L'homme se saisit de la corde à même mon sac. Je lui confie les rennes de ma monture, non sans avoir murmuré quelques paroles rassurantes à mon fier étalon et repris ce qui m'était intéressant dans le sac de fonte. Tandis que je rage un peu qu'il ait choisi cet élément particulier, c'est un objet dont j'ignore si je peux trouver l'équivalent ici et qui pourrait m'être utile.
(T'inquiètes. Je grimperais sans.)
Elle m'a déjà démontré son adresse dans les montagnes aussi approuvé-je mentalement sa remarque. Mais je dois maintenant faire face à un tas de négociateur en herbe, tous regroupé autour de moi à me proposer des offres, pour certaines alléchantes, d'ailleurs. Si l'idée de manger du poisson me tente particulièrement, c'est Astinor qui s'en réjouit le plus, le coté félin qui doit remonter je suppose. Après tout, c'est la viande du pauvre sur le Naora, le poisson.
Cela a constitué l'essentiel de mes repas, choses étranges n'est-ce pas pour une garde-forestière, mais le gibier était propriété royale, et donc interdite à la chasse pour les roturiers et même pour les nobles n'ayant pas reçu l'autorisation. C'est d'ailleurs pour cela qu'une forte partie de mon boulot consistait à traquer les très pauvres de Cyniar qui venait braconner sur les terres dont j'avais la charge. Je me contentais de les faire fuir pour ma part, mais je sais qu'Ildraën, celui qui était mon mentor dans le domaine, n'hésitait pas à leur tirer des flèches. Il avait d'ailleurs la coutume de marquer son arc d'un trait de charbon pour chaque braconnier blessé et d'une encoche pour chaque tué. Il a fini par renoncer d'ailleurs à cette dernière idée, il disait en plaisantant que son arc réduit à une brindille ne servirait plus; il faisait donc une marque avec le sang de sa victime au final.
Bref, toujours est-il que manger du poisson reste toujours un plaisir pour moi, même si c'est pas le plus simple à transporter. En effet, un peu de viande séchée reste plus comestible que du poisson salé quand on avance à cheval. Et si la viande est mal préparée, elle reste plus longtemps mangeable qu'un poisson qui ne tient guère plus d'une journée.
Il est d'ailleurs question de poissons frais entre mes interlocuteurs devenus forts... agressifs entre eux. J'en suis encore à me demander quand je vais calmer la tension du groupe, n'ayant aucune envie de me retrouver au sein d'une bagarre de rue, qu'Astinor intervient. (Laisse faire !)
De sa voix forte et aiguë à la fois, elle s'adresse aux dockers qui conteste la fraîcheur : "Y vient d'un lac à Treeof en char à boeuf son poiscaille ?"
J'espère que son humour passera sur ce coup-là, mais je n'ai pas le temps de m'occuper de ça, qu'elle enchaîne directement en s'adressant au marchand de poisson :
"Un gros poisson frais contre une fiole de verre."
Désignant du doigt celui qui a proposé les provisions, elle continue : "Toi, là-bas, qui m'a dit qu't'avais à bouffer, poisson séché ou fumé contre viande séchée, ça t'intéresse ?"
Enfin, elle se tourne vers la seule proposition qui m'avait vraiment intéressée, celle de la location du navire, le genre idéal pour m'éviter de râmer : "Toi, avec l'rafiot, une tunique et une jupe pour ta femme ou ta maîtresse et une ceinture de cuir pour toi si tu m'débarques où indique le piaf ! "
Enfin, elle s'adresse à la cantonade : "Les autres, pas aujourd'hui ! Mais j'reviendrais vous voir !"
C'est ce qu'on appelle être efficace, au moins nous serons vite fixées.
(T'sais, avant, y avait pas d'sous, ça marchait comme ça sur Yuimen.)
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Je suis aussi GM14, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha
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