(
Avant)
(9)
Rocaille sur rocaille. Y'a pas un bout de chemin décent dans l'coin. Zu'Gash doit regarder où elle fout les pieds, mais aussi où la gosse fout les siens. En gros, il commence à faire sombre quand elles atteignent une passe. Et c'est là qu'ça dérape. "
Fiuuu" ! Fait quelque chose à grande vitesse, frôlant le dos de la garzoke. Elle n'sait pas pourquoi elle s'est tournée de ce côté, mais ça lui a évité un truc. Immédiatement, celle-ci s'oriente vers une silhouette dont la langue claque. C'est grand comme elle, en armure de cuir renforcée, masqué par un foulard et sous capuche. Oh, et ça a des dagues plein les doigts. Regard par terre. Une lame. Oais, y'a plus de doutes, ce gus l'a visée.
"
Eh, fais gaffe avec ça. Tu pourrais finir blessé avant qu'c'soit d'ma faute !", lâche-t-elle en agrippant son gourdin. Voilà enfin l'occasion d'une belle bagarre ! Le pourquoi de ce type lui en veut lui passe au-dessus d'la caboche. Ce qu'elle voit, c'est un combat envoyant paitre le côté chiant de ce voyage.
Poussant la gosse sur le côté pour ne pas être gênée, la peau-verte se ramasse sur elle-même et commence à se grouiller. Aroroa décolle, sans doute emmerdée par le tangage soudain, et pousse un cri rauque. Les lames sifflent. Zu'Gash en évite une, et une autre ! Il sait pas viser c'type !
Et "
tchat". Merde, si en fait.
Douleur qui remonte de sa poitrine. Et une autre de son mollet ! Et encore une de sa cuisse ! Bordel, mais il en a combien de ces couteaux ? Y'a qu'à attendre. Il va bien tomber à court de munitions ! Et ça siffle, et ça siffle, sans toucher, mais l'empêchant d'avancer. Pas possible. Mais il les pond ou quoi ? Pas drôle, vraiment pas.
Alors Zu'Gash se redresse, et reste plantée droit en face du petit salopiaud. Elle croise les bras en tenant son arme verticale, et fait la gueule. L'autre con, encore avec le bras en l'air, se fige. Bah quoi ? Il a jamais vu une garzoke bouder ? Vrai quoi ! Il triche là ! Elle ne peut même pas s'approcher ! Même si elle voulait répondre, la rôdeuse n'a que ses bolas, elle. Bon, y'a aussi les autres couteaux, mais entre ses doigts ça ressemblerait à des cure-dents.
Elle l'entend la traiter d'un tas de trucs. Genre saloperie, souillure et des trucs plus dégueux encore, puis promettre de rapporter sa tête au Sergent. Zu'Gash lorgne la lame, plus longue, plus lourde qu'il attrape. Si ça, ça la touche, ça va faire trèèèès mal. À cette simple pensée, elle dévoile ses crocs en un sourire. Son cœur accélère à cette sensation que sa fin est peut-être pas si loin. Allez ! Allez ! S't'en as dans l'pantalon, lance-la !
Elle étend les pattes, l'invitant à envoyer le projectile. Sauf qu'avant que ça n'arrive, une forme noire massive jaillit d'un roc proche, et saute avec un grondement féroce sur son agresseur. Un plaquage sur des rochers. Un choc costaud d'une tête sur la caillasse. Et si ça suffisait pas, deux grosses mains griffues qui attrapent la tête, et la tourne d'un coup sec... Genre, pour que les yeux fixent le ciel, alors que le bide est collé par terre. Oh, la bestiole rabat-joie quoi ! Putain ! Elle pourrait pas s'mêler de c'qui la r'garde, non ?
Et "
riiip", les fringues déchirées. C'était pas genre un cuir bien épais pourtant ? Et "
craaac" un os cassé. Aroroa braille, volant en cercles au-dessus de la tignasse de la rôdeuse. Maya vient à ses côtés, fixant la bête dévorant la proie. Et d'un coup, deux yeux rouges se rivent à elles.
Zu'Gash se frotte la tempe de son gourdin, retire les poignards de sa chair, puis s'avance en direction de la chose sans angoisse. Ça pue le sang. Ça fait des bruits dégueux. Et ça la fait marrer. La silhouette noire gronde, puis bondit dans sa direction. La garzoke n'a pas le temps de réagir qu'un poids énorme s'abat sur elle, la plaquant au sol. Merdeuuuh ! Pile sur les lames, à plat, qu'elle vient de jeter ! C'est pas confortable du tout, là ! Oui, elle pense à son dos au lieu des dizaines de crocs pointus près de sa tronche. Pouah ! L'haleine de viande faisandée ! Comme quand le clan devait s'contenter de vieilles carcasses des marais, parce que l'chasseur s'était fait bouffer par sa proie. Ah, les souvenirs !
Aroroa gueule plus fort, et du coin de l’œil, la peau-verte voit Maya tendre ses deux mains vers la chose poilue. C'est là que Zu'Gash percute.
"
Oh ! Bouge de là ou tu vas t'faire noircir un peu plus, mon louloup.", s'esclaffe la rôdeuse, avant de recevoir un grand coup de langue sur la joue. "
Eh ! J'ai fait ma toilette y'a deux jours ! Ou trois... J'sais plus."
La masse sombre s'écarte et lâche un rot monumental, avant de tendre la main et d'aider la peau-verte à se relever. Panique ? Pour quoi faire ? C'est juste le liykor noir que la garzoke a rencontré dans le tripot souterrain. Sauf qu'à voir la tronche pâle de Maya, c'est un p'tit truc qu'elle a oublié d'dire.
"
Non mais, flippe pas comme ça Maya. L'grand méchant loup va pas t'bouffer... Si ?", fait-elle en scrutant le canidé géant. Toujours une tête de plus qu'elle, même penché en avant, et la peinture rouge sur son front et son torse. Et il manque encore quelques touffes de poils, là où les gardes ont réussi à frapper. "
Mais qu'est-ce qu'tu fous là ? T'en avais marre de Dahràm ?"
"
Terrain de chasse détruit. Liykor plus de proies."
"
Hein ? Plus d'terrain ? T'as quand même pas fait s'écrouler l'bâtiment !", s'esclaffe la rôdeuse, redoublant de rire quand le loup gigantesque abaisse un peu les oreilles.
"
Deux-pattes. Métal. Remonter piste brok'nud enfui jusqu'à terrain de chasse. Le feu détruire."
"
Ah, merde alors. Mais pourquoi t'es là ? Tu m'files le train ?"
Les oreilles du loup se redressent et il claque de la mâchoire à plusieurs reprises.
"
Rencontre peau-verte amener chasse ! Liykor jamais autant chasser ! Vouloir recommencer ! Penser proies nombreuses si retrouver peau-verte et besoin nouveau terrain de chasse. Liykor pister. Liykor trouvé... Proies deux-pattes rencontrées, mauvais goût.", parvient à articuler le canidé noir, en tirant la langue.
Marrant que vu tout ce que ce chasseur a boulotté dans l'arène souterraine, genre de la cocatrice, du hérisson, du sekteg, même de l'humain, il ait quand même des préférences. C'est con. Pourquoi faire gaffe au goût tant qu'ça remplit la panse ? Zu'Gash tente d'imaginer qui le louloup a pu bouffer en route, mais en fait, elle s'en fout.
Après un moment, la garzoke présente Maya et Aroroa au loup. Ah ? Ben encore une autre nouvelle, c'est pas un mais une.
Shu-Rii qu'elle s'appelle. Enfin, c'est le nom qu'elle choisit, parce que c'est son bruit préféré. Celui de la chair se déchirant sous ses crocs, quand elle tire un morceau d'une carcasse.
Pas con comme idée.
Maya n'était déjà pas bien colorée, mais apprendre que le prédateur va les suivre un moment n'aide pas. Au moins au début. Après quelques temps de marche avant que la nuit tombe, elle finit par s'y habituer. Elle s'adapte vite à la nouveauté cette gosse. Pratique. Comme le corbac en fait, qui garde quand même un de ses yeux rivés à la bébête. Enfin, quand ladite bébête ne décide pas d'aller renifler un peu partout, disparaitre derrière elles à force de s'attarder, pour réapparaitre de Phaïtos-sait-où, à plusieurs mètres devant.
Au moins, avec cette loulouve en plus, Zu'Gash pourra se poser quand la gamine sera claquée, histoire de roupiller aussi. Enfin, si elle peut pioncer avec son fion cabossé d'partout et ses p'tits bobos qui saignent un peu !
(
Après)