Jetant tout ce qu'il avait d'encombrant dans le fossé, Aztai n'avait le temps de s'équiper de la tête au pied. Protégé uniquement de son plastron de cuir, il devait faire barrage.
Secondes après secondes, l'approche des éclaireurs se faisait plus bruyante, et plus inquiétante.
(Encaisser la charge n'est peut-être pas la meilleure solution)(Fuir ne les empêcherai pas de me trouver, ils sont plus rapides et la flore est bien trop peu dense pour me cacher... et ce ne sont que des éclaireurs, d'après toi, donc pas le gros de la troupe)(Et si le gros de la troupe débarquait pendant que tu achèves ces crevures?)(Toujours mieux que de fuir et de tous les avoir après moi... d'autant plus qu'ils montent...)(Des sangliers!)En effet, Aztai était bien peu cultivé en matière de garzok mais il avait cependant du mal à imaginer ces êtres monter des chevaux. Le tonnerre que produisaient les sabots était oppressant. Tout proche, le félin percevait les solides défenses des sangliers, visiblement encore plus hargneux que leurs maîtres...
(Ils ne sont que trois, ais confiance en moi!)(J'ai une confiance en toi depuis que tu m'a nomm, et que je suis devenu tient)
Ces paroles sincères encouragèrent encore plus le fauve. Malgré ses initiatives qui semblaient déranger Zénith, il s'aperçut qu'il avait toujours le dernier mot et que quoi qu'il arrive, sa faera était avec lui.
Empoignant fermement Ascalon, le fauve tenta d'évaluer la situation maintenant que ses assaillants étaient tout proche. Couvrant la largeur de la route dans un tremblement assourdissant, les bêtes étaient lancées à pleine vitesse: le woran tigré aurait beaucoup de mal à sortir indemne de l'assaut.
Aztai remarqua que le garzok au centre de la route menait la charge, il était solidement vêtu comparé à ses deux semblables à gauche et à droite. Pointant son kikoup' comme un possédé, hurlant comme un dégénéré, le fauve ne douta pas de leur amour pour la guerre et le sang.
(J'ai une cible)(J'en vois pourtant trois...) (J'ai plus de temps à perdre!)Poussant un rugissement à son tour, Aztai annonça ouvertement ses intentions. Fonçant en direction des trois cavaliers, il repéra l'équipement de chacun et pria Meno de pouvoir achever ces six ennemis, bêtes comprises, le plus vite possible.
Lance dressée en direction du chef, le point d'impact était imminent. Mesurant la puissance des montures, les défenses étaient sans nul doute l'une des plus grosses menaces... alors qu'il était à moins d'une seconde d'encaisser la charge, le félin prit sa chance et plongea, Ascalon toujours brandie en direction du garzok central, entre ce dernier et son acolyte de gauche, tentant de se frayer un passage entre eux sans subir de dégâts. Si par chance il se mit ainsi hors de portée du chef et des défenses des bêtes, son semblable abattit son épée de fortune au même moment, visant directement le crâne du woran neige. La pointe d'acier vint l'écorcher sous l'oreille droite, faisant à nouveau jaillir son sang. Mais dans le feu de l'action, le woran tigré ignora la douleur car Ascalon, de son fer de lance vermeil, venait de heurter lourdement sa cible, brisant l'armure de fortune du chef peau-verte et le blessant au flanc. Du haut de sa monture poilue, il s'écrasa au sol dans un grognement sourd.
Les deux garzok encore montés continuèrent leur course et laissèrent quelques secondes au félin qui se releva et constata sa nouvelle blessure de la patte. En plus de celle infligée à son épaule, il était énervé de devoir ainsi sacrifier ses forces dans un combat sans raison.
De rage, il s'exclama:
-J'ai pas de temps à perdre! Il se releva avant le chef, en vue d'en finir en premier avec lui. Mais sa monture, libre de son fardeau, avait du garder à l'esprit sa cible première puisque dans un demi-tour elle se remit à foncer sur le fauve, sans personne pour la guider.
(Ils sont dressés?!)(Je pense pas qu'on peut appeler ça du dressage mais décide-toi vite, celui-ci est visiblement fidèle!)
Son ennemi était à terre mais le sanglier chargeait à pleine vitesse, il n'aurait pas le temps d'achever les deux. De plus, les deux autres garzoks allaient à leur tour engager un second passage. Ni une ni deux, le fauve prit appui et arma Ascalon de sa patte droite.
Gonflant sa force de ki, son bras projeta la lance tel qu'il l'avait fait pour le prêtre de Brytha... et la foudre frappa deux fois au même endroit: le fer de lance denté perfora le sanglier en pleine course, au niveau de son épine dorsale. Stoppant net la bête en furie, il s'écroula sur quelques mètres dans la poussière pour ne donner plus aucun signe de vie. Ne perdant pas de temps à savourer ce lancé, Aztai posa la patte au fourreau mais trop tard! Le chef des peau-verte était à moitié debout, un lame dans la main et l'autre posée sur sa blessure. Sa haine ne semblait pas enrayée d'un poil en tout cas... le kikoup du garzok vint ricocher sur le bracelet de protection du félin, qui sentit le coup résonner dans tout son bras, perdant un peu l'équilibre. Dégainant tant bien que mal son épée, Ascalon demeurant dans le corps du sanglier, il sentit les deux cavaliers peau-vertes approcher de derrière, et le chef lui foncer dessus de nouveau.
(Je suis piégé!) Le garzok abattit de nouveau son arme mais cette fois-ci, Aztai la repoussa d'un revers de la sienne. Affaiblit, son ennemi ne pu opposer réelle défense face à la force du woran neige qui s'empara de sa gorge, le contrôlant tant bien que mal. Le bruit de fin du monde que produisait les deux garzoks montées donna une idée au tigré qui fit volte face, sa proie toujours entre ses griffes. De cette manière, le chef se retrouva piégé entre les griffes du tigré, et en première ligne pour le second assaut. Le stratagème improvisé du fauve fonctionna: le sanglier qui lui était destiné percuta de plein fouet son allié et ses défenses l'envoyèrent valser un peu plus loin, laissant une large traînée de sang dans son sillage. Sous un tel choc, même le woran neige trébucha en arrière, mais lui s'en sortit indemne. La course du dernier sanglier se conclut par un début de troisième charge, laissant encore un temps au fauve pour avancer sa besogne. Toujours perché, mais déstabilisé d'avoir achevé son chef, le second garzok n'anticipa pas l'attaque d'Aztai qui projeta son bras, une fois de plus chargé de ki, vers sa jambe scellée dans l'étrier de fortune. L'os de fulminaire perfora aisément la chair sombre de la créature pour s'enfoncer profondément dans le flanc de la monture. Dans un grommellement mêlé à un cri garzokien de douleur, les deux bêtes s'effondrèrent devant le félin. Si le sanglier se débattait de douleur, le peau-verte se retrouva coincé sous son poids et ne pu rien faire lorsque plein de haine, Aztai lui perfora le torse de son épée.
(Vite, il en reste un!)(Je sens la fatigue arriver mais ça devrait aller)(Économise ton énergie alors!)(C'est impossible contre de tels colosses!)(Alors donne tout ce que tu as!)Le survivant, non effrayé de se retrouver seul, sonna son troisième assaut d'un cri guttural. Sa monture s'élança et le fauve eut tout juste le temps de lâcher sa lame pour retirer une Ascalon sanguinolente du premier cadavre.
-Allez approche-toi! mamronna le fauve, prêt à en terminer.
La même idée lui vint à l'esprit que pour la première charge, à défaut qu'il ne restait plus qu'un seul cavalier garzok. S'il évitait de nouveau les défenses de la monture, il aurait le champ libre pour frapper mortellement son ennemi. Face à face avec son adversaire, le fauve prit de l'avance sur la course de l'ennemi, gardant en vue les armes naturelles du sanglier. Avec un élan monstrueux, le woran neige bondit littéralement par dessus les défenses, sautant carrément la bête, pour venir empaler en pleine course son maître. La portée de la lance ne laissa aucune chance au garzok, ne réussissant à détourner un tel assaut, qui se retrouva propulsé en arrière, la lance le transperçant de par en part. Il fut mort avant de retomber lourdement au sol. Dans sa chute, Aztai roula et son épaule le lança brutalement.
(Les plus petites blessures peuvent infliger de gros dégâts)(C'est superficiel je te dis!)
Retirant proprement l'arme du poitrail sanglant du peau-verte, Aztai se mit une dernière fois en garde pour accueillir l'ultime charge de la bête survivante... qui n'arriva jamais. Gambadant à toute allure dans les bois, ce dernier venait d'avoir la meilleur idée que tous ses alliés aient pu avoir: déguerpir très vite.
Haletant, Aztai analysa les alentours, portant une main sous son oreille. Cette seconde taillade lui donnait une migraine affreuse et l'énergie précédemment utilisée n'était pas innocente à sa fatigue.
Alors qu'il se dirigeait vers ses affaires, au bord du chemin, il tomba sur le tout premier garzok , le mieux équipé, le chef. Malgré la violente charge qu'il avait subit, sa blessure ne l'avait pas encore achevé. Retenant de sa main verte l'intérieur de son ventre qui se frayait un chemin à travers la blessure béante, il cracha, allongé sur le dos:
-Même si beaucoup d'entre vous ont survécu à la bataille, vous... vous serez tous morts bientôt!Le fauve se jeta à ses côté, posa ses griffes sur son ventre écorché, chassant sa main barbouillée de sang:
-De quelle bataille parles-tu? Brailla-t-il, emplit soudainement de rage.
En effet, la bataille d'Ambervalle n'avait pas vu l'ombre d'un garzoks, seuls des chiens et des fidèles d'Oaxaca étaient présents. Alors de quelle bataille parlait-il?
-Répond! Fit Aztai en pressant l'estomac douloureux du peau verte qui hurla à s'en briser la voix.
(Tu vas attirer l'attention, fais-le taire)(Ne t'en fais pas, il va finir par se taire...)-Celle... contre les worans! Que nous avons engagée sous son ordre!
-Qui? Hurla le fauve en pressant de nouveau la patte.
Malgré ça, le garzok lâcha un rire douloureux:
-Ra... héhé... Raven!Aztai inspira à fond pour contenir toute sa haine, une colère digne de celle de Meno grondait en lui. Contenant son envie de massacrer le peau-verte pour cette révélation, il prit un ton tout autre et articula correctement:
-Elle vous a enrôler, charognes que vous êtes?Le garzok grinça de rire et releva péniblement son bras gauche. Au niveau du poignet était tatoué une marque, une marque noire.
-Qu'est-ce que cette chienne vous a promis en retour?-La simple idée de pouvoir massacrer votre peuple son son joug à convaincu la tribu entière!Il lâcha un nouveau rire, encore plus provocateur, ponctué d'un renvoi de sang.
En silence, le félin se releva et inspira plusieurs fois afin de calmer ses nerfs. cette scène lui rappela son retour maritime sur Kendra Kâr, alors qu'il avait exécuté plusieurs de ses ennemis.
-Nous lui appartenons! Ajouta finalement le blessé dans un souffle.
-J'ai déjà entendu ça, fulmina le woran,
et le dernier qui à prononcé ces mots a vu ma lame traverser sa gorge... Le reste de pitié que le félin avait disparut sur le champ:
-...mais cette fois-ci, le message doit être plus important, acheva-t-il alors.
Guidé par une colère froide, Aztai ne voyait aucun renfort ennemi en vue. S'emparant d'un des kikoup' qui trainaient au sol, il revint auprès du peau-verte à l'agonie et lui prit chaque bras afin de le tirer aisément.
(Que comptes-tu faire?) Intervint Zénith.
(Si ces pourritures traquent les survivants d'Ambervalle au nom d'Oaxaca, je me porte volontaire pour exécuter un juste châtiment)(Comme sur le bateau du Capitaine?)(Hin... il ne s'agissait là que d'une mise à mort collective... là je parle de châtiment...)Trainant le corps de sa victime vivante sur le côté de la route, dans le tapis de feuilles de la forêt, il choisit l'arbre le plus proche, le plus en vue. Asseyant sa proie contre le tronc, il saisit fermement son bras droit couvert de sang et le plaqua contre le bois, au dessus de sa tête. Impuissant, le garzok contempla Aztai lui transpercer le bras afin de le fixer au tronc. Un explosion de hurlements résonna mais le fauve n'en avait que faire. il retourna sur le champ de bataille et s'empara d'un second kikoup' et revint vers le garzok. De sa main libre, il tentait de contenir sa blessure au ventre, en vain. Soigneusement, le tigré releva ce deuxième bras au même niveau que le premier et enfonça à nouveau le kikoup' dans la chair, creusant l'arbre juste derrière.
Contempler son travail apaisa la colère du fauve, les cris du garzok ajoutant une mélodie au tableau.
(J'aurai jamais pensé te voir accomplir cela un jour...) (Je ne fais qu'utiliser les armes de l'ennemi, et être sans-pitié est devenu leur marque de fabrique. Qu'il sèche les tripes à l'air et face office de mise en garde pour les autres à venir: je suis revenu chez moi) Sur cette dernière parole, il asséna un profond coup de griffes sur le torse intact de sa pauvre victime: quatre sillons sanglants marquaient à présent sa chair, signature de son message.