentra de nouveau dans la pièce. Elle s’accroupit et inspecta la salle au niveau du sol, vérifiant que rien ne soit présent sous la table et que les loquets des rangements soient bien abaissés. Ceci fait, elle s’avança à pas mesurés, la lame en avant. Au jugé, elle se déplaça rapidement et s’orienta directement vers l’ouverture donnant sur le couloir. Elle se plaça du côté droit de la porte, protégée par cette dernière et inspecta le passage du côté gauche, vide de toute présence. Pivotant sur ses appuis, elle se tourna vers la droite. Et c’est la première fois qu’elle le vit.

Une masse sombre et compacte trônait au bout du passage. Sa colonne vertébrale, présentant une curieuse inclinaison, permettait à son corps de resté braqué dans une direction pendant que l’odieuse tête restée tournée vers elle. Il était remarquable qu’avec une telle taille, et visiblement le poids qui allait de pair, la bête ait réussi à se mouvoir sans être entendue de Calimène. Instinctivement, Calimène frissonna et la chair de poule la gagna dans le dos et les bras. Pour autant, par un effort de volonté, elle réprima un pas en arrière et ne céda pas le terrain.

Les yeux de la bête cillèrent, brûlant d’un venin de haine et de méchanceté rare dans le regard d’un animal. Ses poils, brûlés par endroit, se hérissèrent conjointement et un feulement roque monta de la gorge de la monstruosité et cette fois, devant la menace explicite, Calimène recula d’un pas. En conséquence le rat – car il s’agissait bien d’un né de cette espèce, quoique ayant atteint des proportions monstrueuses – s’avança légèrement, dressant sa face rendue simiesque par les flammes en direction de la jeune femme. En réponse, Calimène se porta en avant, levant haut son arme pour l’abattre sur la créature avant que le courage ne vienne à lui manquer. Le rat se contorsionna soudainement en un mouvement que la nature humaine ne pourrait jamais pratiquer sans se briser et l’épée se trouva soudainement sans cible. L’animal – mais en était-ce encore un au vue de sa physionomie et de la haine qu’il irradiait – se replia rapidement et s’enfuit à un rythme forcené, disparaissant de la vue de Calimène à l’angle du mur. Au bruit de ses griffes sur le bois, elle le jugea en train de gravir les escaliers. Forçant en avant, elle passa le coin du couloir qu’au moment où l’arrière-train de la bête disparaissait en haut des escaliers, suivi en hâte par une longue queue couleur chair.

La jeune femme gravit les marches quatre à quatre en un manque de prudence évident. Mais à bien y réfléchir ce fut là un comportement salvateur, car la moindre hésitation aurait pu la convaincre de renoncer à ses projets vengeurs. Arrivée à l’étage, elle marqua une pause et tenta de déterminer la localisation du monstre fouisseur. L’odeur, persistante tout autant qu’écœurante, l’assaillit de nouveau. A son grand soulagement, elle constata que la porte où était entreposée son armure était toujours fermée.

« Diane ? Tu m’entends Diane ? » Dit-elle à voix haute, sans chercher à se cacher tant elle voulait faire la preuve de son assurance à la jeune fille.

Un bruit de mouvement précipité se fit entendre de l’autre côté de la cloison.

« Ma Dame ? Ma Dame ? Est-c e vous ? » Répondit-elle en tentant de déverrouiller la porte.

« Diane ! N’ouvre surtout pas cette porte pour le moment ! Reste où tu es pour l’heure ! » Ordonna-t-elle d’une voix autoritaire. Sans rien ajouter, elle s’approcha de la porte, dos au mur, observant le couloir de toute sa longueur. Face à elle, les portes se faisaient face, deux par deux. Et se tourner vers l’une était perdre de vue ce qui pouvait sortir de l’autre. Elle marqua une pause et s’immobilisa un long moment, cherchant à localiser son adversaire au bruit qu’il pouvait produire, sans réel succès. Incapable de déterminer sa position, son cœur s’emballa de nouveau et elle stoppa de nouveau son avancée pour prendre le temps de se calmer. A ses oreilles le sang tambourinait si fort qu’elle du attendre de longues secondes avant de pouvoir récupérer son entière audition. Inspirant et soufflant lentement, elle pointa la poignée de la porte la plus proche d’elle et dès la lame prise dans la poignée qu’elle en profita pour la refermer dans un clac sonore. Avec une prudence consommée, elle reproduisit l’exercice trois fois, fermant à chaque fois l’une des cinq portes de l’étage. Ceci achevé, elle se permit de souffler et se détendit quelques instants. Mais guère plus car tout aussi surprenant qu’ait été le silence, un terrible fracas se fit soudainement entendre dans l’une des chambres. Mettant la pièce à sac, le terrible rat renversa les meubles et déchira les rideaux ; un vase se brisa puis, au bout de quelques secondes d’accalmies, un bruit de verre brisé et de chute se firent entendre.

Calimène pesta.

« Il est sorti par la fenêtre » dit-elle avant de laisser un juron s’échapper hors de ses lèvres. En toute hâte, elle dévala les escaliers. Prenant le risque de se retrouver nez à nez avec l’ennemi, elle força jusqu’à la cuisine qu’elle trouva vide. De plusieurs pas elle traversa la pièce, l’arme levée devant elle et sa main libre devant le visage pour éventer l’air qui empuantissait l’atmosphère. Elle ralentit à l’approche de la porte donnant sur le jardin et fit un pas en arrière, se repliant en défense, lorsque la bête passa en trombe devant la sortie de la pièce. Passée la surprise et la frayeur elle reprit le dessus sur ses réactions. Forçant en avant, elle se lança à la poursuite de la bête, la talonnant de quelques pas. Cette dernière s’en rendit compte et profitant de sa puissante musculature, changea brusquement de direction. Calimène, surprise une demi-seconde, tenta un coup de côté, porté hasardeusement. La pointe de la lame ne trouve que le vide mais dans son esquive le rat gouta au tranchant de l’épée. Instantanément le fil de l’épée se tinta de rouge, de la même teinte que le dos de l’animal. Se retournant brusquement il incurva sa colonne presque à angle droit pour mordre la lame, la main ou le bras de l’écuyer mais Calimène se retira vivement d’un pas. Ses appuis fermement ancrés au sol, elle revint immédiatement en avant, collant sa botte dans le visage de la créature. Repoussée en arrière, elle roula sur son dos et s’éloigna vivement, feulant et gémissant à la fois. Poussant son avantage, elle tenta de nouveau de percer le cuir de la bête de la pointe et manqua récolter une morsure en retour tant la bête fut vivace dans sa contre-attaque.

Reproduisant plusieurs fois cette passe d’armes, la pointe ne trouvant pas plus de chair que les dents ciselées du monstrueux ragondin, Calimène comprit que cette stratégie ne ferait au final que lui apporter une profonde blessure. La bête était trop rapide et trop vivace pour qu’elle arrive à s’en saisir. L’ironie de la chose tenait dans le fait que lors de son précédent combat contre son cambrioleur, elle avait largement profité, avec un plaisir non feint, de sa supériorité face à son adversaire : un peu d’humilité ne lui ferait finalement pas de mal. Pas à pas, elle recula lentement, laissant venir la bête à elle. Patiente et sournoise, elle suspendit ses assauts, laissant son arme pointée vers l’adversaire couvrir sa retraite. Recroquevillée, elle se força à l’attente, convaincue désormais que le combat se règlerait en une seule passe d’arme. Le rat feula plusieurs fois et tenta de s’approcher de mouvements rapides et latéraux, grattant le sol et écornant le gravier dans ses mouvements. A chaque tentative, Calimène axa sa lame face à son ennemi, retenant ses frappes. Au bout de quelques minutes de ce traitement, elle sentit sa résolution s’affirmer au moment où les mouvements du rat se faisaient moins adroits, moins lestes. Tentant son vatout, le rat prit son élan et bondit en avant, cherchant à renverser Calimène d’un seul assaut. Fixant ses quarts au sol, l’écuyer frappa de l’avant, enfonçant sa lame au travers du corps adverse. Le choc et le poids manquèrent de lui faire lâcher son arme mais elle tint bon, même lorsque le corps du rat percuta le sien. Se raidissant, elle raffermit sa poigne sur la garde de l’épée pour la tourner dans la plaie béante, élargissant la blessure et déchirant organes et chairs. Hurlant sa douleur, le rat n’arriva pas à mordre son adversaire. Calimène le renversa sur le flanc et il s’écrasa sur le sol, l’épée encore fichée dans ses entrailles.

L’écuyer s’éloigna de quelques pas et observa la bête agonisante durant de longs instants. Son agonie dura un temps certain, beaucoup plus long qu’elle n’aurait cru. Aimable, elle attendit que la bête rende son dernier soupir pour retirer son arme de ses entrailles.

« Dors, Monstre et ne te réveille jamais » lui adressa-t-elle pour seule prière avant de se retourner vers la maison où Diane, enfermée, devait se ronger les sangs et nécessitait d’être rassurée.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 28 Nov 2011 20:13 
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<La cour des archers>

Ils pénétrèrent dans la grande bâtisse au semblant abandonné. Je me faufilai à l'intérieur avant qu'ils ne referment la porte, mais il ne me prêtaient même pas attention. Immédiatement, il se dirigèrent vers le salon bleu, où visiblement d'autres personnes les attendaient déjà. Je n'osais pas entrer, me sentant étrangère à la réunion, si bien que je me plaçai dans l'entrebâillement de la porte, piquée par la curiosité et l'inquiétude.

Tous les membres de La Maison que je connaissais étaient là. Tous, sauf un. Le vieux druide Arthum ne semblait pas faire partie de la fête. Et pourtant, lorsque je me décalai un peu pour avoir une vision d'ensemble de la pièce, j'étouffai un hoquet de surprise.

Arthum était bel et bien là, mais ficelé à un des fauteuils tandis que les membres étaient debout autour de lui. Le silence était pesant, plus encore que celui d'un deuil car les seuls bruits qui le rompaient étaient les gazouillis et gémissements émis par le vieux druide.

Des frissons me parcoururent l'échine quand je discernai un filet d'écume coulant le long du menton du vieil homme. Mahaut, que je voyais de dos, était sans doute en train de sangloter car je voyais ses épauler trembloter, si bien que Liam passa son bras autour de la petite voleuse, et cala sa tête contre son torse musclé. Alex était debout, de profil, les bras croisés et le visage inexpressif, et Eulalie la petite fée voletait près de son épaule.

Alex brisa alors le silence morne, mais sa voix tremblante trahissait son stress :
Il faudrait trouver un guérisseur...
Solenia est partie, Alex... lui répondit l'aldryde.
Je sais, Eulalie ! Je sais... je parlais de n'importe quel guérisseur, à ce stade, n'importe qui peut faire l'affaire...

Son ton froid et son visage dur replongèrent la pièce dans le silence. Le vieux druide s'agitât alors tant qu'il pouvait malgré sa prison de cordes. Ses yeux livides n'étaient que de la folie, et de sa bouche baveuse s'échappaient des gémissements qui se transformaient en plaintes, en appels au secours, et en un assemblage de mots dénués de sens.

Je vous en prie, faites le taire... gémit Mahaut, envahie par la souffrance de voir un être cher porté par la folie.

Les gémissements et facondes du druide se transformèrent alors en injures, en cris. Les propos hystériques s'enchainaient alors : les briques sortent du mur, je brûle, les rats me mangent, et autres citations insensées qui laissaient les spectateurs de marbre, impuissants.

Le vieux, habité d'une rage nouvelle se débattait si fort qu'il finit par faire renverser le fauteuil sur lequel il était enchainé, l'emportant dans sa chute. Le Shaakt et le kendran le relevèrent alors, tandis que le malade tentait de les mordre, et continuait de se débattre.

On ne peut pas le laisser comme ça, c'est trop tard pour le soigner, ce n'est pas un enchantement, c'est une maladie du corps...
Non, c'est... c'est plus complexe que ça, ce n'est pas son corps, on dirait que c'est son esprit qui est malade. Comme s'il y avait autre chose en lui que lui...

Dans le couloir de l'entrée, la porte claqua. Des pas s'approchèrent. Je me reculai dans l'ombre pour laisser le passage vers le salon libre. Eulalie, accompagnée d'un elfe Sindel pénétrèrent dans la pièce maudite, ne remarquant même pas ma présence.

Lorsqu'ils les virent entrer, tous comprirent : sans que personne ne la voie, Eulalie était partie chercher un guérisseur. Ce dernier, avec une grâce et une douceur incomparables toucha la peau du visage du malade, en veillant à ne pas se faire mordre. Il examina ses yeux, posa ses paumes sur le haut de son crâne... Il enchaina les gestes, chacun de ses moindres mouvements suivis au détail par tous les membres de la Maison, attendant le verdict final.

Le Sindel cessa finalement, et tout en fixant le sol annonça la négation d'un signe de la tête. Un énorme plafond noir sembla alors s'abattre dans la pièce. L'elfe Blanc lança discrètement un sort qui apaisa un peu l'atmosphère, mais en rien la fumée noire qui s'était rependue dans les cœurs. Le Sindel salua alors d'un geste du menton, et s'éclipsa en silence.

Il ne reste plus qu'une chose à faire pour apaiser ses douleurs... murmura Liam dans un souffle. Il leva les yeux vers Alex avant de poursuivre :
T'en sens-tu capable ?

Mon kendran ferma les yeux et souffla. Au bout d'un moment, il releva la tête doucement :
Mahaut... dit-il d'une voix sinusoïdale, pardonne-moi...

Il s'approcha alors du vieux qui se débattait toujours et hurlait par moments. Il plaça sa tête à coté de la sienne pour murmurer quelque chose, sortit alors sa dague de sa ceinture et d'un geste vif la planta dans le corps du vieux druide.

Le malade cria encore un peu, puis ses cris se firent de moins en moins forts jusqu'à s'éteindre totalement. Alex ferma alors ses paupières et détacha les cordages qui le maintenaient. Mahaut courut jusqu'au druide en pleurant, et posa sa tête sur les genoux du cadavre, ne pouvant retenir un torrent de larmes. Eulalie et Liam la rejoignirent, piqués de douleurs eux aussi.

Alex quant a lui, les regarda tristement et en silence sortit du salon. D'un pas lourd et d'une lenteur maussade, il monta les escaliers. Je regardais un instant encore les trois âme en deuil suite au déchirement causé par la perte d'un être proche. L'air était si chagrinant que j'en avais moi aussi les larmes aux yeux. Alex avait du souffrir terriblement pour faire ce geste, mais désormais le vieillard semblait en paix. Je montai à mon tour, et à pas de loup cherchais mon Kendran.


<Les habitations>

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Dernière édition par Loys le Mer 30 Nov 2011 20:35, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 29 Nov 2011 14:10 
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Même dévorée par les flammes, l’odieuse créature continuait à nuire avec la même vivacité que de son vivant. Dégageant une épaisse fumerolle, la charogne dégageait une odeur plus insupportable encore que Calimène ne l’aurait imaginé. Si le feu avait la réputation de tout purifier à son passage, les trouvères oubliaient de noter dans leurs chroniques que toute l’ambiance olfactive du quartier était gâchée pour la journée. Par chance, le jardin de la demeure familiale de la Maison Ligure n’avait aucun vis-à-vis. Située en angle de rue, l’arrière du petit Manoir ne partageait ses secrets avec aucun de ses voisins et les hauts murs donnant sur la rue imposaient une relative intimité.

Du dos de sa main gauche, Calimène s’épongea le front d’où plusieurs gouttes de transpiration menaçaient de déborder l’arc défensif de ses sourcils. De la droite, elle tenait fermement une pelle, ustensile dont elle n’avait pas eu à faire usage depuis des lustres. Jobé, le père de Diane, prenait usuellement soin du jardinet. Mais en son absence – un membre de sa famille souffrant d’une mauvaise fièvre dans l’arrière-pays – il avait bien fallu mettre la main à la pâte avant que le cadavre du rat géant ne se décompose ; ce qui en sus de l’odeur provoqueraient l’apparition de miasmes et la venue de multiples charognards.

Alimentant le feu avec une huile poisseuse, Calimène observait les flammes prélever leur tribut de chairs mortes. Au fond de sa fosse, les flammes dévoraient peu à peu l’être difforme qui avait tenté de les éliminer, elle et sa servante. L’exercice était désormais un jeu de patience et dans l’attente, l’esprit de Calimène vagabonda en plusieurs directions. Initialement, elle s’interrogea sur la taille à proprement parler hors de proportion de cette bête. S’agissait-il là d’une aberration rare ayant permis à ce rat d’atteindre des proportions hors du commun ou au contraire, un trait tout à fait anodin d’une espèce pour qui le gigantisme était la règle.

A cet instant, Diane gêna ses réflexions en vidant un seau d’eau sur le sol de la cuisine qu’elle lavait à grandes eaux et brossait à grands coups de balais. La jeune fille, désormais presque une jeune femme, mettait du cœur à l’ouvrage pour rattraper ce que la bête avait souillé lorsqu’elle avait fait de la maison son repère. Bien qu’ayant brisé nombre d’objets dans la fureur de ses déplacements, le principal préjudice était ailleurs. De par ses souillures une odeur pestilentielle régnait au rez-de-chaussée et dans les chambres du premier étage. Ouvrir grand les fenêtres était un préalable mais seul un nettoyage de printemps, ou deux, permettrait de rendre sa dignité à la demeure familiale. Diane finirait par se marier et quitter la maison, d’ici quelques années, ce qui renvoyait Calimène à ses propres projets. De l’épisode de l’affaire des empoisonneurs, la jeune Dame possédait désormais une réputation qu’il lui serait agréable de faire grandir et fructifier. Peu intéressée par les possessions matérielles, elle s’était confortée dans le gout déjà prononcé qu’elle avait pour le pouvoir et la maitrise des évènements. Mieux encore, elle se considérait désormais comme plus compétente que bon nombre des éléments les plus en vue de l’administration Kendrane qui n’avaient pu mener à terme sur plusieurs mois ce qu’elle avait elle-même résolue en quelques semaines. Dépossédée de ses mérites, le Roi n’avait finalement guère eu le besoin de la rencontrer et encore moins de la gratifier. Pourtant, c’est tout Kendra-Kâr qui était la bénéficiaire de cette affaire.

Elle resta un instant à ruminer ses pensées et ajouta une dose d’huile sur le corps du rat crevé, attisant flammes et chaleur d’un même élan. Face à la vivacité du feu elle recula de quelques pas et observa le jardin dans sa globalité. Si la bête tenait d’une proportion frôlant le gigantisme, comment avait-elle pu pénétrer au sein de la propriété sans avoir été vue en ville. Les rats étaient connus pour être de bons grimpeurs mais la taille et donc le poids de cet animal devait le gêner lors d’une ascension verticale. Passer les murs par cette méthode paraissait improbable pour l’intrus à quatre pattes. Intriguée, Calimène se déplaça dans le jardin et longea les murs. De la pointe de la pelle, elle repoussa les branches de divers bosquets et finit par localiser un trou béant au pied de l’un d’entre eux. Intriguée, elle plissa les yeux, surprise par l’intelligence et l’ingéniosité de la bête. Massif le trou était couvert aux regards extérieurs par un imposant bosquet de plantes. Idéalement situé à proximité des thuyas, l’odeur de ces plantes couvrait celle de la terre, de l’humus et celle de l’envahisseur. Enfin, placée sous le mur, la cavité l’abritait de pierres lourdes, lui assurant protection et une certaine sécurité.

Le regard de la jeune femme fut attiré par un angle particulier au sein de la cache. Enfonçant prudemment la pointe de la pelle dans l’ombre, elle en testa le vide et fut rassurée de constater qu’aucune autre bestiole n’avait élu domicile dans ce trou. Puis, avec une grande précision, elle entreprit de dégager ce qu’elle avait initialement pris pour une pierre mais se révélait de fait être l’angle d’un petit coffret de bois. Avec patience et minutie, elle le dégagea de sa gangue puis de la cavité. De premier abord, ce coffret n’avait rien de remarquable si ce n’est, bien entendu, sa localisation. Son verrou, envahi par la terre, se brisa net sous l’effet de l’arête tranchante de la pelle et c’est sans manière qu’il révéla son secret.

Une pierre esseulée et marquée d’un tracé aux dehors mystiques. Il était difficile de dire depuis combien de temps ce trésor était placé là : du temps de son père ou d’une époque plus ancienne encore ? Bien malin ce qui aurait pu répondre à cette question. Sous le mur, la cache bénéficiait d’un abri naturel rendant difficile la fouille et il avait fallu toute l’animalité d’un rat géant pour la débusquer. Peut-être était-ce justement du fait de la présence de cette pierre runique qu’il avait choisi cet endroit. Elle fourra la pierre dans sa poche et après un rapide examen replaça le coffret dans l’excavation. Par acquis de conscience, elle tenta de sonder les bords du trou à la recherche d’autres bienfaits mais ne trouva rien d’autre que de la terre et de la caillasse. Reconnaissante, elle adressa une prière muette à Gaïa et reboucha la cavité de terre et de cailloux empruntés à divers endroits du jardin. L’objet en poche, elle revint à proximité du cadavre et constata que la plus grande part des tissus avaient fini de se dissoudre. Seuls les os restaient visibles au milieu des cendres, en compagnie de quelques dents aux formes bigarrées.

Lassée de cette attente, Calimène entreprit de reboucher le trou devenu tombe. Tout d’abord, elle plaça de lourdes pierres sur ce qu’il restait du squelette pour éviter qu’un fouisseur ne vienne extraire ces ossements de la fosse. Puis, une fois la tache achevée, elle reboucha le trou de la terre qu’elle avait elle-même excavé quelques heures plus tôt.

Ne souhaitant pas s’interroger sur l’odeur qu’elle pouvait dégager, elle remisa la pelle au sein d’une remise destinée à remiser le matériel d’entretien de la maisonnée. Puis, épuisée autant physiquement que nerveusement, elle traversa la demeure et entreprit de raviver le feu de bois qui alimentait la salle de bains de la maison. Son heure de gloire viendrait plus tard et avec elle, la reconnaissance et les hommages mais pour l’instant d’autres impératifs plus urgents se présentaient avec une insistance toute particulière.

Prendre un bain.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 29 Nov 2011 22:10 
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<Les habitations>

Il était dans une des chambres, allongé sur son dos sur le lit, bras croisés sous la tête. Je me plaçai dans le cadre de la porte, ne sachant s'il était impromptu d'entrer ou pas.

Entre. M'invitât-il sans me regarder.
Gardant le silence, je m'exécutai et m'assis sur le bord de son lit, dos à lui. Nous restâmes ainsi, silencieux et immobiles un moment, chacun enfouis dans le dédale de nos pensées. Une fois encore, ce fut lui qui rompit le silence.

Loys... serre-moi contre toi s'il te plait...
Je me déplaçai alors, m'allongeai sur le flanc à ses cotés, enroulai mes bras autour de son cou et posai mon menton sur ses cheveux soyeux. Il se roula alors en position fœtale, la tête toujours calée contre moi, et pour la première fois je le vis céder a la faiblesse. De grosses larmes roulèrent sur ses joues. Je l'embrassais alors sur le front et lui caressais les cheveux.

Parle moi de lui... murmurais-je
Malgré une voix un peu tremblante et les joues humidifiées par les larmes, il gardait tout de même sa dignité et ne se laissait pas aller à des sanglots incontrôlables. D'une voix presque normale, il m'expliqua :

Il était celui qui avait remis La Maison en état. Il a adopté Mahaut pour s'occuper d'elle, pour lui donner une nouvelle chance dans la vie. C'est lui qui nous a tous trouvés et ramenés ici, ne nous demandant aucun compte. Il a toujours été juste, honorable. Jusqu'à ce que cette... cette maladie ne le touche.

A ces mots, et au souvenir de la scène, j'enlaçais Alex un peu plus fort.

Pardonne-moi Loys... J'aurais voulu que tu ne voies pas cela de moi. Que tu ne voies pas ce coup de dague... Que tu ne voies pas ma faiblesse en ce soir noir...

Je ne répondis pas, me contentant de caler ma tête contre la sienne encore plus tendrement. Il enroula son bras autour de ma taille et colla son visage chaud et humide contre mon cou. Son souffle tiède chatouillait mon cou et m'apaisait.

***

Je me réveillais, Seule. J'ouvris les yeux et roulai sur le coté. Alex était debout, face au miroir, accoudé à la commode. Ses joues étaient teintées de rouge, et apparemment il avait lavé le sang qui avait séché le long de sa tempe lors du duel avec Liam. Le visage serein, il s'approcha de moi et embrassa mes paupières encore à moitié closes par le sommeil.

Souviens toi d'une chose, Loys. Dans ce monde il n'y a pas de place pour les faibles. Je t'en prie, quoi qu'il arrive, sois forte...

Je tins son visage entre mes deux paumes et avec un visage plein incompréhension lui répondit :

Tu as tellement changé Alex...
Oui, j'ai changé, je ne suis plus celui que tu connais, le minable et prétentieux coureur de jupons. Mon cœur est pur, je vise une cause juste.
Mais j'aimais ta façon d'être...
Tu ne sais pas à quel point je suis heureux de t'avoir retrouvée Loys, tu m'apportes cette part d'innocence qu'il me manquait...

Il approcha alors son visage du mien, collant presque nos nez l'un contre l'autre. A la vue de ces yeux clairs qui se rapprochaient dangereusement des miens, je fermai les paupières. Mon cœur s'accéléra alors, résonnant dans tout mon corps. Je sentais cette odeur fraiche de mousse et de coton. Je sentais même sa respiration légère sur mon visage...

Non... dit-il, se reculant alors brusquement. J'ouvris les yeux.
Excuse-moi, je ne veux pas que notre premier baiser soit celui d'un deuil...

Il enfila alors ses bottes rapidement et s'éclipsa, me laissant là comme un vieux torchon usagé et pendouillant. Je dus attendre un moment avant que mon cœur ne reprenne un rythme normal. Que s'était-il donc passé? Pourquoi avais-je encore des frissons dans le dos? Ce Alex n'était pas celui que je connaissais...

Au bout d'un moment, je me levai, effectuai les bases de l'hygiène à l'eau froide et me peignai les cheveux que je laissais détachés. Affamée, je me permis de prendre la pomme et la galette de blé emballées dans un drap sur la commode, et calmais un peu mon estomac en avalant cela. Une fois propre et rassasiée, je ne savais pas trop quoi faire, un peu réticente à l'idée de descendre et de me retrouver en tête à tête avec un cadavre psychotique.

Mon attention se posa alors sur une fissure du mur. Je la touchais d'abord avec la pointe de mon pied, puis m'y intéressant de plus en plus, je m'accroupis pour la tripoter avec la main. Au bout d'un moment, je me mis à quatre-pattes, et collant presque mon visage contre le mur, je grattais le relief du bout de l'ongle.

Un raclement de gorge me parvint de la porte. Je me relevai soudainement, et m'époussetai, un peu gênée. Liam se tenait accoudé au cadre de la porte, sourire moqueur au lèvres. C'était compréhensible; quelques secondes plus tôt, j'étais à moitié allongée au sol, fascinée par une fissure.

D'une voix qui se voulait enjouée, mais dans laquelle une profonde tristesse était perceptible, il m'annonça :

Déjà débout de si bon matin? Que dirais-tu d'aller au pays des dragons?

Comprenant aussitôt l'allusion au dragon de feu, j'attrapai mon arc et mon carquois posés dans un coin de la chambre et courus jusqu'au Shaakt en m'exclamant :

A l'attaque !

Je plaçais l'image d'Alex dans un tiroir de ma tête que je fermai à clé, motivée par l'idée d'apprendre une nouvelle technique à l'arc qui pourrait l'impressionner.


<Les rues de la ville>

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 3 Déc 2011 09:22 
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Partagée entre deux sentiments contradictoires, Calimène prit congé de l’Elfe, sans avoir osé le tancer le mystérieux étranger sur ses motivations. La rune était cachée dans un étui de cuir suspendu à sa ceinture, là où son poids s’imposait au haut de sa cuisse. Un tel dispositif, simple à mettre en place, était plus sécurisant qu’une bourse facilement escamotable. Le pas rapide, il aurait fallu être un malandrin de tout premier ordre pour arriver à la saisir au vol. Et particulièrement dans le besoin pour oser interrompre la marche forcée que la jeune femme menait au travers de la ville. L’air peu amène, la main sur la garde de son sabre, elle se sentait désormais en pleine possession de ses moyens et prête à en découdre avec tout adversaire. Elle sentait de manière confuse qu’elle fût dans l’erreur et que ses récents succès la grisaient à outrance. Mais qu’il était agréable de se laisser porter sur ses certitudes.

Arrivant à proximité de sa demeure, elle ralentit toutefois le pas. Lors de sa dernière absence plusieurs importuns s’étaient introduits au sein de la demeure et si le dénouement de ce terrible épisode s’était finalement révélé heureux, la jeune Diane, servante de la maison, ne trouvait plus le sommeil. La jeune fille, bientôt femme, cauchemardait souvent et n’acceptait plus de rejoindre sa couche qu’accompagnée. Calimène avait trouvé une dague sur sa table de chevet. Pour l’heure seules occupantes du petit Manoir, dans l’attente du retour des parents de Diane partis visiter leur famille dans l’arrière-pays, les deux jeunes femmes redoublaient de précautions, surtout le soir : les volets étaient fermement tirés et les portes verrouillées à double tour.

Devant le portail de la propriété un homme seul attendait. Grand et le corps délié, il portait l’uniforme de la Garde de Kendra-Kâr. Sur la poitrine et aux épaules, plusieurs marques distinctives indiquaient une position de Capitaine, position usuellement attribuée aux membres de la petite noblesse étant entré dans les armes de la cité. Bien souvent par ailleurs, ils avaient du mal à progresser au-delà de ce poste somptuaire et s’avachissaient dans des fonctions administratives, entouré d’une cour de larbins produisant pour eux le travail qui leur était demandé. Victorin, toutefois, était d’une toute autre trempe. Combattant aguerri et volontaire, il ne demandait jamais à ses hommes de faire ce que lui-même n’aurait pas eu le courage d’entreprendre. Adroit l’épée à la main, il avait aussi l’esprit agile et intuitif. Par ailleurs, il avait un sourire charmant, ce qui ne gâchait rien à l’ensemble du personnage.

« Victorin » le salua-t-elle d’un ton aimable. « Voilà une visite inattendue mais toute à fait appréciée » poursuivit-elle en ralentissant peu à peu le rythme de ses mots, contaminée par l’attitude distante de son camarade.

« Il s’est produit un évènement inattendu » commenta Victorin en affichant sa contrariété.

« Diane » s’inquiéta soudainement Calimène. La jeune fille avait souhaité rester seule pendant les courses de la Dame de maison, insistant pour ne pas passer pour une chochotte en pleine journée. Calimène fit deux pas en avant en direction du portail, cherchant déjà la clé qu’elle avait utilisé pour en verrouiller la serrure. Au passage Victorin cercla son bras de ses doigts et la retint dans son mouvement. Contact inhabituel, l’un et l’autre restèrent interdit un long moment.

« Ne soit pas inquiète pour ta jeune servante ; l’affaire présente est toute autre » trancha-t-il au bout de plusieurs secondes. « Il m’a été proposé une opportunité… que l’on m’a fermement déconseillé de refuser… une mission d’exploration dans le nord en terres naines » expliqua-t-il posément.

« L’on nous sépare tu veux dire ! » rétorqua Calimène avec autant de vivacité dans la voix que dans le mouvement qui libéra son bras.

Victorin resta stoïque quelques instants, l’observant avec la patience infinie de celui ayant déjà connaissance d’une révélation échappant encore à son interlocuteur. En réponse, Calimène fronça les sourcils. En quelques inspirations, elle abaissa sa colère de plusieurs crans et fit œuvre de ses capacités de réflexion. Ce fut pourtant, à peu de choses près, par les mêmes mots qu’elle répondit au fringuant Capitaine.

« Tu veux dire… que l’on nous sépare ? » dit-elle à voix basse.

« Tu invoques exactement ma pensée et c’est précisément ce pourquoi je ne puis refuser cette mission dans le nord. » expliqua-t-il d’un ton maîtrisé. « L’ordre vient de haut et malgré mes efforts, je n’ai pas réussi à en saisir la provenance, preuve qu’il provient d’encore plus haut que je ne l’imaginais. En conséquence, le refuser informerait son expéditeur des doutes que nous avons vis-à-vis de cette manœuvre. »

« Cela signifierait que bien que la machination ait été déjouée, quelqu’un conspire encore contre Kendra-Kâr ? » le questionna-t-elle. Il répondit par un sourire amusé.

« Il y a toujours quelqu’un, quelque part, qui conspire contre Kendra-Kâr ; tu devrais le savoir maintenant » dit-il en riant.

« Bah ! Oublions-les quelques instants et allons prendre le thé, à moins que ton départ ne soit si pressé que tu ne préfères qu’un peu d’eau chaude ? » Le tança-t-elle.

« Nous partirons demain avec le soleil, pour le nord. Notre mission est de repérer d’éventuelles infiltrations en provenance d’Omyre et de tenter de localiser d’anciennes forteresses naines qui pourraient être réhabilités afin de prendre position au-delà des duchés. Qui sait, peut-être pourrai-je localiser le château de princesse dont tu rêves tant ? » Dit-il en riant, la bonne humeur visible.

« Tu peux toujours rêver, beau Prince, d’une telle bâtisse, je ne saurai que faire » répondit-elle en refermant le portail sur eux.

Et c’est ainsi que Victorin prit la route du nord, laissant Calimène seule au sein de la Cité, avec pour seules protections trois serviteurs, un portail rouillé, une épée marquée du sceau de la sirène et une insatiable ambition.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 18 Déc 2011 12:16 
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<Lac de Hynim>

C'est avec un entrain digne d'un hobbit que Willow se réjouit de ma proposition, et l'accepta avec vivacité. Je ne pus réprimer un petit rire lorsque je constatais que, fort heureusement, il n'avait rien perdu de sa gloutonnerie.

Je saisi le bras qu'il me tendait, avenant, et nous nous mîment alors en route vers la Maison, ce bâtiment que j'aimais déjà tant, et dans lequel je me sentais déjà en sécurité comme chez moi. En route, Liam prit la peine d'expliquer à Willow ce dont il s'agissait. Il fut assez vague dans sa description : un lieu dans lequel nous nous réunissions.

Lorsque nous arrivâmes, après un court temps de discussion dans le salon, pendant que des effluves délicieux naissaient en provenance de la cuisine, nous nous installâmes tous à table dans la grande salle à manger. Débuta alors un délicieux festin confectionné par Mahaut, la Kendrane voleuse. Boisson et nourriture affluaient, au plus grand bonheur de Willow, et plus la nuit avançait, plus je tombais de sommeil. Finalement, les plats finirent par être vides, de même que les cruches de vin ou de bière, et il fut jugé que l'heure de se coucher était arrivée.

Une chambre fut confiée à notre hôte le hobbit, à la panse repue, et après avoir souhaité une douce nuit à toutes les personnes présentes, je montai les escaliers lentement, sur le point de succomber aux bras de Yuia.


<Les habitations>

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Dernière édition par Loys le Dim 18 Déc 2011 12:21, édité 1 fois.

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