L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 26 Fév 2012 20:07 
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L'elfe te faisant face te regarda te lever difficilement en affichant un sourire de dément sur le visage. Alors que tu craches tes paroles sur lui, il s'esclaffa de plus belle.

- "Mais c'est qu'elle mordrait en plus ! Une vraie petite sauvage ma parole, je vais prendre un vrai plaisir à te faire mordre la poussière..."

Son sourire se transforma en expression démoniaque, ses yeux rougeoyèrent un peu plus, sa main brilla d'une lueur sombre. Il prit une clé dans sa première sacoche de ceinture, ouvrit la porte de ta geôle et te rejoignit dans ta cellule. Il se plaça à bonne distance de toi, évaluant tes forces et tes faiblesses d'un rapide coup d'oeil. Puis il ramena son épée sur son épaule droite et te toisa du regard.

- "Voyons voir ce que tu as dans le ventre, honneur au beau sexe !"


(((HRP : Tu rentres ainsi dans une phase de combat, pour avoir des infos supplémentaires, direction notre sujet de coordination.)))

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mer 7 Mar 2012 12:15 
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Cette petite raclure prend un malin plaisir à me voir lutter pour me redresser. Lorsque que je m’adresse à lui, un rire sinistre s’échappe de sa gorge et il ose employer des mots qui peuvent être interprétés à double sens et je n’aime absolument pas ses insinuations graveleuses. Et rapidement ce que je crains ce produit. Il ouvre ma cage et pénètre à l’intérieur.

Mon premier reflexe est de reculer pour me trouver le plus loin possible de lui tout en plaçant ma main sur le pommeau de mon épée. Où peut donc se trouver Hyros ? Je sais que pour le savoir il va me falloir affronter cette ordure qui semble animée par le feu de l’Enfer. Ses yeux rouges flamboient de plus en plus et je ne me sens absolument pas rassurée. Il me laisse l’honneur de lancer la première attaque.

Je l’examine. Il est grand, musclé et doit sans doute posséder des pouvoirs magiques. Sa main luisant d’une étrange lumière me met la puce à l’oreille. Et si j’en juge par son physique général, il doit être bien plus fort que moi. Je commence à tourner autour de lui et une idée germe dans mon esprit : me débarrasser de la main qui me gène le plus, celle qui semble pouvoir lancer de la magie.

Je me jette donc dans ce combat qui, je le sais, s’annonce mal ! Je sors mon épée de son fourreau et la place rapidement vers le bas à gauche et dans un mouvement que j'espère rapide, je la remonte vers la droite dans l’espoir de trancher cette main !

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Un grand merci à Dame Itsvara pour la signature




Dernière édition par Elylia le Mar 22 Mai 2012 10:27, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 8 Mar 2012 00:29 
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Jet d'attaque Elylia : réussite
Jet d'attaque shaakt : échec

Ton action de vouloir lui couper la main gauche le surpris grandement et ton adversaire ne réussit pas à enlever sa main suffisamment rapidement pour éviter une grave blessure. Tu pourras voir une grande estafilade allant du bas du poignet jusqu'au coude traverser son bras.

- "Comme je le disais elle mord bien la demoiselle ! A mon tour de jouer !"

Le sang coulait toujours de son bras mais il ne semblait pas sentir la douleur du à ce coup bien placé. Il leva la main paume vers toi près à lancer un sort qui tardait à venir et il s'en inquiéta.

- "A cause de toi, je n'ai pas pu lancer mon sort, tu vas le payer."

Il finit par prendre son épée à deux mains attendant patiemment ton prochain coup.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 15 Mar 2012 17:25 
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Prologue ou "Villa Break"
-1-


Ouverts. Fermés. Un d'ouvert, l'autre fermé. Entrouverts.

Vivement, mes paupières encore lourdes clignent, ne m'apportant que des ténèbres grisées pour tout horizon. Allongé sur le flanc gauche, totalement nu, j'essaie de sortir des brumes d'un sommeil loin d'être réparateur. Tout mon corps est engourdi mais surtout couvert d'une fine pellicule de sueur. Je sens mes lèvres se resserrer, laissant passer un son contrarié.

"Tch !"

Je me sens pâteux, presque faible et surtout dénué de la volonté suffisante pour me mouvoir. Ma peau bleutée colle au mouchoir blanc me servant de drap ou peut-être est-ce l'inverse. Ma fine chevelure dorée refuse de rester à sa place, préférant obscurcir davantage mon champ de vision. Non seulement je nage littéralement dans ce que j'ai peine à appeler un lit, mais en prime je pue. S'il y a bien une chose que je déteste, en dehors de tous ces êtres plus grands que moi, c'est de négliger mon bien-être. Eh oui, je ne suis même pas encore levé que déjà mon humeur est exécrable. D'ailleurs, en avait-il été autrement depuis le début de ma captivité ? Non ou alors je m'en souviendrais.

Finalement, je pose un pied après l'autre sur le sol de bois poli de ma cage circulaire, attendant que mes yeux s'habituent à l'obscurité ambiante. Mon estomac gronde son mécontentement dans le fin silence de l'endroit. Ce bruit me rappelle inévitablement la cause de mon état. Ma peau se hérisse. Mon expression se ferme. Déjà, je sens l'amertume m'emplir la gorge. Elle s'amplifie, se changeant en mots cinglants, parés à aller frapper toute cible comme on lance un projectile. Elle se pense peut-être maligne cette humaine ? Si elle croit que me faire jeûner va me dissuader de retenter une fuite, elle se met l'un de ses doigts crochu et recouvert de poudre puante droit dans son oeil jaunâtre jusqu'au fond de sa gorge. Tant qu'elle y est, qu'elle s'étrangle avec, cela ne peut que soulager tout le monde. Moi, surtout. Je revois mentalement son sourire de dents mal agencées, faisant naître une grimace dépitée sur mes traits fins.

(Beuh ! Cauchemarder après s'être réveillé, c'est le comble.)

M'habituant peu à peu au noir ambiant, je lève la tête vers le sommet des barreaux. Et comme tous les jours, je constate leur courbe les liant à une rondelle de bois. Et une fois de plus, je vois entre eux l'épais tissu brun-rouge qui sert à recouvrir ma prison. Quel coloris dégoûtant. A croire qu'un de ces bipèdes insupportables avait arraché le cuir d'un animal sans prendre le temps de laver le sang qui s'était collé dessus. Peut-être l'oubli avait-il été volontaire. Mais à quoi bon espérer quelque chose de potable dès que les humains y étaient mêlés ?

"Eurk. Et en prime ça empeste comme son maudit parfum."

Assis, les bras tendus en arrière, je cambre le dos, étirant mes ailes de toute leur longueur argentée. Mon regard se pose sur le mobilier toujours aussi inerte de ma soi-disant "chambre". A ma gauche, une cuve de belle taille est remplie d'eau, "meuble" que cette mocheté féminine appelle un bol. De l'autre côté de la cage, une surface réfléchissante me fait office de miroir et un crochet proche me sert d'habitude à suspendre le tissu bizarrement agencé qui me sert de tenue. D'habitude seulement. La veille, la bipède poudrée me l'a reprise pour la retravailler. Avec ses goûts douteux, je suis sûr et certain qu'elle me prépare une tenue encore plus légère. Non seulement elle a des tendances écoeurantes mais en prime sa façon de me dévorer du regard une fois vêtu... A la pensée de ces yeux presque fixes et emplis d'une fascination dérangeante, je peux sentir un violent frisson de dégoût me parcourir.

Je secoue la tête, outré que le faciès détesté y soit resté aussi longtemps, et avise le récipient d'eau. Mes mains plongent dedans, en retirant vivement du liquide pour m'en asperger le visage et le torse. Lentement, ma peau me fait savoir que quelques gouttes dévalent mon dos librement entre mes ailes. La fraîcheur me fait du bien et j'en profite longuement, les yeux mi-clos. Même entre ces barreaux de métal doré, c'est l'un des rares moments où je sens mon corps libéré, offert à l'air tiède de la cage. Lorsque je serai vraiment libre, je compte bien me baigner dans toutes les sources pures possibles. Ou en tous cas, me laver quand je le déciderai.

Je m'étire une nouvelle fois, le poing droit vers le haut de ma prison, courbant mon torse sur la gauche. Quelque peu délassé, je pose mes mains sur le rebord du récipient. L'eau qui s'y trouve ondule doucement de temps en temps. Je m'y intéresse un peu, voyant les vaguelettes se former de plus en plus fréquemment, une onde se propageant sur toute la surface transparente. Un pressentiment me submerge mais il est déjà trop tard. D'un coup, avec un grincement métallique, la cage se met à bouger violemment. Par réflexe, j'étends mes ailes, cherchant à maintenir mon équilibre précaire. Le sol de la cage penche de plus en plus et la trop petite taille de cette dernière m'empêche de voler à ma guise. Mes pieds glissent sur le fond humide et je dérape, plongeant pratiquement tête la première dans le bol d'eau. Ma chute est si soudaine que je n'ai pas le temps de prendre ma respiration.

Alors que le tissu de la cage est retiré, je sors vivement la tête de l'eau, crachant une gerbe incolore. Mes genoux et mes mains glissent contre la paroi de terre cuite et engobée. L'engobe, comme un vernis, rend la surface si lisse que je retombe sous le niveau de l'eau plusieurs fois avant de parvenir à me stabiliser. Je me retrouve au final à genoux dans l'eau fraîche, ma chevelure dans la figure. Je tousse instinctivement, expulsant les gouttes du liquide venues assaillir mes poumons. La soudaine luminosité m'aveugle un instant. N'y voyant plus rien, je permets à mes autres sens de ponctuellement s'améliorer. Et manque de chance, la première chose que je perçois est la voix nasale et roucoulante d'une humaine. C'est celle de cette vile pimbêche qui se prétend ma propriétaire depuis plus d'une décennie.

"Eh bien Nessachou ? Tu es censé boire dans ce bol, pas y faire trempette ! "

Hautaine, moqueuse, détestable, condescendante. Je n'arrive même plus à penser à d'autres qualificatifs tant mon mépris pour elle croît, seconde après seconde. Une nouvelle quinte de toux se profile, m'empêchant de lui répondre avec ma véhémence habituelle. Je n'en pense pas moins pour autant.

(La faute à qui, sombre crétine poudrée ! Mocheté dégénérée ! Stupide femelle même pas capable de se vêtir sans aide ! Ton sens de l'esthétisme est encore plus pourri que celui d'un sekteg trépané ! Et encore ! Même eux sont conscients de leur mauvaise haleine !)

Satisfait et d'un coup détendu par ma pique non formulée, je me permets de visiblement les ignorer, elle et son humour infantile. D'un geste lent, je repousse ma douce chevelure trempée du bout des doigts, l'essorant un peu au passage. D'une petite toux, je chasse la dernière trace d'eau obstruant ma gorge. Maintenant que je suis trempé, autant me laver totalement. Formant un petit bassin de mes mains, je me recouvre d'eau encore une fois, repoussant la totalité de ma tignasse en arrière. Lentement, je passe mes doigts sur ma gorge légèrement bombée puis sur mon épaule gauche, m'aspergeant régulièrement d'eau. Un souffle ravi s'échappe de mes lèvres. Je me débarrasse enfin de cette sueur collante et mon doux bleu de peau revient peu à peu à sa teinte originelle. Faisant attention à mes ailes, je me masse les lombaires du bout des doigts, cambrant légèrement le dos pour lisser ma colonne vertébrale.

Un souffle étouffé se répercute dans ma cage, mettant fin à mon doux moment de bonheur. Je lève lentement la tête en biais, apposant un regard méprisant sur l'humaine. Je sais déjà ce qu'elle est en train de faire. Ses yeux bleu-gris me scrutent de haut en bas. Je sens un frisson de dégoût tant son regard est intense. C'est comme si elle lissait mentalement chaque parcelle visible de mon corps. Ma chevelure blonde ondulant sous l'effet de l'eau, mes yeux abyssaux, mes lèvres pulpeuses, ma gorge humide, mes ailes brillantes, mon buste joliment ciselé et... Je hausse la lèvre supérieure en une moue écoeurée. Mon souffle revenu, je n'hésite pas un instant.

"Eh bien, eh bien ! Frustrée de ne pas encore avoir leurré ce joli nobliau endetté dans ses filets, la rihanère jette son dévolu sur un aldron ! Sans façons. Je ne fais pas dans les vieilles peaux. Laideron."

L'humaine reste un court moment stupéfaite puis son visage se crispe. La voilà qui se met d'un coup à bouder, s'éventant de la main comme si elle manquait d'air. Moi pas. Je me détourne d'elle, reprenant mes ablutions. Mes pieds sont ma prochaine cible quand sa voix insupportable m'interpelle.

"Toi ! Tu profères des inepties ! Il s'intéresse à moi ! Je le sais."

A sa tirade, je me tourne un peu vers elle et lui lance un regard appuyé. Tout ce qu'elle a retenu de ma pique est la méchanceté sur son lien avec cet idiot de noble sans fortune ? Sa cervelle rouillée est encore plus poussiéreuse que je ne le pensais. Il faut vraiment qu'elle n'ait pas plus de deux yus de jugeote pour croire, ne serait-ce qu'un instant, que quiconque puisse s'intéresser à elle. L'hypocrisie chez cet énergumène masculin est si flagrant que, même en étant aveugle, je suis persuadé que je pourrais le voir. Il ne fallait pas être bien malin pour comprendre qu'une personne endettée, noble ou pas, aura recours à tous les moyens possibles pour se tirer d'affaire. Alors quand une occasion pareille se présente, à savoir une vieille fille ayant dépassé la vingtaine, seule héritière de la fortune familiale et totalement désespérée, normal qu'il saute dessus.

(Quand même, lui aussi doit être dans une sacrée fosse à purin... Parce qu'être assez désespéré pour jouer son avenir sur une union avec ça...)

Prudemment, en me tenant d'une main à un barreau brillant, je m'extirpe de l'eau fraîche. J'en viens presque à le regretter quand, aussitôt, la porte de la cage s'ouvre sur la main pâle de l'humaine. Au creux de celle-ci, mon habit est refait à neuf avec cependant un pagne plus long devant. Je scrute la main mais, sentant l'eau dégouliner sur ma peau bleutée, je décide de la contourner. D'un geste assuré, j'attrape le tissu de la manche de la géante, remarquant finalement qu'elle porte encore cette horrible robe d'un jaune passé, décorée de dentelles inutiles aux poignets et au col. Le pire est que le tissu laisse entrevoir le haut de sa poitrine rebondie où trône son affreux grain de beauté poilu. Et que dire de ce collier de grosses pierres bleues mal taillées semblant si lourd qu'elle doit se pencher en arrière, faisant ressortir son postérieur, pour faire contrepoids ? Je détourne prestement le regard, m'épargnant cette vision d'horreur, utilisant le tissu pour me frotter vigoureusement la tignasse.

Immédiatement, sa voix se perche dans un ton plus aigu, accompagnée d'une intonation outrée.

"Que ? Mais qu'est-ce que tu fais ?!"

Ce que je fais ? D'abord totalement fi de sa question et ensuite je prends deux ou trois bonnes secondes supplémentaires pour éponger mon torse avec sa manche. Un air moqueur mais sans sourire se peint sur mon visage alors que je lui désigne d'un pouce au-dessus de mon épaule mon lieu de vie.

"Je me sèche, quelle question ! A force de te poudrer autant la trogne, tu dois avoir les yeux trop encrassés pour remarquer que je n'ai rien d'autre sous la main."

Sans attendre sa réaction, je lui dérobe le soi-disant habit qu'elle m'a refait. Pudeur ? Honte motivant mon geste ? Non. Je me sais parfaitement capable d'évoluer nu comme un ver sans rien ressentir de tel. La seule chose qui me freine est le regard de cette femelle. Déjà qu'elle me scrute d'habitude, je serais incapable de me défaire d'elle si je lui faisais ce plaisir. Et l'avoir en permanence sur les talons ou qu'une de mes actions lui conviennent, je refuse tout net.

J'enfile d'abord le duo botte-pantalon court, sentant la caresse du cuir souple contre ma peau. La qualité de la matière est bien la seule chose qui reste correcte dans cet habit de mauvais goût. Je peux voir ma peau bleue entre les lanières des cuisses mais n'y prêtre guère attention. J'enfile les manches, tirant sur les lanières parcourant mon torse. Mes ailes argentées passent sans difficulté dans le vide de l'habit sans être gênées. J'attache ensuite le petit ceinturon, caché sous le pagne long, au pantalon court. Rapidement, je jette un coup d'oeil dans le miroir.

(Evidemment, encore moins de tissu pour le torse. Une idée stupide de plus, germée dans un esprit à la limite de l'infertilité. Elle doit avoir des parcelles d'idées, flottant dans sa mélasse crânienne, qu'elle assemble au hasard... Ou alors elle est simplement dérangée. Tarée. C'est inné dans cette fichue peuplade.)

L'humaine, brune d'après l'épaisse tresse immobile cerclée d'un ruban faussement doré dans son dos, s'éloigne enfin de la cage, la laissant ouverte. D'un geste, elle me désigne un meuble bas à un pied. Quelques boulettes d'un jaune miteux, tirant sur le brunâtre, y sont présentes dans une coupe de belle taille. Je déploie doucement les ailes et vais me poser sur la table où le récipient se trouve. Mon corps entier me semble lourd, difficile à soulever avec mes membres de plumes manquant un peu d'énergie. Je ne me presse pourtant pas. Il ne faut pas que cette crétine amourachée d'un manipulateur pense un seul instant que j'ai souffert de mon jeûne forcé. Je me saisis d'une boulette de miel, la portant à mon nez d'abord puis à mes lèvres. Une grimace s'affiche sur mes traits. L'aliment est fade, sans cette dose sucrée qui est censée faire la richesse de cet aliment. Les humains ne sont décidément que des bons à rien, pas même capables de récolter et de conserver efficacement cette denrée si douce. Et le pire reste qu'ils se pensent naturellement doués, à croire qu'ils sont aveugles à leurs propres défauts.

Je prends une autre bouchée, uniquement parce que mon estomac vide m'y oblige. Tout à mon prétendu repas, je n'écoute qu'à peine la brune dont la voix nasale se charge peu à peu d'une intonation impatiente.

"Ce soir, c'est le grand soir ! Toi, tu m'encourageras, n'est-ce pas ?

Je lui jette un bref coup d'oeil méprisant, m'apprêtant à lui répondre quand je remarque quelque chose d'étrange. Non seulement ce n'est pas à moi qu'elle parle mais en prime elle regarde dans une direction vide de toute présence. Et la voilà qui se met à rire toute seule en plus. Détournant mon regard d'elle avant que cette vision ne me fasse perdre l'appétit, je prends mon temps pour décortiquer et mastiquer une autre boule de miel.

Elle se met bientôt à faire des messes basses, comme s'adressant à un confident. Même moi, j'en viens presque à trouver son manège un brin inquiétant.




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Dernière édition par Nessandro le Jeu 22 Mar 2012 13:57, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 17 Mar 2012 11:08 
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Lentement, j'avale le reste de l'échantillon de miel quand quelques coups légers sont frappés à la porte. Sans attendre une quelconque réponse, deux femelles humaines font leur apparition par l'entrée près du lit à baldaquin. Je reconnais au premier coup d'oeil des servantes, portant tablier froissé sur robe brune et raide. Je n'ai jamais compris pourquoi elles portent en plus un tissu leur couvrant les cheveux mais au moins cela m'évite de devoir supporter leur crasse capillaire. Que ce soit l'une ou l'autre, à mes yeux, elles sont aussi ordinaires et identiques que toutes les autres femelles humaines oeuvrant dans la villa. Vu le pli bizarre que l'une d'elle a sur sa tenue, je suis pratiquement certain qu'elle a fait un détour par un placard ou un endroit sombre. Accompagnée, bien évidemment. C'est tout de même fou ce à quoi une petite taille permet parfois d'assister. Une autre raison pour être écoeuré par ces créatures sans gêne, copulant même dans la garde-robe de leur employeur...
Un léger détail diffère cette fois. La bipède la plus éloignée de moi porte une longue tenue pourpre dans les bras, sans doute robe de soirée pour la brune.

A cette pensée, je jette un rapide coup d'oeil en direction de la petite fenêtre close. La lueur d'un jaune orangé me fait savoir que la fin d'après-midi est proche. Déjà. Déployant mes ailes, je retourne dans la cage en essayant de ne pas attirer l'attention sur moi. Pas de problème de ce côté, appuyé par la voix irritante de la bourgeoise qui s'élève, encore plus aiguë qu'à l'ordinaire.

" Ma-gni-fi-que ! Allez, allez ! On ne traîne pas ! Je dois être par-faite pour la fête. Oh oh ! Que je suis amusante !

( C'est ça. Même les servantes se moquent de toi, c'est dire.)

Au moins, pendant que l'humaine se rend encore plus laide qu'au quotidien, j'ai le temps de me préparer aussi, à ma façon. De derrière le miroir, j'extirpe une sacoche oubliée dans laquelle je retrouve, entre autres, ma sarbacane et ses munitions. Par précaution, je glisse mon arme dans ma manche. Le petit défaut interne du cuir, que cette incorrigible brune a refait à l'identique, me permet de coincer la sarbacane à portée de main, sans qu'elle soit repérable. La sacoche, large, est retenue par une bandoulière que je passe en biais à travers mon torse. Je mise gros sur l'effet d'optique. La bretelle de la sacoche ressemblant beaucoup au tissu de mon habit, je pense qu'elle passera inaperçue. De toute façon, vu où le bout de cervelle de la bourgeoise traine ces derniers temps, je suis presque certain qu'elle n'y verra que du feu.

Je ressors de la cage, allant m'asseoir dessus. Mes chevilles se croisent tandis que, le menton en appui sur mes mains, les coudes sur les genoux, je fais semblant de m'intéresser à la préparation de ma maîtresse. Une moue agacée se peint un instant sur mes traits à cette pensée. Pour l'en chasser, je reporte mon attention sur les mouvements dans la pièce.
L'une des domestiques, un genou à terre, tire un peu sur la robe pourpre, défaisant un pli. Suite à cela, je vois nettement ses yeux d'un marron sale se tourner dans ma direction. Quand elle voit que je l'ai remarqué, son visage criblé de taches de rousseur s'empourpre et elle reprend sa besogne. Je hausse un sourcil. Maintenant que j'y fais attention, je me rends compte que ce n'est pas n'importe quelle servante. C'est cette maladroite de Rhyatta, incapable de tenir de la vaisselle sans la faire tomber, de marcher sans bousculer quelqu'un et surtout de retenir ses grondements bestiaux alors qu'elle se cache, en piètre compagnie, dans une penderie.
Un souffle méprisant s'échappe de mon nez. Aussi maladroite et stupide qu'elle soit, c'est son existence même qui peut m'aider, ce soir, à tirer ma révérence. Je me garde bien de trahir son petit écart avec une certaine personne, connaissance dont je compte bien me servir pour enfin retrouver la liberté.

L'attente est longue, madame la brune n'étant jamais satisfaite de ses bijoux ou de sa coiffure. Heureusement pour tout le monde, elle finit par se montrer contente de couettes formées de part et d'autre du crâne, qui se rejoignent en une seule tresse derrière sa tête et pendant dans son dos. Durant un long moment, je doute même qu'on puisse appeler son sens de l'esthétique un "goût". C'est laid, ça ne ressemble à rien et ça la rend encore moins avenante. Si toutefois une telle chose est encore possible. J'ai pratiquement l'impression de percevoir ce que je pense définir comme de la honte, à cause de sa simple présence.
Elle finit par se lever et tourner sur elle-même, montrant sa toilette neuve. Un regard hautain se pose alors sur moi. Elle se saisit d'un ruban grisé qu'elle lisse entre ses doigts. Ses souliers claquent sur le marbre à tapis délavé tandis que je la vois venir dans ma direction. Je sens la peau de mon dos se couvrir de pics de chair mais je fais comme si de rien n'était. Mes yeux sombres restent rivés à ce ruban brillant.

Avec un sourire ravi, elle fait une petite révérence, mettant encore davantage en avant son décolleté. Et cette monstruosité de grain de beauté.

"Alors Nessachou ? On reste sans voix devant ma perfection ?"

Mes yeux se plissent et je me demande un instant si elle fait vraiment exprès de me tendre des perches. Je m'apprête à lui envoyer une répartie blessante quand elle me coupe.

"Oh, pas la peine de répondre. J'ai tout de suite vu à ta tête que tu étais jaloux ! Jaloux parce que ma tenue me met en valeur, moi."

Ridicule. En une seule phrase, elle vient de réduire à néant toute la fierté qu'elle aurait pu tirer de la confection de mon habit. Je n'ai même pas besoin de lui faire honte, elle se charge elle-même de se faire passer pour une abrutie. Visiblement, elle n'a pas l'air de se rendre compte que ma tenue, horrible mais qui me sied, hélas, est totalement l'inverse de la sienne. Mon corps, bien visible et joliment taillé, se suffit à lui-même. Elle, elle doit cacher en permanence les défauts multiples de son visage sous du maquillage lui donnant un air maladif. De plus, sa robe masque mollement les rondeurs liées à une nourriture trop grasse. De nous deux, je suis largement le mieux loti.

Devant mon silence blasé, écho de celui de la chambre seulement troublé par les gloussements étouffés des femelles proches, l'humaine affiche un air de triomphe. Elle attrape alors vivement ma jambe gauche, manquant me faire glisser, et noue son ruban autour de ma cheville hautement bottée. Je ne lui résiste pas. Ce n'est pas que j'ai envie de me laisser faire mais je risque de retourner en cage en cas de rébellion. Et ceci mettrait fin à ma tentative prochaine d'évasion.
Elle l'enroule autour de son index gauche et tire ensuite sur mon lien, chaîne de tissu, en tendant son poignet opposé. Comme un oiseau de proie docile, je viens m'y asseoir, dégageant le pagne flottant et repliant les ailes aussitôt. Et la voilà qui parade comme si elle avait réussi à mettre au pas un animal dangereux. Si elle pouvait entendre tout ce qui passe dans mon esprit à son sujet, elle en perdrait connaissance.

(Profites-en tant que tu le peux. L'oiseau prendra bientôt son envol et tu pourras toujours courir pour le rattraper.)

Escortée par les servantes, dont une Rhyatta qui réussit l'exploit de se prendre les pieds dans le tapis pourtant plat, la brune emprunte un long couloir. Je ne regarde même pas les murs proches, décorés de portraits d'humains tous plus laids les uns que les autres. Ils sont censés représenter les membres d'une même famille. Cela se voit. Les toiles sont moches, salement encadrées et insupportables à regarder. Leur sujet est paré d'un aspect si hautain qu'il en frise le ridicule mais, heureusement, tous ces humains sont morts ou presque.

Bientôt, la bourgeoise en tête, le trio féminin arrive dans la vaste salle où la fête se tiendra bientôt. Dorures partout, portes et plafond compris, et tableaux de grande taille où figurent des représentations, incroyablement inexactes d'ailleurs, de la forêt kendrâne servent de décoration à la pièce. Près de l'entrée à deux battants, un petit groupe de musiciens se prépare.
Et encore des humains.
Un bon nombre de fauteuils en velours bleu est disposé le long des parois, à l'exception de celle venant border notre couloir d'arrivée. Contre elle, une longue table est accolée, de très nombreux verres à pied y étant disposés. Des dessous de plats sont apportés et ajustés par des employés de la villa en un ballet incessant, comme si leur survie dépendait de la bonne place de chacun d'eux.

Un mouvement proche attire mon regard sur un large fauteuil. Mes yeux se plissent et mon amertume revient à la charge quand j'identifie l'humain. Chauve sur le dessus du crâne, les tempes grises et broussailleuses, une trogne plus ravinée qu'un bout de parchemin, une tunique longue brodée de fils d'argent et surtout une canne, au pommeau sculpté pour ressembler à une aldrone, ne laissent aucune place à la confusion. La voix ravie de la bourgeoise me le confirme.

"Père ? Vous n'avez pas l'air heureux. Ne trouvez-vous pas cela excitant ?"

Le vieillard tourne alors lentement son visage vers sa progéniture et esquisse un sourire édenté. Il lui fait signe d'approcher, ce qu'elle fait. La main noueuse du patriarche se pose sur le visage poudré, le tapotant légèrement.

"Oh si. J'ai du mal à croire que je sois encore là pour un de tes anniversaires, ma petite princesse."

"Voyons père..."

"Dis, n'aurais-tu point vu mes lorgnons ? Impossible de remettre la main dessus."

Vieux, sentant mauvais, responsable de ma présence ici, offensant le regard et sénile en plus. Son dispositif de vue lui pendait sur le torse, retenu par une chaîne d'argent autour de son cou épais. Je détourne mon attention de cette paire faisant preuve d'une tendresse pouvant me faire vomir, remarquant les allées et venues de quelques valets, par la double porte. Apparemment, certains invités étaient déjà arrivés.
Dès que la nouvelle lui parvient, la brune met de l'empressement dans chacun de ses gestes. Rapidement, elle me pose sur le rebord d'une fenêtre surplombant la table, nouant le ruban à un large crochet, sans doute destiné à tenir une autre de ces toiles ratées. Le choc, rude sur mon postérieur, me fait me masser le bas du dos avec une expression courroucée.

(Et voilà, quand un nouveau jouet se profile, l'aldron passe au second plan. D'un autre côté, si elle pouvait m'oublier totalement, ça m'arrangerait.)

Je tire un peu sur le tissu qui me retient mais les noeuds, que ce soit celui de ma cheville ou du crochet, me semblent trop serrés pour être défaits. En tous cas, impossible sans y passer de longues minutes. Or, la bourgeoise me lance tout de même par moment un regard appuyé. Si elle me voit faire, je suis certain de retourner en cage. J'ai déjà mon idée pour une diversion mais il faut pour cela que le pion principal fasse son apparition. Et il viendra, il n'a pas vraiment le choix. Rater la fête d'anniversaire de cette brune, c'est rater sa chance avec elle.

Je le plaindrais presque.

D'ailleurs, en parlant de ce pion, le voilà justement qui se présente. Il est en avance, arrivé le premier avec un bouquet de fleurs sans doute achetées à crédit. Ou volées. Ou, pourquoi pas, dérobées dans un jardin privé. L'humain est plus jeune que la brune, vêtu d'une longue tunique pourvue de dentelle, d'un pantalon s'évasant sur les chevilles et d'une paire de gants dont il se défait pour se saisir d'une main de la femelle. Sa tignasse d'un brun plus clair est retenue en une queue-de-cheval, au niveau de sa nuque, par un ruban d'un bleu presque blanc, comme laissé trop longtemps dans l'eau. Son faciès est affreux, typiquement humain. Long, avec une moustache fine, des yeux ronds et des sourcils se rejoignant presque au milieu du front. La vue de cette pilosité faciale m'arrache un bref frisson de dégoût.
Le nobliau vient ensuite présenter ses hommages au patriarche. Ses mots creux vantent la santé de ce dernier, la beauté de la fille et la touche subtile de couleur dans la pièce.

(Hypocrisie flagrante. Si ces deux crétins n'aimaient pas autant être flattés, il aurait déjà été congédié. Pfff. Ca sonne tellement faux que j'en ai les oreilles qui bourdonnent. )

J'écoute finalement un peu plus attentivement. En vérité, ce n'est pas les faux-semblants du nobliau qui me hérissent mais le bruit perturbant des instruments de musique hurlant leur désaccord, dans tous les sens du terme. Le soudain bruit a au moins le mérite d'avoir coupé l'invité dans une tirade sans fin. Saluant du chef le vieillard avachi sur son siège, l'humain se dirige ensuite vers la table où quelques aliments ont été disposés. Ses mains gantées se posent rudement sur le meuble. Il jette un bref coup d'oeil par-dessus son épaule puis soupire.
A l'entendre se parler, il ne m'a apparemment pas remarqué alors que je suis quasiment sous son nez.

"Pfff. Ce qu'il ne faut pas faire pour se sortir du pétrin..."

Sa pensée formulée m'amuse tant elle est représentative de la pensée humaine. L'occasion est belle et je ne me gêne pas pour en profiter.

"Sur ce point, nous sommes d'accord."

Je le vois sursauter, chose m'amusant davantage sans que je laisse mon état d'esprit paraître sur mon visage. De profil, l'avant-bras en appui sur le genou, je le scrute. Sa surprise passée, il se met à froncer les sourcils et se penche un peu, l'air de rien et surtout pas de s'adresser à moi.

"Toujours là où je ne m'y attends pas, moucheron."

"Allons, allons. J'ai eu la décence de ne pas anéantir tes efforts, couard. Le moins que tu puisses faire, c'est de m'être reconnaissant."

"Tss !"


L'humain regarde rapidement derrière lui, faisant un bref signe de main à la bourgeoise à l'autre bout de la salle. Son air guilleret reprend rapidement un air sérieux quand il se retourne vers moi, alerte. Faisant mine de regarder les amuse-bouches disposés dans les plats, il se remet à parler. Sa conscience toute particulière de ma présence me rend confiant. Je ne dois pas me montrer impatient. Si l'humain perçoit mon envie impérieuse de fuir la villa, je risque de perdre l'ascendant sur lui.

"Et tu attends quoi de moi, au juste ?"

"Pas grand-chose, juste un petit coup de main."

"Dans quel but ?"

"Aller voir ailleurs."


Ses yeux me scrutent de bas en haut, s'arrêtant un moment sur le pagne avant de remonter jusqu'à mon visage. Et encore un qui m'examine... Je prends sur moi, attendant sa prochaine répartie. Il reste un moment silencieux puis fait mine de s'étirer un peu, masquant ainsi sa prise de parole.

"Et ça m'apporte quelque chose de t'aider ?"

J'acquiesce lentement et incline la tête vers mon genou.

"Imagine un peu. L'animal de compagnie de la pauvre femme s'enfuit dans la nuit de son anniversaire. Elle fond en larmes et, à ton avis, qui sera là pour la réconforter, hum ?"

Ha ! Je peux parfaitement la séduire sans ton aide, centième de portion !


Je lui lance un regard neutre. Si ce pion se désiste, ou pire se retourne contre moi, j'aurai un sacré handicap pour filer d'ici. Je hausse les épaules, faisant comme si sa réponse ne m'affectait pas plus que cela. Passant la main dans ma tignasse blonde, je finis par lui répondre avec une pointe de menace.

"A ta guise, nobliau. Sauf que je n'aurai alors plus la moindre raison de garder pour moi ton petit "écart" avec cette bonne à rien de servante."

"Tu... Tu n'oserais pas !"


J'appuie sur mes paroles pour lui faire rentrer dans le crâne chacun de mes mots. Je me donne de l'aplomb en rivant mes yeux sombres aux siens, me faisant encore plus menaçant et dangereux malgré ma taille bien inférieure à la sienne.

"Oh si. Elle aura quelques doutes sur mon témoignage au début. Mais que se passera-t'il quand elle interrogera cette sotte de Rhyatta ? Certes, elle est maladroite, naïve, stupide mais elle ne sait pas mentir. A ton avis, que va penser ta cible quand elle apprendra tout cela ?"

Elle... Elle me fait confiance, elle me croira, moi !

Prends bien la mesure de tes paroles, humain. A qui crois-tu qu'elle accordera davantage de foi ? A un noble sans argent, ayant déjà fauté ? Chose confirmée par la femme je te rappelle... Ou à celui qui la fréquente depuis une dizaine d'années, son cher Nessachou ?


Le dernier mot m'arrache les cordes vocales tant le flot de dégoût qui l'accompagne est important mais l'effet est là. Mon interlocuteur semble accuser le coup, son regard se perd et va se poser sur la bourgeoise une nouvelle fois. Il prend quelques secondes pour réfléchir alors qu'à l'autre bout de la pièce, d'autres invités commencent à arriver. Rivant son regard au mien, poussant un souffle semblable à un soupir, il me pose alors la question qu'il me tardait d'entendre.

Quel est ton plan ?

Je perçois une légère pointe de satisfaction et d'excitation. L'étape du pion semble réglée.



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Dernière édition par Nessandro le Mar 20 Mar 2012 00:39, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 17 Mar 2012 22:55 
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Attentif, je scrute la pièce en direction de la porte. Un duo d'humains, en tenue aussi ridicule que celle dont s'est parée la bourgeoise, fait son apparition. Il est immédiatement suivi par un quatuor de femelles aux mamelles apparentes dans leurs décolletés. Six personnes et autant de dégradés d'un vert proche du rendu d'estomac mal broyé. C'est ignoble toute cette chair rosée, recouverte d'un tas de granulés miniatures pour la faire croire d'une autre teinte. Je ne sais pas lequel a eu l'idée au départ de s'enduire de farine mais depuis, tous les humains que j'ai eu le malheur de voir font la même chose. Répugnant. Déjà que seul, un humanoïde de cette race est stupide, en groupe leur intelligence tombe en-dessous de ce qu'autorise l'instinct grégaire basique.

Délaissant un instant mon mépris pour cette espèce honnie, j'attends une opportunité. Bientôt, entre l'accueil des invités et le ballet s'accélérant des domestiques, le moment me semble tout à fait approprié pour mettre mon pion humain dans la confidence. Enfin, j'entends par "confidence" uniquement le mettre au courant d'une certaine partie de la stratégie dans laquelle il est censé jouer un rôle. Je préfère être prudent. Si cet imbécile, pour s'attirer les faveurs d'une brune déjà conquise, se mettait en tête de lui dévoiler l'intégralité de ma manoeuvre, je n'aurais plus qu'à me résigner à une vie en cage. Si le terme de vie reste approprié dans ce genre de situation.
Je m'adosse au montant de la fenêtre sans regarder directement ce pauvre noble dont je sens les yeux suspendus à mes lèvres. Il me faut parler clairement mais vite. Enfin, pas trop tout de même, histoire que le morceau de matière cérébrale qui lui reste réussisse à comprendre les mots que je vais prononcer.

A voix basse cependant, je partage mon "plan".

"Vous autres, humains, êtes très routiniers lors de vos "fêtes". D'abord une présentation des invités, une prise de rafraîchissement puis une série de danses. Vous enchaînez toujours avec une collation puis recommencez à danser un peu avant de passer dans la salle du dîner."

"Viens-en au fait, volatile de malheur !"


Un claquement de langue m'échappe à la pique mais je chasse cet agacement d'un revers de main. Il voulait que je fasse plus court ? Soit ! Mais qu'il ne vienne pas me demander des précisions par la suite. J'inspire profondément, tentant de transformer cette envie de cracher mon mépris au visage du moustachu en une simple pensée glaciale. Il était vrai qu'à toutes les fêtes auxquelles j'avais assisté, le rituel mondain était sensiblement le même. Ennuyeux à en périr mais surtout franchement inconfortable pour moi.
L'exemple type est le rituel favori de la mocheté brune : m'exhiber aux yeux de ses invités les moins coutumiers de la villa. Je suis alors un sujet de conversation, de blagues douteuses, de questions curieuses qui ne font que flatter l'égo de la créature qui me possède. Je ne l'ai jamais considérée comme ma propriétaire ou même quoique ce soit pour moi, à part peut-être une geôlière faisant partie intégrante de ma peine. Pour en revenir à ses activités pendant la fête, son goût pour se faire flatter l'égo me coincera sur son avant-bras au moins jusqu'à la prise des rafraîchissements. Je pousse un souffle nasal. Il est temps de donner ses indications à ce pantin.

"Perturbe ses habitudes. Demande lui de t'accorder la première danse et tiens-lui compagnie autant que possible. Je sais que cette chère Rhyatta fait partie des domestiques assurant le service de ce soir. Arrange-toi pour la bousculer quand elle emportera l'un de ces plats, après la collation."

D'un signe de tête, je lui désigne un plateau recouvert d'une protection en métal arrondi, pourvu d'une fine poignée. Les aliments qui s'y trouvent font partie des mets préférés de la bourgeoise et vu son appétit surpassant celui d'un lutinora qu'on aurait mis à la diète, nul doute que ce sera l'un des premiers vidés.
Le plan que j'ai concocté pendant ma punition est assez simple. La première danse sert à rendre cette idiote guillerette et extatique, à tel point qu'elle ne s'attarde pas à attacher ma "laisse", toute à son envie de dévorer le nobliau du regard. J'en profite alors pour me détacher et donner l'illusion d'être encore restreint. La bousculade accidentelle, du moins en apparence, sert juste à ce que le plat tombe par terre. Cela devrait être honteusement facile étant donné la maladresse innée de la servante. Si je m'étais intéressé un minimum à elle, je me serais sans doute demandé comment elle faisait pour ne pas être congédiée. Sauf que ce n'était pas le cas et qu'il me semblait évident qu'elle était du genre "conservation d'emploi intra-placard". Si les humains recrutaient des femelles pour leur intelligence ou leurs capacités d'un autre type, je m'en serais forcément aperçu depuis le temps.

Quand le moustachu l'aidera en lui tendant le plat, je n'aurais plus qu'à me glisser sous le couvercle et attendre tranquillement d'atteindre les cuisines. Avec l'activité liée au repas à venir, je devrais pouvoir me faufiler sans trop de soucis jusqu'à la cave. D'après les informations glanées ces derniers mois, le soupirail servant à faire entrer le charbon ne ferme plus très bien mais l'espace n'est pas assez important pour que les domestiques s'en inquiètent. Autrement dit, ce détail est ma porte de sortie.

C'est la voie que j'ai choisi cette fois-ci, plutôt que de tenter un passage en force par une fenêtre. Ce plan est simple mais efficace si bien mené. A moins d'un incident particulier, la partie la plus difficile du plan est sans doute celle se déroulant dans cette salle. D'un autre côté, je n'ai pas eu l'opportunité de fréquenter la cave depuis bien longtemps ou même de faire un tour dans les cuisines. Je vais devoir me montrer prudent et alerte. L'activité du dîner occupe sans doute mais elle multiplie le nombre de domestiques mouvant en contrepartie.
L'humain me jette un regard en coin, comme peu convaincu. Prenant un air confiant, j'ajoute une petite phrase, un appât supplémentaire.

"Si je rate mon coup, je ne t'impliquerai pas, humain. Et si je réussis, double gain pour ta pomme. La fille te tombe dans les bras et un témoin gênant disparait. "

Mes mots le rassurent, cela se voit à son air d'un coup plus hautain. Il bombe le torse, sourit avec son propre lot de quenottes mal ajustées et remet ses gants en place. Encore un peu et il se serait sans doute pris pour un génie de la stratégie. S'attribuer les mérites d'autrui fait partie des bien trop nombreux défauts de cette race. J'ai hâte d'en finir, même si je peux sentir poindre une certaine angoisse. Ou peut-être est-ce de l'excitation.
Je m'adosse de nouveau au montant de la fenêtre, voyant la bourgeoise se rapprocher avec son air supérieur plaqué sur la trogne. Treize longues années à supporter ce géant femelle me semble être une punition suffisante, quel que soit le crime que j'ai pu commettre pour offenser l'une des divinités de ce monde. La main de la brune détache rudement le ruban argenté puis m'attire sur son poignet, comme prévu. Elle roucoule, adressant un sourire affreux mais qui se veut charmeur à sa proie masculine. Occupée, elle ne semble pas avoir remarqué la présence de ma sacoche. Bon point pour moi.

Lentement, elle passe d'invité en invité, me poussant de l'index à me lever sur son avant-bras afin de me montrer sous tous les angles. Un regard qui scrute, des lèvres qui me soufflent dessus pour voir si je tiens bien l'équilibre et des rires gras, moqueurs qui chatouillent en moi l'envie de leur rabattre le caquet. J'ai d'ailleurs beaucoup de difficulté à ne pas exploser lorsqu'une main gantée ose effleurer une de mes ailes. Je n'ai pas l'occasion de poignarder du regard l'infâme humain puant qui a porté sa sale paluche sur moi que la bourgeoise me ramène à elle. Madame est possessive, même si elle le déguise sous des traits d'humour aussi fins que des bûches mal élaguées.

Et encore une fois s'ajoutent de nouveaux visages affreux, et toujours restent ces tenues ridicules. Si la richesse apporte la stupidité, autant rester modeste, surtout si, comme ce troupeau coloré, la conscience du ridicule n'existe pas. Dans ce lot insupportable, une seule présence fait quelque peu exception. L'une de ces stupides bourgeoises a amené avec elle une "nouvelle acquisition" dont elle se vante à qui veut l'entendre. Je n'en ai strictement rien à faire mais la brune, elle, s'y intéresse. Etant contre mon gré assis à son bras, je ne peux hélas pas y couper. J'y jette rapidement un coup d'oeil.
Cette "acquisition" est encore l'un de ces irritants êtres de grande taille, sauf que lui l'est à tel point qu'il dépasse largement le plus grand humain de la pièce d'au moins trois têtes. C'est un mâle vu son imposante carrure et ses traits carrés rappelant sans difficulté le faciès de ces stupides bipèdes à peau rosée. Ses cheveux sont étrangement clairs tirant vers l'argenté même s'il ne paraît pas âgé et sont retenus par un ruban reposant sur son épaule. Ses yeux ambrés scrutent la pièce avec dédain, ses bras croisés sur une sorte de long drapé retenu par un ceinturon. Des oreilles légèrement pointues dépassent de sa chevelure. A vue de nez, il s'agit d'un demi-elfe à la peau teinte clair de lune.

Je grimace en le regardant.

( Stupides elfes. Comment peut-on ainsi se souiller avec un humain et en prime engendrer un géant comme celui-là ? Encore un elfe qui a conquis un coeur d'idiote ou alors un humain qui a profité d'une elfe nigaude. Si même eux deviennent stupides maintenant, je ne donne pas cher de leur survie. )

Il me renvoie un regard quasiment identique au mien, son visage restant cependant de marbre. Je ne parviens pas à déterminer s'il est déjà énervé ou lassé de cette sauterie. Je peux tout à fait le comprendre, même si me faire regarder de haut me cause un agacement marqué. Je remarque finalement que ses yeux s'attardent en vérité sur ma tenue. Et un de plus qui ne peut pas s'empêcher de me scruter comme un animal exotique. Je me mets à l'ignorer, ne lui adressant un regard que lorsque nos "propriétaires" respectives se vantent tour à tour. J'en éprouve presque de l'intérêt pour lui, dans une situation quasiment similaire à la mienne. Sauf que lui n'a pas de boulet au pied. Et par "boulet", je fais évidemment référence à cette bourgeoise qui me postillonne dessus en plus.
Tout ce que j'espère c'est que cet individu reste à sa place et ne fasse pas échouer mon plan.

Le tour de la salle effectué, la bourgeoise invite ses convives à se faire servir un rafraichissement. Le déplacement d'air charrie une puanteur étouffante, mélange de sueur et de parfums puissants pour la camoufler. Je jette un rapide coup d'oeil au nobliau qui fait un bref signe de tête. Aussitôt, il se glisse comme un serpent des forêts entre les arbres morts représentés par les créatures malodorantes de la pièce. Près de la double porte, les musiciens commencent à maltraiter leurs instruments dont les pleurs fendent l'air puant. Je dois faire un bel effort de patience pour intérioriser le hurlement contrarié qui menace de déferler de ma gorge.
Entre mes spirales auditives mises à mal par le brouhaha, mon nez malmené par la puanteur de parfums s'entremêlant et mes yeux criblés d'horreurs humaines et colorées, je suis plutôt ravi de ne pas être forcé de manger la même chose qu'eux. A coup sûr, cela m'aurait tué, ou pire, changé en humain. A cette pensée, un frisson désagréable me secoue les épaules.

Poliment, en roucoulant au même titre que la brune, le noble désargenté lui prend la main et l'invite à lui accorder toutes les danses de la soirée. A ces mots, la niaise ne se sent plus de joie. Elle ouvre une large main et laisse tomber sa proie, en l'occurrence le ruban argenté qui me sert de chaîne. Elle le rattrape cependant, s'évente et, m'obligeant à me poser rudement sur le bord de la fenêtre, elle fait un noeud à la va-vite. Sa réaction va totalement dans mon sens. Emoustillée comme une aldrone engrossée ou sur le point de l'être, elle minaude et fait de grands sourires. Aussitôt que le couple atteint une distance assez grande, je jette un oeil au noeud. Celui de ma cheville n'a pas bougé. En revanche, celui du crochet est à peine resserré.

J'en profite.

Je me penche et dénoue le ruban habilement, l'enroulant autour de la pointe simplement, tout en vérifiant ne pas être regardé trop attentivement. Si je tire un peu dessus avec ma cheville attachée, le tissu glisse sans s'accrocher. Etrangement, j'ai la sensation de sentir un regard appuyé dans ma direction mais je ne cherche pas à en déterminer l'origine. Tant que ce n'est pas celui de la bourgeoise ou de son géniteur, le reste est sans importance. Je fais maintenant preuve d'une patience certaine, ignorant autant que possible les convives qui vont, viennent, discutent, rient et surtout me cassent les pieds. La deuxième danse vient juste d'être entamée, embrouillant mon regard d'un amas dégoûtant de couleurs en tous genres et qui, point le plus important, ne vont pas du tout ensemble. Du coin de l'oeil, je surveille le plateau censé me protéger.
D'un coup, je m'aperçois avec une horreur croissante qu'il est déjà vide avant le moment prévu et, apparaissant dans le cadre de la porte, cette imbécile de Rhyatta arrive déjà. Ma cervelle s'active comme jamais. Quelques invités se tiennent dos à la table, ne risquant pas de me voir tant ils sont obnubilés par les décolletés et leurs conversations inintéressantes. Le seul risque de me faire repérer est donc lié à cette demeurée maladroite.

La servante soulève le plat et retire le couvercle deux fois tout en faisant demi-tour. Je n'ai pas le choix, si je laisse passer ma chance, je suis certain de ne pas recouvrer la liberté. Agrippant le ruban, je déploie mes ailes, volant jusqu'à son niveau. La chance décide de me sourire quand cette servante maladroite, étant qui elle était, rentre droit dans le demi-elfe qui se tenait là. Le plat vacille, obligeant la domestique à retenir le couvercle d'une main et le socle dans une autre. Elle a le nez en l'air alors que le géant la toise de toute sa taille. Finalement, Rhyatta lâche tout simplement le plat, se confondant en excuses. Son interlocuteur, d'abord immobile, se baisse et ramasse la partie bombée. Un court instant, j'aperçois son regard ambré sur moi. Il m'a repéré, cela ne fait aucun doute. Je vois déjà la fin de mon escapade alors que j'avais un plan pourtant bien étudié. Autre chose à ajouter sur la liste de ce que je ne supporte pas : les imprévus.

Alors que la servante se baisse à son tour, psalmodiant des excuses comme on le ferait pour une prière destinée à se cacher de Phaïtos, il fait un geste à mon intention. Collant le couvercle à la table, il m'invite d'un signe de tête rapide à m'y cacher. Je n'ai pas le temps de réfléchir ou de m'interroger sur la fiabilité de cet agaçant géant quand une telle opportunité de sortie se présente. Je me love contre le métal qu'il soulève un peu devant lui. Les parcelles de peau bleutées qui y touchent se glacent mais j'ignore si la cause en est le contact lui-même ou mon état d'esprit. Je replie vivement mes ailes, me recroquevillant autant que possible. Bientôt, le fond du plat se retrouve collé au couvercle et je bascule dessus lorsqu'il passe à l'horizontale.

Je retiens mon souffle. Je n'ai pas spécialement peur, j'évite surtout de respirer les vapeurs de ces aliments pestilentiels, bien trop épicés pour un palais normal. Crétins d'humains, toujours à faire des choses stupides ou insensées...
Tout d'abord, rien ne bouge. La musique résonne étrangement à travers le métal et j'ai hâte que ce son s'éloigne de moi. Combien de temps cette bonne à rien compte-t-elle s'excuser ? A moins que j'ai été repéré et qu'elle me livre à la bourgeoise sur un plateau d'argent. Je me fige mais ne prie pas, n'ayant aucune divinité vers laquelle me tourner.
Enfin, un balancement régulier me permet d'affirmer que je suis embarqué, emmené loin de la salle. Je perçois des murmures. C'est sans doute cette idiote qui tente de se rassurer après sa rencontre avec l'immense personnage. Voilà tout de même quelque chose d'étrange. Pourquoi se serait-il donné la peine de m'aider ? Je n'ai aucun souvenir de lui et je doute sincèrement qu'il l'ait fait par bonté d'âme. Mieux vaut que je file d'ici avant qu'il ne tente de me parler d'une dette quelconque. Quand bien même il le ferait, il pourrait toujours attendre pour se voir rembourser. Je ne lui ai rien demandé alors je ne lui dois rien. Plus vite je serai sorti de cette prison, mieux je me porterai.

La température monte progressivement à chaque secousse et à la musique succède le son de chaudrons frappés, de légumes râpés et autres joyeusetés qu'on trouve généralement dans des cuisines en pleine activité. Je ne vois rien des environs, entendant seulement des ordres aboyés, des bruits de pas pressés et le crissement de métal qu'on oblige à se mouvoir. Je n'ai aucun doute sur l'endroit où je me trouve. Reste à savoir ce qu'il va advenir du plat qui me sert de cachette.
Une fois de plus, la maladresse de la servante frappe. Non seulement elle tombe mais elle envoie en plus le plateau me protégeant rebondir sur un meuble et s'ouvrir contre une paroi. Heureusement pour moi, dans mon malheur, j'ai la chance de tomber entre le mur et le meuble, à l'abri des regards humains. Un peu secoué, je décide alors de prendre quelques instants pour reprendre mes esprits. J'en profite pour me débarrasser de ce ruban gênant et m'assurer que je ne me suis pas blessé.

L'essentiel reste que, malgré l'échec partiel de mon plan, je suis hors de la salle de bal et à mon étape suivante vers la sortie. Je me demande néanmoins si ce changement forcé ne risque pas d'avoir des conséquences désagréables et surtout inattendues.


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Dernière édition par Nessandro le Mar 20 Mar 2012 00:46, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 18 Mar 2012 17:43 
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A l'abri entre la paroi claire et le meuble, j'inspecte minutieusement mon corps. C'est avec une grimace de dégoût que je découvre des traces épicées et rouges sur ma poitrine ainsi qu'un lot de miettes dans mes cheveux. Pendant que je m'en débarrasse, je reste à l'écoute de mes sensations. Mise à part celle d'un coup, amorti en partie par la sacoche, je ne ressens pas de douleur particulière. En tous cas, aucune qui m'indiquerait que je suis blessé. Vivement, j'inspecte ma manche, y trouvant la sarbacane. Un léger souffle de soulagement m'échappe lorsque que je l'y découvre intacte. Le ruban argenté est soigneusement roulé en boule par mes soins et calé le plus loin possible contre le mur et surtout à bonne distance de moi. Discrètement, je jette un coup d'oeil dans la pièce.

La salle est vaste et assez sombre surtout. Apparemment, elle est semi-enterrée et faite en grande partie avec de la pierre d'un grisé éteint. C'est principalement vrai dans la majorité de la structure de l'endroit, sauf autour de l'âtre gigantesque où d'énormes quartiers de viande sont en train de cuire. Là, les cendres et les vapeurs ont terni complètement la surface.
Ici, pas un tableau, pas une décoration superflue. Le mobilier est fait pour être utilitaire, pour une fois. Accrochées aux parois, de nombreuses planches de bois servent d'étagères et supportent de nombreux pots de terre cuite. Aux poutres du plafond, des poissons séchés, de la volaille encore ornée de plumes et des jambons pendent lamentablement, prisonniers attendant l'heure de leur préparation. Une très grande table de bois rectangulaire trône au milieu de la pièce, là où les domestiques coupent et préparent les aliments que les goinfres proches avaleront sans même les regarder. J'en frissonne. Heureusement que je n'aurai bientôt plus à assister à ce genre de spectacle.

(Rha. Et même ici ça pue. Quand je pense que les autres mangent ce que des mains trempées de sueur préparent, j'en ai presque la nausée.)

Enfin, au-dessus de tout ce monde grouillant, je vois que s'élèvent plusieurs lustres métalliques portant de nombreuses bougies. Mon regard suit l'un des longs filins auquel le système d'éclairage est relié. Il monte jusqu'au plafond, passe par une poulie et redescend à un angle de la pièce où il s'enroule autour d'une roue de bois clair, perpendiculaire au mur. Le système se répète pour les deux autres lustres de la pièce. J'en détourne bientôt le regard, cherchant des yeux la porte menant à la cave. Je me cache subitement le long du meuble lorsque l'un de ces imbuvables bipèdes passe à proximité. Il y a beaucoup de mouvement dans cette pièce, exactement comme je l'ai prévu. Et cela ne fait que compliquer mon évasion.

Une vague de vent frais m'atteint, attirant mon regard sur la gauche de la salle. La lourde porte de bois est entrouverte, rafraîchissant un peu l'étuve de ces cuisines. L'odeur de la nourriture se mêle plus fortement à celle de la sueur humaine. Une épaisse femelle au faciès presque porcin, presque car cela serait une insulte pour tous les brok'nud et apparentés, semble diriger la danse de ses commis, à grand renfort de cris ou plutôt d'aboiements. Je n'y prête guère attention, préoccupé par la situation actuelle.
La porte de la cave a beau être ouverte et proche, deux humains m'en barrent l'accès. J'ignore de quoi ils discutent mais ils le font avec des gestes maladroits et surtout ils campent sur leurs positions. Mon principal problème est qu'entre leurs pieds et moi, l'endroit est à découvert. Je n'ai absolument rien pour me cacher. Je ne suis pas stupide. Si je me lance, que ce soit à pied ou en volant vers eux, il leur suffira d'une simple corbeille pour me priver encore une fois de liberté.

"Tch !"

Lentement, je monte mon pouce droit à mes lèvres. De l'ongle, je tapote celle du bas, les sourcils froncés. Ces humains font vraiment tout pour me contrarier et je doute avoir le temps de rester là encore longtemps. S'ils ferment cette porte, ma seule voie de sortie s'achève avec elle. Que faire ?

Alors que je réfléchis, un bruit sourd se fait entendre, suivi par les hurlements contrariés de la matrone. Je ne cherche pas à comprendre, voyant simplement que cette incurable Rhyatta a encore fait des siennes. Un liquide indescriptible se répand sur la table, jusqu'au sol. L'odeur qui en émane est étrange mais cela ne résout en rien mon problème. Si je me montre, je suis persuadé que l'ensemble de la cuisine me courra après et pour une évasion discrète, ce sera totalement raté. Une nouvelle fois, mon regard se porte sur l'un des lustres et son attache. En y faisant attention, je me rends compte qu'une simple cale de bois, entre la paroi et la partie mobile, empêche la roue, autour de laquelle le filin est enroulé, de tourner. Je tente d'imaginer ce qu'il se passerait sans cette cale.

Le lustre de métal semble lourd et les bougies allumées dessus sont vraiment nombreuses. S'il chute, il va s'écraser sur la table, voire les bras des commis qui auront de malheur de rester dessous. Avec un peu de chance, la fascination morbide des humains pour les incidents graves les poussera à s'y intéresser. Cela me semble être une bonne idée, une bien belle diversion en tous cas. Le problème est que cet angle où se trouve la roue calée est à au moins six mètres de ma position. Je cogite vite. Avec ma sarbacane, je pense pouvoir lancer un projectile jusque là mais entre les mouvements des humains et la distance, je ne suis pas sûr d'être apte à l'atteindre. Malgré le risque que perdre du temps représente, je décide de m'exercer d'abord.

Je me retourne, vérifiant être toujours masqué par le meuble, et cherche une cible sur la paroi qui me fait face à un peu moins d'un mètre de ma position. Je me décide pour une tache plus claire sur la pierre. Sortant ma sarbacane de ma manche, je la charge de l'une des fléchettes et la porte à mes lèvres. Debout, tendu, je souffle sans attendre. Le petit projectile vole et retombe mollement, à bien dix centimètres en-dessous de la cible. Je retire l'arme de mes lèvres et regarde mes mains. Je tremble, je n'ai plus de souffle. Mes yeux s'écarquillent. Je ne m'étais même pas rendu compte à quel point j'étais apeuré ou en tous cas, pas totalement maître de moi-même. Lentement, je respire en gonflant mes abdominaux puis souffle par la bouche. J'essaie de vider mon esprit et surtout de ralentir un peu les coups vifs de mon coeur qui font bourdonner mes tympans. J'inspire et expire en silence, repoussant une mèche blonde de mon visage et tentant de me persuader que ceci est comme un jeu où je suis le participant unique et multiple à la fois. Dans ce concours de tir, je dois juste faire mieux que mon prédécesseur.

Un peu plus calme, j'extirpe une autre fléchette que je cale dans la sarbacane. Inspirant par le nez, je donne une forte poussée d'air dans le tube court, offrant au projectile une belle poussée. Cette fois-ci, la fléchette frappe largement au-dessus de la tache mais en prime elle rebondit et glisse au sol jusqu'à mes pieds. Une moue dubitative s'imprime aussitôt sur mon visage grisé.

( Non, pas la peine de mettre de la puissance pour le moment. Mieux vaut que j'essaie d'atteindre la cible d'abord. )

Je ramasse mon projectile et le charge de nouveau dans l'arme. Cette fois-ci, debout, bien campé sur mes jambes, je tente de viser la tache. Lorsque je donne l'impulsion à ma fléchette, je sens mes membres bottés fléchir un peu, comme accompagnant mon mouvement. Ce geste, somme toute anodin, est suffisant pour me faire décaler ma sarbacane et m'amener à manquer ma cible. Un souffle contrarié m'échappe. Pour pleinement identifier le défaut, je retente la chose. Le phénomène se reproduit. Je décide de prendre un instant de repos car donner du souffle dans cette arme sans prendre le temps de réajuster ma respiration commence à me faire tourner la tête. Ou alors ce sont les vibrations de l'air issues de la voix caverneuse de la matrone qui me rendent malade.

Je mets un genou à terre, observant avec dédain cette tache qui semble se moquer de moi. Etrangement, avec cet appui au sol, j'ai la sensation d'être plus stable. Lentement, je redresse ma sarbacane, visant cette cible immobile. Mes yeux se rivent à elle et je prends le temps d'ajuster mon arme un long moment. Je bloque ma respiration, décidé, attentif puis je projette la fléchette. Je la vois partir dans la bonne direction et heurter le bord de la trace claire. Un sentiment d'accomplissement remonte dans ma poitrine. D'accord, ce n'est pas ma véritable cible mais je sais maintenant bien mieux me préparer pour atteindre ce que je vise.
Préférant miser sur la prudence, je réitère quelques tirs agressifs sur cette trace blanche. Le premier frappe encore le bord et le suivant un peu plus vers le centre. Au troisième, je prends un peu de confiance supplémentaire. Il me faut maintenant m'attaquer à la phase la plus difficile : atteindre mon véritable objectif.

D'un pas un peu plus assuré, je me redresse et vais chercher les fléchettes lancées. Je n'ai pas la possibilité de jauger la puissance nécessaire ici. La distance est loin d'être la même et je ne veux pas prendre le risque d'être blessé par un rebond de mon propre projectile.

Longeant la paroi, j'observe les alentours. Les deux bipèdes me barrant la route sont toujours à leur place et il me semble que la frénésie des cuisines est un peu moins forte. Lentement, je me positionne, visant la cale qui, avec la distance, me paraît plus petite encore que la tache. Je retiens mon souffle lorsque l'un des humains passe dans la trajectoire possible de la fléchette. Je commence à imaginer le pire quand, me donnant un encouragement mental, je m'oblige à me reprendre. Ce n'est vraiment pas le moment de m'angoisser et d'ailleurs, si l'une de mes fléchettes blesse un humain, cela ne peut que me faire du bien.

( Allez, concentration... )

La sarbacane pointée sur le bout de bois arrogant, je comprime l'air dans mon arme, éjectant de fait le projectile. Je sens mes yeux se plisser devant le résultat peu glorieux de ce tir. La fléchette décrit un arc de cercle à mi-distance, allant se perdre dans un sac ouvert contre le mur. Au moins, la trajectoire est la bonne mais la puissance est loin d'être suffisante pour faire mouche. J'inspire doucement, me collant contre le meuble quand une botte humaine passe non loin de ma cachette. Je tente de faire fi de la pression, me persuadant qu'il n'y a que deux éléments importants ici. Moi et mon objectif.

Mon genou à terre, j'élève un peu mon arme, visant légèrement au-dessus de la cale. J'inspire lentement, attendant que ma sarbacane cesse de trembler entre mes mains pour retenter un tir. En y mettant de la force, mon souffle parvient à projeter enfin le petit bout de matière qui passe légèrement au-dessus du point visé. Prenant mon mal en patience, je vise encore une fois, ajustant le haut de ma sarbacane pour le positionner à la base de la cale. Au tir suivant, je me sens fébrile.
Un léger "toc" quasiment inaudible dans le brouhaha ambiant me fait savoir que j'ai touché ce que je visais. Le bout de bois se décale à peine, présentant son flanc alors que la roue bouge légèrement. J'ouvre de grands yeux, observant les expressions de ces bipèdes insupportables. Le lustre vacille un peu mais la cale, toujours en place, parvient encore à le retenir. Aucun des imbéciles présents ne semble avoir remarqué la situation possiblement dangereuse. Tant mieux.

Un sursaut d'orgueil enserre ma poitrine. Je peux y arriver, je le sais. Dans cette fléchette que je charge, je transfère mentalement toute ma colère, tout mon mépris pour ces êtres abjects qui m'ont traité comme une créature inférieure pendant toutes ces années. Mon regard se rive sur ce petit morceau de bois. Je perçois une vigueur certaine et une énergie nouvelle m'emplir. Dans un souffle décidé et avec un sang-froid surprenant, je tire dessus.
La fléchette vole dans les airs, frôlant l'un des commis qui ne s'aperçoit de rien. Le projectile cogne enfin, décalant ce qui assurait le maintient en l'air de la source de lumière. Alors que la cale tombe de la roue comme un traître prenant la fuite, le filin se tend. L'objet circulaire en bois tourne dans un rapide grincement sonore, écho répercuté dans la poulie. Le bruit est sinistre, dominant presque le bruit des ustensiles de cuisine. Sans main suffisamment proche ou rapide pour le retenir, le lourd lustre de métal tangue et chute de tout son poids. Je le devine s'écraser droit sur la table où, pour leur malheur, la matrone et quelques domestiques sont en train de nettoyer le liquide poisseux répandu par Rhyatta.

Je ne les vois pas se redresser à temps et je n'en ressens rien, pas même de la satisfaction. Mon attention est déjà ailleurs. Mes oreilles perçoivent des bruits terribles d'os brisés, de chair meurtrie, d'objets propulsés et de cris féminins suraigus, paniqués. La lueur de certaines bougies s'éteint. La lumière provenant d'autres grandit au contraire, suivant les trainées de liquide à l'odeur bizarre. Les deux humains qui barraient la porte se précipitent dans la pièce, ajoutant leur présence au tumulte, dépassant ma cachette sans me voir. Seules des ombres se dressent entre moi et l'accès à la cave.

Je n'ai cure de ce qui va advenir et j'en profite pour, au passage, déverser mentalement mon fiel sur ces créatures humaines. Qu'ils crèvent ! Qu'ils brûlent et souffrent à leur tour, eux et ce maudit bâtiment qui m'a retenu pendant si longtemps. Quand bien même une poignée d'entre eux tomberaient dans les bras de Phaïtos ici, il y en a toujours plus dehors pour les égaler dans leurs bassesses.

( Ce ne sera une perte pour personne et mon monde sera bien mieux loti sans eux. )

J'ai une brève pensée pour mes projectiles perdus mais de là à ce qu'ils fassent le lien avec moi, si tant est qu'ils n'attribuent pas l'événement à un simple accident, je n'ai rien à redouter.
Sans la plus petite once de remord ou le moindre regret, je déploie mes ailes, rasant le sol en passant dans le dos des humains, plus paniqués qu'un troupeau sans cervelle. Ils ne me remarquent même pas, leurs cris effrayés et les ordres mal assurés emplissant l'instant. Je m'engouffre sans attendre dans la cave au parfum humide et frais, assombrie davantage par la soirée qui se profile.

La liberté est proche.



[[Tentative d'apprentissage de la CC AJ Tir précis]]




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Dernière édition par Nessandro le Mer 28 Mar 2012 15:22, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 19 Mar 2012 16:15 
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Les ailes déployées, je plane plus que je ne vole au-dessus d'un escalier en pierre qui s'enfonce plus bas dans la pièce. Dans mon dos, l'agitation des cuisines soumises à l'événement tragique que j'ai provoqué me parvient encore un peu. C'est le cas quelques brefs instants avant que la porte ne claque. Je jette un rapide coup d'oeil par-dessus mon épaule droite, tenant fermement ma sarbacane dans la main. Plus moyen de faire demi-tour. Peu m'importe au fond puisque mon but se trouve droit devant ou presque. Je me pose au pied des escaliers. J'ai beau être empli d'une énergie liée à mon état d'esprit, le jeûne récent a quand même quelques effets indésirables sur moi. Je m'adosse à un pied de table proche, le temps que mon regard parvienne à déceler quelques reliefs. Si près du but, il serait idiot que je m'assomme sur un meuble quelconque.

La pièce est sombre, d'un gris bleuté lié à la fois à l'absence de sources de lumière et la teinte froide de la nuit qui approche. Les murs sont blanchis, recouvert d'une matière rigide et chaotique. Je distingue vaguement une lueur orangée, signe de la présence d'une bougie, un peu plus loin sur ma gauche après un coude formé par un mur. Elle doit être placée au-dessus de moi. Depuis la table qui m'abrite, je peux distinguer quelques lourds barils rassemblés et de vagues formes d'objets divers. Je ne vois pas assez bien pour discerner des détails et m'avance prudemment au sol, les ailes repliées dans mon dos pour ne pas les cogner.

Dans le quasi silence de la pièce, je perçois comme un chuchotement aigu. La petite voix sans genre se coupe parfois de pleurs ou de rires étranges. Mes yeux se plissent. Je doute que cette voix proviennent du dehors parce qu'elle est bien trop nette. Si c'était l'un de ces bipèdes géant, sa voix ne serait pas si faible et surtout en hauteur par rapport à moi. Aussi stupides qu'ils soient, je ne pense pas qu'un de ces haïssables phénomène mette les pieds sur une table où reposent un tas de denrées alimentaires.

Décidé, je m'avance et atteins le coude formé par la salle. Je lève alors un peu le nez. La bougie mourante se trouve là, sur un rondin de bois devant faire office de siège. A côté, dans la lumière orangée, je distingue une petite silhouette. A vue de nez, elle doit faire à peu près ma taille. Le profil que je distingue semble assez fin, avec un long nez pointu qui remonte un peu entre les mains posées sur ses yeux. Sa tenue, d'un coloris rendu flamme à cause de la bougie proche, est étrange. Un pantalon recouvre ses cuisses jusqu'aux genoux mais le tissu se prolonge à la ceinture en deux bretelles sur son buste. Entre les lanières, sa peau est visible mais je ne parviens pas à en identifier la couleur. Par-dessus, une veste tressée est posée mais elle ne comporte pas de manches. Ses pieds sont chaussés de souliers qui remontent en spirale à la pointe des orteils. Un lourd bonnet orne son crâne et lorsqu'il se meut un peu, je peux voir de fines oreilles légèrement pointues.

(Tiens donc.)

Un lutin, je n'ai aucun doute là-dessus.

D'un coup, celui-ci se fige et renifle un peu. Un regard empli de colère se braque dans ma direction. Ses yeux scrutent l'endroit puis ils se posent sur moi, me transperçant presque par leur intensité. Je le vois se redresser, attrapant quelque chose à côté de lui, qu'il plante droit dans le rondin. De là où je suis, je suis presque persuadé que cela ressemble à un épieu mais qui brille légèrement.
Soit mais cela ne me concerne en rien. Etendant mes ailes, je me dirige vers le rondin sur ma route. Alors que je suis à mi-distance entre la table et ce dernier, la voix chantante et quelque peu masculine de l'être de ma taille s'élève dans les airs.

"Eh toi ! Eh toi ! L'oiseau ! L'oiseau en bas ! C'est toi qui l'a ?"

Je lui jette un bref coup d'oeil. Ses yeux ne sont plus visibles, penché qu'il est dans ma direction. Je suis certain qu'il me scrute. Sauf que je n'ai rien à lui dire et je ne possède rien qui ne m'appartienne pas. A part ma sarbacane, ma sacoche et ma tenue, bien évidemment. Je hausse les épaules et l'ignore, apercevant l'ouverture dans la paroi qui domine un tas de charbon. C'est là-bas que se trouve l'issue. J'y suis presque. D'un coup, la voix reprend, comportant cette fois une intonation menaçante.

"Eh ! N'ignore pas le lutillon quand il te pose une question ! Il sait que tu l'as ! La voix lui a dit ! Rend-le-lui !"

Qu'est-ce qu'il lui prend ? Je m'arrête, tendant l'oreille pour être sûr que le tumulte humain dans les cuisines y reste. Je lui adresse un autre regard. Une goutte salée me tombe sur la joue. J'aperçois la pâleur des dents de mon interlocuteur alors qu'il pleure, sans avoir pour autant décoléré. Il tourne son visage sur le côté puis tend un doigt de sa main libre dans le vide à côté de lui.

"Tu l'as entendu, hein ? Son bonnet ! Rends-lui son bonnet qu'elle te dit la voix !"

Un brin suspicieux, j'étends mes ailes et hausse les épaules. Non, je n'ai absolument rien entendu mais autre chose me vient à l'esprit. Ce lutillon a l'air perdu, passant du rire amer aux larmes et entendant des voix inexistantes. Est-ce que, par hasard, il ne serait pas victime de cette étrange maladie courant en ville ? J'ai entendu ces commères de servantes en discuter longuement. Contagieuse, cette saleté se propage et cause chez la victime des hallucinations et des moments de délire. Je resserre le poing sur ma sarbacane quand le dernier point, le plus important, me revient en tête. Les malades peuvent, dans les pires cas, mettre fin à leurs jours ou s'en prendre violemment aux autres personnes.

Je tente de garder mon calme et mon impassibilité. Il doit souffrir de cette maladie car le bonnet qu'il me réclame depuis le début est bien calé sur son crâne. Je l'observe se redresser de toute sa taille, tenant le pieu vaillamment. Lorsqu'il le soulève, ou plutôt le brandit, je réalise qu'il s'agit en fait d'un très long clou dont un bout est aplati et circulaire. Son attitude se fait menaçante et sa voix plus forte.

"L'oiseau garde le bonnet ? Parfait ! Par les frusques de Codoé, ce lutillon va le rosser !"

( Codoé ? Qu'est-ce que... )

Et sur cette tirade, je le vois donner un violent coup d'une grande précision sur la mèche de la bougie, plongeant la pièce dans le noir complet. Mes yeux ne me servent plus à rien dans cette pénombre. Vivement, je manie mon arme dans un mouvement préventif. Je porte la sarbacane à mes lèvres et souffle un projectile dans sa direction. J'ai du le manquer et de loin vu le bruit que fait ma fléchette alors qu'elle cogne contre le rondin. Un bref bruit de chute me parvient, juste devant moi. Je ne peux que tenter de le deviner.

Le lutin a du sauter à bas de son perchoir que je vise avec approximation. Je lance une nouvelle fléchette qui connait le même sort que la précédente. J'étends mes ailes de toute mon envergure, tournant un peu sur moi-même sans le heurter pour autant. Où est-il ? Devant ? Derrière ? A ma gauche ou son contraire ? La pénombre me fait percevoir l'étendue de ma vulnérabilité quand je distingue le bruit de ses pas, décrivant un arc de cercle autour de moi. Je tente de le toucher avec un nouveau projectile, les yeux braqués dans une direction. La fléchette ricoche au sol alors que le son de ses bottines foulant les pavés de pierre s'en éloignent.

Sa voix moqueuse me parvient mais je n'en trouve pas l'origine. C'est comme s'il se trouve partout en même temps.

Héhé ! L'oiseau perdu ! Dans le noir ne s'envole plus ! Il n'avait qu'à rendre le bonnet ! C'est bien fait ! "

"Je ne l'ai pas ton couvre-chef ! Il est sur ton crâne !"

"Menteur, menteur ! Dit la voix. Le lutillon le saurait s'il y était. Et d'ailleurs, toi, tu-es-là !"

Sur ces derniers mots, je sens subitement sa présence sur ma droite. Je me décale prestement en me propulsant vers l'arrière par ma jambe directrice. Un souffle m'indique que j'ai du esquiver la partie pointue du clou qui lui sert d'arme. Le froid du métal rude frappe pourtant la droite de mon visage. Mes ailes s'étendent, je titube et fais quelques pas de plus. Par réflexe, je décolle du sol, me mettant hors de portée de mon adversaire. Mais dans la pénombre, sans repères, je heurte le rebord d'un meuble en bois. La douleur file dans mon aile, me tirant un souffle tenant plus de la surprise que de la peine. La main libre plaquée contre ma tempe éraflée, je me laisse planer jusqu'au sol, en essayant de faire le moins de bruit possible. Je ne sais pas vraiment ce qu'il a fait ni comment il s'y est pris mais je suis certain qu'il m'a heurté avec la partie circulaire de son arme.

Immobile, je tente de reprendre mon calme. Mais comment me défaire de lui ? Comment viser un adversaire invisible et qui a l'air, lui, de pouvoir me localiser ? La question est d'autant plus importante que je n'ai pas vraiment envie de le blesser. Un petit être comme lui n'a rien à voir avec mes geôliers et sa maladie m'inspire davantage de pitié que du mépris, pour une fois.
J'inspire lentement par le nez, en tentant de masquer le sifflement de ma respiration. Si cela se trouve, c'est le bruit que je fait qui l'attire à moi. Mon aile meurtrie me renvoie une sensation désagréable mais elle n'a pas l'air d'être trop amochée. Moralement, j'oscille entre la crainte, l'envie de fuir et le désir de donner une leçon à cette créature qui m'empêche d'être libre.

Ma sarbacane en main, je scrute le silence en quête de ses déplacements. Lentement, je fais un tour sur moi-même, frottant par mégarde le sol du plat de la botte. Presque immédiatement, un léger son de course me parvient. Venant dans mon dos. Je me retourne juste à temps pour mettre une aile hors de portée du clou, sentant le mouvement d'air qui l'accompagne. Cette fois-ci, je redresse ma sarbacane en une faible parade devant moi. Vivement, j'entends sa main se refermer sur le métal et sa course reprendre.

( Il me charge ! )

N'ayant pas le temps d'ajuster mon arme, je sens l'impact en travers de mon torse. Le clou, tenu à deux mains, me repousse avec force vers l'arrière, accompagnant mon mouvement. En quelques enjambées, je me retrouve plaqué rudement contre le bois rêche, mes ailes bruissant leur désaccord. Le choc est important, l'arrière de mon crâne prenant un coup par la même occasion. Je sens son souffle. Le lutillon se trouve juste devant moi, presque contre ma personne. Dans cette moiteur froide de cave, il dégage un parfum de fleurs que j'aurais trouvé agréable en d'autres circonstances.

Sa voix, chantante mais inquiétante s'élève de nouveau.

"S'il ne veut plus être blessé, l'oiseau doit avouer où il l'a caché ! "

"Mais je te dis que je ne l'ai..."

Le dernier mot me reste dans la gorge quand le clou glacé vient, en raclant les lanières de ma tenue, faire pression dessus. J'y porte une main mal assurée, sentant la pression s'accentuer. Je tente de repousser l'assaut de ma main libre mais la force de mon adversaire m'en empêche. Dans la pénombre, je réfléchis aussi vite que je le peux. Ses mains tiennent le clou. Mains dont les poignets sont vers le bas, reliés aux bras, eux-même attachés aux... Je pose ma main sur son bras, le sentant tendu, sans doute comme son jumeau.

Alors que mon souffle se perd, je donne un coup aussi fort que possible de haut en bas avec ma sarbacane, droit sur la pliure de son coude. Avec un cri mécontent, mon opposant relâche la pression de ce côté, le clou basculant vers le bas. Je profite de l'effet de surprise pour le repousser vers l'arrière et filer le long de la paroi de barils que je commence progressivement à discerner. Je me retourne alors, ignorant la gêne dans ma gorge et projetant une fléchette là où je pense qu'il se tient. Venant de cette direction, j'entends un bruit de saut répété.

"Eh ! Eh ! Attention ! Ca pique ça !"

Dans un geste rapide, je recharge ma sarbacane et tire de nouveau dans cette direction. Cette fois-ci, seul le bois arrondi du tonneau offre une voix mécontente.

( Encore raté ! )

Je m'immobilise, attentif et m'obligeant à rester silencieux malgré l'envie de tousser qui m'étreint. Si je ne peux pas le voir, autant tendre l'oreille. Pas un bruit ne me parvient pendant un petit moment, sauf le lointain brouhaha étouffé des cuisines. Peu à peu, je commence à douter de sa capacité à voir dans le noir. Il doit sans doute se fier comme moi à son audition. Je cogite rapidement. Peut-être que si je parviens à le berner, j'arriverai enfin à le toucher. D'une main, je me saisis d'une fléchette. Courbant le poignet, je lance cette dernière et l'entend rebondir rudement sur le sol. Le bruit est étrange et je doute un instant que le lutillon tombe dans le panneau quand j'entends distinctement son bruit de course. J'arme mon tir et, avec une concentration certaine, envoie mon projectile dans sa direction.

Cette fois-ci, je fais mouche. Un cri de douleur lui échappe, tout comme son clou qui heurte le sol et y roule le temps d'une longue seconde. Son mouvement m'apporte un relent fleuri. Je n'hésite pas et, estimant sa taille, je vise peu plus haut que précédemment, mettant davantage de puissance dans mon projectile. Dans un souffle, j'envoie une fléchette vers lui. Dans les ténèbres grisées qui commencent enfin à me paraître moins denses, je parviens à deviner, oreilles à l'appui, ce qu'il se produit. La pointe de la fléchette accroche le bonnet du lutillon, l'emportant avec elle plus loin sur le sol.

Après un court moment de silence, alors que j'entends clairement un bruit de tissu frotté, la voix mal assurée de mon adversaire s'élève.

"Que ? J'ai froid au front. Où il est le bonnet ? Par terre ? Tombé ? Ce n'était pas l'oiseau qui l'avait ? Vilaine voix ! Tu m'as menti ! Ne te défile pas ! Reviens ici ! Eh ! Bah ! Je ne t'écoute plus, va-t'en, na ! Pardon l'oiseau. Je ne sais pas ce qu'il m'est arrivé mais... Je me sens fatigué."

Et sur ce, non content de monologuer, le lutillon s'effondre par terre et se met à ronfler. J'ai un peu de mal à réaliser ce qu'il s'est passé. Tout ce dont je me rends compte c'est que la sortie est juste devant mon nez. Je range ma sarbacane dans ma manche et masse mon aile malmenée. La scène en noir et grisé que je commence à bien distinguer me permet de voir quelques fléchettes égarées. Je sais que je ne parviendrai pas à toutes les récupérer et de toute façon je n'ai pas le temps. Je marche rapidement et dépasse mon adversaire endormi. Quelques pas plus tard, je me retourne vers lui.

( Petit comme il est, entouré de fléchettes... Si ces humains sans réflexion tombent dessus, ils vont peut-être croire qu'il est responsable de l'accident de la cuisine. Bon, il faudrait qu'ils trouvent mes autres fléchettes pour faire le lien mais on ne sait jamais. Même dans les portées de tarés, il y en a parfois un de normal.)

Je regarde un court moment cette forme allongée sur les pavés.

( S'il se fait attraper, je ne donne pas cher de sa peau... Il finira sa vie en cage ou pire. )

Mon envie de liberté se voit contrariée par la haine envers les humains. Je me refuse à les laisser se venger sur un autre être de petit gabarit. Je suis passé par là pendant de longues années et même si cet être ne représente rien pour moi, l'implication des humains dans le calcul me fait rapidement prendre ma décision.
Je retourne sur mes pas et alors que je m'apprête à le porter, je me stoppe net. Je l'ai vu délirer et je l'ai entendu s'adresser à cette soi-disant voix qui ne parlait qu'à lui. Si vraiment il est atteint de ce fléau frappant la ville, mieux vaut prendre mes précautions. Je n'ai d'ailleurs aucune idée du moyen par lequel la maladie se propage. Par le sang ? Par les postillons ou simplement par contact direct ? Cette dernière possibilité me fait frissonner et je n'ai absolument aucune envie de contracter cette saleté.

Dans la pénombre, j'aperçois, dépassant de la table que j'ai percuté, un tissu d'une belle taille. Je m'envole jusqu'à lui et l'en déloge, retournant le poser au sol. Tout en gardant un coin du tissu entre mes doigts, je tire le singulier personnage dessus en pinçant ses vêtements. Lorsqu'il y est, je ne perds pas de temps à m'inquiéter de son confort et l'enroule dans le tissu. Ses doigts collants ont agrippé le bonnet et ne le lâchent plus, comme si son existence en dépendait. Après l'avoir paré ainsi, presque momifié en fait, je mets un genou à terre et le charge sur mon épaule. Une grimace contrariée déchire mes traits alors que je tente de me relever puis de prendre mon envol vers le soupirail. Ce poids supplémentaire m'affaiblit et me ralentit mais, puisant dans une volonté certaine et une soif de liberté inassouvie, je me force à continuer.
Poussant le rabat en bois vermoulu du soupirail, je passe, tenant l'assoupi contre moi. En prime, cet idiot ronfle comme un bienheureux. Rien de tel pour m'agacer encore un peu, quand bien même il n'est ni grand, ni femelle ou humain.

Il fait déjà nuit, l'air est frais et ce passage donne sur un jardinet parfait pour camoufler ce boulet vivant. Je plonge sous un buisson proche et l'adosse contre le tronc épais. Camouflant ma main dans ma manche évasée, je tire sur le tissu, de sorte à dégager l'un de ses bras. Quand il reviendra à lui, il pourra se défaire du reste seul. L'absence de culpabilité à l'abandonner là m'indique que je pourrai dormir tranquille, quoiqu'il se passe ensuite pour lui et son bonnet.
A travers les feuilles, je jette un bref regard. La voie est libre. Je ne perds pas un instant et émerge du buisson, obligeant mes ailes à battre comme jamais. Je mets une distance certaine entre moi et ce bâtiment honni, empli d'êtres que jamais plus je ne veux revoir. Je m'apprête à jeter un bref regard par-dessus mon épaule mais je me ravise. Ce n'est plus la peine de regarder en arrière. Dans la pénombre, au-dessus des toits, je m'enfonce dans la ville.

Je suis enfin libre.


[[[Tentative d'apprentissage de la CC AJ : Tir Instinctif ]]

[Fin du prologue]

[Suite]

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Dernière édition par Nessandro le Lun 2 Avr 2012 16:31, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 20 Mar 2012 19:49 
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Je m’élance sans grand espoir de parvenir à l’effet que j’attends. Je balance mon épée et ferme les yeux par peur des représailles de mon adversaire. À ma grande surprise, il ne réussit pas esquiver mon coup. Pour autant, l’effet que je souhaitais ne se produit pas. Sa main est toujours rattachée à son corps, mais une belle entaille parcourt tout son avant-bras. Instinctivement je me recule.

Il me lance une remarque sexiste, mais je n'y prête pas attention. Ses yeux luisent toujours et il tend son bras blessé vers moi. Je me place en garde. Par Sithi que va-t-il sortir de cette main sortie des Enfers ? Je le vois lutter et rien ne se produit. Je ne baisse pas pour autant ma garde. Il me balance alors en pleine figure, d’une voix rageuse, que je vais payer cher le fait qu’il n’ait pas pu jeter le sort qu’il souhaitait. J’avais donc vu juste, il maîtrise la magie. Dans quelle galère me suis-je encore fourrée ? Et tout ça pour suivre la lubie d’un illuminé qu’il y a peu était encore mon père.

C’est de nouveau à moi de porter une attaque. Je réfléchis pendant un bon moment tout en faisant des pas de droite à gauche et je m’attends à tout moment à recevoir une remarque. Que puis-je faire ? J’en appelle à Sithi pour qu’elle me guide et qu'elle me protège.


"À quoi tout cela rime-t-il ? Qu’est-ce que vous allez gagner en faisant ça ? Mon paternel vous a-t-il promis quelque chose ?"

Je ne sais pourquoi, mais j’ai besoin d’une réponse, quelle qu’elle soit ! Pendant ce temps j’ai reculé pour m’éloigner et me repencher sur mes possibilités d’attaques. Il s’est mit en garde lui aussi, il attend ma prochaine offensive. Et je dois dire que l’espace exigüe de la cage ne m’aide absolument pas à trouver une idée ! Je me décide finalement. Je suis en face de lui et je cours vers mon ennemi. À la dernière seconde j’effectue une glissade puis de ma main droite je trace une ligne droite avec mon épée dans l’espoir de le blesser au niveau des jambes.

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Un grand merci à Dame Itsvara pour la signature




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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 2 Avr 2012 12:07 
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De nouveau, Calimène s’était entichée des conseils de l’Émissaire et l’avait suivi lors d’une nouvelle expédition. Par un mélange d’ambition personnelle et de sens de la justice, elle avait été séduite par l’argumentation biaisée de son visiteur nocturne. Ferraillant avec un homme imposant armé d’un sabre à lame courbe, Calimène bloquait l’arme adverse le temps d’en dévier la course puis s’évadait souplement, d’un bond en arrière ou d’une feinte de côté. Rapide malgré le port de son armure, elle revenait à la charge presque immédiatement, pointant les reins de son opposant, laissés à nu par son armure pectorale. En cuir bouilli, cette dernière était nouée à la taille par deux sangles latérales dont la gauche, lacérée dans un échange de coups précédent, pendait mollement. Ce faisant, le rein gauche de son propriétaire était devenu accessible et Calimène, pointant une nouvelle fois, cherchait à le percer pour la troisième fois.
Toutefois l’adversaire se révélait coriace et compétent. Si sa technique ne semblait guère provenir d’instructeurs chevronnés, il tirait son expertise de l’expérience et de la bestialité qu’il mettait dans chacune de ses frappes. Deux styles forts différents s’opposaient en ce coquet jardinet : la finesse contre la force. Expérimenté, l’adversaire paraissait conscient de la faille ouverte dans son armure mais certain de sa force, il se riait des risques. Par deux fois, Calimène s’était vue contrée par son ennemi, devant reculer vivement pour se mettre hors de portée de l’imposant personnage.

Tournant pas à pas autour de lui, éborgnant au passage quelques pousses d’herbes rares du jardinet, Calimène rôdait à l’image d’un loup à trois pas de sa proie. Bâti comme un ours, il restait fort et droit, prêt à laisser sa lame s’effondrer des hauteurs pour briser le corps du chevalier en deux.

Intérieurement, Calimène pestait contre ses propres prouesses martiales. Ayant désormais l’expérience du duel, mis en pratique contre plusieurs adversaires, à l’entrainement comme en réelle situation, elle ne se voilait de fait guère la face sur ses compétences réelles. Son style était essentiellement défensif et basé sur une capacité à juguler les assauts de l’ennemi jusqu’au moment opportun où une contre-attaque lui permettait de prendre l’ascendant ou de remporter définitivement le combat. Mais pour l’heure, la situation se révélait bloquée. Par manque de vitesse, elle avait manqué sa première ouverture vers le rein convoité et lors de la seconde passe visant le même organe, son bras s’était finalement trouvé trop court. Et maintenant, son adversaire l’attendait.

Il fallait donc dans la mesure du possible innover ; une situation de combat n’étant guère le moment idéal pour se contraire à une nouvelle posture. Restant à distance, elle inspecta son ennemi. Grand et puissamment bâti, il profitait d’une force et d’une allonge supérieure à la sienne. Toutefois, sa propre masse ralentissait ses mouvements et bien que ses frappes soient lourdes, Calimène avait rapidement appris à les dévier.
Affermissant sa prise sur la garde de son épée longue, Calimène improvisa une nouvelle passe pour donner le change et tenter d’en apprendre un peu plus sur les forces et faiblesses de son adversaire ; sans succès. La lame courbe s’abattit une nouvelle fois vers elle avec trop peu de vivacité pour trouver le corps de Calimène, déjà évanoui hors de portée.

Le chevalier-sirène toussa légèrement et tenta de reprendre son souffle. Si chaque passe se concluait par une apparente égalité, Calimène y investissait toutefois plus d’énergie. Il fallait en finir et ce, au plus tôt.

La jeune femme glissa sa langue sur ses lèvres pour les humidifier. De nouveau elle força en avant et se porta au contact. La lame courbe tomba de nouveau des hauteurs, à l’image d’un tranchoir de boucher mais cette occasion, elle rencontra littéralement un os. Le métal tinta contre le métal et le barbare grinça d’indignation et de surprise à la fois, son arme bloquée net par celle du chevalier. Tenant son épée à deux mains, Calimène n’avait cette fois-ci pas reculé, si ce n’est sur ses appuis au moment de soutenir le poids de la lame ennemie. L’épée courbe força soudainement plus lourdement et Calimène du céder sur son côté gauche, lentement en premier lieu puis totalement lorsque son adversaire augmenta la pression une nouvelle fois. Emporté par son propre poids et sa propre poussée, il chavira de côté, comme déséquilibré par une pichenette de géant. L’instant suivant, son nez se fit enfoncer dans son visage par le coude en armure du chevalier et le sang inonda son visage en un instant. Sa respiration s’en trouva bloquée et sa vision oblitérée.

Repliée sur elle-même, placée sur le corps de son opposant, Calimène réunit la tension de ses muscles en un instant et libéra sa vivacité d’un seul mouvement. Tranchant de part en part les cuisses de son assaillant, elle le fit chanceler une première fois. D’un retour de main, elle repoussa la lame courbe, désormais molle, et en délesta son propriétaire.

Déséquilibré et désarmé, il poussa un hoquet de surprise et de douleur, au moment où Calimène s’apprêtait à pousser son avantage de manière définitive. Frappant de pointe, l’épée longue trouva plusieurs faiblesses dans l’armure de cuir, là où elle se faisait plus mince et aux endroits où le corps apparaissait à découvert. Le barbare hésita un instant, comme s’il se refusait à admettre sa propre mort puis, sans ajouter un quelconque commentaire, s’effondra sur le côté de toute sa masse.
La lame dégoutante de sang, Calimène se tourna vers l’instigatrice des évènements. Droite et fière, elle portait une tenue sombre, robe d’intérieur à la coupe ample. Son visage, ceint d’un voile marqueur de deuil, restait interdit. Elle leva sa main droite vers le chevalier-sirène, sans mot dire et l’enfer se déchaina soudainement. Plusieurs racines gorgées d’une sève qui paraissait du sang jaillirent hors du sol et tentèrent immédiatement de se gorger des veines de Calimène. Marquant un pas de côté, cette dernière trancha une nouvelle fois dans le vif. Elle sépara une première racine en deux et en repoussa une seconde du plat de son arme alors que d’autres, plus nombreuses, s’arrachaient hors du sol de leur propre initiative. Trop de mouvements à surveiller se dévoilèrent hors des ombres et une nouvelle fois, Calimène se décida à forcer sa nature combattante.

Elle poussa en avant sur ses appuis et prit de la vitesse en direction de la sorcière qu’elle était venue arrêter. Chemin faisant, plusieurs pointes de racines tentèrent de percer l’armure héritée du chevalier Myrne, sans succès autre que de la perturber dans son avancée. Bandant ses muscles à l’extrême, elle réunit une nouvelle fois ses pensées et entra dans une véritable danse mortelle. Déchirant à droite, débitant à gauche, le fil de son arme repoussait le bois putrescent partout où il le rencontrait. Plusieurs racines retombèrent lourdement, rappelées à la non-vie une fois séparées de la volonté de leur manipulatrice. Car ici, en ces lieux, la nature se gorgeait du sang de nombre de malheureux, enlevés sur les routes afin de permettre l’exécution de projets dont la nature secrète restait et resterait probablement inaccessible au chevalier sirène. Produisant un terrible arc de cercle, la lame gravée d’une sirène évida l’espace autour d’elle et libérant un espace entre les deux femmes, dans lequel Calimène s’engouffra. Libérant toute son énergie, elle pointa de nouveau en avant et relâchant son arme débita la dernière haie dressée par la sorcière pour sa protection. Une fois, cinq fois, dix fois la lame pointa et dessina une trainée sanglante dans les végétaux, dispersant copeaux de bois et gouttes d’un sang sombre d’un même élan.

Plongeant sa lame dans les plantes morbides, l’épée se trouva soudainement bloquée. Les racines qui barraient la vue de cet enfer végétal s’agitèrent en tout sens une dernière fois, lacérant tout ce qui passait à leur portée et après un dernier soubresaut, retombèrent au sol. Fichée dans la poitrine de la sorcière, la lame de Calimène semblait avoir trouvé sa place naturelle, à l’image d’une excalibur rendue à sa roche protectrice.
Immobiles, les deux femmes restèrent en position quelques instants jusqu’à ce que la sorcière ne gite en arrière et ne s’effondre au sol. Le chevalier-sirène la contourna prudemment et se posta à son côté, testant à la jugulaire la présence ou non d’un rythme cardiaque.

« Rien » commenta Calimène.

Soulevant le voile, elle constata avec soulagement la présence de pupilles intégralement dilatées et d’un blanc d’œil ayant cédé sa place à une couleur morbide. Conformément aux consignes de l’Émissaire, elle délesta la sorcière d’un étui de cuir pendant à sa taille et constata avec surprise que la propriétaire des lieux avait tenté dans ses derniers instants de l’ouvrir, probablement pour les passer à ses mains. Elle libéra la lanière de l’étui du cadavre et la passa autour de ses épaules.

L'Émissaire n’avait pas menti.

Et ce dernier, observant Calimène de l’arrête du bâtiment, était aussi fort satisfait.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 2 Avr 2012 12:29 
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« Et bien, relevez-vous donc ma chère, ce n’est pas une blessure si superficielle qui aura eu raison de vous » commenta ironiquement l’Émissaire.

La sorcière, raide comme la mort, finit par réagir malgré le trou béant qui dénaturait sa robe et en dessous, sa poitrine. Elle se redressa et épousseta ses vêtements longuement sous le regard du dandy.

« L’un des menus avantages de la non-vie, c’est de ne point pouvoir mourir » répondit-elle en touchant les bordures de la plaie béante qui ornait son corps.

« Cela manque toutefois énormément d’élégance. Mais dîtes-moi, quel mauvais tour m’avez-vous donc joué là ? » Dit-elle à l’Émissaire en le toisant d’un air mauvais.

« Vous deveniez un peu trop sure de vous ma chère, et malgré les multiples précautions dont vous vous êtes entourées, votre attention était à ce point focalisée sur l’intervention d’un sorcier concurrent que vous n’avez guère pris au sérieux une menace plus … terre à terre. » précisa-t-il avec l’assurance d’un professeur donnant la leçon.

L'Émissaire marqua la pause d’un conteur sachant son auditoire attentif.

« Prenez cela comme une leçon d’humilité : les gants seront en sécurité entre les mains de Calimène » dit-il d’une voix sournoise. « Et nous les récupèrerons dès que nous en aurons l’usage » conclut-il avec malice.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 12 Avr 2012 22:53 
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Noir. Noir total, pas une lueur.
Silence. Total pesant, un silence de mort.
Puis une odeur. Très légère. un chatouillement dans les narines. J'ouvre doucement mes yeux engourdis, et le noir absolu cède peu à peu, millimètre par millimètre, la place à la lumière. Une lumière révélant une pièce sobre, blanche, avec uniquement une commode et un lit simple sur lequel je suis allongé.

(Où suis-je?)

Une porte en bois en face de moi. Je tente de me lever pour l'atteindre, mais une douleur fulgurante me rassois immédiatement. Je ne me souviens pourtant pas être blessé. Je ne me souviens à vrai dire de rien. Quoique...je... Soudain, tout me revient brutalement. La mission, le druide, les gobelins et... Pourquoi je ne suis pas mort? que s'est il passé, après cette attaque?
Des pas. Quelqu'un. Je vais savoir. J'espère.

"Ah, tu es réveillé! Enfin, mes soins ont fait effet. J'ai eu peur pour toi tu sait? Oh pardon, je me présente: Lonerin. Je suis un druide. L'homme que tu as rencontré. Je t'ai trouvé le soir, après que les gobs t'ont... enfin bref! Je voudrai que tu m'aide à les retrouver et les empêcher d'agir."

" Tu...as besoin... d'aide? Tu semblais pourtant... bien les... impressionner. Ils parlaient de te tendre une embuscade, et... avaient visiblement très... peur... de toi. "

"Je ne sais pas pourquoi, mais ils ont une peur folle des druides. c'est ce qui m'a permis de rester en vie jusque maintenant. En revanche, s'ils s'aperçoivent que je ne suis qu'un débutant, je ne donne pas cher de ma peau. Mais à nous deux, on pourrait les traquer, a travers les bois où ils veulent se cacher et leur tendre un piège: tu es un rôdeur, et moi un druide. Dans la forêt, nous avons l'avantage!"


"Tu m'as soigné, recueilli, et si bien aidé... que je... ne peut que dire oui. Cependant, je ne peut te garantir que je serai utile: je ne suis que débutant, et blessé de surcroît.

"Je te remercie, et me permet de te dire que, malgré la difficulté, nous sommes avec la balle dans notre camp, car nous décidons de quand nous mettre en route!"

L'homme, ou plutôt Lonerin, me sourit, et quitte la pièce. Juste avant qu'il ne referme la porte je glisse une question:
"Au fait, combien de temps suis-je resté inconscient?"

"Deux jours."

Deux jours! Il est plus que temps de me ... de nous mettre au boulot!


Les jours suivants, je commence a reprendre la forme. Je peux de nouveau marcher, et nous étudions le plan des environs, pour savoir où ils comptent se rendre. Il a entendu parler de la forêt kendrane. Nous décidons de partir après quatre jours de préparations. Je suis presque remis, et peut enlever mon bandage. Après avoir pris quelques vivres, nous partons en direction des portes de la cité blanche, pour aller vers la forêt kendrane.

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La nature est éternellement jeune, belle et généreuse. Elle possède le secret du bonheur et nul n'a su le lui ravir.
George SAND




Dernière édition par elarcil le Ven 27 Avr 2012 12:14, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 17 Avr 2012 00:53 
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Intervention gmique pour Arcklos



Lorsque tu ouvres les yeux, tu es couché sur un lit de paille. Bien que la pièce semble propre, elle est meublée pauvrement. A ta gauche une vieille chaise sert de table de chevet, alors qu'à ta droite tu peux voir une autre chaise, sur laquelle est assise une petite fille aux nattes blondes et aux grands yeux bleus qui ne cesse de t'observer.

"Viens Karlo, le monsieur vient de se réveiller. "

Aussitôt, un petit garçon apparut à ton chevet, bien qu'il portait toujours ses vêtements déchirés, son visage et ses mains étaient à présent propre, mais tu pus tout de même reconnaître le petit garçon à qui tu avais donné un paquet à livrer.

Le dos bien droit, les épaules rejetés en arrière, il te résuma fièrement les démarches qu'il avait faites pour toi.

"Je suis allé à la taverne et j'ai fait ce que vous m'avez dit. Puis je suis retourné vous voir car vous sembliez mal en point et je vous ai trouvé inconscient. "


Il te montra ses amis (quatre petits garçons d'âges variant entre neuf et douze ans) et une gros chiens avant de poursuivre.

"Moi et mes amis t'avons ramener chez nous, ça fait déjà plus de deux jours. "


Cette petite maison ne semble habitée que par des enfants.

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À votre service, pour le plaisir de rp !


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 21 Avr 2012 15:11 
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Le portier les fit entrer en voyant Gaber mais réserva une moue désapprobatrice à Azra et ses vêtements crasseux. Gaber prit la parole :

"Dites au patron que nous venons au sujet de l'affaire des morts-vivants."

Le portier leur demanda d'attendre dans le hall et se retira en s'inclinant.
Azra et Celia faisaient le tour de la salle en attendant, un peu jaloux du luxe des fresques et du sol de marbre.
Bien sûr, le marchand se fit attendre et, lorsqu'il parut, ce fut accompagné de quatre gardes, le genre de grosses brutes stupides recrutées dans les bas-quartiers. Torse nu, équipés chacun d'une épée et d'un poignard, ils semblaient aussi dépourvus de finesse que de scrupules. Le jeune fanatique se sentit soudain moins sûr de lui.

(Me voilà dans une sacré position de faiblesse... J'aurais dû me douter que ce salaud allait trouver les moyens de me prendre de haut !)

Le marchand, drapé dans une robe jaune et verte, croisa les bras.

"Qu'est ce que ça signifie ? Gaber, il semble que tu n'ai pas respecté mes ordres..."

Le petit homme se tourna vers Azra.

"Je ne t'ai pas dit mais... je devais te tuer dès que tu aurais accompli la mission, afin de ne pas avoir à te payer... Comme tu l'as constaté, je suis assez adroit avec une arme, mais pas très porté sur le meurtre. Trafiquer un peu les comptes, oui, mais tuer, non ! Depuis le temps que j'attends mes salaires en retard, je ne me sentais de toute façon pas obligé de faire ça pour lui..."

Caladaar prit une teinte cramoisie. Azra lui adressa un sourire mauvais :

"A force de vous faire des ennemis, ça devait bien arriver. Je remercie mon ami Gaber, mais la plus importante personne dans cette affaire c'est sa femme ! Vous avez demandez qu'ils offrent des yus de leur propre poche pour votre petit rituel funéraire de famille..."

"Quand Gaber est rentré à la maison avec cette demande ridicule, gémit Celia... alors que nous n'avions déjà presque plus d'argent... Je suis allé chercher les pièces, mais J'ai prié Phaïtos très fort pour qu'il rejette ces offrandes dérisoires et les âmes qui les lui apporteraient."

"Vous ne vous attendiez pas à ce que ça marche si bien, hein ? lança Azra, ironique. Il vaut mieux éviter de faire des prières inconsidérées, qui sait s'il ne prendra pas la fantaisie au dieu invoqué de les réaliser... C'est ainsi que les spectres sont revenus. Seul une puissante magie pouvait leur permettre de reprendre possession de leur corps. Mais c'était la magie du dieu des morts qui les avait ramené, autant dire que ce n'était pas un problème. Ils pouvaient donc se venger de celui dont ils pensaient qu'il avait bâclé leur enterrement..."

"Le plus drôle, précisa Gaber, qui semblait beaucoup s'amuser, c'est que leur enterrement avait vraiment été bâclé. Les tombes qu'il leur avait offert ne valaient rien par rapport à l'ordinaire de la famille. Il avait réduit les coûts de l'office au maximum... Je pense que les spectres ont dû s'en rendre compte en revenant et ça n'a pas dû arranger leur humeur !"

"Bref, termina Azra, il ne vous reste plus qu'à organiser une petite cérémonie devant les tombes, à remplacer les pièces maudites par d'autres, idéalement vous appartenant, et vous devriez être débarrassé de ces vilaines créatures !"

Le marchand, rouge comme une tomate, rugit :

"Je vous avais demandé d'éliminer ces monstres, c'est tout !"


"Mais c'est impossible
, s'énerva le jeune homme. Vous l'avez vu vous même ! Même en les réduisant en miettes, ils reviennent la nuit suivante. Ce sont des morts vengeurs, pas des squelettes réanimés par nécromancie ! J'ai fait tout ce que je pouvais, je les ai même démoli la nuit dernière. Maintenant, libre a vous de faire ce que je vous dit ou non, mais maintenant j'attends d'être payé !"

Presque hystérique, il ajouta d'une voix qui évoquait un glapissement :

"Alors ? Vous ne voulez pas y croire, hein ? Que tout le monde ne soit pas soumis à votre volonté... Peut être que tout ça vous décidera à redresser votre société par des moyens plus honnêtes !"

Mars Caladaar resta figé, tremblant de rage. Il se tourna finalement vers ses gardes.

"Tuez les, y compris la femme. Cela arrêtera peut être la malédiction..."

Azra ouvrit la bouche et la ferma plusieurs fois, sans pouvoir dire un mot tandis que les quatre montagnes de muscles s'avançaient. Gaber se posta devant Celia, lui demandant de fuir tant qu'elle le pouvait.

"Non, répondit-elle. J'ai passé la majeur partie de ma vie avec toi, je la finirais de même."

Désespéré, le petit homme brandit son épée alors qu'un colosse était déjà presque sur lui. Azra, pour sa part, sentait qu'il perdait tout ses moyens en voyant trois adversaires marcher droit sur lui.

(Tue les ! Tue les tous ! Leur sang sera le prix de leur félonie !)


Les rugissements furieux de Chandakar achevèrent de plonger le garçon dans cet état proche de la folie qu'il avait déjà ressenti par le passé avant de se battre. Il se mit à hurler d'une voix pleine de sanglots :

"C'est pas juste ! Pas juste ! Pas juste !"

Et il se précipita vers le mur de droite. Déconcertées, les trois brutes se lancèrent à sa poursuite, mais, subitement, il pivota sur un pied et propulsa de toutes ses forces ses poings dans la poitrine du garde le plus proche. Le choc fut si rude que les côtes craquèrent et l'homme s'effondra, gravement blessé. Azra détourna ensuite le coup d'épée du deuxième avec le cuir de son gant avant de se jeter sur lui. Ils roulèrent tous deux à terre. Comme il s'y attendait, ces gardes désorganisés et mal entrainés étaient lents à la réaction, celui-ci mit trop longtemps à réaliser que son épée n'était pas adaptée pour le combat au corps à corps. Azra, lui, plongé dans les abîmes familiers d'une folie froide et sans la moindre crainte de la mort, prit juste la bonne décision. Sa main trouva le poignard dans la ceinture de son adversaire et le plongea dans le ventre du colosse sans se soucier des coups de poings et de pommeau d'épée qu'il recevait.
Une violente douleur éclata alors dans son dos. Il hurla et roula en boule, terrassé par la douleur. Le troisième garde l'avait touché de son épée. Le jeune homme trouva la force de lever les yeux vers lui. Il n'avait jamais pensé être capable de se débarrasser de trois gardes, de toute façon. Un, peut-être deux, mais certainement pas trois... Une lueur de meurtre dans les yeux, l'homme leva son épée pour le coup de grâce.
Il y eu un choc, une expression stupéfaite du colosse, puis il s'effondra, laissant paraître la figure farouche de Gaber, son épée ensanglantée à la main.
Aidé de sa femme, transformée en véritable furie, l'intendant avait réussit à se débarrasser de son premier adversaire pour secourir son jeune ami.

"Hé bien, garçon ! Ce n'est pas le moment de dormir ! Tu as encore..."

Il fut interrompu par un nouveau choc sourd. Le petit homme ouvrit grand la bouche tandis que Celia, à terre un peu plus loin, poussait un cri. Azra, horrifié, vit son ami s'effondrer, mort, poignardé par Caladaar.
Le marchand, les yeux fous, siffla :

"J'en ai assez de voir tout le monde se dresser contre ma volonté ! La famille Caladaar était la plus riche famille bourgeoise de la ville à une époque, mais je la porterais plus haut encore ! Et ce ne sont pas de vulgaires roturiers qui vont me barrer le chemin !"

Retrouvant des forces dans la fureur, Azra se leva. Chandakar, furieux de sentir son hôte gravement blessé, gronda par sa bouche, menaçant :

"Comprenez enfin que la famille Caladaar a encore un obstacle devant son ascension triomphale... Et c'est vous seul !"


Azra fondit sur le marchand médusé et lui porta un coup qui fit voler plusieurs dents. Le marchand s'effondra, assommé, le nez et la bouche en sang.
Le jeune homme s'effondra. Il ramassa le poignard de Caladaar et se prépara à terminer le travail comme lui soufflait son hôte... Quand une femme et deux enfants parurent. La famille de l'odieux marchand. De petits enfants bien propre pour lesquels un avenir radieux s'ouvrirait, loin de la faim et de la pauvreté. Destinés à devenir aussi arrogant que leur père.
Pourtant, Azra, voyant les trois personnes paralysées de terreur, se sentit rattrapé par ce qu'il qualifia intérieurement de stupidité. Ils méritaient... ils méritaient... ils méritaient d'avoir tout de même une famille. Il y avait eu assez d'âmes pour Phaïtos aujourd'hui.
Azra se pencha sur Mars Caladaar et coupa sa bourse qu'il serra comme si c'était la seule chose importante au monde. Il se dirigea ensuite en titubant vers Celia qui pleurait sur le corps de son mari et lui lança une grosse poignée de pièces.

"Je... je sais que ce n'est rien... mais il doit bien y avoir là l'argent qu'il vous devait... et aussi de quoi... payer un enterrement digne de lui à votre époux... victime lui aussi de la malédiction d'Azra..."

La femme du marchand s'approcha.

"Vous l'avez tué ?" demanda-t-elle, sans préciser de qui elle parlait, sûrement de son mari à elle.

Azra eut un ricanement sinistre.

"Non. J'ai tué beaucoup de monde, aujourd'hui, y compris l'un des seuls hommes à avoir voulut m'aider. Mais votre époux vit... J'espère qu'il prendra mesure de ce qu'il a fait... et qu'il regrettera... mais si vous lancez les gardes après moi..."

Il se tu. Il était en train de mourir, certainement, il n'y aurait pas de gardes pour le poursuivre chez le dieu à tête de corbeau. Il se sentit glisser à terre tandis que les ténèbres s'étendaient autour de lui. De toute façon, il avait sentit comment Chandakar avait facilement prit le contrôle de sa voix. Peut-être valait-il mieux en finir maintenant... Mais il restait une dernière chose à faire.
Il se tourna vers Celia :

"Retirez votre malédictions... ces pauvres âmes... ne méritaient pas..."

Il ne voyait plus rien et les sons se faisaient lointains.

"Il faut appeler un médecin !" cria l'épouse Caladaar.

"Oui, je... je... souffla Célia. Que les Phaïtos aille voir ailleurs, maintenant ! Je vais chercher un guérisseur..."

Azra n'en entendit pas plus, il sombra dans l'inconscience.

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Merci et à Inès pour la signature
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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Jeu 3 Mai 2012 20:32 
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Azra sentit une vive douleur. C'était sans doute un bon signe : il recommençait à sentir quelque chose. Il ne tarda pas à sombrer à nouveau. Le monde était tout de noir et de rouge et les couleurs tourbillonnaient et dansaient, offrant des motifs qui évoquaient l'essence même du chaos.

(Vais-je mourir ? Il va falloir se décider...)

Cette pointe d'ironie ne fut entendue par personne. Il émergea une deuxième fois. Il ne voyait rien, mais entendit une voix qui disait :

« Il va mieux. Il a perdu beaucoup de sang, mais il lui faut juste du repos maintenant. »

Azra sentit quelque chose de frais que l'on faisait couler dans sa gorge. Il perdit connaissance peu de temps après. Il s'enfonça profondément dans le néant. Une voix sinistrement familière se fit entendre :

(Félicitations. Bravo, vraiment ! Tu as failli nous faire tuer tous les deux ! N'as-tu pas conscience de la faiblesse de ta chaire ?)

(Allez-vous en !)

(Que non ! Nous sommes liés. Faire partie de toi ne me plaît guère, mais je ne peux pas y couper.)

(Où suis-je ?)

(Ici.)

Azra se dit qu'il allait s'énerver. Il valait mieux ça plutôt que de céder à la peur. Azra aurait voulu faire taire Chandakar, mais en même temps, il avait bien envie de savoir ce qui se passait.

(Mais où, « ici » ?)

(Dans la mesure du fait que tes sens ne peuvent nous permettre de savoir où se trouve ton corps physique, je me contenterais de dire que tu te trouves dans ton propre esprit.)

Dans son propre esprit ? Il n'y avait que ce fichu mort-vivant pour tenir des propos aussi absurdes ! Mais s'ils communiquaient plus facilement, c'est qu'ils devaient d'une certaine manière être « plus proches ». Il fallait en savoir plus. Cela pourrait être utile plus tard, lorsqu'il faudrait se débarrasser de cet hôte dangereux. Toujours perdu, flottant dans un nuage de rêve et de cauchemar, le jeune homme remarqua :

(C'est donc à ça que ressemble mon esprit ? C'est coquet...)

(Je suis las de loger dans un simple mortel... mais je dois reconnaître que ton sens de la dérision est rafraichissant.)

Azra laissa échapper un ricanement :

(Que vous arrive-t-il ? Ce n'est pas tous les jours que vous me faites un compliment.)

(Tu découvriras que je sais complimenter ceux qui le mérite. Mais assez bavardé, j'ai quelque chose à te montrer.)


Soudain, le monde de ténèbres se tordit et s'étira. De nouvelles couleurs émergèrent et Azra se tint sur une plaine brune sous un ciel rougeoyant. Autour de lui, il y avait quelques pierres et des arbres rachitiques. Cependant, cet étrange décors ne semblait pas dépasser quelques mètres. Au-delà, tout redevenait flou et informe.

(Très impressionnant... et que vouliez-vous me montrer ?)

(Moi)

La voix ne venait plus de nulle part mais de juste derrière lui. Azra se retourna d'un bond et plongea avec terreur le regard dans les orbites vides d'un grand squelette. Il portait une robe bleue et rouge usée et une couronne d'or. Une multitude de bracelets et de colliers en chaînes d'or inondaient ses bras et son torse. Le jeune homme avait le sentiment d'avoir posé les yeux sur l'image même de la gloire et de la richesse poussées à l'extrême. Même les vêtements colorés du marchand Caladaar paraissaient des frusques de paysans devant le luxe dont se paraît la créature.
Deux lueurs rouges infernales brûlaient dans ses yeux.

(Vois ce que tu deviendras si tu m'acceptes...)

La voix de Chandakar s'était faite grave et profonde. Chaque mot frappait comme un coup de gong et s'enfonçait directement dans le crâne. Pour la première fois, Azra prit conscience que derrière la voix orgueilleuse, haineuse et prétentieuse, se cachait un être qui avait réellement été quelqu'un d'extraordinaire.

(Tu dois apprendre la magie. Elle sera ta plus grande arme. Ne t'ai-je pas déjà enseigné le souffle de Thimoros ? Tu devras apprendre plus encore, et je te promets une puissance que tu ne peux même pas imaginer...)
Azra eu l'impression que le mort-vivant emplissait le monde. Il se sentait aspiré par son regard, suffocant. Il...
… il se releva d'un bond.
Aussitôt, sa tête se mit à tourner. Il retomba dans le lit. La porte s'ouvrit sur Celia. La veuve de Gaber semblait plus pâle et maigre que jamais.

« Vous avez crié ? Que se passe-t-il ? »

« Je... rien... un mauvais rêve. » marmonna le garçon d'une voix pâteuse.

Azra sentit qu'il repartait, mais il résista. Hors de question de risquer de se trouver à nouveau face à face avec le monstre !
Il fit le tour de la pièce des yeux. C'était une chambre banale de Kendra Kâr, mais elle lui paraissait luxueuse. Il faut dire qu'il avait plus l'habitude de dormir dans les chambres bon-marchés des auberges miteuses, voire dans les étables.
Celia lui fit boire de l'eau.

« Vous avez déjà l'air d'aller mieux... »

Azra se sentait gêné, et même ennuyé de cette attention. Il ne put s'empêcher de demander :

« Pourquoi vous occupez-vous de moi ? Vous avez toutes les raisons de me détester... »

« Les voies des dieux sont impénétrables. Je ne peux vous blâmer pour les mauvaises actions de la famille Caladaar. »


« Les dieux... oui, ils sont impénétrables... pourtant certains mériteraient bien quelques coups de bottes au derrière ! »

La femme fit mine de ne pas l'entendre. Azra la soupçonnait d'être si fervente que ses oreilles se fermaient dès que le moindre blasphème se pointait à l'horizon. Elle poursuivit donc :

« Vous serez sans doute content de savoir que Mars Caladaar s'est fait quelque peu... secouer par sa femme. Il va me verser un dédommagement si je promets de ne pas le poursuivre en justice. N'ayant de toute façon pas les moyens de me payer un avocat, c'est le mieux que je puisse espérer. »

Azra ne répondit rien. Même ainsi, il était difficile de voir dans cette affaire autre chose qu'un immense fiasco. Comme d'habitude, il amenait le malheur à tous ceux qui s'approchaient de lui. Il tenta de se lever.

« J'ai assez abusé de votre maison... Il va falloir que j'y aille. »

« Vous n'êtes pas en état ! Et puis, ne vous inquiétez pas pour moi : c'est toujours un plaisir de rencontrer quelqu'un qui partage la foi en Phaïtos. »

Le jeune homme faillit pousser un cri d'exaspération. Comment pouvait-elle être inconsciente à ce point ? Elle n'était pourtant pas possédé par un fichu revenant, elle ! Il voulut protester, mais la tête lui tourna et il se laissa tomber dans le lit. Il fallait se rendre à l'évidence, il n'avait pas encore la force de partir. Celia dû sentir sa frustration. Elle lui indiqua une cape posée sur le rebord d'une chaise :

« Quand vous serez en état de partir, vous pourrez l'emporter... Elle... elle a appartenu à mon mari. Il avait l'air de bien vous aimer... Je sais qu'il se désolait que je ne veuille pas avoir d'enfant. Vous... Je pense qu'elle vous revient. »

Elle avait sans doute dit ça pour lui faire plaisir, mais cela ne fit que plonger le jeune homme dans un profond désarroi. Tandis qu'elle se retirait, visiblement bouleversé par l'évocation de son mari, Azra sentit lui aussi des larmes lui monter aux yeux. Il ne fallait pas qu'il s'attarde ici. Il avait déjà brisé une famille, il fallait mieux s'en aller avant que les choses de tournent à nouveau à la catastrophe.
Elle avait laissé du pain sur la table de chevet. Lorsque la faim devint trop forte, Azra finit par le dévorer.
La nuit tomba et il se sentait maintenant reposé. Il se leva. Ses jambes tremblaient encore un peu mais il fit quelques pas et sentit qu'il reprenait de l'assurance. Il ramassa la cape et sortit discrètement, descendit aussi silencieusement que possible vers le rez-de-chaussé et ouvrit la porte.
L'air était frais et agréable, il sentit aussitôt son moral remonter. Il y avait toujours un avantage à être un vagabond : c'était la liberté !
Il prit le chemin de l'auberge de la Tortue Guerrière.

Un peu de repos

_________________
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Merci et à Inès pour la signature
et à Isil pour l'avatar!
Le thème d'Azra
David le nerd


Dernière édition par Azra le Mer 6 Juin 2012 09:26, édité 2 fois.

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