Les jours passent durant lesquels mon corps se rafistole seul et me fait souffrir plus ou moins intensément. Les atèles et autres bandages me permettent de ne pas aggraver la situation, mais ma réminiscence n'est pas aussi rapide que si j'avais été soigné par des médecins. Néanmoins, j'apprends petit à petit à connaître mes hôtes. Des gens charmants. Plus ou moins...
La jeune fille qui m'amène les repas dans ma chambre n'est autre que l'enfant d'un vieux couple pas très accordé. L'homme est trapu, de petite taille, sa barbe grisonnante et touffue lui donnant un air sévère. La seule chose chez lui qui est aussi imposante que cette dernière est son nez volumineux, jurant affreusement sur son visage fin. On aurait put croire à un descendant d'un croisement entre un nain et un elfe. Dans tous les cas, ça m'en donne un aperçu et, au nom de Yuimen, que jamais tel croisement ne soit fait ! Contrairement à lui, sa femme est grande, fine, le teint pâle et les cheveux blond. Elle ressemble beaucoup à sa fille, la jeunesse en moins. Ses yeux vert ne se font que peu remarquer cependant, son regard fuyant prenant le dessus. Si je peux qualifier son comportement d'un quelconque terme, ce serait soumise. Complètement. Jamais au grand jamais n'ose-t-elle parler sans le consentement de son époux - celui-ci se gardant bien de le lui autoriser. D'ailleurs, leur enfant se comporte de la même façon. Il semble que l'homme de la famille inspire plus la crainte que le respect. Crainte qui, je présume, est justifiée et entretenue par les nombreuses marques qu'arborent les deux femmes. Les bras, les jambes, le visage. Tout ce que j'ai pus voir de leur corps est parsemé de coups. Mal avisé serait l'homme qui ne prêterait pas attention à ceux-ci.
Bien que le père de famille émet de nombreuses réticences quant à mon hébergement, je ne pense pas partir trop rapidement. Au moins quand je suis là, il se tient bien. D'autre part, je ne suis pas un saint, mais je ne peux laisser deux femmes sans défense souffrir de la sorte. Je ne sais si je pourrais les aider d'une quelconque façon, mais être là suffit à leur donner un semblant de répit.
A la tombée de la nuit, presque chaque nuit, la jeune femme me rejoint dans ma chambre et m'écoute conter mes histoires de mercenaire. Cela la passionne énormément et j'ai souvent du mal à la convaincre d'aller dormir. Je ne compte plus les nuits passées en sa présence, néanmoins, cette fille me procure encore plus de bien que je ne peux lui en donner. Sa compagnie est agréable. Et puis, discuter avec autre chose que des gros barbares armés de hache de d'épée est intéressant. Je reste cependant sur mes gardes, il ne faut pas qu'elle s'attache trop à moi. Mon corps se remet de jour en jour et je vais bientôt devoir les quitter. Mais le mystère reste entier. La petite fillette qui m'avait montré la voie pour m'en sortir, je ne sais toujours pas d'où elle vient. J'ai essayé de poser des questions sur elle au sein de cette famille, mais aucune réponse cohérente ne m'a été donnée. Pourtant, cette chambre. Celle où je dors. C'est bien à une fillette qu'elle appartient. La grande à sa chambre, ainsi que les parents qui font lit commun. Pourquoi une chambre de plus alors ? Étant donné la famille, il me semble évident que ce n'est pas une chambre d'ami.
Encore des questions, toujours des questions, trop de questions. Jamais de réponse. C'en est épuisant. Mais bon, je reste positif, ce ne sont pas mes problèmes.
Je me réveil en pleine nuit, interpellé par des bruits. La jeune fille a depuis longtemps quitté ma chambre pour rejoindre la sienne mais mon sommeil était encore léger. Cela vient de la chambre des parents, à en juger par la nature sexuelle des sons qui me parviennent. Je tourne sur moi-même et me recouvre la tête d'un oreiller, sans succès. Il me faudra attendre qu'ils aient terminé si je veux pouvoir espérer me rendormir. Au bout de quelques secondes cependant, j’entends des coups contre le mur, ainsi que les gémissements pervers et désagréables du gros lard. Mais la chose qui me choque le plus, qui me glace le sang même, c'est que le mur en question n'est pas celui de leur chambre, mais celui de leur fille. Triste constat. Il se passe un court moment durant lequel j'écoute les bruits sourds, à la recherche d'un espoir, l'espoir que j'ai tord. Je ne veux pas croire en ça. Il m'est arrivé dans mon passé de voire certaines choses odieuses, affreuses, mais ça... Je ne peux retenir ma rage, je me lève en sursaut, prend mon épée à la main et me dirige vers le couloir. Il ne peut pas. Il n'a pas le droit ! Qu'elle mère pourrait laisser sa fille se faire violer par son propre mari ? Quel homme pourrait faire ça à son enfant ? Mais bordel, dans qu'elle maison suis-je tombé ?!
Mon pas me semble de plus en plus lourd, ma tête me fait mal et des vertiges me prennent. Au fur et à mesure que j'avance, il me semble que je recule. Je vois la porte de ma chambre se renverser. Ou bien est-ce moi. Peut importe. Je suis à terre et mes paupières se ferment lentement.
Aspergé de lumière par les rayons d'un soleil à son zénith, trimballé et chahuté par les à coups de la carriole, je me réveil en bien mauvaise posture, à demi adossé contre ce qui semble être des barreaux. D'un regard je juge ma couche. Je me trouve dans une sorte de cage, embarquée sur un chariot. Sur ma cuisse repose la tête d'un ange. Une elfe aux cheveux blonds dorée reflétant les doux rayons de notre étoile. Son visage est très fin, comme la plupart de ses congénères. Elle est habillée très noblement, ce qui me laisse à penser qu'elle ne manque pas de moyens. Même si sa tenue semble avoir vécue une guerre et n'est plus toute jeune. Mes mouvements la réveille, ce qui me permet de voir son magnifique regard bleu azur. Un regard empli de bonté et de tendresse. A ma vue, elle me sourit timidement et se redresse à moitié. Nous ne sommes pas seuls. D'autres captifs partagent notre prison. Deux humains frêles, le teint sombre, les cheveux bruns et un regard fuyant. Un autre, couché et dormant dans un coin est bien plus poilu. Un woran tigré. Je ne vois que très peu son visage, celui-ci étant enveloppé sous une capuche violette. Qu'importe, tous ces animaux ont la même tête de toutes façons. Il est accoutré de façon bizarre, avec un pagne bleu et une grosse ceinture lui tenant la taille. Il porte aussi des mitaines de la même couleur, permettant à ses griffes de sortir. Il ne lui manque qu'une laisse pour le promener, en mon sens.
Je scrute alors les alentours de notre cellule mouvante. C'est une troupe de mercenaires qui est notre hôte aujourd'hui. De bien sales gueules pour nous conduire. A vu d’œil, une petite vingtaine. J'ai peine à croire que nous soyons ainsi prit au piège. « L'autre » n'a pas su nous protéger. Quel idiot. Si seulement je pouvais en être débarrassé. Patience. Bientôt, bientôt. Si la rumeur dit vraie, bientôt...
A mesure que notre charmant carrosse avance, je discute avec la belle et grande elfe présente avec moi. Les trois autres détritus se contentant de nous écouter ou de regarder le paysage. Celle-ci m'apprend qu'elle fait route avec moi depuis pas mal de temps déjà. Du moins, avec nous. Elle avait accompagné "l'autre" pendant un temps et s'était faite capturée pendant notre sommeil. Ce lâche m'ayant abandonné quand ça devenait trop difficile. Je ne m'en étonne pas, j'y suis habitué. Après tout, je vis avec depuis toujours. Elle s'appelle Essinda. J'ai toujours eu du mal à donner un âge au elfe, mais je suppose qu'elle n'a pas beaucoup plus que la majorité elfique. Elle semble jeune.
L'arrivée d'une tiers personne dans ma vie ne me rend pas les choses plus aisées. Je peine à lui faire comprendre pourquoi je ne me souviens de rien et à mesure que mes mots sortent de ma bouche, je vois son visage se décontenancer. Si seulement je pouvais, moi aussi, le laisser revenir et intervertir notre place...
Le woran commence alors à discuter avec ce qui semble être la garde de notre convois. Deux cavaliers marchant au pas de part et d'autre de la calèche. L'un deux est de taille moyenne, avec une capuche en cuir et une armure de fer. Je n'aperçois pas son visage. L'autre est bien plus costaud. Pesant au minimum une centaine de kilos, tout de muscle, des cicatrices affreuses jonchant son visage. Dans son dos trône une hache en acier à double tranchants de taille imposante, ainsi qu'un arc en bois de mauvaise facture.
"Dite monchieur. Ch'est votre chef là-bas devant ? Il semble frêle et enfantin non ? Je prendrais pas peur à la vue d'un homme comme cha personnellement." La voix du tigré est roque et grave. Pas très agréable à l'écoute. On dirait même qu'il a avalé l'un de ses congénères, à tel point que ce n'est pas un cheveux qu'il a sur la langue mais une énorme touffe.
"Que dis-tu, animal ?! N'insulte pas notre chef comme ça. Il pourrait te faire couper la langue !"
"Che n'est point mon intention de l'insulter mon bon monchieur. Je pense chuste que pour être chef, il faut être le meilleur des choldats qu'on commande. C'est ainchi dans ma tribue. Et vous me semblez bien plus fort et compétent que che gamin. Mais che n'est que l'humble jugement d'un "animal" monchieur. Je vous prie d'excucher mes propos."
Le garde en question, à la carrure plus qu'imposante il est vrai, regarde fixement le chat d'un air mauvais. Quelques secondes passent, puis il détourne son regard pour le lancer en direction du dit leader de leur groupe. Il ne semble pas vraiment convaincu, mais je sens qu'il en faut peu pour que le woran arrive à ses fins. Je tente alors une petite boutade destiné à renforcer les propos de ce dernier.
"Il est vrai que ce soit disant chef n'aurait pas eu sa place dans mon ancienne troupe. Chez nous, on se défiait en duel pour savoir qui commanderait."
Ce vieux con tourne sa tête d'un air vif vers moi et me sort violemment :
"Tais toi vermine ! Crois-tu qu'il est notre chef pour la simple raison qu'il l'a décidé ?! Il est bon bretteur, le bougre ! Je n'arriverais pas à le tuer si facilement..."
Je comprend alors le fond du problème. Mais le tigré le saisit plus rapidement et ne se fait pas prier pour y remédier.
"Peut-être qu'avec une diverchion quelconque, sa vie pourrait... S'écourter ? Comme un groupe de prichonniers qui ch'évade par exemple...? "
"Espèce de... ! Tu veux dire que... ?! Je vous fais sortir et... ?! Non de non, c'est absurde !"
"Allons allons mon bon monchieur. " renchérit le félin. "Je ne parle pas de vous bien entendu. Je ne parle uniquement que d'une porte qui ch'ouvre malencontreuchement, permettant à quelques eschlaves de prendre la fuite. Mal avisé cherait l'homme qui vous en prendrait pour responchable. Néanmoins... Une flêche perdue arrive tous les jours. Votre chef ne cherait pas le premier à périr de chette fachon..."
Le gredin regarde le woran, incrédule, comme s'il venait de comprendre que celui-ci était doué de la parole. Il glisse sa main doucement dans l'une de ses poches, puis, subrepticement, envoie une clé au travers des barreaux. L'animal s'en saisit et les deux autres captifs s'agitent. L'elfe et moi restons silencieux. Il faut bien sûr attendre le bon moment pour ouvrir la cage. Il ne serait pas futé de s'échapper au beau milieu d'une plaine, sans aucun endroit pour se réfugier et échapper aux flèches. D'autre part, il serait intéressant de s'inquiéter d'un armement. Mon katana n'étant, bien entendu, plus accroché à ma ceinture. Détail qui s'arrange de lui-même puisque le chat me montre, d'un geste de la main, l'arrière de notre carriole. A cul de celle-ci, deux mules nous suivent avec, sur leur dos, ce qui semble être nos effets personnels. Du moins, ma lame y est accrochée ainsi que bon nombre d'autres armes et quelques bourses. Surement leur butin.
Ce compagnon poilu se trouve fort utile finalement. Je n'aurais jamais pensé qu'un chat sur pieds puisse être si bon orateur. Sans compter sur le facteur chance. Qui aurait imaginé qu'on nous aurait collé le mercenaire le moins fidèle et le plus cupide jamais aperçu dans une troupe comme garde du convois ?
Après quelques phrases de plus échangées avec notre associés de fortune, nous apprenons que le lieu le plus adapté pour une fuite serait un bois, à deux heures de notre position. Des arbres à foison pour se protéger des projectiles et pour se cacher de nos poursuivants. Effectivement, c'est le plus adapté. Néanmoins, je serais plus serein à cheval, mais nous verrons cela plus tard. Ma dernière fuite m'a valu quelques inconvénient fâcheux. Je ne sais d'ailleurs pas jusqu'à quand remonte-t-elle, ni ce qui est arrivé à cette famille. Je n'ai que très rarement de souvenir lorsque c'est lui qui est réveillé. Fait que je n'ai jamais su expliqué, étant donné que lui se souvient toujours de tout.
La calèche avance lentement tandis qu'au même rythme, mes paupières s'alourdissent et me plongent dans un semi-sommeil. Je me réveil dans les bras d'une belle créature. Créature qui n'est autre que Essinda, l'elfe qui m'accompagne dans mon voyage. Elle est allongée à mes cotés, l'un de mes bras la tenant par la taille. Ses doigts parcourent mon corps nu, mon regard admire le sien, tout aussi dévêtu. Des draps fins et soyeux d'un rouge bordeaux recouvrent légèrement nos jambes. Nous sommes dans une chambre faiblement éclairée par quelques bougies. L'ensemble est cosy. Cette pièce serait dans un château que cela ne m’étonnerait guère. Ou bien une maison close fort bien lotie. Une maison de choix dans tous les cas.
Ses lèvres viennent remplacer ses mains pour prendre place sur mon torse, qu'elle ne tarde pas à embrasser tendrement. Nos rapports son bien plus intimes que dans cette foutue carriole. J'aurais préféré un tel traitement à mon réveil dans cette dernière cela dit. Je me laisse faire. Elle est pleinement maitre de mon corps et elle le sait. Elle n'a d'ailleurs pas besoin que je l'invite et, après un dernier baiser près de mon nombril, elle me chevauche lentement, sa tête venant se caler contre la mienne. Je sens alors ses dents et sa langue parcourir mon oreille, me procurant un effet difficile à décrire. Disons pour faire simple que cela ne me déplait guère. Au bout d'un instant, elle se redresse et s'assoit sur moi, tandis qu'elle me fixe du regard, laissant ses mains recouvrirent mon ventre à nouveau.
"Que deviendras-tu s'il y parvient ?" me demande-t-elle d'une voix fébrile.
"Et bien, je disparaitrais je pense..." Lui répondis-je sans être le maitre de mes lèvres. Je ne suis pas moi. Je suis l'autre. Pour une fois, et ce, depuis longtemps, je participe à l'un de ses propres souvenirs. Ce n'est pas arrivé depuis des lustres.
"Alors, au cas où, je vais devoir bien en profiter avant que cela n'arrive..." finie-t-elle.
Sur ces mots, elle écarte ses jambes et s'installe de manière à ce que j'entre en elle. Ses gestes commencent alors, que j'accompagne pour mon plus grand plaisir.
"Qu'est-ce que tu fou là ?! Ce sont MES souvenirs ! Dégage bordel ! DEGAGE !"
Une voix retentit dans ma tête et me ramène instantanément dans le présent. J'ouvre les yeux juste à temps pour voir Essinda étendue au dessus de moi, cette fois-ci non pour lier nos corps dans des futilités charnelle, mais pour me secouer et m'annoncer que nous sommes arrivés à notre destination. Son visage me fixe encore tandis que je me rappel de mon rêve. Plus un souvenir qu'un rêve d'ailleurs. Elle sait. Elle sait pour lui, pour moi, pour nous. Et pourtant, il y a à peine quelques heures, quand moi-même je la rencontrais pour la première fois, elle faisait mine de ne rien savoir. Pourquoi ? Et que voulait-elle dire par "s'il y parvient" ? Il va falloir que je me méfie d'elle. Si tant est qu'elle me suive dans notre fuite bien entendu. Nul besoin de se poser ces questions maintenant cela dit, ce n'est point le moment. Je regarde mes partenaires, chacun étant prêt à fuir.
Tous se jugent du regard, à demi craintif, à demi résigné. Personne ne peut prédire ce qui va se passer, ou même si un seul d'entre nous s'en sortira. Mais la fuite est notre seule solution et, si fuite il doit y avoir, c'est maintenant ou jamais. Le woran tenant la clé entre ses mains nous regarde puis, d'un geste, l'introduit dans la serrure de notre cage et ouvre sa porte, celle-ci se trouvant à l'arrière du chariot. Les quatre autres prisonniers sautent immédiatement un à un. Le woran fonce vers les mules avant même que quelqu'un n'ai put remarquer ce qui se passait. Nous le suivons tous et, tandis que les deux autres hommes s'emparent d'armes et courent en direction inverse au convois, je me saisis de ma lame, coupe les sangles retenant les charges d'une des mules et monte dessus sans demander mon reste. Le woran me mime avec l'autre monture et l'elfe vient prendre place derrière moi. Un poids en plus sur ma mule, mais elle me sera peut-être utile. Et puis... La sensation de ses cuisses chaudes contre les miennes rendra la course plus agréable. Mais évitons de penser à cela...
Tout ceci se passe en quelques secondes à peine mais, il aurait été stupide de croire que nous bénéficierions de plus de temps. Plusieurs mercenaires remarquent notre fuite et commencent à crier. La panique arrive mais, avant que le bruit ne s'intensifie, je regarde l'autre homme chargé de nous surveiller et lui hurle :
"L'autre homme là, il veut en profiter pour tuer votre chef !"
Mes gestes accompagnent mes paroles et je pointe notre acolyte du doigt. Le mercenaire le regarde d'un air ébahit et semble désorienté. J'ai réussi à semer le doute en lui. J'ordonne à ma monture de foncer au galop, suivant de près le chat qui slalome déjà entre les arbres. Nos ravisseurs ont un avantage, leurs chevaux étant plus rapides que nos mules. Néanmoins, la forêt dense ne leur permet pas d'aller trop vite et d'exploiter leur vitesse au maximum. Tandis que les deux gardes commencent à se battre entre eux, une partie des troupes s'active alors à suivre les esclaves encore à pieds, bien plus faciles à rattraper. Le woran me suggère de nous séparer, ce que j'acquiesce automatiquement en faisant prendre un autre chemin à l'équidé. Nos poursuivants, désorientés, se séparent aussi.
Je n'ai aucunement le temps de regarder en arrière, mais mes oreilles me sifflent que nous ne sommes toujours pas tirés d'affaire.
"Un, deux, trois... Cinq, ils ne sont plus que cinq !"
Entre les cris, les bruits de métaux s'entrechoquant et le son des chevaux au galop, j'entends Essinda me dire ces mots. C'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Beaucoup moins qu'auparavant, mais toujours trop pour que l'on ai une chance de s'en sortir.
Il ne faut pas beaucoup de temps pour que le son des flèches nous parvienne. Mais à dos de cheval, au grand galop, en pleine forêt en train d'esquiver les arbres, il serait vraiment comique qu'une seule d'entre elles nous touche. Mais nous, nous avons un atout que je n'avais pas remarqué avant. La belle se retourne avec dextérité sur notre monture, se métant dos à moi. Je continue mon travail de cavalier et l'entend bander un arc. Voilà qui est fort intéressant. Elle n'a pas besoin de se soucier d'où va sa monture. Elle peut donc s'attarder à viser à souhait. Atout qu'elle met vite en pratique, à en juger par le hurlement de douleur que l'on entend à peine une poignée de secondes plus tard. Plus que quatre. Et elle ne semble pas prête à s'arrêter.
Cependant, un élément fâcheux s'invite à la fête. La fuite dans les bois est finie et, nous voilà maintenant dans les terres vastes et plates de Kendra Kâr. Plus d'arbre pour nous protéger, pour les empêcher de viser et les obliger à esquiver. Nous sommes maintenant au galop dans les plaines kandranes.
En un instant, un second cri retentit réduisant le nombre de nos assaillants à trois et, touché par un projectile, notre monture si dévouée amorce une chute et s'écrase tête la première sur l'herbe fraiche. Ma camarade et moi, étendu sur le sol, sommes maintenant privé de moyen de fuite.
Je me relève rapidement, bien que sonné par notre chute. Assez rapidement en tout cas pour voir arriver les trois mercenaires ainsi que, de part leur flan gauche, le woran tigré. Je ne sais de qu'elle manière, je ne sais par quel miracle, mais dans tous les cas, il a réussi à fuir le reste de la troupe et se retrouve maintenant ici, avec nous. Reste à savoir s'il va profiter de notre malchance pour s’enfuir ou s'il va venir nous aider.
L'elfe se relève aussi, ses beaux cheveux blonds tout ébouriffés, son visage sali par l'herbe et la terre et sa tenue toute débrayée. Mais même là, son charme reste intacte. Qu'elles belles créatures que les elfes. Bien plus gracieuses et charmantes que nos humaines dépravées et grossières. Elle se saisit de son épée, une lame fine ornée de quelques pierres bleues turquoises. Une belle pièce. Si elle venait à mourir, il faudrait que je pense à m'emparer de celle-ci. Elle doit avoir une certaine valeur.
Le chat, à mon plus grand soulagement, continue sa route jusqu'à notre position, arrivant à peu près au même moment que nos poursuivants. Tout ce petit monde arrive rapidement jusqu'à Essinda et moi, nous laissant à peine le temps de se préparer à la bataille. Les mercenaires, avides de vengeance sautent immédiatement de leur monture prêt à combattre. Le chat arrive derrière eux et fait de même, les encerclant à moitié.Sa lance bien empoignée, il se met en position. Il semble maintenant plus que jamais être un allié de choix. Je ne sais pas juger un combattant en seulement quelques secondes, mais il a l'air d'avoir vécu pas mal de batailles et de savoir se battre. Le nombre n'est plus un problème à présent, nous sommes trois contre trois. Nos ennemis sont aussi cosmopolites que notre groupe. Une elfe, un chat et un jeune humain d'un côté. Un petit gros, un grand costaud et une vieille femme de l'autre. Excepté qu'eux, sont tous de ma race. Le premier porte un gros plastron d'acier, plutôt grossier, ainsi qu'un bouclier de cuir miteux. Il est armé d'une belle épée en argent cependant, dont le tranchant ferait pâlir de honte celui de mon sabre. Le second est bien moins raffiné et surtout moins subtile. Des jambières de cuir et des gantelets en fer, voilà tout ce qu'il a sur lui pour se protéger. Le reste n'étant que du tissu d'un beige sale et de mauvais goût. Son arme de prédilection semble être une claymore de taille énorme. Bien plus d'un mètre dans tous les cas. La troisième ne fait pas preuve de beaucoup plus de raffinement. Elle porte une légère armure de cuir rapiécée et tient dans sa main droite, une épée de fer banale et, dans sa main gauche, une hache en acier. D'après moi, elle a dépassée les soixante ans et je me demande bien comment elle peut combattre à son âge. Il serait avisé de la choisir comme adversaire. Le combat de durerait sans doute pas bien longtemps.
"Bande d'enfoirés !" Vocifère-t-elle à notre encontre. Elle n'a pas l'air de bonne humeur. De même que chacun de ses acolytes, dont la rage se lit sur leur visage.
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