Et quel spectacle !
C’était splendeur. Pour commencer, il y’avait la mer, beauté éternelle et envoutante, me captivant de sa magnificence. Penser que je le verrai quelques jours entiers durant me réjouissait l’avance, que d’heures de contemplations m’attendaient ! Et puis, je voyais des bateaux, des bateaux par dizaines, accostant, prenant le large, au repos, toute voile dehors ! Les marins s’agitaient à leur bord, hélant et hurlant à grands cris sur leurs camarades et collègues, une corde entre les mains. L’odeur de l’océan, quel doux parfum, effleurant doucement mes narines avec son léger goût de sel. Et ces vagues venant s’éclater contre les rochers, fracassant la terre de leur pouvoir ! Je m’attardais ici un moment, à admirer, tout simplement. Puis, voyant que l’heure tournait malgré moi, je me mis en quête de mon navire, et je fus vite perdu entre les vaisseaux, à vrai dire ! A tel point que je demandais à un moussaillon passant par là s’il savait ou était amarré La Perle Rouge. Le gentilhomme m’indiqua clairement la route, et me rappela lui aussi de prendre gare à la chaleur de Tulorim. Décidément, étais-ce un danger aussi manifeste que la folie des individus de Kendra Kâr ? Je le saurais bientôt, sans doute.
Et le marin n’avait pas menti, après quelques minutes de marches, j’arrivai devant l’imposant et immense bâtiment. L’examinant, j’espérai qu’il tienne le choc en cas de tempête quand j’aperçu non loin mes compagnons. Ils me firent signe de les rejoindre, et je m’avançais tranquillement dans leurs cercle. Tous avaient retirés leurs lourdes armures, préférant sans doute le confort des habillements civils, le temps du voyage du moins. Et pour la première fois, je pus observer leurs visages. Hadak, un humain, était un grand brun aux yeux verts, affichant une mine plutôt réjouie malgré le drame de la veille, il avait tout d’un homme sympathique, ouvert d’esprit, et du compagnon idéal. Muysten et Rodral, quant à eux, étaient en deuil. Nul doute que la mort de notre ami commun les avait affectés et chagrinés. Le premier était un homme plus trapu, plus renfermé que ses compagnons. Ses cheveux noirs comme l’ébène, le faisait se fondre dans la masse, et sa barbe développée renforçaient encore un peu plus ce coté de solitaire. L’autre pourtant aurait pu me sembler sympathique, s’il n’avait pas eu cette mine peinée. C’était un grand blond aux yeux bleus, taillé comme dans du roc, un véritable mur qui aurait fait fuir une horde d’ennemis à lui tout seul. Nul doute que sa morphologie nous serait utile, si des dangers se présentaient. Et enfin, il y’avait Thörn’âck le nain, sa longue barbe rousse tressée lui retombant au nombril. Comme tous ses semblables, c’était une petite créature, réputé pour ses talents de mineurs, et de fêtards ! Lui aussi affichait une mine sombre, et je n’osais le regarder plus longtemps, espérant que cela s’effacerait avec le temps. Heureusement, Hadak brisa rapidement le silence glacial qui prenait place.
« Bien, nous t’attendions Cyowä. Voilà l’heure du départ, et de la vengeance. Car je n’aurais de répit tant que ces assassins seront en liberté, et que Torën ne sera pas vengé. »
Muysten et Rodral acquiescèrent en silence, d’un signe de tête, le nain émit un faible grognement affirmatif, pendant que je déclarai à mon tour :
« Je jure de venger mon ami, dussè-je y perdre ma vie ou mon âme.
-Bien, je pense que nous avons tous besoin d’un peu de repos et de solitude. Entrons dans ce bateau, et rejoignons nous, disons ce soir, à la poupe du navire. Avec une bonne pipe, nos problèmes disparaitront un moment, lequel sera l’objet de paroles plus gaies et réconfortantes. Chacun à sa chambre, Cyowä occupant celle de feu Torën. Je me suis arrangé avec le capitaine, je garderai la dépouille avec moi, dans ma chambre. Embarquez, camarades. La marée n’attend pas ! »
Et d’un pas maussade, nous avançâmes vers la passerelle qui nous conduirait sur la coque de cet immense rafiot, toutes nos pensées encore tournées vers notre ami. La traversée s’annonçait longue. Longue, et d’une tristesse…
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