Le métier de forgeron recouvrait bien des facettes. Certes, notre barbu s’intéressait principalement à l’art du façonnement d’armes et autres armures. Mais celui-ci c'était bien entendu exercé aux aspects beaucoup moins attrayants mais tout aussi utiles tel que les socs de charrues ou divers lames nécessaires aux agriculteurs, ou encore les ferrures de portes, clous et autres fers à cheval. En général, les artisans se spécialisaient mais visiblement ce Larzuk possédait de nombreuses compétences qui lui permettaient sans nul doute d’être un pilier essentiel au fonctionnement de la cité.
Une fois le tour du propriétaire effectué, l’homme lui expliqua ce qu’il attendait de notre nain. Celui-ci désirait avoir deux boucliers, un de forme circulaire et un rectangulaire, et deux épées courtes. Les clients étaient bien les deux elfes que notre aventurier avait aperçu un peu plus tôt. Le rôle de notre barbu fut bien vite déterminé. Ne maîtrisant pas les armoiries de la forge, il ne devait s’occuper que de la moulure et de la mise en forme du bouclier. Seules les finitions seront ensuite assurées par Larzuk. En effet, celui-ci semblait avoir bien du travail de son côté. L’autonomie était donc le maître mot de cette semaine.
Après quelques échanges concernant les outils, l’organisation des journées et la répartition de son jour de repos, l’homme disparut dans son atelier et laissa seul notre rôdeur quelque peu hébété par temps de disposition. Tentant de reprendre ses esprits, Touhor se posa quelque secondes. Il observa soigneusement l’atelier afin de repérer les éventuels éléments nécessaires à la confection de diverses pièces. C’est alors qu’il laissa échapper un léger soupire.
« Quant- il faut y’aller…. »Il décida de débuter par la confection de la targe. Larzuk lui avait laissé plusieurs libertés concernant sa confection, seuls certains impératifs étaient à respecter. Plusieurs informations étaient à prendre en compte. Tout d’abord le choix du matériau. Visiblement, il s’agissait de guerrier désireux d’avoir une pièce solide. Le précédant apprenti avait fait le choix du bois, mais cela n’avait en rien contenté les commanditaires. Il s’agissait pourtant d’un choix judicieux lorsque celui-ci était renforcé par divers métaux. Néanmoins le bois se faisait rare dans les montagnes et notre nain n‘en avait manié que très rarement dans sa jeunesse.
C’est pourquoi notre nain s’orienta vers le fer. La dépense engagée restait abordable, le but étant de garder une marge de bénéfice assez importante pour compenser les heures de travail. De plus, il s’agissait d’un métal facile à manier. Notre nain ne se risquait donc pas dans un projet trop ambitieux.
S’emparant d’un bout de papier ainsi que d’un crayon, notre barbu griffonna une esquisse de son projet. Il le représenta lisse en plaçant une tète de lion, symbole du forgeron Larzuk, en plein centre. Il n’y plaça pas énormément de détails, préférant se laisser l’opportunité d’y réfléchir ultérieurement. Seuls quelques éléments en bronze furent notés. A vrai dire, il faut dire que son nouvel employeur désirait s’acquitter de cette tache. Mais notre aventurier avait accepter cette requête pour démontrer son talent. Il comptait donc s’acquitter de cette tâche avec quelques souplesses.
Concernant les dimensions, notre rôdeur opta pour un diamètre de 60 cm. En effet, bien qu’il soit destiné à un elfe, la targe restait un petit bouclier qui se tenait à la main ou directement fixé sur l’avant bras. En général, elle était utilisée dans les combats rapprochés, ou au corps à corps, comme moyen de protection et d'intimidation. Souvent associée à l'épée courte, ce bouclier restait petit, léger et sans encombre pour l'attaque, ce qui lui donnait toute sa qualité lors des affrontements. Sa forme ronde laissait ainsi libre cours au mouvement de l'arme tout en déviant facilement les coups. Certains s’en servaient même comme une arme offensive si l'occasion se présentait.
Une fois le projet en tête, Touhor s’attela à la tâche de manière méthodique. Il commença par raviver le foyer en rallumant le charbon de bois puis alla chercher une plaque de fer dans l’arrière boutique. L'outillage de base du forgeron se compose du soufflet, d'un marteau, d'une pince et d'un tas. Une fois le tout réunit, notre aventurier débuta son ouvrage. Le travail du fer était assez basique et répétitif. Notre aventurier se mit à réchauffer le métal afin de le ramollir. Cette étape paraissait simple mais elle nécessitait une vigilance accrue. En effet, le fer devait être assez chaud pour permettre à notre rôdeur de le façonner, mais il ne devait pas l'être trop sous peine de le détériorer. Or, pour la confection de la targe, la masse de fer était tout de même assez conséquente. Notre nain avait de ce fait confectionner un foyer important ce qui rendait la tâche quelque peu plus difficile.
Une fois la pièce de métal prête, il entreprit sa besogne. Il la positionna au dessus de la salière et débuta l'emboutissage. En effet, cet outil de forme conique possédait une partie creuse en forme de calotte sphérique. Touhor pût par conséquent donner une forme arrondie à la partie chauffée. Néanmoins cette phase était assez lente et laborieuse. Afin de vérifier son travail, notre forgeron plongeait parfois la pièce dans le bac à eau ou la laissait refroidir doucement sur le bac à sable afin de supprimer les tensions dues au forgeage. Et il faut avouer que notre aventurier n'était pas contre quelques poses. Les frappes répétées avec le marteau à boule n'était plus dans son habitude. Il se serait bien servi du « marteau hydraulique » mais l’embout ne convenait pas à ce type de labeur. Mais peu à peu, son corps s'adapta et reprit ses vielles habitudes.
Notre nain termina la mise en forme du premier bouclier dés la première journée. Il continua ensuite en débutant la confection du deuxième bouclier. L’avantage de ce type d'ouvrage était le fait qu'il pouvait utiliser le marteau mécanique. Malgré l’ampleur plus conséquente de cette besogne, celle-ci fut également rapidement achevée.
Lors du troisième jour, Touhor prit la décision de terminer la confection des deux boucliers. Pour cela il entreprit le forage de plusieurs trous afin d'y implanter les fixations des hanses mais également des divers décorations comme le lion confectionné par Larzuk sur le bouclier circulaire ou une demi sphère au centre du deuxième. Pour l'emblème de la forge, notre nain prit la décision d'y implanter plusieurs petites têtes afin de dessiner les contours du bouclier. Il n'était pas obliger de réaliser les écussons de manière visible. Un simple poinçon au dos aurait pu suffire. Mais comme les elfes n'avaient aucune demande en terme d’armoiries, notre rôdeur en profita pour laisser s'exprimer son inspiration. Bien entendu, les décorations fines furent réaliser par le maître de ces lieux, mais cela ne le gêna pas. Il traça également quelques cavités au burin afin de donner un peu de relief à son œuvre. De ce fait, malgré la forme et les choix de décoration différents, les deux pièces d'armures s'accordaient parfaitement.
C'est donc au bout de quatre jours, à la veille de son jour de repos accordé par Larzuk, que notre nain termina les deux premières pièces commandées.
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