Le poing d'Astinor vise bien, mais le lapin est rapide et parvient à éviter le coup dans son magnifique nez aquilin, pour se le prendre en pleine mâchoire. Je m'inquièterais pour sa santé s'il ne se mettait pas à hurler comme un enfant giflé par sa mère. Manifestement, Astinor a vraiment retenu sa frappe et il va juste s'en tirer avec un bleu et une articulation enflée. Il s'affole et s'emberlificote dans son vêtement en rampant en arrière tout en hurlant à ses gardes de m'arrêter. Finalement, Therion avait raison, c'était plutôt un faisan qu'un lapin. Il paradait tout fier et se retrouve désormais à criailler espérant que ça va lui sauver la vie.
(Il est taré ou quoi?) (C'est toi qui est folle ! Il a raison !) (Rho, c'tait juste un p'tit coup.) (Ca ne se fait pas entre gens civilisés, tu sais.) (Si ça c'est civilisé, suis fière d'être sauvage.)
Je ne peux m'empêcher de rire mentalement, sa manière de pensée est tellement simple et tellement rafraîchissante. Bon, c'est un rire de décharge d'inquiétude, par contre, parce que les quatre lames des samouraïs sur ma gorge n'ont rien de rassurante, mais je suis certaine qu'Astinor va nous régler le problème.
(C'pas gagné. Sont rapides et nombreux. Ceux-là ouais, mais pas les lames.)
Ceux-là en question sont les quatre gardes qui viennent de me sommer de me rendre, armes à la main. Je soupire, le conseiller a l'air encore plus pitoyable avec ses chiens de garde. Manifestement c'est ça un vrai nobliau, un être qui vit dans des tissus fins et longs sans pouvoir rien faire d'autres que parler et marcher. J'en viens à me demander s'ils savent encore manger tout seul ou si même cela est devenue trop complexes pour eux. On est bien loin de la famille royale du Naora, avec leurs Princes et Rois combattants. Pour avoir côtoyé Naémin durant quelques jours, y compris sur le champs de bataille, celui-là me dégoûte encore plus et je ne parviens pas à réprimander le geste d'Astinor, contrairement à Anouar qui la fustige vertement. Je les calme parce que, désormais entourée par deux rangs de garde, sans pouvoir me transformer sans me blesser le coup et le torse, j'aimerais suivre ce qui se passe.
Mes compagnons décident alors d'intervenir, à leur tour. Azuha s'exprime, nous parlant réellement pour la première fois. Son discours est clair, elle sait en effet parler, tant mieux, j'ai montré qu'avec cette part désormais instable de mon corps, je ne pouvais plus le faire correctement. Je songe rapidement aux paroles de Nelyslury, la prêtresse Shaakt de la tribu de Zewen. Tant que je ne parviendrais pas à contrôler Astinor, ou qu'elle le fasse, je ne provoquerais que la guerre, volontairement ou non.
Je sens Astinor qui s'énerve au niveau du discours, mais c'est quand même moi qui marmonne à sa mention sur l'honneur : "Mon peuple, je l'ai déjà sauvé."
Quant elle mentionne les batailles et la guerre, je musèle mentalement Astinor à l'air d'Anouar et me retrouve sans doute l'air con, la bouche entre-ouverte sans qu'un mot puisse en sortir. Car une chose est certaine c'est que même si elle parle à Astinor, je sais que c'est ma personnalité qu'elle vise, Lothindil et pas la panthère sanguinaire, sans savoir que je suis déjà acquise à son discours.
J'attends qu'elle ait fini pour forcer ma voix à couvrir le grondement qui parvient à émerger de la gorge de notre corps. Ainsi ce ne sont pas les mêmes parties de la gorge qu'elle emploie pour grogner et pour parler, est-ce la raison pour laquelle les animaux ne parlent pas ? "Je me bas pour Yuimen, pour lui et pour le monde auquel il a donné son nom. Je sais ce qu'est la guerre et les batailles, j'en reviens victorieuse. Tu sais parler, parles, discute, espionne même si tu t'en sens capable. Moi je sais combattre, je sais mener une guerre, je sais utiliser la magie. Chacun son domaine, pas besoin de chef, je n'obéis qu'à Yuimen."
Ce temps de paroles, bien que court s'avère très difficile, et surtout très frustrant pour Astinor qui se met à grommeler en relatant son histoire de la guerre. Elle a en ce domaine, plus d'expérience que moi, plus d'expérience que les treize, et même plus d'expérience qu'Oaxaca elle-même. Elle ne veut pas parler, elle veut juste chasser pour la gloire de Yuimen et pour son honneur perdu. Elle a vingt millénaires à rattraper et ce besoin d'action explose en nous deux. Etrangement, j'ai l'impression d'avoir ouvert une faille dans son coeur de pierre.
En fait, si Astinor n'écoutait l'humaine que d'une oreille, c'était pour saisir ce que Therion disait, mais sans y parvenir correctement. Le loup noir se tourne alors vers nous et s'adressa directement à Astinor ce coup-ci. Le discours, bien que similaire en contenu au précédent, est très différent sur la forme et celle-ci parle à l'esprit de la panthère qui lui répond simplement : "J'ai fait le serment de chasse. Nous chasserons et Oaxaca sera notre gibier s'il le faut, pour la gloire du Père et de la Mère et pour laver notre honneur."
Elle inspire un grand coup et me sort mentalement : (Emmènes-nous chasser. Ce faisan-là n'est pas pour moi.)
Je soupire, autant qu'Anouar, tandis que que je tente de trouver les mots juste : "Je pourrais vous tuer, tous, car puissante est la magie de Yuimen, mais la discorde servirait Oaxaca. Hors, je sers Yuimen. Tuez-moi, vous perdez un allié qui a beaucoup vécu. Enfermez-moi, je briserais mes chaînes. Menez-moi dehors avec le Liykor et nous combattrons la Dame noire. La jeune fille sait parler, apprenez-lui. Si là où elle doit aller c'est dangereux, nous la protégerons en chemin."
Astinor trouve quand même nécessaire d'ajouter une touche toute personnelle désignant le conseiller du menton : "Lui n'est pas mort. Dans trois jours, il aura oublié. Laver son honneur c'pas un crime. Dette payé, dette oubliée. L'a payé, l'a rien à craindre d'moi."
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Je suis aussi GM14, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha
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