> Je viens de la ville...Passant les portes, je quittai la route presque immédiatement sur la gauche, m'enfonçant dans les cultures environnantes. Je contournai plusieurs vignes avant de pénétrer dans un champ d'arbres fruitiers. Je le traversai rapidement, appréciant l'ombre fraîche offerte par les pêchers. La Crique fut enfin visible. Les arbres se firent plus rares, et je voyais sur certains d'entre eux des inscriptions gravées au couteau. Sûrement des couples qui venaient prendre du bon temps loin de la ville et de ses curieux. Je marchais maintenant sur le sable, à quelques mètres de l'eau. Je décidai de remonter la plage, guettant le moindre mouvement ou bruit suspect. Je n'entendais que le clapotis des vagues qui venaient mourir lentement à mes pieds. Tout à coup, le Maudit réagit :
(Baisse-toi !) Je m'exécutai, et quelque chose tomba dans l'eau, derrière moi.
(C'était une pierre. Ça vient des arbres à droite.)Je regardai dans la direction indiquée, scrutant le mur végétal qui me faisait face. Un deuxième projectile fendit l'air et tomba près de moi. Je le ramassai, et je me mis à courir vers mon agresseur.
Une pierre me toucha à l'épaule, sans me faire trop de mal. Elle venait d'une autre direction, plus à gauche. C'est alors que je les vis. Ils étaient quatre, tous des garçons. Deux descendirent agilement des arbres, les deux autres étaient déjà à terre. Ils s'approchèrent rapidement, m'encerclant. Aucun n'était blond. Je les observai attentivement, sachant que j'avais l'avantage.
(Ils font confiance à leur nombre) lança le Maudit dans mon esprit.
(Regarde-les, ils doivent avoir quatorze ou quinze ans. Ils font les durs, mais ils n'arrêtent pas de se lancer des coups d'œil pour se rassurer. Ne te retourne pas, mais celui qui est derrière toi est armé d'un grand bâton. Je pense que si tu en neutralises deux, les autres fuiront. Fais en sorte que le combat dure le moins longtemps possible, ou ça pourrait mal finir.) Je savais ce que j'avais à faire. Un grand sourire éclaira mon visage, alors que je déclarais :
« Je vous conseille de vous écarter. Je suis milicien, et je n'hésiterai pas à utiliser ma magie noire contre vous. »J'avais bien insisté sur "magie noire", et j'obtins le résultat escompté. Ils ralentirent l'allure, tout à coup inquiets.
(Tu devrais pouvoir utiliser deux fois le Souffle) indiqua le Maudit.
(Évite quand même : vu ton état, je doute que tu puisses... Attention, derrière !) J'esquivai le bâton, qui passa à deux doigts de ma tête. Ripostant immédiatement, je frappai le gamin d'un puissant coup de gantelet à l'abdomen, le pliant en deux.
(Pas de pitié ! D'autant que je n'étais pas vraiment rassuré, à ce moment là. Ils étaient quatre, tout de même.) Un de moins : il s'écroula par terre en se tenant le ventre. Deux autres me sautèrent dessus en même temps, profitant de l'effet de surprise. J'évitai le premier, pas le deuxième. Il me frappa à la joue, proprement. Un peu sonné, je repris l'équilibre et lançai la pierre que j'avais gardée sur le plus près d'entre eux. Effrayé, il eut un mouvement de recul inutile : le projectile le loupa d'un bon mètre. Mais j'avais eus ce que je voulais, une diversion. Je m'avançai vers lui et lui balançai mon pied dans la figure. Le choc fut violent, et il rejoignit son compagnon en hurlant. Et de deux. Finalement, je n'avais pas perdu la main.
(Oui je sais, je n'ai pas été brillant avec Mefiât.) Je contrai facilement l'assaut d'un troisième assaillant en le poussant. Il perdit l'équilibre et s'étala de tout son long. Fulminant, il se releva immédiatement, sans toutefois relancer l'offensive.
Les deux derniers "combattants" n'osaient pas s'approcher. Sûr de moi, je lançai avec un demi sourire :
« Vous voyez ? Et je n'ai pas encore utilisé mes pouvoirs. C'est ce que vous voulez ? »Je levai alors une main vers eux, les faisant sursauter.
« Non, bien sûr que non, vous ne voulez pas... Alors vous allez me conduire au dénommé Loyd. Tout de suite. » repris-je, cette fois sans l'ombre d'un sourire.
Un cri bref mais puissant retentit derrière moi, et je me retournai.
(Là, je crois que ma mâchoire s'est décrochée.)Pas moins de sept gamins marchaient tranquillement vers moi, de manière suffisamment espacée pour me faire comprendre qu'aucune fuite n'était possible. Au milieu d'entre eux, un garçon blond me fixait avec un sourire moqueur. Il était plus âgé que les autres, peut-être dix-sept ans. Mais Hargarrt n'avait pas menti, ce Loyd (si c'était lui) était aussi maigre et quelconque que les autres.
« Tu voulais voir Loyd ? Le voilà. »Je pivotai, regardant celui qui avait parlé. Mes deux "amis" ne paraissaient plus du tout apeurés. En fait, je lisais l'assurance dans leurs yeux. Ils pensaient qu'ils ne risquaient plus rien, maintenant que la cavalerie arrivait. Et au fond, ils n'avaient pas tort d'y croire.
(Neutralise ces deux-là, vite !) ordonna le Maudit.
(Alors oui, je sais ce que vous allez dire. Attaquer deux enfants par surprise, c'est... Moyen. Mais bon, j'aurais voulu vous y voir, à ma place.)Je touchai le premier sous la pommette
(et lui rendai la monnaie de sa pièce, d'ailleurs), l'envoyant au pays des songes pour quelques heures. Le second reçut mon genou dans les côtes et s'affala en gémissant. Je me retournai alors pour accueillir mes nouveaux adversaires, qui s'étaient mis à courir. Ils m'avaient vu terrasser leurs comparses, et se ruaient maintenant vers moi comme des possédés, encouragés par leur nombre et par leur charge héroïque.
(Le Souffle. Le blond.)Le plan du Maudit était simple, efficace. Dans toute armée, faire tomber le meneur décourage les troupes. C'était aussi valable pour de jeunes guerriers.
Je tendis le bras, et déclenchai le pouvoir de Thimoros en visant Loyd, ou peu importe son nom. La puissance du sort le stoppa net, et il tomba lourdement sur le sol, la tête la première.
La course de ses compagnons stupéfaits perdit de son intensité, et j'en profitai pour passer à l'attaque. Je me précipitai à leur rencontre, poussant un cri démoniaque pour les déstabiliser et achever leur moral.
(Je sais, c'était ridicule... Le pire, c'est que j'étais fier de moi, à ce moment-là. Mais ne vous inquiétez pas ! J'ai d'autres faits d'armes, vraiment incroyables ceux-là... C'est prévu pour plus tard, laissez-moi raconter...)J'en étais donc au choc des deux armées. Le premier belligérant me percuta, et les lois naturelles qui régissent notre monde entrèrent en vigueur : j'étais plus grand, plus fort et plus musclé. Et j'avais mis mon coude en avant.
(Aucune pitié. Je crois que c'est celui qui a le plus ramassé, cette fois-ci.)Il poussa un cri bref lorsque sa mâchoire se brisa. Puis son souffle fut coupé par mon plaquage, ses côtes craquèrent, et il fut propulsé sur le côté avant de s'arrêter totalement sur le sol.
Là, je pensais que j'avais gagné, et que les autres s'enfuiraient. Je me voyais déjà rentrer à Tulorim sans aucune égratignure (ou presque) avec Loyd sous le bras.
Mais non. Ils étaient encore là. Tous.
La suite ne fut qu'un tourbillon de coups au hasard, de cris haineux, de poussière et de sang. Chaque gosse essayait de me frapper, contournant la masse, sautant au dessus d'elle, passant à travers elle. Je commençais à comprendre ce que voulait décrire Hargarrt lorsqu'il disait : « des Liykors. »
Bref, j'en sortis avec une multitude de bleus et de coupures.
(Je ne me rappelle pas précisément du combat. Je me souviens juste d'un moment amusant : un des gamins qui frappa son collègue en pensant que c'était moi. Et il n'y est pas allé de main morte, le bougre ! Sur le coup, ça ne m'a pas vraiment amusé, mais il m'est arrivé bien après de rire tout seul dans mon lit en revoyant la scène.)Lorsque je pus discerner à nouveau ce qui m'entourait, quatre ennemis de plus étaient à terre pour un petit moment, un autre était accroché à ma jambe droite et essayait de me mordre, et le dernier était en face de moi, surpris d'être le seul encore debout.
J'écrasai sa bouille "innocente" sur mon gantelet, sans aucun remord.
(Ah oui parce que j'oubliais : ça paraissait évident, mais j'étais très, très en colère à ce moment là. À défaut d' attenter sérieusement à ma vie, ces garnements m'ont quand même fait mal.)Puis je me débarrassai du parasite toujours accroché à mon pied
(mes jambières m'auront au moins protégé d'une vilaine morsure !) d'un méchant coup sur la tête avant d'approcher de l'enfant blond. Je le forçai à se lever sans ménagement, et il accepta de me suivre sans protester. En fait, ses yeux étaient un peu dans le vague, et il mettait un pied devant l'autre d'un air distrait.
(Il est choqué par le Souffle. Ça arrive quelques fois) m'expliqua le Maudit.
(Garde quand même une main sur lui.) Je l'attrapai donc par le poignet, le tenant devant moi. Nous retraçâmes le chemin que j'avais parcouru en sens inverse, alors que le soleil se couchait. J'étais vraiment furieux. J'avais du mal à ouvrir mon œil gauche, et tout mon corps me faisait souffrir.
(Comment vais-je expliquer ça à mon supérieur ? Et à Tulac et Alice ? « Salut, une bande d'enfants m'est tombée dessus. » Lamentable.)Le Maudit intervint à mon secours :
(Ne dis pas d'âneries. Tu pourras leurs dire qu'ils étaient onze, et presque des adultes pour certains. Je ne pense pas que ton supérieur se moque, il sera surtout surpris que tu aies rempli ta mission, et si rapidement. Il ne doit pas avoir l'habitude, avec ces incapables de la Milice. N'aie aucune crainte, tu t'es bien battu. Et c'est un bon entraînement, pour plus tard.)Un peu rassuré, je passai les portes de la ville en compagnie de mon prisonnier à moitié endormi.
> Retournons à la Milice !