Dans le chapitre précédent…Arc du Souffle du Voile
Chapitre XIII : Le Col Blanc
Cette fois, c’était sûr ; Akihito allait mourir de froid. En cette deuxième journée dans le Col Blanc, il pensa perdre une demi-douzaine de fois ses doigts malgré la double paire de gants qu’il avait enfilés.
La veille en fin d’après-midi, le blizzard hebdomadaire du Col se leva, et dans ce genre de situation, il n’y avait que 2 solutions : rebrousser chemin ou continuer de marcher toute la nuit. Une nuit de sommeil par un froid aussi intense serait la dernière pour n’importe quel être vivant non habitué à ce climat. Rebrousser chemin était impensable, la moindre descente sous une telle tempête sanctionnerait la moindre chute d’une mort définitive, ce qui aurait été regrettable.
Ne restait plus qu’à faire marcher les chevaux de traits percherons 2 jours durant, tâche qui leurs auraient été aisé d’accomplir sans toute cette neige. Néanmoins, ceux-ci sont rompus au passage du Col et allaient le prouve une fois encore.
Les aurores Boréales furent les bienvenues en cette nuit, éclairant par intermittence le paysage pour que Brumal et Akihito ne tombent pas dans une crevasse par inadvertance. Blanche fut la neige, blanche fut la nuit.
Enfin, la neige n’était pas tout à fait blanche : les lumières célestes les teintaient de toute une palette de verts, et illuminaient chaque flocon du blizzard d’une lueur spectrale verdâtre, comme si d’un coup le ciel se parait d’étoiles vertes, malgré ses lourds nuages.
Akihito, quant à lui, brava les éléments en compagnie de Brumal, un père d’yeux n’étant pas de trop pour repérer les dangers. Une lamelle de bœuf séché entre les dents, il se sustenta comme il put, cette nourriture étant la seule à pouvoir supporter le froid sans devenir immangeable.
« Valyus tout puissant ! Ce climat est invivable !- Et encore, beugla dans le vent Brumal,
c’t’une petite tempête ! J’en ai connu qui arrachèrent les toiles des charrettes !- Le climat est-il aussi rude à Mertar ? cria en retour Akihito.
- Bien sûr qu’non ! Sinon, y’a belle lurette qu’nous aussi on aurait disparu, comme les dragons de foudre ! »Refermant les pans de sa couverture, Akihito se concentra sur la route jusqu’au petit matin, économisant ses forces dans le silence du vent hurlant autour de lui.
Au petit matin, durant une accalmie, les charrettes du convoi communiquèrent entre elles pour vérifier que tout le monde était bien présent et en un seul morceau, ce qui se révéla être le cas.
Peu de temps après l’accalmie, la charrette des jumeaux s’embourba dans une petite congère, et le convoi s’arrêta momentanément le temps que tous soulèvent la charrette pour la débloquer, à grands renforts de jurons tous plus fleuris les uns que les autres, le " Saloperie de ******** de ******** qui ******** " d’Yveltam étant particulièrement saisissant dans la bouche d’une femme, aussi naine fut-elle.
Le convoi repartit au bout d’une vingtaine de minutes, et recommença sa pénible ascension, sous un déluge de neige toujours plus important.
- - - - - -
(Je vais perdre un doigt à ce rythme !) pensait Akihito. en se frottant vigoureusement les mains, essayant d’emmagasiner un peu de chaleur.
(Peut être que ma magie va réchauffer mon corps ?)La déception fut présente : le fluide parcourant son corps lui donnait une sensation de chaleur, mais seulement au niveau de sa paume ; ses doigts lui donnaient toujours l’impression d’être transpercé par une pleine poignée d’échardes et de vouloir se détacher phalange par phalange. Il ne maîtrisait pas encore assez sa magie pour la diffuser jusque dans ses doigts.
Au loin,
Le mage observa le Thorkin à sa droite : lui ne semblait pas souffrir du froid malgré le simple veston de fourrure qu’il portait depuis le début de l’ascension, pourtant il avait le regard soucieux et gardait depuis le matin Dunn’kur à portée de main.
« Vous craignez qu’il y ait des bêtes sauvages qui attaquent les charrettes ? demanda son passager.
- Ben c’m’ai jamais arrivé pour être franc, mais on est jamais trop prudent, des fois qu’on tomb’rait sur un Gakhaï ou pire, un Grizzly.- Un Gakhaï ?
- C’t’une bestioles des montagnes, un genre de phacochère des neiges s’tu préfères. Y sont pas féroces ou carnivores, mais l’printemps approche et leurs femelles doivent déjà être fécondées, alors tout d’suite ils deviennent plus agressifs quand ils se sentent en danger. Enfin seulement pour les mâles.- Et… C’est dangereux comme bestiole ?- C’pas ça leur problème : le truc, c’est qu’ils sont insaisissables dans la neige, trop agile pour nous les Thorkins, même pour vous qu’avez plus d’allonge. Alors quand ils te prennent pour cible, bonne chance pour leur porter un coup !»(Espérons qu’on ne tombera pas sur un de ces trucs, ça pourrait mal finir.)Akihito se replongea dans l’observation du paysage à l’affût d’une éventuelle crevasse ou tout autre danger pour la caravane de tête. Le vent s’étant calmé, la tempête touchait maintenant à sa fin selon le nain qui en profita pour laisser les rênes au jeune homme le temps que celui-ci aille récupérer un morceau de bœuf séché.
Les deux percherons sentirent que leur guide n’était plus la même personne, mais ils n’en tinrent pas compte, en bons chevaux qu’ils étaient. Ils savaient l’arrivée toute proche, et n’avaient qu’une hâte, c’était de retrouver le confort de leurs écuries mertariennes. De plus, ils se trouvaient dans un passage des plus dangereux : la route passait le long d’une falaise, avec un vertigineux à-pic sur leur droite, où la moindre chute ne menait qu’a une seule conclusion, la mort.
Scrutant la route pour ne pas faire tomber la charrette dans une congère, le fulguromancien ne remarqua pas les deux ombres qui se déplaçait discrètement sur la ligne de crête, un peu plus loin sur leur gauche. Celles-ci observèrent le convoi, et d’une consultation du regard, décidèrent de la zone à cibler, là où les congères étaient les plus fragiles.
Une avalanche est si vite arrivée en montagne…
- - - - - - -
« On y est presque gamin ! Après c’te tournant, on arrive au VRAI Col Blanc !- Comment ça le vrai ? demanda le mage, inquiet à l’idée d’affronter une zone montagneuse plus froide encore.
- C’est une route bien plate que nos ancêtres ont construit pour faciliter le trafic, informa Pétunia qui faisait l’inventaire à l’arrière de la charrette.
- Ca, c’tait avant de se rendre compte que même pour des Thorkins, terraformer et aplanir une route entière dans les montagnes, c’est un peu trop ambitieux ! » répondit le nain en partant dans un autre de ses grands éclats de rire qu’il réprima aussitôt.
Le mage regarda alors craintivement la falaise, à la recherche d’un quelconque signe d’une avalanche imminente. Les Thorkins les avaient brieffer avant de rentrer dans le Col : les avalanches, ces monstrueuses coulées de neiges destructrices, pouvaient être déclenchée par le moindre stimulis comme une onde de choc ou une onde sonore un peu trop forte, ce qui pourraient tous les condamner. Aussi Brumal s’adressa directement à Akihito avec ces mots : « Tant qu’on est encore dans l’Col, pas d’sort de foudre ! La détonation déclencherait à coup sûr une avalanche. »
Les blanches falaises restaient immobiles, sculptées par les vents du blizzard de la nuit. Et aucun grondement sourd n’annonçait l’arrivée imminente d’une masse de neige prête à les engloutir. Akihito poussa un soupir de soulagement, quand une détonation sourde résonna dans le col, typique d’un éclair s’abattant sur le sol, déchirant l’air. Sauf que le temps était on ne peut plus clair, et donc aucune possibilité de nuage d’orage.
Brumal se retourna immédiatement vers Akihito, les traits déformés par l’incompréhension et la peur, avant de voir le visage abasourdit de celui-ci et d’attendre une deuxième détonation, semblant venir de la crête, au-dessus d’eux.
Un grondement terrible se fit entendre, et Brumal hurla :
« BOUGEZ VOUS !! UNE AVALANCHE !!!! » avant d’ordonner aux chevaux d’avancer le plus vite possible.
La caravane se mit en branle comme un seul homme, forçant les bêtes tractant les charrettes à accélérer au-delà du raisonnable en montagne, surtout pour des chevaux déjà épuisé par la nuit blanche. De l’écume à la bouche, les deux percherons de Brumal trébuchèrent, mais muent par une peur somme toute compréhensible, réussirent à garder leur équilibre pour continuer leur course effrénée dans la neige.
(Valyus tout puissant ! Qu’est-ce que c’est que ce bordel ??? ) jura le mage en regardant la masse de neige lentement se mettre en mouvement et accélérer.
Il restait une centaine de mètres avant que l’avalanche ne les atteigne, et plus elle avançait, plus elle s’élargissait.
« Si jamais l’avalanche nous prend, saute ! T’auras pt’être une chance de survivre en dehors d’la charrette ! » hurla Brumal en serrant les dents, les doigts crispés sur les rênes à les battre toujours plus fort comme si cela pouvait faire avancer les chevaux à plus vite.
80 mètres.
Akihito se retourne et capta le regard de Drom qui suivait de près leur charrette. Le visage de celui-ci n’exprimait aucune émotion, mais au fond de ses yeux brillaient une détermination et une volonté aussi froide que le cataclysme qui allait leur tomber dessus. Tout le contraire de son passager Gramaar.
60 mètres.
Un bosquet de conifères ralentit un temps l’avalanche, faisant gagner 2 précieuses secondes au convoi. Ils furent déracinés et rendirent encore plus dangereuse la vague de neige, remplit maintenant de dizaines d’échardes et autres épieux/branches brisées. Ses malheureuses victimes seront compressées par les tonnes de poudreuses avant d’être réduits en charpie par les éclats de bois.
40 mètres.
La charrette de Brumal passe sous un aplomb de roche qui, estime-t-il, bloquera l’élargissement de l’avalanche de ce côté-ci de la route. Les talonnant, celle de Drom qui transportait un Gramaar apeuré se mit elle aussi à l’abri.
20 mètres.
Brumal et Drom continuèrent de s’éloigner pour laisser la place aux autres d’arrivés, comme ce fut le cas pour celle de Jorund et Yveltam puis celle de Quibim accompagné de Hïo un instant après. Le hongre de Quibim, aillant fait fi de la douleur pendant le sprint, semblait néanmoins s’être tordu la patte.
0 mètre.
Alors que l’attelage de Noruk arrivait, l’avalanche fondit sur la charrette et l’emporta avec elle dans le vide, alors que les chevaux attachés hennissaient de panique en se sentant tirés en arrière, la charrette les emmenant avec elle. Noruk ne dû sa survie qu’à un réflexe salvateur et une chance hors du commun : en sentant brusquement l’arrière de son moyen de transport être entrainé dans la coulée, le thorkin lâcha les rênes et sauta à l’abri de l’aplomb pour être récupéré par un Jorund ayant retrouvé toute la force de son bras droit.
Les jumeaux, eux, n’eurent pas cette chance. Dans un cri d’une terreur absolue vite etouffé par le grondement de l’avalanche, Frior et Fruar furent happés par le maelstrom de neige, de glace et de bois, et entrainés dans le ravin.
Pendant de longues secondes, le reste de l’avalanche dévala la pente, pour ensuite s’immobiliser, condamnant pour un temps cette route aux voyageurs.
Une longue plainte déchira l’espace redevenu silencieux.
A suivre…