Comment peut-on penser pouvoir faire confiance en la mort pour sauver les hommes puisqu’en fait la vie n’a plus d’importance à ces yeux ?
Tous trois dans la cellule, nous avions élaboré un plan afin d’éviter cet abominable guerre croyant avec ferveur que des négociations seraient possibles avec le leader ennemi. Éviter la guerre pouvait sauver Aliéanon, la sauver du réveil des Titans. Tous trois, nous nous étions mis d’accord pour convaincre le conseiller des chances de réussite de notre requête.
Parlant le premier, j’initiai les explications de notre plan de négociation, laissant Sirat et Azra apporter eux aussi leurs arguments. C’est ce que fit l’humoran, précisant au conseiller qu’il connaissait suffisamment Vallel pour réussir à le convaincre de cesser la guerre. Lorsque fut le tour de Azra, celui-ci retourna sa veste. Il se préoccupa seulement de sa libération, vantant ses faits d’armes, ne manquant pas de souligner à Glanaë, qu’il avait reconquis sa ville. Il ne parla aucunement du plan que nous avions convenu, mais pire encore, il contredit l’humoran dans sa proposition de ne pas abaisser le bouclier magique. Je restai quoi, abasourdi, j’avais pensé quelques minutes qu’on pouvait faire confiance à ce nécromancien. Mais, il n’était qu’un mort à présent, et ne se souciait plus que de lui.
Alors que Glanaë me boudait, elle élevait à présent Azra au statut de héros. J’étais évidemment jaloux, mais je ne pouvais en vouloir à Glanaë, il s’agissait de sa ville après tout.
Le conseiller nous écouta sans sourciller, mais lorsqu’il prit la parole, je compris rapidement qu’il ne prenait pas en considération ce que nous lui avions proposé. Il rassura tout d’abord Azra. Il l’avait reconnu et lui félicita de ses exploits, lui rendant la liberté, l’enjoignant de rejoindre les autres à la défense de Fan-Ming.
Il se tourna ensuite vers moi, m’expliquant que la libération des esserothiens n’avait pas aidé à mon image, et que mes actions à Andel’Ys avaient rachetés mes fautes. Il me prévint toutefois de combattre en respectant leur loi et m’annonça qu’il nous libéra moi et Glanaë également, que je pouvais désormais rejoindre les autres.
Mais en aucun moment il ne fit allusion à notre plan d’évacuation, il éluda notre question, pire encore, il fit comme si rien de cela n’avait été évoqué.
« J’ai libéré les Esserothiens, car je croyais juste de le faire. J’aurais aimé que vous teniez compte de notre plan afin d’éviter la guerre. Mais soit, je vais défendre Fan-Ming, et aussi Aliéanon tout entier, du mieux qu’il m’est possible de le faire, quoi qu’il advienne même en période de jusant »Puis, il se tourna vers l’humoran, et lui signifia clairement sans détour qu’il ne lui faisait pas confiance. Il avait apparemment consulté le registre de tous les aventuriers arrivés à Fan-Ming par le fluide et l’humoran n’était pas du nombre. Il lui reprocha d’être du côté de l’ennemi depuis le début. Afin de s’offrir une garantie de sa loyauté, il lui tendit un collier. Il s’agissait d’une torque munie de lames. Si le porteur, Sirat en l’occurrence, se retournerait contre Fan-Ming, les lames se replieraient et l’exécuteraient du coup.
Bien que le conseiller m’était antipathique depuis le tout début de mes aventures sur Aliéanon, je devais, à contrecœur, lui accorder raison. Sirat s’avérait être un individu louche et j’aurais été aussi méfiant à son égard à la place du conseiller. De plus, l’humonran était responsable d’une brèche importante de la muraille de Fan-Ming.
Comme il fallait également s’y attendre, l’humoran fut la proie d’une violente colère. Sa déception n’eut d’égale que du mépris et il cracha son refus au visage du conseiller.
Malgré tout ce qui venait de se dire, je croyais toujours qu’Aliéanon pouvait être en danger si nous réveillions les titans.
Azra me regarda d’un air dont je ne pus définir et me déclara que malheureusement les négociations étaient terminées. Je ne répondis point, je lui en voulais trop de ne même pas avoir essayé.
Sirat se trouvait encore à proximité de moi, lorsque sans dire un mot, je serrai ma pierre de vision et je lui envoyai un message. J’utilisai cette pierre afin de pouvoir communiquer avec lui à l’insu de tous, même d’Azra.
((( Et comment vous vous êtes rendus ici, sinon par les fluides ? Avouez que c’est louche ! Je ne crois pas que rejoindre le clan de Vallel soit une bonne idée …les titans risquent fort de se réveiller. Cela dit, je comprends votre refus d’être traité comme esclave))) Un geste de la part du conseiller suffit et Sirat fut violemment expulser du parler et de Fan-Ming. Quant à moi, Glanaë et Azra, des soldats nous escortèrent jusqu’à l’état-major.
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Nous étions au matin, à l’aube d’une journée, mais aussi à l’aube d’une guerre dont l’issue plus imprévisible que la météo me rendait nerveux. La plaine était recouverte d’une fine couche de neige, le temps était frais heureusement, mais il ne suffisait pas à me rafraichir. Je bouillais intérieurement. J’éprouvais de la rancune envers Azra, envers le conseiller qui ne semblait penser qu’à Fan-Ming et même envers l’humoran qui avait décidé de rejoindre le camp adverse malgré tout ce qu’il nous avait dit à propos des Titans. Oui, je défendrai Fan-Ming, mais jusqu’à un prix que je considérai équitable, je penserai d’abord à tout Aliéanon. Les paroles du maître d’armes prononcées la journée de mon arrivée à Fan-Ming me revinrent en tête :
("Restez vous-même. Gardez vos valeurs propres dans les choix que vous ferez. Ne vous faites jamais mener dans une direction que vous ne souhaitez pas prendre, dans un combat que vous ne voulez pas mener. Nous avons tous été dotés d’un libre arbitre, d’un esprit critique, et d’assez d’intelligence pour pouvoir décider par nous-mêmes ce qui est bon ou non. À chaque instant, posez-vous la question.") Et j’avais bien l’intention de m’y tenir.
Nous, les aventuriers, venus des quatre coins de Yuimen et de peut-être ailleurs, étions assemblées à l’intérieur de ces murailles que nous devions protégés. Les habitants de diverses cités, et régions d’Aliéanon faisaient partie du nombre. Et pour terminer, tous les soldats, les plus gradés y étaient aussi réunis. Tous les gens importants s’y trouvaient, sauf le conseiller Tsukiko et le petit gouverneur.
Pour diriger tous ces gens, Chigiru, le capitaine d’élite et chef des archers, avait été nommé responsable de la défense de Fan-Ming.
Arborant une attitude fière dans son armure mauve et or, Chiguru attendit que tous soient arrivés avant de débuter son discours de guerre. Lorsque ce fut le cas, il s’appuya sur une lourde table de chêne et nous regarda tous un après l’autre. Pour ma part, je reconnus bien sûr Azra, mais aussi Endar le prétentieux, Xël le bohème, la jolie Eva, Alistair celui qui ne pense qu’à lui, il y en avait plusieurs autres que je n’avais pas eu le plaisir ou déplaisir de rencontrer. Quant aux personnalités majeures venues des quatre coins d’Aliéanons, je ne connaissais que les représentants d’Esseroth, Arthès, Egregor, Simaya, Finarfin, Glanaë, Loona, Derana et les autres que je saluai d’un signe de tête discret.
Le capitaine Chigiru prit la parole et tel un militaire imposant le respect, il nous expliqua son plan. Il nous parla d’abord des ennemis plus nombreux que nous devrions affronter. Aux guerriers orques et gobelins s’ajoutaient des rats géants qui pouvaient grimper sur les murailles, des créatures monstrueuses et presqu’indestructibles, mais qui heureusement seraient sensibles au feu et à la magie. Ils étaient malheureusement équipés de nombreux engins de guerre, béliers, tours. Et bien sûr le plus puissant Seigneur de la chair : Vallel. Ce compte-rendu plutôt impressionnant aurait pu en décourager plus qu’un, mais en bon stratège militaire, Chigiru enchaîna immédiatement avec sa stratégie. Pour contrer les rats, ou du moins les ralentir dans leur escalade, des piques avaient été érigées sur les murailles. Les archers auraient à leur disposition sur les chemins de garde, des fûts d’huile inflammable. Sur les plaines des fosses avaient été creusées. La barrière magique sera retirée dès le début du combat. Notre mission était de garder Fan-Ming jusqu’à l’arrivée de nos alliés venus d’Andel’Ys. Cela même auprès de qui j’avais combattu la veille.
C’est d’une voix pleine d’espoir qu’il se référa au plan de Fan-Ming afin de nous pointer les zones de défense déjà délimitées. Sur les chemins de gardes et sur les tours de guet seraient postés les trois cents archers secondés par deux cents piquiers. Et puis derrière la porte se trouveraient près de quatre cents cavaliers, prêts à intervenir si l’ennemi tentait une percée. Ceux-ci secondés par hommes à pied, munis d’épées. D’autres hommes seraient derrière les murailles et enfin une centaine de soigneurs resteraient en retrait afin de recueillir les blessés. Les esserothéens se positionneraient selon leur pouvoir alors que nous aventuriers de Yuimen serions libres de choisir l’endroit qui nous conviendrait.
Il acheva son discours en nous ordonnant de ne pas céder à la peur ou à la pression du nombre, mais surtout de ne pas avoir pitié d’eux, car eux n’en auront pas en retour. À l’écoute de cette dernière phrase, je baissai légèrement la tête. À ce moment, je sentais, à tort ou à raison, les yeux de Glanaë, dardés sur ma nuque.
Pour galvaniser ses troupes, il s’écria : Pour Fan-Ming ! Je ne fis pas partie des clameurs.
Il poursuivit avec un second cri : Pour Aliéanon ! Cette fois-ci, je criai de bon cœur.
Ces cris, ses encouragements avaient pour but de stimuler les troupes, d’encourager les soldats. J’en étais conscient, mais je sentais une certaine nervosité dans mes entrailles. Au loin, dans la plaine on entendait le cor des garzoks résonner. Je ressentais une peur considérable. J’en étais conscient, mais je ne la laissai pas transparaître, je me servirais de celle-ci pour canaliser ma force et mon courage.
Le premier à s’avancer fut Xël, succinctement, il expliqua son choix, occuper la muraille sud-Est, accompagner de Finarfin Seuillée.
Le prétentieux Endar fut le second à s’exprimer, contestant sur certains points le plan établi par Chigiru et ses officiers gradés. Puis il annonça vouloir occuper la muraille sud-ouest, souhaitant la compagnie d’ Egregor. Il proposa aussi l’utilisation de cornes de brumes, ce qui s’avérait une bonne idée. Moins catégorique que Chiguri, il proposa de faire des prisonniers au lieu de tuer tous les ennemis. Une fois de plus, je sentis le regard de Glanaë planer sur ma nuque. Sa conclusion me plut et me poussa même à réviser l’opinion que je m’étais fait de lui. Il précisa qu’Aliéanon devrait revenir à ses uniques propriétaires et le premier parla de la menace qui planait sur nous : le réveil des titans. Sur ces deux derniers points, je partageais entièrement son point de vue.
La troisième à partager ses idées fut une guerrière encapuchonnée dont le bas du visage était protégé. Ses yeux d’un beau bleu de la dénommée Charis Kel Asheara attirèrent mon attention. Cette dernière proposa de placer les sorciers de feu à des endroits stratégiques sur les tours, puis annonça qu’elle occuperait la muraille Est.
Ce fut au tour d’Azra de s’approcher proposant de rejoindre Xël sur la muraille sud-Est qu’il jugea importante puisque protégeant l’infirmerie. Il demanda à son tour l’aide d’Egregor malgré la demande d’Endar. Malgré, la rancune que je conservais à son égard, force m’était d’admettre que ses idées étaient bonnes.
Je m’avançai à mon tour du plan, décidé plus que jamais à mettre tous les efforts pour remettre Aliéanon à ses habitants et je pointai la zone qui n’avait pas encore été choisie.
« Pour ceux que je ne connais pas encore, je me prénomme Mathis. J’opterai pour la muraille ouest. Pour me seconder, j’aimerais bien pouvoir compter sur le maître d’armes. Sa sagesse pourrait m’être nécessaire afin de ne pas prendre des décisions déplorables une fois sur le champ de bataille. » Ce disant mon regard alla du maître d’armes à Glanaë.
«J’aimerais aussi bénéficier de votre présence Glanaë, mais je ne veux en aucun cas vous y contraindre. »Lui laissant le temps de réfléchir, je poursuivis:
« Je solliciterais également la présence d’Arthès et Derena. »Je me tournai ensuite vers l’ensemble des habitants d’Aliéanon.
«Ma force est généralement dans les idées, ainsi qu’au combat corps à corps ou avec armes. Si vous pensez que vous aptitudes peuvent compléter les miennes et celle de mes camarades, n’hésitez pas à me rejoindre. Seuls vous connaissez le support que vous pouvez m’apporter. »Serait-ce le fait des discours des autres, ou bien le mien ? Mais quoi qu’il en soit, ma volonté de vaincre avait pris la place à la peur, et j’en étais bien satisfait.
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((( Muraile Ouest zone 5
choix : Arthès, Derana, Glanaë, le maitre d,armes et tout ceux pensant être utiles )))