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Auparavant~
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Mon message semble être passé auprès de l'elfe à chevelure végétale, car elle annonce notre rencontre prochaine avec leur dirigeant. Précédés par le garde, nous entrons dans une ville à l'aspect bien différent de celui d'Oranan. Certains étages sont soutenus par des piliers, et les murs sont faits de bois noir et d'une matière que je n'ai guère le temps d'examiner. Je demeure attentif. Astidenix, l'Homme Pâle que nous allons rencontrer, semble être un guerrier estimé par ses pairs. Notre guide nous conduit à la seule habitation en pierre visible. Ganko pousse un hennissement mécontent quand il est obligé d'attendre à l'extérieur. Je n'ai toutefois pas le temps de le réconforter, pressant le pas pour ne pas perdre mes compagnons. La pièce, à l'étage, dans laquelle nous entrons contraste avec le souvenir du faste de Fan-Ming. Le guerrier qui s'y trouve m'inspire toutefois immédiatement un certain respect. Son regard n'est pas celui d'un habitué des offices. À son tour, sa voix au timbre neutre demande la raison de notre présence.
J'ôte mon casque, mais avant même d'avoir pu émettre un son, la voix féline d'Astinor s'élève. Crue et sans détour, elle annonce le conflit imminent avec les troupes d'Oaxaca, ainsi que ce qu'il serait bon de faire avec une lance et le... Postérieur... des futurs adversaires. J'ai du mal à ne pas arrondir mes yeux en amande à sa façon de présenter les choses. Il me faut faire appel à tout mon sang-froid d'ynorien pour contraindre mon visage à ne pas se parer d'une moue particulière.
Lothindil prend la suite, de façon plus posée, annonçant simplement réunir des bras pour contrer la menace. Mes yeux violets se portent sur le seigneur Astidenix, et je fais un léger mouvement ynorien de salutation avant de prendre la parole à mon tour.
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Les propos de notre camarade ont beau être crus, ils sont véridiques."
J'inspire brièvement avant de reprendre, en essayant d'être le plus précis possible.
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Vous le savez peut-être, mais nous venons du monde appelé Yuimen, en lequel nos peuples luttent contre les forces de la demie-déesse Oaxaca depuis plusieurs générations. Seulement, après tant de temps, nous en sommes arrivés à un point presque statique. Ses armées et celles de notre monde ont du mal à remporter une victoire décisive en affrontement direct."
Je jette un regard à mes camarades de voyage puis reprends, sans ciller.
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Les habitants d'Aliaénon ne la connaissent pas ou peu. Elle représente donc une menace contre laquelle ils ne sont pas préparés. Et elle compte se servir de cet avantage pour s'emparer de votre monde, de ce qui peut lui être utile, puis s'ouvrir une voie au cœur du nôtre. Parler de misère sous son joug serait un terme presque risible tant il est faible."
Malgré ma petite taille, je ne ploie pas sous la présence d'Astidenix. Je me rappelle parfaitement de ce que j'ai vu à Omyre. La colère, la soif de sang, l'exploitation quand ce n'était pas simplement de la violence gratuite. La mort ou l'esclavage, choisi ou non. Quand je songe à ma pupille restée à Oranan, mon poing se serre à en pâlir.
Toutefois, je n'ajoute rien de plus. J'ai beau être instructeur, faire des discours hors d'un cadre de milice n'est pas mon point fort.