~Auparavant~




L'Homme Pâle auquel je m'adresse se nomme Trifalgin, un chirurgien-barbier. Je ressens monter une pointe d'inquiétude lorsqu'il m'apprend que sa médecine repose humblement sur ses lames et ses aiguilles, ainsi que des préparations à base de plantes pour atténuer la douleur. Il m'invite à m'approcher, ce que je fais sans hésiter. La victime a des plaies profondes et nombreuses, recousues sans doute sur l'heure pour en diminuer la béance. À en juger par l'odeur, et à un reflet brillant, j'en déduis la pose d'un baume destiné à la désinfection.

Le travail a l'air bien fait, mais si le jeune guerrier n'a pas déjà donné signe de son rétablissement, c'est que le traitement n'a peut-être pas été assez approfondi. Je pose mon casque et mon Fang Bian Chan non loin de moi, et effleure la gemme magique qui s'y trouve. Vu son état, je n'ai guère le choix. Il me faut faire appel à ma magie.

J'inspire, commence à rassembler mes fluides, puis m'adresse en ynorien à Gaïa.

"Gaïa, Dame de Lumière. Si votre volonté peut se manifester en ce monde, appuyez mon geste. Que mon don soit pour cet homme tel le nourrain ramenant la vie dans le calme étang."

Aliaénon rend la magie dangereuse, mais jamais ma Lumière n'a causé de mal. Si elle n'aide pas, elle ne devrait pas empirer les choses. Et puis, j'ai foi en mes capacités. En Yuimen, j'aurais puisé dans ma propre vitalité face à de telles blessures, mais pas ici. Il serait irréfléchi de mettre ma propre vie en danger pour en aider une autre, et risquer au final de n'en aider aucune. De plus, je suis presque persuadé que l'air de ce monde augmentera la puissance de mon sort.

Sans toucher directement mon patient, j'oriente mes mains au-dessus de ses plaies et visualise celles-ci. Concentré, je fais fi des témoins. Seul compte le soin que je m'apprête à réaliser. Il faut que mon art curatif aille au plus profond des blessures et les referme de leur base à la surface. Je sais m'y prendre. Je l'ai déjà fait par le passé.

(Aliaénon, laisse-moi sauver l'un de tes habitants.)

Après cette ultime pensée, je manifeste prudemment mes fluides curatifs, plus attentif que jamais.



Utilisation du "Souffle de Gaïa" pour soigner profondément les plaies.

Au moment même où je sens mes fluides de relâcher et Astinor prendre possession de mon corps, je sens que quelque chose se passe mal, ne colle pas, peut-être la panthère avait été trop rapide dans sa prise de contrôle, à moins que la magie de ce monde ne m'aime vraiment pas.

(Roule-toi en boule !)

Si je m'étais un jour posé la question de l'effet que ça faisait de se faire aspirer par ce sort, je viens d'obtenir la réponse. Je me retrouve balloter entre les rochers, me faisais griffer et écorcher, Astinor nous protège tant bien que mal en enroulant ses bras autour de son museau. Première pause, je m'attends à être projetée vers la surface et conseille à Astinor de s'apprêter à un atterrissage qui ne sera certainement pas en douceur. Mais à nouveau, la magie en ce monde se joue de moi en nous projetant encore plus bas, à travers la terre et la roche, jusqu'à une cavité souterraine.

Je ne dois qu'aux réflexes d'Astinor de ne pas finir embrocher sur l'un ou l'autre des cristaux qui désormais nous éclairent. Nous sommes toutes les deux secouées, vivantes, mais secouées. Après quelques secondes, voire minutes pour se calmer et reprendre nos esprits, Astinor nous relève et s'étire. La chute a été rude, mais sans trop gros dommages, quelques écorchures assez sévères et des gros bleus, ainsi que l'un ou l'autre muscle froissé. Il suffit de lever la tête vers le puits de lumière que nous venons de creuser pour se rendre compte que nous nous en sortons plutôt très bien au final...

"Saloperie de magie !"

Je n'ose pas lui répondre, parce qu'elle a raison, depuis que nous sommes ici, la magie de terre qui m'a de nombreuses fois sauvé la vie sur Yuimen, ne nous a pas vraiment porté chance, voire même nous a mis tous en danger.

(Tu n'as même pas idée d'à quel point...)

Prise en faute comme un enfant, je préfère me tasser dans un coin et me faire oublier, laissant Astinor gérer la suite; même si je sais à quel point, je ne tiendrais pas cette résolution bien longtemps. Tout en boudant, je prends quand même le temps d'analyser la situation dans la tête d'Astinor, ce qui finalement se fait assez vite : je suis dans une grotte, entourée de cristaux magiques qui brillent, avec comme seule sortie, un puits de lumière menant droit dans le campement garzok.

La panthère lève sa tête, presque résignée à escalader, tout en sachant le risque que représenterait un éventuel combat à la sortie et la facilité qu'aurait un archer à nous abattre toutes les deux pendant l'ascension. Cette solution, sera envisageable, mais pas avant d'avoir exploré d'autres voies.

(Vois si tu peux trouver de la poussières ou des éclats de ces cristaux. Je crois qu'ils pourraient être utiles !)

C'est ainsi qu'Astinor avance dans la grotte, faisant bien attention où elle met les pieds, aussi bien pour éviter de nous blesser que pour prélever notre part de ce qui pourrait être un butin miraculeux finalement, sans doute ces cristaux peuvent s'échanger, se vendre sur Yuimen ou être utile...

Therion ne prit guère de temps à réfléchir. La forêt n’était pas loin, et il ne comptait pas encore foncer sur le camp, ni jouer de son ancienne appartenance à Omyre comme esclave. De loin, il lui semblait que quelques garzoks et sektegs pourraient se diriger vers le couvert boisé pour trouver de l’eau, du gibier, du bois. Et lui serait là pour les épier. Peut-être les manger.

En veillant à ne pas se faire remarquer par des sentinelles du campement, il se dirigea vers les arbres.

Andel’Ys – Demeure d’Astidenix.

Kiyo : Jet de magie : réussite.

Les fluides lumineux du prêtre milicien filtrèrent entre ses doigts habiles, et en de fins filaments lumineux, vinrent s’apposer sur les plaies comme des sutures magiques. À peine quelques seconde après qu’il eut lancé son sort, les plaies étaient refermées, et ne laissaient plus qu’une nébuleuse cicatrice sur le torse de Seok, le puissant fils d’Astidenix, qui se vit soudain victime d’une poussée d’énergie qui le tira de son atonie, et le fit… se ruer sur le semi-shaakt. Il l’empoigna à pleines mains, éructant vers son visage toute la haine qui s’était canalisée en lui depuis sa plaie mortelle.

« Rhaaa ! De la magie ! Il utilise de la magie ! »

Sa colère était manifeste, mais Astidenix, passé la surprise, se fit ferme, là où la Reine était toujours interloquée, et où Trifalgin s’était enfui derrière un bureau de bois grisâtre.

« Fils ! Lâche tout de suite cet homme. Il vient de te sauver la vie. »

Seok eut un regard mauvais, mêlant hargne et mépris envers Kiyoheïki, mais consentit à plier sous l’ordre de son paternel. Il relâcha, sans douceur, le semi-elfe, et continua sa plaidoirie courroucée.

« Que n’est-il pas un ennemi !? Tous ses semblables sont des traîtres. Elfes tueurs d’Hommes Pâles, mages retors et méprisant de notre peuple, Yuimeniens… C’est de leur fait, si j’ai été blessé. Père, ils m’ont entraîné avec eux dans une expédition comportant la pire lie de bandits de nos plaines, des accros au Thiir qui ont fini par déclencher un pugilat. Ils se sont entre-tués ! Comme des bêtes ! J’ai tenté de les arrêter, mais les Yuimeniens n’ont rien fait ! Ils assistaient au massacre comme si c’était normal, sans lever le petit doigt. »

Il serrait poings et mâchoire, de rage, alors qu’il poursuivait sa diatribe hargneuse.

« Les bruits de bataille ont attiré les éclaireur d’une armée. Des créatures à la peau verte. Des ennemis ! Ceux dont ils nous parlaient. Bien loin d’Esseroth, c’est vers nous qu’ils remontaient, pour prendre Andel’Ys. Les Yuimeniens ne pouvaient l’ignorer : ils ont tenté de nous mener droit dans un piège ! »

Astidenix n’en put plus.

« Stop ! »

Seok se tut, mais la lueur de colère dans son regard était toujours présente.

« Ce sont aussi eux qui t’ont ramené ici, en sûreté. Et l’un d’eux qui vient de te sauver là où les nôtres ne pouvaient rien. Eux, encore, qui prévoient un plan pour vaincre ces ennemis qui assiègent aujourd’hui la cité. Alors ne juge pas trop vite les gens, fils. Tous ne sont pas comme tu le dis. Et s’ils n’ont pas agi, peut-être avaient-ils leurs raisons. »

Seok cracha sur le sol, et se tourna vers Kiyo.

« Un plan ? Ah ouais ? Et quel plan ? »

Les visages se firent mitigés. Était-ce une bonne idée que de lui révéler. Sur ces entrefaites, un nouvel arrivant arriva dans la pièce. Il avait tout d’un Ynorien. Un homme de Fan-Ming, sans en douter.





« Capitaine Hirotoshi. Que se passe-t-il donc ici ? »

Un beau petit monde qu’il allait falloir gérer.

Andel’Ys – Campement de l’Armée.

Therion quitta son poste d’observation pour se rendre en bordure du campement. Là où forêt et camp se mêlait. Sur place, protégé des regards des orques et humains qui allaient et venaienr pour réaliser diverses tâches, il put remarquer un enclot un peu à l’écart du camp. Un grand enclot improvisé avec des barrière en branches brisées, dans lequel toutes les montures, nombreuses et diverses, du camp étaient. Loups d’Omyre, Chevaux et Sangliers de Sektegs, tous dans des parties différentes et séparées du grand enclot. L’activité sur le camp devenait omniprésente, et s’y déplacer devenait réellement dangereux.

Dissimulé derrière un buisson, il vit venir vers lui une petite patrouille de cinq orques en armes. Une des nombreuses patrouilles qui parcouraient le camp.

Andel’Ys – Caverne de Cristal.

Astinor avança du plus qu’elle put dans la caverne, mais elle dut vite se faire à l’évidence : il n’y avait pas d’issue. Elle se fermait vite, bloquée par les cristaux, puis la roche qui se refermait sur elle-même. De cristaux facilement accessibles, il n’y avait que ceux qui s’étaient brisés lors de sa chute, nettement moins lumineux que ceux, entiers, qui étaient encore agrippés aux murs. La seule issue, à moins d’user de ses pouvoirs, ce qui pouvait, elle l’avait appris maintes fois à ses dépens, être plutôt risqué.

[Kiyo : 0,5 (post) + 0,5 (soin sur Seok). Mot : 1XP. - vasard.
Lothindil : 0,5 (post). Mot : 0. - kaolin.
Therion : 0,5 (post). Mot : 0XP. - faussure.]

~Auparavant~





Peut-être que la Dame de Lumière m'a entendu, car ma magie se déploie en de longs filaments dorés. Elle fait son office et suture parfaitement les plaies. Seule reste une cicatrice partiellement visible. Je n'ai toutefois pas le temps de sentir le soulagement m'envahir que le jeune homme musclé se redresse. La stupeur me saisit en même temps que ses puissantes mains en haut de mes bras. Je ne parviens pas à dissimuler une grimace de douleur à sa poigne. Son ton me frappe comme un coup de poing en pleine figure. Ce n'est pas de l'incompréhension devant ce que j'ai fait. C'est de la pure haine envers mon pouvoir, et donc envers moi.

(Ugh !)

La brutalité avec laquelle il me reproche d'employer la magie me meurtrit plus profondément qu'un coup de poignard. J'ai la sensation d'être retombé dans les situations blessantes des années avant mon intégration à la milice : méprisé, blâmé, à cause de ce qui fait que je suis moi. Le choc me fait m'assombrir, mais fort heureusement, le Seigneur Astidenix intervient. L'étau sur mes bras se relâche, mais la douleur continue de fourmiller dedans.

Mon patient est empli d'une énergie aussi soudaine qu'inattendue, et elle ne sert qu'à déverser du fiel et de la colère. Il me qualifie, et tous les ressortissants étrangers, de traître et d'ennemi. Il fait peser la responsabilité de ses blessures sur d'autres aventuriers de Yuimen, qui ont permis à des victimes du Thiir de se joindre à leur expédition. Ces hommes ont fini par céder à de violentes pulsions et se sont entretués. Et comme si cela ne suffisait pas, cela a attiré des garzoks remontant vers Andel'Ys. Je masse lentement mon bras et tique en entendant le fils de mon hôte accuser les yuiméniens de l'avoir su, et de l'avoir fait exprès.

Je ne peux pas répondre de la bonne foi de ces inconnus, mais je comprends mieux la réaction du jeune homme. Étant le seul yuiménien, et manieur de magie, des environs, il est normal que son ire me soit destinée. Mais le comprendre n'empêche pas ma poitrine de se serrer. Et entendre le Seigneur Astidenix tenter de défendre ces inconnus n'atténue pas mon ressenti. Je ne me reprends que lorsque j'entends mon hôte mentionner le plan à venir. Impossible de répondre dans l'immédiat, car un autre humain ressemblant à un ynorien fait irruption dans la pièce. Un certain Capitaine Hirotoshi.

Je commence par me tourner vers le nouvel arrivant et le salue à la façon d'un milicien d'Ynorie. Le soudain éclat de voix a certainement attiré l'attention, et le nouveau venu veut savoir ce qui se passe. Tout expliquer ne me parait pas être une priorité. Qu'apporterait mon récit si ce n'est un renouvellement des sentiments négatifs du fier Homme Pâle ? Je m'en tiens à une réponse aussi neutre et sereine que possible.

"Quand ils s'expriment, les sentiments profonds le font à la mesure de leur poids sur le cœur."

Même si l'envie est encore là, je ne touche plus à mes bras. Mon jeune patient a déjà un orgueil à vif. Inutile d'en rajouter en lui faisant davantage remarquer son ingratitude, ou laisser entendre qu'il doit la vie à un faible.

Je tourne mes yeux violets vers lui et tente de faire au mieux pour ne pas laisser mon ressenti affecter mes dires. Il veut que je lui parle du plan, mais dans son état d'agitation, nul doute que c'est là la pire idée possible. J'ai vu la réaction de son père un peu plus tôt. J'imagine sans peine devoir encaisser physiquement sa colère et sa frustration quand il en prendra connaissance.

Et puis, j'ai masqué la vérité à Dame Talia et à son frère. Pourquoi agirais-je différemment maintenant, surtout envers un être qui me déteste déjà ?

"Je ne suis pas apte à vous l'expliquer. Votre ire déformerait mes paroles ou les rendrait aussi troubles qu'un fond vasard... Je pense votre père plus à même de vous informer."

Je me tourne légèrement vers le Gouverneur.

"Quand il le jugera nécessaire."

Je récupère mon Fang-Bian-Chan et me tourne vers la Reine, surprenant du coin de l’œil Trifalgin, abrité derrière un meuble. Tout s'est passé si vite que je ne l'avais pas remarqué. Il me faut me concentrer. Ne pas laisser tout ceci m'affecter. J'ai fait plus que mon devoir et devrais me satisfaire d'avoir sauvé quelqu'un mais... Être rejeté aussi violemment demeure difficile à accepter. Cela ne devrait plus me surprendre après tout ce temps, et pourtant...

Je ferme brièvement les yeux, cherchant à évacuer ces viles pensées. Il reste encore beaucoup à faire. Et le temps presse.

Nous avançons dans la grotte, enfin Astinor parcourt rapidement la grotte, celle-ci s'arrêtant plutôt vite au final. Dans cette partie-ci, les cristaux sont entiers, et brillent d'un peu toute les couleurs, très agréable. Au moment où on se retrouve devant un mur arrondi et cristallin, nous faisons face à une impasse, au sens strict du terme : comment pourrions-nous sortir de là ?

(Il reste le trou d'arrivée.)
(Ca devrait être simple avec un peu de magie... On va...)
(C'est non. Marre de ta magie à la con ! J'ai quatre pattes, des muscles et je grimpe. C'est tout !)
(Pourtant la magie, pourrais...)
(T'as vu la magie ici ? C'est non. Va te faire voir, je grimpe !)

Après avoir ramassé quelques cristaux brisés au sol à l'endroit où notre corps poilu a atterri, Astinor joue un peu avec, constatant tout comme moi, qu'une fois brisée, ils perde de leur brillant, et sans doute de leur puissance magique. Astinor démarre sa lente ascension, faisant attention à la moindre prise, le moindre muscle de ses doigts fins se contractant sur les cristaux et les pierres. Je la laisse faire, boudant dans mon coin d'esprit, admirant sa force et sa dextérité mais ne peut m'empêcher de repenser au sort de mon père qui transformaient le sol en escalier ou carrément permettant de grimper d'un seul coup; tellement pratique...


(((tentative d'escalader le trou, avec la capacité d'escalade et d'escalade améliorée d'Astinor)))

Therion grogna à l’odeur des garzoks, un fumet qu’il n’aimait guère, tant il lui avait empli les narines pendant son esclavage à Omyre. Un goût familier de carnage lui monta à la gueule, les souvenirs du sang, des organes chauds, la puanteur des tripes, et en fond le râle d’agonie des proies. Pour un peu, il aurait quitté le buisson derrière lequel il se dissimulait, et bondi sur ces partisans d’Oaxaca, et les aurait sitôt renvoyé à la terre, et à toutes les bêtes qui vivent sur les charognes, se nourrissent de choses tuées par d’autres. La part la moins soumise aux instincts meurtriers de son esprit lui renvoya une autre image. S’il parvenait à tuer ces cinq là, il s’en trouverait encore bien d’autres dans le camp. Or, il connaissait les garzoks, les sektegs, il avait combattu avec eux, vu de quoi ils étaient capables. La débâcle était encore fraiche dans leurs esprits, et Therion se souvenait très bien de la manière dont ils avaient rebroussé chemin devant le colosse, plutôt que de l’affronter, tout comme les fourmis grimpent par milliers sur les victimes qu’elles se choisissent.

Pour venir à bout de la meute, il ne devait pas seulement l’alléger de ses éléments les plus faibles, et ainsi la renforcer indirectement. Il ne devait pas user ses forces dans une chasse vaine qui ne remplirait pas tout de suite son estomac, et qui, pire, ne ferait pas honneur au Père et à la Mère. Chassait-il jusque là les brok’nuds malades, blessés, trop vieux ? Nombreuses sont les cicatrices qui témoignent de son acharnement à ne prélever sur la harde que les mâles les plus forts, les plus redoutables, car il en va ainsi des Enfants dignes.

Rabattant ses babines sur ses crocs, il se dressa hors de sa cachette, et grogna dans la langue des garzoks, seule qu’il avait été contraint d’apprendre, à l’adresse de ce petit groupe :

« Je suis serviteur d’Omyre, de la compagnie Serpent. Je dois voir chef. Je sais des choses sur la guerre et nos ennemis. »

Loin d’être stupide cependant, il n’avait pas élevé ses mains loin du manche de ses armes.

~Auparavant~




Mon choix de ne rien divulguer est approuvé par le Seigneur Astidenix, et des directives sont données à son fils pour de prochaines manoeuvres. J'écoute ensuite la Reine et le Capitaine échanger quelques mots. Le soldat de Fan-Ming semble contrarié. Visiblement, la rumeur disant que la colonie de mon peuple n'apportera pas de soutien serait fausse. Une princesse du nom de Honoka y aurait été dépêchée pour hâter le déploiement de troupes.

Le Gouverneur d'Andel'Ys appuie mes doutes à ces paroles, car nul message n'est venu le confirmer. Et l'ennemi est déjà aux portes de la Cité. Je sais que nulle aide ne viendra d'Oranan, mais j'ai encore du mal à croire que les miens puissent sciemment abandonner le peuple Pâle. L'absence des miens sonne toutefois comme une cruelle réponse.

Cependant, nul échange prolongé pour en parler, car la Reine décide qu'il est temps d'agir. Elle confirme les directives envers le fils d'Astidenix, devant également se rendre à l'orée de la Forêt d’Émeraude en ne laissant que la garnison en ville. Elle incite le Capitaine Hirotoshi à partir de son côté à la rencontre des renforts ynoriens, afin de les y orienter également.

Laissé seul avec le Seigneur Astidenix et la Reine, j'entends cette dernière se dire prête à partir en terre ennemie. Elle me demande si je compte l'y suivre. Je lève mes yeux violets vers son visage.

L'espace d'un instant, je me demande à quoi rime tout ce que j'entreprends, surtout pour n'être récompensé qu'avec du mépris, et même de la haine. La réaction de mon patient est encore vive dans ma mémoire, et mon cœur en reste affligé. J'inspire lentement et souffle pour retrouver ma sérénité. Je n'ai pas le droit de douter. Si je perds foi en mes convictions et en mon devoir, je ne serai pas le seul à en souffrir. Je me suis impliqué dans ce dramatique événement de mon plein gré. Mon honneur ne souffrirait pas que j'abandonne maintenant.

Ma résolution revient et j'acquiesce avec fermeté.

"Nul ynorien digne de ce nom ne revient sur la parole donnée, Majesté. Je me tiendrai à vos côtés."

Je me tourne vers le Gouverneur et lui remets le lourd sac de thiir. Conserver cette drogue là où je vais serait effectivement dangereux. Coiffé de mon casque, je rajuste ma capuche par-dessus.

"Je ferai au mieux pour me montrer discret."

Si je masque habilement mon teint grisé, je ne susciterai peut-être pas autant de questions. Moins j'attirerai l'attention, mieux je pourrai protéger Sheeala d'Argentar. Les risques sont grands. J'en suis conscient. Mais avec un peu de chance, nous allons voir ceux qui dirigent ces opérations en face à face. Négocier la fausse alliance sera sans doute la responsabilité de la Reine. Glaner autant d'informations que possible sans nous compromettre sera la mienne. J'ai bien l'intention de remplir mon devoir jusqu'au bout, sans fléchir.

Pour Aliaénon. Pour ma Patrie.


~Suite~

Le moindre muscle d'Astinor se tend tandis qu'elle escalade le gouffre. Je peux sentir la terre, la roche et les cristaux sous la paume délicate et terriblement humaine de ses mains. Chacun de ses sauts et chacune de ses contorsions nous rapproche de la surface, que nous n'aurions dû quitter. Parvenu à mi-distance, il est clair que les trois ennemis sont toujours présents, à nous attendre. Il faudra frapper vite à la sortie, pour pouvoir survivre.

(T'inquiètes !)

Tout en continuant son ascension, Astinor dégaine la dague elfique remis à la cascade. Il ne fait aucun doute que son poison nous servira. Sans sembler être gênée par ce qu'elle tient en main, Astinor continue son ascension avec une assurance exceptionnelle. Quand j'émerge du trou, le jour est complètement levé, et, bonheur, les trois ennemis regardent ailleurs. J'ignore ce qu'ils voient, ou ce qui a bien pu les détourner de leur proie, mais c'est une erreur, qu'ils n'oublieront jamais.

D'un bond puissant, Astinor émerge d'un seul coup du trou et, dans le même mouvement, sans laisser le temps à ses adversaires de réagir ou de se ressaisir, elle porte une attaque. La dague de Vraitherl'Ar fait un arc de cercle de bas en haut, dans l'espoir d'achever sa trajectoire, mû par le bras puissant d'Astinor, droit dans au défaut de l'armure, à l'aisselle où l'épaulière s'attache au plastron métallique.


(((Attaque du chef humain, avec
- Dague de Vraitherl'Ar (For+ 30 - Enduite d'un poison tuant instantanément la cible blessée par l'arme (doit passer l'endurance pour toucher - 3doses, rechargeable à Vraithel'Ar)
et via la capacité : Lame furtive (assassin): L'assassin, attaquant en premier, se glisse derrière sa cible pour lui infliger une attaque meurtrière (For+1,5/lvl ). La cible ne doit pas voir venir l'attaque, ou posséder moins de la moitié en esquive SA par rapport à la maîtrise SA de l'attaquant.
)))

La réaction des garzoks ne surprit guère Therion : que l’on ne connaisse pas la compagnie Serpent était on ne pouvait plus normal, tant étaient nombreux les petits groupes diverses, nommés de façon toute aussi originale, au sein de l’armée d’Omyre. Et elle était de récente constitution. Son seul fait d’arme qui aurait pu la faire connaître s’est soldé par un échec cuisant, et donna l’occasion au liykor de se libérer. Pour mieux revenir semblerait-il.

La patrouille le conduisit sans rechigner vers le camp, et une fois de plus il put constater combien les mœurs de ces guerriers lui étaient étrangères. Tous s’empilaient, s’entassaient, vivaient comme une portée de lapins dans leur terrier. Parfois les liykors noir vivent en groupe, mais jamais dans un tel amoncellement, et jamais dans de telles proportions. Son dégoût se teintait d’une sourde colère à l’idée qu’une telle masse pouvait venir à bout de lui et des siens ; pire, les réduire en esclavage comme ce fut pour lui le cas. Sans compter les jeunes liykors qui quittaient les territoires de chasse pour se rendre vers la cité noire, de leur plein gré.

(Le Père et la Mère nous éprouvent sans doute avec eux. Un jour, nous finirons par l’emporter. Il y aura des cadavres pour nourrir tous les charognards de la terre, et toutes les bêtes qui grouillent, et les liykors noirs auront le ventre plein. Nous chasserons à nouveau.)

Parmi les garzoks, il repérait quelques autres races, qu’il n’aimait ni n’estimait, comme les humains par exemple. Ceux là lui paraissaient encore bien plus étrangers que les peaux vertes avec leur côté plus bestial. Il retint ses grognements, cacha ses crocs, et avança là où on le menait, vers le chef semblait-il.

En guise de chef, il y avait trois personnages, collés autour d’un trou comme un renard tapis près d’une taupinière, à attendre que quelque chose sorte ; du moins Therion interprétait-il ainsi la chose en voyant la cage toute proche, sans doute nécessaire à la capture d’un quelconque gibier. Mais le liykor noir n’aime pas les cages. Et ce qu’il voyait sortir du trou ne l’incitait pas à aimer la manœuvre. Son flair lui confirma ce que ses yeux commençaient à peine à voir : il devait s’agir de Celle-Qui-Se-Bat-Bien. A deux doigts d’être prise au piège.

Les chefs des armées étaient de puissants guerriers, et Therion ne se sentait pas prêt – pas encore – à affronter ces trois là. Mais il ne pouvait pas non plus laisser la trappe se refermer. Autant être naturel.

En guise de salut, il poussa un hurlement bestial, histoire d’attirer sur lui l’attention et déclara :

« Je suis Therion, survivant de la compagnie Serpent. »

~Auparavant~





En silence, la Reine et moi empruntons des chevaux et faisons route vers le camp proche de la cité. À notre arrivée, quelque chose me perturbe. La Reine a beau préciser que ce qui nous amène est urgent, je ne m'attendais pas à ce qu'un petit groupe nous escorte au cœur du camp, sans poser la moindre question. C'est presque comme si...

Nos montures nous amènent auprès d'une tente, proche de laquelle des personnes pas toutes inconnues se trouvent. Je n'ai guère le temps d'y attarder les yeux qu'un mouvement puis un souffle attirent mon attention. Mon sang se glace au spectacle auquel j'assiste. Reptilienne, gigantesque, mauve. Une créature dont seules des illustrations sommaires sont passées à portée de mes yeux se pose. Un dragon... Un dragon mauve vient d'arriver au milieu du camp.

(Zewen Tout-Puissant...)

Les rumeurs faisaient état d'un dragon à la solde de la Demie-Déesse, mais noir, pas mauve... Il y en aurait donc deux ? Plus ? Sans tout le sang-froid hérité de mon peuple, je sens que mon esprit aurait pu céder à la panique. Lutter contre des garzoks et des humanoïdes, même morts, reste à ma portée. Mais comment réagir face à un dragon ? Pire encore, la créature parle, énonçant d'une voix puissante la situation dont seule une partie m'évoque quelque chose. Une princesse disparue, des individus se baladant dans le camp et surtout... L'un des capitaines est mort, et je finis par le constater. Près d'une Astinor qui vient visiblement d'être brutalement repoussée, un orc git, inanimé.

J'ai du mal à réfléchir tant la situation me prend au dépourvu. Je m'étais attendu à toutes sortes de dirigeant, mais pas à une créature mythique. Il semble d'ailleurs connaître la panthère, car il se sert de son nom d'elfe comme si sa personne ne lui était pas étrangère. Je n'ai pas le temps de me remettre de ce constat terrible qu'un autre me frappe. Le dragon mauve n'a qu'à poser les yeux sur la Reine pour qu'aussitôt il prévienne que s'avance là Sheeala d'Argentar, dirigeante des Hommes Pâles.

(Ce... Ce n'est pas possible...)

Cette fois-ci, mon sang se fige et l'espoir qui m'anime s'amenuise. Comment ? Comment cette créature est-elle informée de cela ? Nul étranger n'est censé avoir rencontré la Reine avant moi. Aucun Homme Pâle digne de ce nom ne livrerait de telles informations. Le seul réconfort que j'ai est que si Dame Talia avait effectivement pris la place de la Reine, elle aurait été démasquée en un regard...

Plus grave encore, le reptile gigantesque s'adresse à elle comme s'il s'était attendu à ce qu'elle vienne. Ou non, d'ailleurs. Étrange... Quelque chose est illogique et me dépasse. Sans ma venue à Treeof, la Reine n'aurait sans doute jamais quitté l'abri de son château. Comment peut-il la connaître ? Et surtout savoir qu'elle venait à sa rencontre ?

Sous ma capuche, je me sens devenir anxieux. Combien de coups d'avance ont les forces d'Oaxaca sur nous ? Sur la résistance que je m'évertue à mettre en place depuis ces derniers jours ? Si ce dragon sait déjà tant de choses, qu'est-ce qui me prouve qu'il n'est pas au courant des mouvements des troupes pâles ? L'ennemi est bien plus informé et préparé que je ne l'aurais imaginé, et il me faut toute ma force d'esprit pour ne pas laisser paraitre ma stupeur. La raison du campement des troupes d'Omyre plutôt que leur assaut serait liée à cela ? La certitude ou presque que la dirigeante des Hommes Pâles allait venir d'elle-même ?

Je mets à mon tour pied à terre. Le dragon ne se présente pas, et se fait énigmatique. Il prétend que Sheeala d'Argentar n'a pas besoin de son nom pour savoir qui il est. Un mystère de plus. Mais à la réflexion, cette dernière m'avait prévenu à notre rencontre que l'armée était menée par un dragon...

Après avoir assuré à la Reine son accord pour s'entretenir avec elle, le dragon mentionne attendre que l'esclandre en cours soit réglée. Il doit faire référence à ce que je suppose être un affrontement entre Astinor et les forces armées présentes. Un humain aux cheveux clairs, un garzok et un liykor noir. Mes yeux violets se posent sur la panthère. Elle ne peut que deviner qui je suis, car, arrimé à mon épaule, se trouve le Fan Biang Chan que je l'ai laissé essayer.

Mon cœur se serre, une fois de plus.

(Dame de Lumière, venez-nous en aide...)

Si Astinor est ici, à tenter ce que je suppose être un acte désespéré, c'est qu'elle n'est sans doute pas parvenue à rallier les elfes à la cause des Pâles, et d'Aliaénon. Plus je tente d'imaginer une balance dans ce conflit, plus j'en vois un plateau pencher largement en faveur des forces sombres. Quand je devine la puissance de l'envahisseur, je suis frappé une fois de plus par le poids de mes responsabilités. C'est moi qui ai lancé ce rassemblement des Hommes Pâles, qui risquent bien d'être seuls face à la menace. Comme la Reine le craignait. Comme je le redoute à présent.

Mais tout n'est pas encore décidé ou perdu. Certes, il y a bien des choses que je ne comprends pas ou dont la perspective me fait frissonner. Mais tant que je vis, rien n'est encore joué. Je ne fuirai pas mon devoir ou les conséquences de ce que j'ai déclenché. Pour le moment, je dois veiller au bon déroulement du plan. Mais pour m'y tenir, il me faut conserver ma ligne de conduite, et ce, même si une voix intérieure s'offusque de me voir laisser Lothindil dans une telle situation.

La dague dans son élan trouve bien des chairs qu'elle déchire et perce, mais pas la peau blanche du petit chef, non, la peau verte d'un de ses capitaines. Après tout, ce n'est pas plus mal, car il s'effondre, bavant en violet. Il reste les deux armurés, Astinor se retourne vers ses adversaires, prête à se battre et à faire deux morts de plus dans cette armée, avant de semer le chaos.

Mais le grognement sourd m'est connu et ses mots résonnent en moi : Thérion.

(Qu'est-ce qu'il fout là lui ?)

Je n'ai pas le temps de me poser la question, ou de chercher une réponse, que je me prends un coup dans la gueule, au sens strict du terme. Je sens une articulation craquer et le sang envahir ma bouche, qu'Astinor crache au sol avant de s'essuyer les vibrisses. Ce Garzok a de la force, mais il en faut plus pour nous empêcher d'agir, physiquement du moins. Car couchée au sol, mon regard se fixe sur une ombre qui traverse le ciel. Je sens mes poils se hérisser sur mon dos, tandis que le capitaine du camp ordonne à mon compagnon de m'attaquer pour prouver sa loyauté.

(Et merde !)

La situation se complique, et pas à moitié, quand l'ombre du ciel se décide à se poser... Un reptile, un dragon, mauve, quel mauvais goût comme couleur, ceux de Verloa étaient bien plus beaux, et bien plus impressionnant.

(De même pour le noir.)
(Les filles, me dites pas que vous êtes blasée devant un dragon ???)
(Bah...)
(si en fait.)

Astinor se redresse et s'accroupit, prête à bondir, la viande pour brochette vient de se déplacer toute seule jusqu'à moi et ça sera un joli trophée. Je peux la sentir vibrer de tout son corps, la queue battant frénétiquement. Le chef du camp se hâte de faire les présentation après que son reptilien de chef ait brièvement résumé la situation.

D'ailleurs, sur ce coup-là, tout vient se compliquer encore quand il annonce l'arrivée de la Reine des hommes pâles.
(Oh bordel. J'peux pas la foutre en danger, je suppose ?)
(Il vaudrait mieux éviter.)
(Putain. Mais vous m'emmerdez, j'veux en faire de la brochette du lézard !)

Ah, et elle vient parlementer en plus ? Mais c'est quoi cette affaire encore ? Je pensais que les hommes pâles comptaient se battre, pas se rendre. Et moi qui ait réussi à libérer Kithra à temps pour que les elfes puissent venir aider. J'avais prévu à l'origine de trouver le dragon avant Kithra, de le tuer, de libérer la princesse, puis de retourner voir Astidentix pour lui annoncer que c'était bon, les elfes viendraient. Mais non, le dragon est venu après Kithra, et le chef des hommes pâles se pointent au même moment, alors que ce maudit reptile est toujours sur ses pattes. L'esprit d'Astinor étant braqué sur la situation, je me retrouve à bougonner à voix haute :

"Soit ce dragon est un parachronisme par rapport à mon histoire, soit elle c'est un anachronisme. Rien n'arrive comme dans mon plan."

Astinor quant à elle prépare un idée complètement dingue, et risquée. Je ne sais pas exactement quoi, mais rien que le ricanement d'Anouar m'inquiète au plus haut point. J'en reste sur le cul quand j'entends la voix plus grave et chaude de la panthère s'exprimer, à moitié grognement, à moitié feulement, mais de manière tellement détachée, comme si elle parlait à un vieil ami.

"Hey, le dragon. Te fâches pas pour nous. Je rentre dans la cage, tu causes, puis on se tape sur la tronche quand t'as fini."
D'un vaste mouvement de bras, elle indique les prisons que j'ai ouverte.

"J'voudrais pas qu'la dame soit salie ou blessée, pis elle aura du mal à t'causer quand je t'aurais changé en brochette." Avec un sourire qui fait vibrer ses moustaches et pétiller ses yeux, Astinor montre la Reine aux yeux roses.

"Si t'es pas d'accord, j'peux aussi te tuer direct, comme la peau verte."
Le sourire se change en grimace où les babines découvrent ses canines tandis qu'elle montre de la pointe du poignard elfique le cadavre encore frais au sol.

"C'comme tu veux. J'peux aussi partir et tu viens me chercher dans la forêt, pour se castagner en paix, toi et moi."

Calmement, Astinor rengaine la lame empoisonnée, portant ses mains vers les gardes de nos épées...

Therion ne put s’empêcher de grogner face à cette situation complètement insensée, qui le dépassait d’autant plus qu’il ne comprenait pas un traitre mot de ce qui se racontait. Mais le ton y était. Jusqu’à l’ordre de tuer Celle-Qui-Se-Bat-Bien, tout allait à peu près, et il espérait pouvoir donner le change, ou lui donner une chance de s’enfuir. Il avait dégainé la Lame Noire, prêt à mener la chasse à son terme, de telle sorte que les garzoks et leurs chefs ne conçoivent aucun soupçon. Une bonne ruse de prédateur. Distraire le gibier. Le laisser en confiance. Lui faire croire que la menace s’est éloignée. La seule chose dont il n’était pas assuré, c’était de la coopération de la femme-féline à la ruse, car il ne pouvait pas communiquer avec elle sans éveiller les soupçons. Même si elle comprenait sa langue, rien n’indiquait que les chefs ne la comprenaient pas aussi. Le faisan avait bien réussi à comprendre la teneur de leurs échanges. En tout cas, il comptait attendre qu’elle se soit légèrement remise du coup infligé par l’un des survivants. Si combat il devait y avoir, il devrait être digne du Père et de la Mère.

Mais de nouveaux arrivants virent bouleverser l’équilibre précaire de la situation, et reporter de quelques instants son issue. Tout d’abord un dragon immense, dans les tons mauves, vint se poser au milieu du camp. Même chez les liykors noirs circulaient des histoires sur ces créatures légendaires, et nul à Omyre n’ignorait le compagnon ailé d’Oaxaca. Pouvoir nommer la créature n’atténua cependant pas la surprise de Therion. A la vue de cette masse imposante, par instinct également, tous ses poils se hérissèrent légèrement, comme lorsqu’il rencontrait un autre mâle hostile. Rien à voir avec un aigle, un faucon ou quelque autre rapace volant : il sentait qu’il se tenait sous le regard d’un prédateur bien plus puissant et redoutable que lui, et probablement plus que n’importe qui d’autre dans ce camp. Et ce constat le stimulait et l’agaçait à la fois. D’un côté il reconnaît là l’un des plus grands défis que le Père et la Mère pouvaient mettre sur son chemin ; d’un autre côté, il se demandait s’il avait véritablement la force pour vaincre. Le sentiment de n’être qu’un lapin pour cette bête lui était particulièrement insupportable.

Après le dragon pénétrèrent dans le camp des cavaliers. Il y avait là une femme qui échangea quelques mots avec le grand reptile ; elle n’était accompagnée que par une personne. Therion se demanda de quel côté se trouvaient ces nouveaux venus, tout en considérant que la question n’avait que peu d’importance directement : sans doute aucun des habitants de ce monde n’était de son côté. Il serait contraint de suivre les pistes seul.

Surtout parce qu’il ne comprenait rien à ce qui se disait – et pour rappeler qu’il existait – Therion demanda à celui qui lui avait donné l’ordre en premier :

« Je la tue ? Ou le dragon veut pas ? »