Une elfette dans le vaste monde.Oëdline, assise dans le fond de sa grotte humide, retourne entre ses doigts la petite pierre rouge qui lui avait été remise par une vieille elfe étrange lorsqu'elle était partie de sa tribu. L'enfant n'a absolument aucune idée de l'utilisation de ce caillou qui n'est même pas joli. Dehors, le bruit des vagues est rassurant, mais sa famille lui manque. Qu'importe! Ils l'ont chassée!
Elle ne sait pas où elle est et elle a faim. Elle était bien parvenu à attraper quelques poissons dans l'eau bordant son refuge les jours précédant mais ceux-ci étaient rachitiques et malades. L'eau est empoisonnée par le port non loin de là et des amas de détritus viennent s'échouer à ses pieds. Il fallait qu'elle trouve à manger.
Oëdline cache la pierre rouge dans son petit sac, au côté d'une cape elfique de première qualité qui constituait son seul bien. Sa mère lui avait aussi donné une bourse avec quelques petites piécettes. La petite fille se met debout, étire ses muscles ankylosés par l'humidité de l'endroit, et se prépare à affronter la ville. Le port lui semblait un bon endroit pour commencer car elle avait grandi au milieu des bateaux, bien que ceux qu'elle apercevait là étaient immenses.
Pour le rejoindre, elle devrait cependant évoluer sur des rochers battus pas les vagues et escalader la digue branlante qui maintenait les eaux du port dans une relative tranquillité. Elle avançe prudemment ses pieds nus sur les rochers rendus glissants par les algues, le vent ébouriffant ses longs cheveux. Elle s'arrête quelques instants pour respirer les embruns salés qu'elle aimait d'habitude par dessus tout lorsqu'ils venaient rafraichir son visage. Mais ici, leur odeur est fétide et les poisons déversés dans le port piquent sa peau.
La petite elfe fait un pas, puis deux. Elle entend à présent les cris des hommes entre les rafales.
(Surement des capitaines qui affrètent leurs navires)Plus que la digue à escalader et elle foulera le sol du port. Les pierres sont branlantes et dérapent. Oëdline manque plusieurs fois de tomber en arrière et elle s'écorche à plusieurs endroits.
Enfin la terre ferme. Où plutôt la boue avec quelques planches par endroit afin d'aider au chargement des bateaux. L'enfant leva la tête vers le haut des mâts. Les voiles rapiécées et mal attachées claquent au dessus des têtes des matelots qui courent en tous sens. Ceux qui ont été envoyés dans les gréements risquent la chute mortelle à chacune de leurs acrobaties dans les cordages.
"
- Pousse toi de là gamine!- T'as rien à faire ici! dégage! "
La petite est bousculée en tous sens par des hommes chargés courant vers la ville. Elle se retrouve bientôt le derrière dans un tas de poubelles sans comprendre ce qui lui arrive.
(Pourquoi tout le monde va si vite ici?)Il n'y a que des hommes sur le port, des humains majoritairement. L'elfe promène ses grands yeux autour d'elle mais n'aperçoit aucun sourire. Tout le monde est effrayant.
Elle se remet sur ses pieds afin de s'éloigner des navires. Le sol s'enfonce sous elle et malgré sa petite taille elle laisse ses empruntes dans la boue noire des quais. Quelques marches d'escaliers en bois pourris plus tard, elle trouve des étals de fruits. Des pommes et des bananes voisinent avec des caisses d'objets en métal et de poudre. Comme son ventre gargouille à nouveau, Oëdline tend la main vers une pomme qui semble en piteux état. Elle allait la porter à sa bouche lorsqu'une grosse main puissante lui saisit le bras:
"
- qu'est-ce que tu fais sale mioche? Tu allais voler ma pomme?"
L'homme qui l'invective est une montagne de muscles. Barbu, son visage est couvert de cicatrices et ses cheveux, retenus pas un bandeau, n'ont pas vu la moindre goutte d'eau depuis bien longtemps.
"
- Vous me faites mal!- Tant mieux! Alors cette pomme?- Je... J'avais faim monsieur. Lâchez-moi s'il-vous plait.- Tu vas pas t'en tirer comme ça gamine!"
Un deuxième monstre, aussi inquiétant que le premier, s'approche alors:
"
- Et qu'est-ce que tu veux en faire? Tu l'as regardée? Personne ne voudra d'elle dans la rue! Même au marché noir on n'en voudra pas!"
Il tord la main de la fillette et ajoute:
"
- Non mais c'est quoi ce truc? Elle a des palmes entre les doigts!- On ne vas pas l'emmener au chef mais on pourrait s'en servir...- Non non non! Je ne touche pas à ça moi!- Je ne parlais pas du dessous de ta ceinture imbécile!"
Sa gigantesque main retient toujours le bras d'Oëdline qui tremble comme une feuille en tentant de retenir ses larmes. Elle n'a aucune idée de qui peuvent bien être ces hommes et de ce qu'elle a pu faire de mal. Dans son village lorsqu'elle voulait quelque chose, elle le prenait. La douleur lancinante se transforme en éclairs derrière ses yeux et elle ferais n'importe quoi pour s'échapper de cet endroit. Elle sent alors d'autres doigts calleux attraper son visage pour la forcer à regarder en direction des enceintes de la ville.
"
- Si tu veux cette pomme, tu vas devoir faire quelque chose pour nous. De toute façon, si tu ne le fais pas, nous te retrouverons et le chef sera certainement beaucoup moins complaisant avec toi... Bref, regarde derrière les murs. Tu vois cette maison avec le toit bizarre? L'homme qui habite là a quelque chose qui est à nous. Rentre sans te faire voir, débrouille toi pour trouver un coffret en ivoire et reviens me l'apporter.- Ou... oui."
Suite