Inscription: Dim 23 Nov 2008 20:05 Messages: 570 Localisation: Bouhen
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précédentMais les événements vont forcer ces deux là à revoir la tranquillité déjà toute relative du retour à l'auberge.
Trop occupés l'un l'autre, ni l'elfe ni le rat n'ont prit conscience du mouvement autour d'eux. Et pourtant, des troupes s'affairent dans les rues adjacentes, déferlant bientôt par vague vers la place du marché. Dans son dos, encore loin, se répand le cliquetis des armures des hommes de la garde. Devant et à coté d'elle c'est un son d'un tout autre genre qui prolifère, cris haineux, cris hargneux ou cris désespérés accompagnent une cacophonie désynchronisée de coup de bâtons sur des casseroles pour se donner le courage d'affronter des hommes armés, entrainés à combattre en groupe, à l'inverse d'eux.
Maâra sent, sans que le rat ne lui dise, qu'il est temps de presser le pas … mais même poussée par l'urgence du moment la fatigue est belle et bien là et elle n'arrive qu'à tomber à peine fait deux mètres en tentant de courir. Les premiers citoyens la contournent sans la voir mais très vite un homme s'arrête, puis un deuxième et certains ralentissent tandis que d'autres continuent vers leur objectif premier : le marché.
- S'rait pas l'ravitaillement qui s'r'amène, hé !? - Pousses-toi la gueuse, s'exclame un homme trapu en relevant Maâra par un bras.
Le cercle d'humains s'est resserré autour d'elle mais malgré la panique et la frayeur elle se met en travers du chemin du premier à avancer vers les cageots. - Non, laissez ça ! Son cri fait sursauter l'humain et sans attendre son reste elle reprend en main le chariot et fait un pas … un seul. Stoppée net par l'humain trapu ou plutôt la fourche qu'il retient à quelques centimètres de sa gorge. - Préfères tâter de ma fourche la gueuse ? J'ai dis pousses-toi.
La panique, la peur et le courage se disputent à l'intérieur de Maâra qui bien que consciente de son incapacité à retenir ces hommes ou à se défendre, elle se refuse à bouger. - Non, ce n'est pas à vous. - Et ça va l… ((Davos !)) - DAVOOOS !! Hurle alors l'elfe grise sans réfléchir, coupant net l'homme à la fourche dans sa phrase et recouvrant jusqu'aux éclats des rapaces bipèdes autour d'elle qui se bousculent les uns les autres et se battent pour faucher les plus beaux morceaux. Au loin l'homme de Talic a déjà fait demi-tour et nombreux sont ceux qui se détournent du groupe à l'évocation de son nom, mais certains tentent de partir avec de la marchandise que Maâra, oubliant la fourche sous sa gorge, se presse de reprendre. Ils sont une demi-douzaine à se battre pour la nourriture mais Maâra rattrape sacs après sacs et se retrouve debout sur le chariot à marcher sur les mains qui trainent à l'intérieur et donner des coups de bottines aux plus téméraires. Elle ne leur fait pas grand mal en réalité mais ils hésitent, reculent et tentent sans conviction de l'approcher et à l'arrivée de Davos tous semblent se souvenir d'une chose urgente à faire, un rendez-vous à ne pas rater ou une marmite sur le feu à surveiller.
Il toise Maâra d'un regard accusateur mais l'aide à descendre sans brusquerie, si bien qu'elle reste muette et se contente de se trainer derrière lui, ne sachant s'il faut lui présenter des excuses, s'il attend d'elle des explications, si elle devait seulement le suivre jusqu'à l'auberge. ((Ne sois pas si soumise tout à coup, tu n'as rien à te reprocher, tu n'as même pas perdu un seul chou)) ((Je sais, mais ce n'est pas une raison non plus pour être prétentieuse et le faire remarquer.))
Autour d'eux la foule grossit de plus en plus et même Davos, qui pousse pourtant le chariot avec une facilité qui embarrasse l'elfe grise, ne peut se contenter de marcher à son rythme. Tous les trois pas il hurle, vocifère et menace, quand il n'est pas obligé de tout poser le temps de mettre à exécution les dites menaces. Maâra est derrière lui, perdue et impuissante, et de plus en plus effrayée par les dizaines de gens qui déboulent, courent et la frôlent à chacun de ses pas. Tout va trop vite, tout est trop bruyant, les gens trop nombreux et brutaux pour quelqu'un qui a vécu toute sa vie entourée au maximum d'une dizaine de prêtre de passage et de centaines d'arbres. Lorsque Davos repart finalement en laissant derrière lui deux nez cassés et un corps évanoui, elle le suit sans un mot, la tête baissée pour ne regarder que ses pieds et les pavés … et le chou qui tombe du chariot, passe sous les pieds de Davos pour se faire éjecter quelques mètres plus loin.
- Laisse-le, lâche l'humain sans un regard en arrière en prévoyant la réaction de Maâra, continue à avancer. Mais Maâra, déjà à la rescousse du chou risque-tout, n'entend rien, ni lui ni l'appel de la Faera. A moitié à quatre pattes, elle court et le rattrape mais se rend compte de son erreur en se redressant. Le temps d'une seconde tout s'anime au ralenti. Davos qui s'éloigne en pestant, la foule hurlante qui s'avance vers elle, son cri qui reste coincé dans sa gorge resserrée par l'angoisse, ses mains lâchant l'objet de sa fin proche et celui-ci qui ricoche sur son pied et se perd à nouveau, la main qui se tend vers son bras et la face de la grosse femme aux vêtements ternes qui lui sourit de toutes ses dents jaunies. A peine a-t-elle le temps d'inspirer pour hurler et appeler à l'aide que la femme l'attrape et l'emmène, fière de voir que même les elfes se sentent touchés par cet impôt honteux et l'homme a coté qui lui tape dans le dos en lui souhaitant la bienvenue et surtout de pas se faire attraper par les gardes. ((Sors toi de là Maâra, c'est pas bon, pas bon du tout)) ((Je suis pas stupide, je vois bien que c'est pas bon))
A chaque pas en arrière, la foule l'emporte deux pas en avant, comme les vagues qui lentement charrient un tas d'algue vers la plage. La lointaine panique en voyant la foule lui passer autour lorsqu'elle était encore sous la protection de l'humain n'est plus qu'une minuscule étoile perdue dans la queue d'une comète de fin du monde. Son cœur bat si fort qu'elle tient fermement sa poitrine d'une main de peur qu'il ne se fraye un chemin de lui-même parmi la foule, ses jambes ne sont plus que de la mie de pain qu'on plonge dans l'eau, elle transpire comme une tranche de lard au dessus d'un feu et sa voix n'est plus que murmure, si proche du pleur qu'elle n'ose même plus ouvrir la bouche. Les hommes et femmes se transforment sous ses yeux en de monstrueuses formes sombres et flasques qui ouvrent leurs énormes bouches pour l'engloutir, elle et sa folie naissante. Les mots des gens autour ne sont plus que grincements lugubres et crissements suraigües qui résonnent dans sa tête au point de les sentir se propager sous la peau de son visage. Elle hurle à en pleurer mais aucun son ni aucune larme ne sortent, elle bat des bras et pousse le sol pour avancer à contre courant mais ne fait que s'éloigner toujours plus de l'ombre de Davos. Et personne autour ne se rend compte de rien, les humains continuent à avancer avec fermeté contre les gardes, ne voyant en elle qu'un renfort de plus, qu'un des leurs dont ils ne s'occupent pas. Mais plus la foule approche du centre du marché plus elle devient dense, ce qui n'a été jusque là que des empoignades se voulant amicales et motivantes se transforment en coups et heurts involontaires mais brutaux qui suffisent pourtant à mettre Maâra dans cet état étrange, dérangeant et morbide.
Aux crissements, visions et folie se rajoute la douleur de chaque coup de poing et de pied qu'elle reçoit malgré eux, suivit de cette sensation écœurante de plaisir qui s'insinue en elle comme un poison sucré prêt à la dévorer goulument de l'intérieur. ((Maâra!)) Cette voix !! Elle la connait, elle la sent, hésitante, effrayée mais protectrice et encourageante. Devenue presque aveugle au monde autour et pendant que son corps est balloté, entrainé par la foule, elle s'accroche à la voix … et à cette autre source. Il y a autre chose plus profondément en elle, comme une vie, une présence familière et puissante qu'elle sent se mêler aux frissons de délice immondes qui déchirent son être par vague, elle les enveloppent mais ne les combat pas … pourquoi !? Elle sent les fluides sombres prendre vie, prendre leur place, elle sent leur ténébreuse froideur la réchauffer et la rassurer mais pourquoi ne la délivrent-ils pas de cette horreur !! ((Maâra, laisse faire ta magie, elle te montre le chemin)) Le petit rat se bat contre sa propre stupeur pour encourager sa nouvelle maitresse à se protéger d'elle-même contre la violence involontaire d'une foule compacte qui court et se rue vers un combat déséquilibré et presque perdu d'avance. ((Suis ton instinct, ta magie, laisse-toi guider et trouve le chemin … aie confiance)) lui hurle-t-il avec tout l'amour dont il est capable.
Maâra plonge à l'intérieur de son corps, traverse sa peau, nage sur les flots sanglants de ses veines et prend peu à peu le contrôle de ses fluides sombres. Ils se débattent lorsqu'elle se trompe de chemin et tente de fuir avec eux au lieu de se servir d'eux comme d'un bouclier, ils se font esclaves de leur maitresse lorsque s'éveille en elle la force de les modeler pour se renforcer et avancer envers et contre tout. Se protéger. Elle prend possession de tout son corps avec ses fluides, chaque centimètre de peau lui est comme palpable de l'intérieur. Elle durcit les fluides, les rend plus solides que du fer et les transforme en une armure, comme celle des chevaliers. Une seconde peau plus dure grâce à qui elle va pouvoir non pas devenir insensible aux coups mais empêcher le plaisir de profaner ses sens. Car pour Maâra, c'est lui son ennemi, lui la cible de sa protection … malgré l'insistance de ses fluides à vouloir s'associer aux frissons qui l'agressent à chaque coup reçut.
Se sentir enfin libre lui redonne courage et assurance, assez en tout cas pour entrevoir la réalité sous une autre forme que l'angoisse pure malgré l'oppression d'un aussi grand nombre de gens autour d'elle. Elle se force à ralentir, à se retourner et traverser la foule de part en part pour rejoindre les murs et une fois là bas, en sécurité, elle retournerait à l'auberge par ses propres moyens.
C'est beau l'espoir …
Trois, quatre, cinq pas de faits et elle se sent tellement sûre d'elle qu'elle tente de forcer le passage entre deux hommes en train de se battre pour une lance en bois pointue. Mais à peine a-t-elle poussé l'un d'eux d'une épaule qu'il se braque et se retourne brusquement, coude en avant qu'elle reçoit en plein dans la mâchoire … et pendant une seconde elle sourit, un sourire triomphant car elle ne sent rien de plus que le sang dans sa bouche … jusqu'à ce que derrière ses yeux un voile rouge inonde sa vue et que le plaisir transforme son sourire triomphant en rictus de pur bonheur. Un cri déchirant explose alors de sa gorge et fait fuir les deux hommes, tandis que la colère de son hurlement se transmet autour d'elle comme un écho, reprit par les citoyens revivifiés par ce cri de guerre.
((Ca fait parti de toi, plus tu vas le combattre et plus tu vas te perdre)) ((Mais …)) commence-t-elle au bord des larmes ((Pas le temps d'expliquer, pas le temps des mais … sauve-toi d'abord))
La colère, l'angoisse, la frustration et la douleur se disputent maintenant une place en elle, et de tout cela nait une détresse rarement ressentie par l'elfe grise. Elle est sur le point d'implorer son Dieu de lui venir en aide lorsqu'elle sent les fluides sombres l'entourer à nouveau, lui insuffler leur force et la source de leur influence, le sens de Son pouvoir. Sans vraiment l'accepter pleinement, elle laisse ses fluides s'incorporer la puissance du plaisir immonde qu'elle refoule sans cesse et ressent soudain comme un soulagement, une facilité nouvelle à manipuler les fluides. Elle trouve le chemin qu'elle a manqué quelques minutes avant et se faufile parmi les fluides sombres pour les guider plus en avant et cette fois, elle se sent complète. Prise dans la foule, les coups de coudes, de pieds inévitables se propagent en elle et la douleur devient plaisir, le plaisir est accepté au lieu d'être bannit et son pouvoir grandit, son bouclier prend forme, ses os deviennent plus fort et peu à peu elle ressent moins les coups et s'éveille, reprend le contrôle, retrouve son sang-froid et se redresse.
Mais quand tout à coup, le mouvement cesse et le bruit s'estompe, ses yeux s'ouvrent sur une rangée de gardes en armure d'acier et casque fermé pour la plupart et d'armure en cuir bouilli bardée de plaque de fer pour les autres. suivant
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