|
Arrivé au Temple des Plaisirs, je descends de Lune, et je confie l’animal à l’un des gardes, qui me salue révérencieusement. Je ne suis pas habitué à de telles considérations de mon être, mais tire une certaine satisfaction d’être ainsi reconnu comme membre renommé d’une caste, d’un groupement. Je me saisis alors du corps inerte d’Oryash, alors que le garde emmène nos deux chevaux boire à une auge, non loin de l’entrée du bâtiment.
La Phalange dans les bras, je pénètre l’édifice, heureux, finalement, de le retrouver. La dernière fois que je l’ai quitté, mon cœur était rongé de colère, de rancœur. Conséquence néfaste de la malédiction qui pesait sur mon arme, et qui désormais est partie, grâce à l’intervention judicieuse de la prêtresse de la Rose, dans les Duchés. Aussitôt dans le Temple, j’aperçois Pulinn qui vient à ma rencontre, un peu paniquée de me voir ainsi parée d’un corps immobile. Je ne peux que remarquer l’élégance langoureuse qu’elle fait preuve, une fois de plus, dans sa manière de se vêtir et d’avancer. Une démarche chaloupée, souple et suggestive, enveloppée dans une petite robe légère, blanche semblant faite de tissus nuageux et évanescent, et laissant entrevoir ses cuisses galbées et la naissance de sa poitrine généreuse.
Me ravisant de regarder avec insistance un spectacle aussi déroutant, lorsqu’elle arrive à portée de voix, je lui affirme :
« Elle va bien. Enfin… elle est vive, du moins. Il lui faut du repos, je crois. »
Aussitôt, la Dame Blanche fait appel à toute une clique de laquais, qui viennent s’emparer du corps pour l’allonger sur une couche, à l’intérieur d’une alcôve, afin de prendre soin d’elle. Je la sais en sécurité, ici. Et entre de bonnes mains.
« Nous nous chargerons d’elle. Tu t’es rendu au Clan ? Que s’y est-il passé ? »
Ses lèvres dorées se closent sur cette question, et je ne résiste que durement à l’envie de l’embrasser, de me laisser aller à cette folie que je ne me suis pas permise avec elle. Mais je tiens bon, et je me contente d’esquisser un sourire, avant de lui prendre le bras pour l’entraîner vers un des strapontins recouverts de velours.
« Nous serons mieux assis, pour discuter. »
Elle acquiesce, et s’assoit élégamment, alors que je prends place à ses côtés, aussi dignement que possible. Son regard laiteux se pose sur moi, et je sais que je peux alors lui narrer le compte-rendu de mon expédition dans les Duchés. Mais avant de commencer, je préfère préciser une chose qui me tient à cœur :
« Je suis… désolé du comportement que j’ai eu envers toi, lors de ma dernière visite. Je n’avais pas à te parler comme je l’ai fait, et je le regrette… Je n’arrivais pas à contrôler la colère en moi. »
Elle pose une main sur mes lèvres, avec un sourire que je perçois comme étant compatissant.
« Ne t’inquiète pas, je sais à quoi cette colère était due, et je ne te tiens pas rigueur de ton comportement. Aucunement. »
Son ton, autant que son sourire, parait sincère. Pleinement, en confiance, je me lance alors dans le rapport de ma mission.
« Après quelques recherches à Akinos, je me suis retrouvé au Clan, où j’ai été accueilli par la prêtresse de la Rose. Elle n’a pas tardé pour désenvouter la lame que je porte, via une épreuve qui m’a… un peu tourneboulé. Elle m’a forcé à aller au bout de moi-même pour me débarrasser de malédiction de l’arme. Suite à ça, je ne me souviens pas de grand-chose, jusqu’à ce que Salymïa et Oryash se présentent au Clan. J’étais guéri, mais encore faible, et Salymïa m’a aidé à reprendre des forces… »
Et de bien diverses manières… Mais je tais cette information à Pulinn, qui ne doit en aucun cas le savoir.
« Mais le lendemain, une attaque a été dirigée contre le Clan. Une attaque n’ayant d’autre but que d’attenter à mes jours, et dont le prédicateur n’est autre que Rewolf Grantier. Il semble m’avoir sous-estimé, car avec l’aide de l’elfe, de l’humaine et de Carmin, un petit mage de feu que tu m’as envoyé également, nous les avons vaincus sans mal. Je n’ai hélas pas pu tirer la moindre information du chef de cette attaque, que j’ai libérer pour qu’il aille porter un message à son maître. »
Pulinn cille, inquiète par mon agissement. Je ne lui laisse pas le temps de répondre.
« Grantier est de toute manière au courant de ma prochaine expédition. Mais il ne l’attend peut-être pas aussi rapidement. C’est pourquoi nous devons quitter Kendra Kâr au plus vite, dès demain. Mais pour ça, je dois savoir où me rendre… »
« Lysis te mènera. Quelques amants te rejoindront encore dans ta quête, Cromax. Afin de t’assurer un maximum de chances de réussite. Ils seront présents ici, ce soir. »
(Lysis ? Tu sais où se situe la planque de Rewolf Grantier ?)
(Voui !)
(Mais… pourquoi ne me l’as-tu pas dit plus tôt ?)
(Parce que tu ne me l’avais pas demandé ?)
Bam. Réponse flagrante par son évidence. Je reste cloué sur place, un moment, avant de me reprendre.
« Bien. Je serai présent ce soir également. En attendant, je dois faire quelques préparatifs pour le voyage… »
« Va, et ne te soucie plus de tout ça avant ce soir. »
Je lui souris, et dépose un baiser sur sa douce joue. Finalement, je n’ai pas cédé à la folie de l’embrasser pleinement. Et la Dame me regarde quitter le temple avec un sourire indescriptible sur les lèvres, une main délicatement posée à l’endroit de mon baiser.
_________________
|