À l’approche de la grande porte, je prends soin de ralentir et de me mêler à la foule dense et surtout désordonnée qui empreinte cette porte. Le chaos qui règne ici pourra me permette de passer inaperçu. Un convoi de marchand se dirige en direction de la sortie, aussi je m’assure de rester ‘dans l’ombre’ de celui-ci pour être certain que les gardes ne prêtent pas attention à moi. Je m’efforce de marcher d’un pas lent et serein. Je jette un rapide coup d’œil autour de moi pour me rapprocher d’un groupe aux vêtements clairs.
La douleur dans mon bras droit commence à se faire sentir et je ne peux toujours pas bouger celui-ci. Bien que me persuadant que je n’ai rien à craindre, une boule au ventre se fait ressentir à l’approche de la porte! Je peux maintenant voir les gardes scruter la foule et vérifier les marchands. Seul deux semblent inoccupés et observent les entrées et sorties tout en papotant. Je ne pourrais pas dire de quelles ethnies ils viennent, mais tous les deux sont humains. Le plus grand des deux doit mesurer environ 1m90 et atteindre les 100 kg, de muscles… Une cicatrice, laissant imaginer un coup de griffe, lui traverse la moitié droite de son visage. Mais sa fine moustache et son petit bouc lui donnent une allure ridicule plutôt que menaçante. Il éclate d’un rire communicatif qui me laisse imaginer qu’une soirée à la taverne du coin ne doit pas être triste ! Le second garde ne se démarque pas par son physique. Il est dans la norme et passerai inaperçu dans une foule. Les cheveux courts et noir, le nez de travers, il esquisse difficilement un sourire lorsque son collègue rit aux éclats. La main proche de son épée, il ne lâche pas la rue du regard un instant, sauf pour expliquer gentiment, à coup de pied, à un mendiant qu’il ne peut rester là !
Au fur et à mesure que je me rapproche j’ai l’impression que l’on observe. Je m’efforce de regarder droit devant moi, tout en baissant la tête légèrement. Un garde qui était dans la foule semble se diriger dans ma direction. La peur s’empare de moi, mais il ne me faut pas réagir.
(Penser à autre chose… Des papillons… ! Papillons… Il se rapproche.)« Hop là, toi ! »Je suis sûr que mon cœur s’arrête de battre. Je commence à me figer et me tiens prêt à courir.
« Marchand, arrête ta chariote qu’j’vérifie c’qu’y a d’dans ! »« Pfiou… »Je me ressaisis et continue ma route. Cet évènement m’a redonné confiance en moi et je me sens décontracté. Je passe le milieu de la porte et je me retrouve donc du ‘bon côté’. Après quelques pas de plus au milieu de ce monde, tous les gardes se retrouvent enfin derrière moi. Je pousse un soupir de soulagement
(La liberté… Enfin la liberté !)"Hé toi ! Approche un peu ! "Je ne me retourne pas et continu à marcher, en accélérant légèrement le pas. Mon cœur commence à s’emballer. J’essaye de me remémorer l’épisode du marchant pour me convaincre que ce n’est pas pour moi.
« Hé le Woran blanc ! Arrête-toi tout de suite ! »À ces mots je m’élance aussi rapidement que possible. La foule qui avait été un atout jusqu’à maintenant se révèle être un sérieux handicap. La douleur dans mon bras droit m’empêche d’utiliser la force pour dégager le passage, m’obligeant donc à contourner. Mes poursuivants ont, eux, aucun mal à faire écarter la peuplade en beuglant et en bousculant !
« Dégagez ! Poussez-vous ! »Rapidement je me retrouve nez à nez avec le garde aux cheveux noirs qui m’assène un coup de pommeau en sortant son épée. Le coup me va droit au visage et, bien que ne me faisant pas réellement de mal, m’arrête net dans ma course. Aussitôt, la foule s’écarte pour former un cercle de curieux autour de nous, me bloquant ainsi toute possibilité de fuite.
(Il est hors de question que je retourne au ‘trou’ !)Je redresse mon bras gauche, près au combat. Ne pouvant plus bouger mon bras droit sans douleur, je le laisse pendre, faignant le choix 'volontaire' de ne pas l’utiliser. Après tout, la part psychologique peut avoir son importance !
« Bouge plus ou tu es un chat mort ! »« Crève ! » Au même moment le moustachu sort de la foule pour nous rejoindre. Il a l’air soudainement beaucoup moins ridicule et beaucoup plus menaçant. Cela a pour effet de mettre le premier garde en confiance, qui relâche légèrement sa vigilance. Je m’insère dans sa garde pour qu’il soit à porter de poing et trop prêt pour se servir de son épée. Ces réflexes étant loin d’être mauvais, immédiatement il s’efforce de me repousser violemment avec son pied. Je dévie son coup de pied pour contre-attaquer dans la foulée. Tout en tournant autour de lui pour me retrouver dans son dos, je me saisis de son visage pour ainsi lui laisser un petit souvenir de mes griffes au travers de la figure! A peine dans le dos de mon nouvel ami que le gros se jette sur moi me donnant un premier coup dans l’estomac et un deuxième dans la mâchoire ! Je peux apercevoir des étoiles et ma vue se brouille un instant. J’ai juste le temps de retrouver un peu de mes esprits pour voir un troisième coup m’arriver au visage et me faire tomber au sol, dans un monde éthéré ! Je peux tout de même deviner la haine sur le visage nouvellement défiguré du premier garde. Il sert son épée de toutes ses forces en se retournant dans ma direction.
On dit que lorsque la mort est proche on voit sa vie défilait, mais la mienne doit être trop courte ! Au moment où le garde se prépare à me frapper, un homme surgit et lui plante une dague dans le flanc ! Je ne peux pas distinguer son visage. Il porte une bure noire et, malgré le combat, porte la capuche pour dissimuler son visage. Il est légèrement plus massif que le moustachu ! La seule évidence est qu’il n’a rien d’un prêtre de Gaïa ou de Koushuu ! Il laisse tomber la dague au sol et se lance dans un affrontement avec le garde restant. Je reprends mes esprits doucement. Bien que l’occasion soit belle, je me ressaisis pour aller aider mon sauveur au plus vite. Ce dernier semble avoir pris le dessus et, d’un coup de tête bien placé, déséquilibre le garde. D’un coup de poing d’une force magistral il achève le moustachu qui s’écrase au sol. Sans perdre un instant, il m’attrape pour m’entraîner avec lui dans la foule, qui s’écarte à son passage.
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