<Le port>Bien que trainant le pas, je suivais tout de même Willow et ses deux... amis ? A peine fûmes nous montés que je découvris ce balancier léger qu'effectuait le bateau au gré de la houle, bien qu'il soit amarré. La sensation devait être encore plus forte en mer, quand le bateau voguait libre et seul sur cette infinie flaque salée.
De l'extérieur, il était majestueux. Ventru, habillé de plaques de bois souple, et décoré de mille et un artifices : bouées de sauvetages, grosses cordes recouvertes d'algues, hublots métalliques, dorures... Trop de détails et de choses qui m'étaient inconnues pour que je ne puisse avoir le temps de me souvenir ne serait-ce que de la moitié. Odomar et Ranan devaient être des habitués, au vu de l'aisance avec laquelle ils déambulaient sur le pont, serpentant entre les matelots qui courraient de toutes parts. Odomar de temps à autre montrait du doigt une pièce, une porte, ou un objet, et le nommait, expliquant parfois de quelques mots ce dont il s'agissait et à quoi cela servait.
Willow les suivait, confiant, regardant à droite et à gauche, ne cessant de s'émerveiller devant chaque chose qui lui était offerte, agitant sa tête de boucles brunes au rythme des découvertes. Pour ma part, je les suivais de quelques pas. Parfois, je m'arrêtais pour regarder quelque chose plus en détail, mais voyant qu'ils s éloignaient déjà, je courais pour les rattraper.
Une fois le tour du pont effectué, Odomar nous emmena par un escalier étroit en bois, et nous descendîmes dans les cales dans lesquelles nous découvrîmes des cabines ( minuscules, munies de quatre hamac en toile ), la sale des rameurs, où régnait une chaleur monstre, et une odeur de transpiration récurrente, bien que pour l'instant aucun esclave n'était présent, le bateau étant amarré.
Lorsque nous ressortîmes, je gardais la tête en l'air tout le long du trajet. Les voiles étaient repliées sur elles-mêmes et formaient des boudins de textile , fièrement accrochés au sommet des mâts. Je ne pus m'empêcher d'imaginer ce bateau au moment de son départ, les matelots lâchant les voiles par le biais d'épaisses cordes, ces dernières se gonflant fièrement au contact du vent. Trop de choses me fascinaient et se mélangeaient dans ma tête pour que je ne sache que dire, ni que regarder, tant le bateau, sublime, grandiose, impressionnant, que la présence de l'équipage, à l'odeur iodée. Sur ce navire se mêlaient des odeur de bois flotté, de fruit parfois en raison des marchandises, de sel et... d'aventure.
Comme si je n'avais pas encore été assez impressionnée, Odomar nous présenta le capitaine. Ou plutôt nous présenta au capitaine, puisque la réputation de ce dernier n'était plus à faire. Capitaine O'Malley, flibustier de premier grade, si mes souvenirs étaient bons. Le capitaine de tous les capitaines.. Vêtu d'une simple chemise blanche – ou plutôt jaune désormais – entaillée de coup d'épée, de grosses bottes de cuir jusqu'au genoux, et de lanières de cuir autour de son petit gilet en cuir, sans manches. Une écharpe rouge autour du bassin tenait son épée, symbole de ses nombreux voyages en mer. Des cheveux poivre et sel, accompagnée d'une barbe courte encadraient son visage ridé et gris, et dans sa bouche était posée comme à l'habitude, une pipe fumante.
Avec une chaleur qui lui était propre, le lieutenant de vaisseau s'inquiéta de savoir si la visite nous avait plu. Que devais-je répondre à cela? Un simple « oui » aurait été du pipi de lyikor, comparé à ce que je venais de voir!
Willow s'enquit de répondre par la positive, et échangea quelques mots avec le capitaine, tandis que je ne pouvais m'empêcher de dévisager le capitaine, presque bouche bée. Lorsque, amusé, il qualifia le hobbit de pipelette, la gêne fut perceptible sur son visage. Heureusement, Odomar toujours aussi prévoyant gratifia ce dernier d'un clin d'oeil, signe qu'il ne s'agissait que d'une plaisanterie.
Le capitaine, Ranan et Odomar échangèrent alors quelques paroles, O'Malley indiquant qu'ils partaient demain au matin, et proposant aux deux acolytes de l'accompagner. Ces derniers refusèrent, visiblement, ils avaient à faire à la cité blanche.
Le capitaine s'adressa alors à moi en ces mots :
Et toi, petite ? Tu parles peu et penses beaucoup. Tu m’as l’air d’avoir du cran et d’être moins naïve que ton ami. Serais-tu prête à rejoindre mon équipage ?
De quelle fierté je fus emplie lorsqu'un marin de ce grade me disait estimer que j'avais du cran! Surement par jalousie, Willow éclata de rire. Nous le regardâmes tous, moi profondément vexée, les autres dubitatifs. Et pour s''enfoncer encore plus, il ajouta :
Loys se fera un plaisir d’astiquer le parquet de votre pont monsieur le Capitaine !
Alors là, c'était la guerre! Pourquoi ce misérable hobbit combattant aussi bien qu'un lutinora osait me ridiculiser ainsi devant les autres! Et me voler mon moment de gloire, qui plus-est!
Le capitaine réitéra sa proposition, et Odomar évoqua Rose, la fameuse petite hobbit que Willow croyait être sa mère disparue. Cela enflamma l'enthousiasme de Willow, qui accepta alors de prendre le large ( chose incroyable pour un hobbit ! )
Will affirma alors ne pas vouloir partir si je ne l'accompagnais pas, et le capitaine proposa que nous l'accompagnions pour servir de Gabiers.
Encore fort fâchée sur Willow, j'ignorais ses paroles, et répondit au capitaine :
Ce serait un honneur pour moi capitaine, mais en quoi notre travail consiste-t-il ?
C'est simple ma petite, une fois en mer, il faudra monter sur le mât et détacher les voiles. Une fois cela fait, vous serez tranquilles, et vous pourrez profiter du bateau comme les autres voyageurs. En contrepartie, je vous offre le voyage!
Dans ce cas... à demain matin!
C'était davantage ma fascination et ma soif de découvertes qui avaient parlé, plutot que ma raison. Partir signifiait tout quitter, au moins pour un certain temps. Le capitaine sembla heureux que j'accepte, et nous rappelant qu'il avait encore beaucoup à faire pour le départ, il prit congé après avoir chaleureusement salué Ranan, Odomar et Willow.
Mettant ma rengaine de coté, je m'adressai alors au hobbit :
Bon, Willow, je ne sais pas si tu désires m'accompagner, mais nous devrions rentrer à La Maison, les autres vont se demander quoi.
Je me rendis compte que ces paroles seraient peut-être un peu étranges du point de vue des deux combattant, mais tant pis.
Maintenant que j'avais décidé, une fois pour toutes, d'écouter ma soif d'aventure et de m'y soumettre, j'allais devoir convaincre Alex de nous accompagner, ou lui faire mes adieux... A cette pensée, ma gorge se serra. Cependant, amour ou non, mon désir de voyages passait avant tout...
<Le port>