Le marché est loin d’être fixe ; si les plus riches étals ont des horaires et places réservées, la plupart se contentent d’être où ils peuvent, donnant une allure de cherche au trésor au moindre achat sortant un peu de l’ordinaire. Et, quoique que vous veniez faire sur la place centrale de Tulorim, vous devrez avancer dans une foule rappelant les plus épais buisson que l’on peut trouver dans la garigue entourant la ville. Même le blason de la milice sur l’armure de Sadia ne suffit pas à fendre la foule ; celle-ci est trop occupée à surveiller sa bourse, bousculer son voisin ou insulter un marchand pour prêter attention à son voisin.
L’attitude de Sadia m’étonne d’ailleurs… J’ai du mal à voir si elle patrouille ou fait des emplettes. Ou plutôt, je suis persuadée qu’elle cherche quelque chose, son regard fouille les étals, demandant parfois un prix, inspectant un casque ; mais je ne suis pas sûre qu’il soit bien vu d’utiliser une armure de milicien juste pour aller au marché. En même temps, la milice de Tulorim n’est pas celle de Kendra Kâr. Ici, on ne voit pas d’impeccables patrouilles aux armures lustrées parcourant aux pas la ville.
Au milieu de cette place sans ombre, j’ai l’impression que la chaleur m’écrase, étouffante au milieu dans cette cohue. Le soleil m’éblouit, le bruit finit par me donner mal à la tête. Lentement, je sombre dans une sorte de torpeur, marchant simplement, sans plus penser. Quand, une vingtaine de minutes plus tard, je manque de trébucher sur un étal, j’ai l’impression de venir de me réveiller d’une trop courte nuit. Tentant de garder un fil clair dans mes pensées, je rattrape la milicienne.
« Sadia… Qu’est-ce que tu fais exactement ?
Je cherche une armure… Il en faudrait une pas trop chère, légère et souple, à la bonne taille. C’est le problème de ce marché, on y trouve de très bon article, à un prix honnête, mais on y passe des heures pour trouver ce que l’on veut.
Et pourquoi m’as-tu fait venir exactement ? Me débattre dans une foule n’est pas vraiment mon activité favorite, tu sais. »
Un instant, un homme, probablement du peuple des dunes, me bloque le passage et m’empêche de voir Sadia. Quand je la rattrape, après avoir bousculé quelques personnes, elle semble ignorer ma question, et discute prix et origine des matériaux avec un marchand, visiblement intéressée par une paire de jambière. Finalement, après une minute de palabre, entaillant ma patience, elle reprends son chemin sans rien acheter.
« Ce que tu fais ici, hein ? Je dirais que tu m’as suivi parce que tu n’as rien de mieux à faire en ville. Mais, si tu veux la raison exacte de ta présence, et bien, tu es là pour payer.»
Un instant, je reste sans voix. Je m’attendais à ce qu’elle me demande mon histoire, pourquoi pas seulement de la compagnie, en fait à peu près n’importe quelle réponse m’aurait convenu, mais s’attaquer à ma bourse est réellement déloyal. D’autant plus déloyal que je ne peux pas vraiment refuser. Enfin, tout dépend de ses achats, mais je lui suis clairement redevable. Et, surtout, plus qu’un problème moral, j’ai encore besoin de ses leçons, et je préfère éviter de me brouiller avec elle maintenant.
Et j’ai beau tourner la situation dans tous les sens, je ne vois pas comment sauver mon argent. Pestant intérieurement, je cherche Sadia des yeux. La foule nous a encore séparées. Après une petite minute passée à essayer de contourner un mastodonte portant je ne sais quoi, je la rejoins. Elle semble, hélas, avoir trouver son bonheur, à un étal à quelques mètres de là. A peine ais-je le temps de temps de jeter un coup d’œil aux marchandises tenues par le marchand, un pourpoint et des jambières de cuir, que Sadia me fait un de ses plus beau sourire, puis, s’adressant au marchand :
« Mademoiselle va payer pour moi. Combien donc pour ces deux articles ? »
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Angèlique, Repentie. [lvl 8]
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