Noir.

Tout était noir.

L'espace ou le temps n'étaient plus des notions cohérentes. Azuha flottait dans un espace inconnu, intangible, infini.

Puis la lumière apparut et le temps se mit en marche. Le Noir se rétrécissait, c'était en fait un disque de vide ; un trou. Le trou rétrécissait. La lumière autour du trou était blanche. Puis elle devint rouge.

C'était un oeil.

L'oeil s'éloignait de plus en plus. Azuha vit qu'il était posé sur une main. Une main aux doigts sales, aux ongles rongés et cassés, mélangés à la terre. Les doigts se refermèrent sur l'oeil et l'écrasèrent.

C'était son oeil.

Azuha cria.

Un homme rit.

Tu es à moi ! Ha ha ha ha !

Azuha cria.

Non ! Elle n'appartenait à personne !

La main ensanglanté s'éloigna encore, révélant son possesseur.

C'était lui.

Grand, gigantissime, surpuissant, il la surplombait de toute sa hauteur, et riait.

Il prit feu.

Il s'en fichait.

Il leva le pied et écrasa Azuha.

****

Notre cheval arrive sur la place brumeuse du lieu où j’ai demandé à être transportée. Un extraordinaire camp pour les blesser s’est mis en place et je trouve que s’est une bonne initiative. Je vois une sorte de barbare se faire transporter sur un brancard, tenu par deux gardes et deux personnes qui s’occupent de lui. L’un d’eux est un archer et l’autre est un homme bizarre, qui porte une ceinture d’outils. Le grand gaillard semble s’être évanoui et cela me surprend. Un gros balaise comme lui, dans les vapes, on ne voit pas ça tous les jours !

Lorsque que nous arrivons, nous constatons qu’un second brancard se précipite pour prendre en charge la capitaine des navires abandonnés au lac Andel bien que ses blessures soient minimes. La princesse Honoka nous précise qu’elle a fait mander le père de Seok, chef de cette cité. Mon compagnon de voyage précise que nous pourrons lui rendre directement compte de ce qui s’est passé.

Se tournant vers moi, il me précise qu’il est inutile de parler de la rixe entre les Hommes Pâles et qu’il vaut mieux se concentrer sur l’essentiel, à savoir que les troupes d’Oaxaca ne sont pas loin. En effet ce sujet est bien plus important, bien plus urgent ! Yuimen seul sait le risque que nous courrons.

"J’ai bien conscience de l’urgence de la situation capitaine et je ne vous causerais aucun ennui"

Le dernier bandit survivant semble ne pas être réjouis d’être ici, peut-être parce qu’il est considéré comme un criminel.

"De mon côté, je ne vous cache pas que j’aimerais me trouver une tenue digne de ce nom et une arme également digne de ce nom. Vu ce que l’avenir risque de nous réserver, je ne veux pas être un poids. Il me faut de quoi me défendre."

Je me plonge dans mes réflexions et autre chose me saute aux yeux.

"S’il y a un sac de disponible, je suis aussi preneuse. Revenir à la vie s’est bien, mais il me faut tout réunir de nouveau !"

Peut-être en demandais-je trop, mais bon, qui ne tente rien n’a rien.

Hirotoshi m’assure que si je fais la promesse de m’allier à la défense de cette cité, il n’y a nul doute que le souverain de cette dernière m’équipera des pieds à la tête sans que j’aie besoin de débourser le moindre yus. En cela c’est un bon point, bien que je ne sois pas sûre de vouloir dès à présent me relancer dans une bataille. Je viens juste de revenir du royaume des morts, je n’ai guère l’envie d’y retourner.

Le temps que mes pensées se remettent en place, le seigneur de la cité a rejoint notre groupe et demande séance tenante des explications concernant l’état de son fils. La princesse se lance alors dans un récit et qui n’en livre aucune comme l’avait précisé Hirotoshi. Honoka réussit ainsi à détourner l’attention d’Astidenix sur la bataille qui s’annonce. Ce dernier nous précise qu’ici, il n’y a pas assez d’hommes pour tenir un siège. Il confirme à la princesse son intention d’aller à Fan-Ming en espérant que d’ici son retour, rien n’aura bougé ici et que des solutions auront été apportées pour nous aider.

Suite à ça, Honoka se tourne vers moi et me demande encore une fois d’utiliser les pouvoirs de mon sifflet afin qu’elle se rende à Fan-Ming. Elle me laisse le libre choix à savoir de rester ici ou de l’accompagner. L’envie de rester ici et de récupérer est tentante, mais d’un autre côté, l’envie d’aider est toute aussi tentante. Je ne suis pas certaine de mon choix, mais je ne vais pas tergiverser cent sept ans.

"Après m’être trifouiller les méninges, je vais vous accompagner ! En reprenant le filet, Anorynn pourra nous accompagner, je ne pars pas sans lui !"

Condition sine qua non ! Puis avant de souffler dans mon sifflet, j’ai une dernière requête.

"Nous allons revenir seigneur Astidenix, mais avant de partir j’ai une demande à formuler. Auriez-vous un sac, une arme et un vêtement digne de ce nom ? Je me sens ridicule !"

En attendant sa réponse, je siffle afin d’appeler ma monture.