L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 1 Déc 2013 16:13 
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L’hiver est une saison propice à la chasse, mais surtout à la trappe. L’un et l’autres vont pour moi de paire, car le soin que j’apporte dans la manière dont je tue les bêtes ne relève pas seulement d’un souci de préserver les peaux : il est également nécessaire que l’animal ne souffre pas d’une agonie trop longue, que sa mort soit aussi rapide et digne que faire se peut. Ces vieux principes pourraient faire rire certains, mais ils ne sont pas sans fondement. Bûcherons et chasseurs vivent au contact permanent de la nature, surtout ceux qui comme moi ne quittent pas les pentes boisées des montagnes. Ma vie est entre les mains de Yuimen : Il peut me priver de gibier, Il peut faire fondre sur mois les plus dangereux prédateurs, Il peut me châtier de mon impertinence. Voilà pourquoi je ne chasse jamais plus que ce qui m’est nécessaire pour subvenir à mes besoins, voilà pourquoi j’épargne la femelle grosse, voilà pourquoi je laisse s’enfuir les petits, voilà pourquoi j’offre une prière à chaque bête dont j’ôte la vie. J’ignore si le Dieu prête attention à ces humbles marques de piété, toujours est-il que pour moi elles font sens.

Lorsque la neige blanchit les forêts, bien des animaux sont déjà prêts à évoluer dans cet environnement. Leur pelage est plus épais, et pour beaucoup il change de couleur. Il y a de la demande pour tous types de peau, mais les fourrures blanches restent les plus demandées. Ratissa, sarinsa, irdak, lynx, renards, bien des animaux revêtent un manteau qui les rend plus discret sur le couvert neigeux, plus précieux également. Mon arc à la main, cordé pour l’occasion, ma nouvelle épée au côté pour me familiarise à son encombrement, à son poids – je n’ai pas pour autant délaissé mon coutelas pour les tâches les plus triviales – je fais la tournée des pièges que j’ai posé dans les lieux de la forêt où, dans mes premières explorations, j’ai trouvé des traces de passages réguliers de certains des animaux que je recherche. J’espère au moins attraper aujourd’hui un irdak, peut-être deux, grâce aux appâts de viande laissés près des collets. Pour les sarinsas ou les Ratissas je devrai descendre plus bas, presque dans les plaines, pour pouvoir espérer en trouver quelques spécimens.

Mes bottes s’enfoncent avec des crissements dans le couvert blanc, laissant des traces profondes que l’on pourrait suivre sans peine, mais je ne m’inquiète guère d’être pisté : je prends mes précautions, et qui voudrait s’en prendre à un humble trappeur ? De toute manière les nuages sombres qui s’amoncellent au dessus des cimes nues, bas et menaçants, promettent pour les heures à venir des chutes de neiges suffisantes pour effacer toute marque de mon passage, mais également les indices de l’existence de gibier dans la région que j’explore. Je dois me hâter.



* * *




Yuimen a été clément avec moi : deux irdaks mâles se trouvaient pris dans mes collets, des spécimens encore jeunes, une superbe fourrure qui devait leur attirer les faveurs de toutes les femelles à la saison des amours. Cette chasse abondante signifie aussi qu’il me faudra aller bien plus loin au cours de l’hiver pour poser mes pièges : les irdaks sont des animaux sédentaires, qui vivent et chasse sur leur territoire et à l’occasion y meurent, de trop lourdes ponctions sur la population finirait par menacer l’équilibre de l’espèce dans l’espace où je chasse. Bien entendu des spécimens à la recherche d’un territoire vierge viendraient s’installer à la place de ceux tombés sous ma lame, mais cela prendrait du temps et je ne peux pas me permettre d’attendre des années. Le nombre de peaux que je cherche à me procurer ne m’incite pas à la prédation à outrance, je peux me permettre de faire des kilomètres supplémentaires pour trouver quelques autres proies, puis arrêter là ma collecte pour l’hiver.
Une partie de la viande des animaux rejoint une jarre en terre cuite dans le cellier improvisé à l’extérieur de ma cabane, les abats et les os sur lesquels il me faudrait trop longtemps gratter la chair attend ma prochaine expédition dans un sac de cuir prévu à cet effet : ce que je ne mange pas, ce qui ne me sert pas pour mes pièges, je le répands dans la nature. J’ai connu la faim et me sens plus proche de toutes ces bêtes qui survivent au jour le jour que des hommes dans les villages et les cités. Pourtant, c’est de là que je deviens… J’aurais tant changé… ?


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 1 Déc 2013 17:48 
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Les premières peaux de l’hiver roulées, bien accrochées à mon sac, les panneaux de bois solidement fixés sur les ouvertures de ma cabane, le cellier scellé pour prévenir l’intrusion de tout voleur à quatre pattes, arc dans son étui de peau, épée au côté, je me suis mis en marche pour me rendre à Alkil. J’aurais pu attendre encore longtemps avant d’entreprendre ce voyage, peut-être même le printemps, puisque je ne manquais de rien. Cependant mes rêves étaient hantés par une vision récurrente.

Alors que je marchais sur un chemin de terre, conscient que ma destination se trouvait à l’ouest du fait de la course du soleil au dessus de ma tête, j’entends des supplications. Autour de moi il n’y a qu’une immense plaine vide de vie et de végétation, couverte de cendres. Pourtant, quelque part au fond de moi, je sens que l’endroit où je me rends est bien plus clément. Mais au fur et à mesure que j’avance, je me rends compte que ma destination ne se rapproche pas, bien au contraire, que je ne peux pas rentrer, qu’il me manque quelque chose. Au loin j’aperçois une silhouette qui comme moi suit cette route, vêtue me semble-t-il comme un homme des bois, une hache brillant de mille feux sur l’épaule, chantant une ritournelle de travail qu’il me semble connaître. Usé par la solitude, j’accélère, j’accélère, je presse le pas à en avoir les poumons qui brûlent, les jambes qui se tétanisent, le sang qui me bat aux tempes. Je me rends compte que l’homme est grand, puissant, couronné d’un casque ancien taché de sang, tout comme le bouclier sanglé dans son dos. En entendant mes pas il se retourne, me sourit et me hèle. Je ne comprends pas les mots qu’il emploie, à dire vrai je ne sais même pas si je l’entends, mais je réalise qu’il n’y a qu’avec lui que je pourrai arriver à bon port, car il connaît la route, il m’accompagnera et me servira de caution, grâce à lui je ne serai plus un proscrit sur cette plaine désertique, il étendra sur moi sa bienveillance et me fera bénéficier de l’hospitalité auquel il a droit partout en son pays. Je crois connaître son nom, il plane quelque part aux lisières de ma conscience et lorsque je m’en souviens enfin, je m’éveille.

Mes souvenirs sont déjà un fardeau suffisant pour que je n’aie pas à supporter en sus des visions incompréhensibles, des rêves récurrents, je ne sais quel fantôme qui juge bon de me hanter. Quatre ont déjà ce douteux privilège, pourquoi cet étranger vient-il y prétendre également ? Je ne suis pas stupide, je perçois l’influence pernicieuse des insinuations de Grutgont, du récit du vieux Molo, des légendes qui ont bercé mon enfance…

« Quelle misère ! Voilà que je me mets à rêver comme un gamin ! Rana, Rana, Déesse de mes pères, Toi qui es source de toute sagesse, aide moi à retrouver la raison, je T’en supplie ! N’ai-je pas déjà assez expié pour mes fautes ? L’exil n’est-il pas un châtiment à la hauteur du sang qui a souillé mes mains ? Pourquoi toujours cette vision ? Pourquoi cet homme ? Est-ce Aaron ? Mais ce n’est qu’une légende, un sujet de chanson pour les bardes, une idée farfelue de deux vieux Sinaris ! POURQUOI ? POURQUOI ? »

J’avais beau hurler mes questions dans la solitude de ma cabane, personne ne me répondait. M’emporter et tempêter ne menait nulle part, je me rendais compte de l’absurdité de ma réaction et comprenait par là même quel piètre fidèle de Rana je faisais : où était l’once de sagesse dissimulée en chacun de nous alors que je me comportais comme une bête dans sa cage, éprouvant les barreaux de ses crocs, quitte à les briser, à se blesser, pour finalement se laisser mourir. Si Grutgont a volontairement instillé cette idée absurde dans mon esprit, aidé par Molo qui n’était pas conscient de son rôle et, mieux encore, m’avait mis en garde contre les propos versatiles de son vieil ami, le meilleur moyen de m’en débarrasser est peut-être de m’engager sur le chemin qu’ils avaient tracé pour moi afin de mieux comprendre où il était censé me mener, et ainsi mieux m’en détourner.

C’est sur ce raisonnement que j’ai appuyé ma décision de me rendre à Alkil, espérant y trouver quelques renseignements du même tonneau que ceux fournis par le vieux Molo. Les nuits sont longues lorsque l’hiver vient, les distractions peu nombreuses : voilà qui aiguise la mémoire des rudes villageois, qui se souviennent d’histoires transmises de générations en générations au coin du feu, cette collection leur permettant de conjurer l’ennui. Et même s’ils ne savaient rien, ils pourraient au moins orienter mes recherches.

(Trouver un mort ! Ah ! C’est le meunier qui a raison, il n’y a pas mieux pour se cacher que d’être mort, anonyme, au fond d’une forêt ou d’une crevasse ! Je dois être fou ! Ou stupide ! Mais mieux vaut chercher et avoir un sommeil paisible que d’être harcelé jusqu’à la folie en restant immobile chez soi.)



* * *




Quelle invention est plus utile au forestier que les raquettes quand la neige est assez haute pour dépasser ses bottes et freiner ses mouvements. Le pas est moins léger pour l’individu équipé de ces accessoires, l’allure moins rapide que celle d’un marcheur sur terrain nu. Mais la forêt n’est pas un terrain nu en hiver, surtout lorsque celui-ci est rude, et il est bien plus pénible d’avancer en luttant contre l’amoncellement de flocons qui devient vite aussi compact qu’un banc de sable, de se tracer un sillon en écartant à chaque enjambée, que de se faire à la démarche empreinte imposée par l’assemblage de bois et de sangles entrecroisées.

Les troncs sont curieusement sombres, se détachent sur la blancheur du paysage, me donnant l’impression d’avancer dans un paysage de mort. Fort heureusement les sapins rappellent que tout n’est pas perdu, que la vie se tapit quelque part, dort en attendant des rayons de soleil plus chauds, des jours plus longs, une terre que le gel ne rend pas plus dure que la pierre pour étendre ses racines. J’aperçois ça et là, également, des empreintes d’oiseaux, de petits prédateurs, la marque caractéristique d’une queue ayant balayé un sillage et presque effacé les traces de coussinets. Je note dans ma mémoire toutes ces informations, ignorant si j’en aurai un jour l’usage mais partant du principe que dans un monde où la survie est le maître mot, négliger un renseignement relève d’une folie que je ne peux pas me permettre.

Une écharpe de laine entoure mon cou et constitue une barrière entre le vent glacé et mon visage, seuls mes yeux subissent l’assaut du froid, coincés qu’ils sont entre le tissu qui dissimule la moitié de mon visage et la capuche qui couvre intégralement ma chevelure et mon front. A la prochaine halte, alors que je retirerai mes gants pour défaire les lanières de mon pantalon de cuir et de mes braies de laine sous celui-ci, afin de me soulager rapidement, je commencerai par passer sur mes lèvres déchirées par le froid un baume à base de graisse et de plantes.

Je suis parti à la brune, profitant de la chiche lumière laiteuse d’une lune blafarde à demi pleine. Il ne me faudra pas me ménager, ni même compter sur des haltes afin de me restaurer, je mangerai en marchant : tous ces efforts pour gagner au soir le village d’Alkil et ne pas avoir à passer la nuit en forêt. Les abris fiables se font rares lorsqu’autant de neige est tombée, sans compter la difficulté à allumer un feu. Mieux valait marcher une nuit de plus, quitte à ralentir le rythme et faire quelques pauses, que de s’endormir et risquer de ne pas se réveiller. Une fois au village, je pourrai dormir de tout mon saoul, quitte à me coucher à même le sol devant l’âtre de l’auberge.


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Dernière édition par Jager le Sam 7 Déc 2013 01:00, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 6 Déc 2013 01:53 
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Localisation: Nirtim, Temple de Meno: Se prépare à la guerre.
Raven morte, le message était délivré. Une bataille avait été nécessaire pour déclarer la guerre, la guerre au nom de Meno.


Aztai était fatigué, il était faible. Le dos au plus droit malgré son bras en écharpe, la gueule relevée, le tigré était aligné en tête de front avec ce qui restait des siens, à ses côtés. Une volonté et une foi désespérées le tenait encore debout, mais son regard demeurait vague, très vague... l'esprit emmuré, le cœur oppressé, Aztai ne pouvait détourner de ses souvenirs les horribles images du massacre qu'il venait de vivre, la simple idée de "continuer" restait voilée pour le moment.

Sur ses épaules, son armure fraichement nettoyée pesait une tonne, mais il avait tenu à l'enfiler en ce jour. Rayonnante de magie, sa chaleur ne suffisait pourtant pas à réconforter le fauve. En l'absence cruciale de l'Ancien, une tâche demeurait... une tâche qu'Aztai se savait déjà responsable.
Sous les rayons d'un soleil timide, à l'aube du quatrième jour, la plume qui avait écrit la bataille d'Ambervalle s'embraserait avec les corps des worans de Meno.

Après l'affrontement, on avait fait descendre les enfants des montagnes, seul refuge qui restait aux worans. Lorsque Waor en avait eut fini de noyer sa colère en mutilant les cadavres des hommes de Raven, il s'était exilé silencieusement, laissant derrière lui ses amis panser leurs plaies. Mais cette première nuit après la bataille, la forêt fut empli des échos d'une plainte douloureuse, de ses rugissements déchirants que la mort d'Héwana laissait sans réponse...
Le vide qui creusait chaque poitrine encore vivante laissait, et laisserait couler encore beaucoup de larmes. Malgré son état de faiblesse affligeant, Aztai avait été désigné pour "manœuvrer" la suite de la bataille... mais c'est le regard consterné devant tant de morts qu'il remit cette responsabilité à Gaora, tout juste incapable de marcher. Cloué dans une tente de fortune, il n'était sortit que pour observer le charnier qu'était devenu Ambervalle, pour observer ses fauves retirer les corps de cette terre, souillée par le sang.
Et alors tant de questions... si Zénith était resté silencieux depuis la mort de Raven, il avait sommé à son maître de faire le vide avec tout ça, que l'heure n'était pas aux réponses. Mais alors Meno? Et les fluides? Et alors ces visions, et ce Mulciber?...

(Tais-toi!) Lui avait ordonné sa faera.

Et elle avait raison, le chagrin prenait déjà assez de place pour y ajouter d'autres tracas. Le temps viendrait, il le fallait.

Alors devant tout cela, tant d'émotions et de changements, Aztai s'était enfin relevé. Aujourd'hui dressé devant l'autel de Meno, la relique de pierre n'était en rien comparable à d'habitude. En fait on ne la voyait presque pas... autours, les corps en grand nombre de ses frères worans reposaient silencieusement. Dans la clairière, même les animaux s'étaient tuent, les chants des oiseaux... envolés.
Un vent soufflait les fourrures alors qu'un bruit de pas se fit entendre. Le regard fixe, Aztai inspira pour se donner du courage et tourna difficilement les yeux.

Waor, son frère d'armes et de fourrure, avançait lentement dans la poussière. Dans ses bras reposait le corps d'Héwana, enveloppée d'un linceul mauve. A sa hanche, le woran roux avait délesté sa hache pour une des serpes de la jeune femme, ses instruments préférés. Les yeux d'Aztai furent un instant captivés par la courbe de la lame, sachant pertinemment qu'il s'agissait de celle qui avait tranché le cou d'Héwana... cette réminiscence lui rongeait les tripes, il baissa la gueule en sentant monter les larmes.
Waor portait aujourd'hui cette arme comme un souvenir, c'était certain, mais elle deviendrait très vite l'instrument d'une vengeance personelle, Aztai en était sûr.

Les pas de Waor donnait la cadence, dans un rythme mortelle le glas approchait. La gueule toujours basse, Aztai désirait se fondre dans la masse, ne plus exister. Il entendait son frère déposer le corps d'Héwana parmi ses "semblables". La seule humaine, la seule enfant adoptée d'Ambervalle... perdue.

(Je n'avancerai pas en trainant des chaînes que je m'impose)

Forgeant ces mots dans son esprit, le fauve expira lentement en relevant haut la gueule. Ses yeux tombèrent sur Waor, il prendrait la suite des choses à l'instar de la bataille. Son chagrin était trop lourd à porter, trop lourd pour avancer. Aujourd'hui, après ces quatre jours de deuil, il incinérerai sa peine et tracerai son chemin, son histoire.

Avant de se détourner du corps d'Héwana, Waor laissa échapper un grondement menaçant qui trembla dans la clairière. La patte posée sur la serpe, il se détourna du charnier sans accorder un regard à ses semblables, muets.

(Tombés pour Ambervalle et pour la liberté...) Se réveilla doucement Zénith.
(Tombés... il n'y a rien à ajouter.)

Cette réponse était d'acier, transpirante de détermination. Même Zénith ne pouvait le contredire, le chemin qui s'ouvrait à lui ne lui accorderait aucun pardon. Ses actes allaient prendre une ampleur certaine, ses alliés, son peuple, ses proches... tous étaient exposés.
Alors... qu'il en soit ainsi.

(Zénith mon ami, je vais m'atteler à la tâche) Reprit-il, les yeux parcourant le bucher woranai... (Meno m'accorde sa confiance... hum. Ses couleurs seront brandies et sa puissance réaffirmée, par la foi et les crocs.)

A ces mots ses fluides se réveillèrent, diffusant une intense chaleur à travers ses veines. C'était la première fois depuis la bataille que sa magie s'animait. Paisiblement, elle envahit tout son corps et lui apporta la confiance, le fauve fit le premier pas.

_________________
Fléau des légion d'Oaxaca Image Champion de Meno Image Allié de la Lance Ardente


Dernière édition par Aztai le Mer 9 Avr 2014 00:58, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 8 Déc 2013 22:26 
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Même si sa parole ne me suffit pas je ne peux tout de même pas me priver de ce qui peut probablement être ma seule opportunité d’en savoir plus sur l’affaire qui me préoccupe. Et que sont deux loups pour moi ? Voilà bien l’occasion de me prouver que ces années passées dans les forêts à chasser le gibier à poil et à plume n’ont pas été vaines. Et puis ce sont deux loups affamés, autant dire qu’une part de leur musculature a dû en prendre un coup avec l’hiver. La faim les a peut-être affaibli, elle les rendra cependant beaucoup plus hargneux… Plus dangereux donc. J’ai sûr eux l’avantage de la distance, d’un arc de bonne facture et de flèches aux pointes acérées. Sans compter deux bonnes lames d’acier qui, j’en suis certain, transperceront sans peine la peau la plus solide de ces fiers chasseurs.

Le plus difficile n’est pas tant pour moi de les abattre que de les débusquer. Ces loups se trouvent forcément quelque part, mais où ? Je n’ai guère le temps de battre tout les alentours, raquettes au pied, ralenti par la neige, avant la nuit, heure à laquelle je compte bien les surprendre. Aussi suis-je retourné voir Edouard, mentant une fois de plus en lui annonçant que j’avais cru apercevoir des traces de loup autour du village, et lui demandant quelle était la zone à éviter ; il ne cacha pas son soulagement lorsque je lui indiquai mon intention d’éviter les bêtes et me donna précisément la zone dans laquelle on les avait aperçu, et même la localisation de la possible tanière dans laquelle Erik les soupçonnait de se terrer lorsqu’ils ne partaient pas en maraude. Tous les renseignements qu’il me fallait furent ainsi obtenus en une courte discussion qui satisfit les deux partis, sans laisser penser un instant à Edouard que le Nécromancien avait pu déléguer son intervention à un simple homme des bois.

Il me fallait donc aller au nord d’Alkil, puis redescendre un peu vers l’est. Les loups avaient dû remonter par ce versant là des montagnes, et s’arrêter à la première grotte ou crevasse dans la montagne venue. Peu importe ce qui a pu les pousser à quitter leur territoire de chasse habituel, la faim ou une cause que je ne serais pas en mesure de déterminer.

Un lapin et un renard ont fait les frais de ma traque avant que le soleil ne soit trop bas sur l’horizon. Une flèche pour chacun. Je n’avais pas le temps de poser des collets, d’attendre qu’ils viennent se faire prendre, et puis je ne connaissais pas assez le coin, les habitudes du gibier, les sentiers. J’ai traqué, tué, deux termes du triptyque simple que viendrait compléter « mangé ». Mais ces deux malheureuses bêtes ne sont pas pour mon estomac, ni pour celui d’un des miens. Je les serre sous mon manteau pour empêcher leur sang de geler, quitte à me tacher. Peu m’importe, il faut que le parfum de leurs tripes et de leur vie s’échappant puisse aller chatouiller le museau de deux bêtes affamées.




La Mort dans la Montagne

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Dernière édition par Jager le Mar 31 Déc 2013 19:16, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 31 Déc 2013 19:15 
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La tanière n’a pas été facile à trouver, au contraire des traces évidentes des deux carnivores en de nombreux points que le vent n’avait pas encore balayés. En revanche aucune trace n’apparaissait sur la neige fraîchement lissée, si bien que je soupçonnais les bêtes de se terrer encore dans leur abri en attendant que la nuit soit assez profonde pour favoriser leur chasse. La logique aurait sans doute voulu qu’ils attendent le plein jour pour traquer un quelconque gibier, mais qu’en est-il de la logique pour des animaux poussés loin de leurs territoires habituels.

Un rocher en surplomb du refuge supposé des deux loups me fournit un point d’observation, déneigé bien que toujours peu confortable, d’où je peux sans peine espérer décocher mes flèches sur mes proies. Elles n’allaient pas tarder à sortir, alléchées par mon odeur mais encore plus par les tripes du lapin et du renard chassés plus tôt, répandues en dessous de mon perchoir, et le sang qui commence à peine à geler. Afin d’être prêt à temps je tire déjà de son étui de peau mon arc, l’encorde à la tension la plus adaptée à la distance à laquelle je vais tirer, rapproche mon carquois de mon flanc. Vient le moment le plus critique de cette chasse : l’attente…

Au moment où les deux ombres s’extirpent du trou obscur où elles se terraient je me faisais la réflexion que j’allais finir par ressembler à une gargouille de glace sur mon rocher, pour le plus grand amusement des passants, si passant il devait y avoir. Mais les bestiaux se présentèrent. J’éprouve doucement la résistance de mon arc et de la corde au froid, rassuré par le léger crissement des matériaux en courbure qu’aucun craquement ne vient troubler et encoche une première flèche alors que le plus gros des deux loups profilait son corps d’apparence massive à une portée appréciable de moi. La visibilité est mauvaise, la nuit me gène, rend traître les distances que je n’ai pu évaluer avant de me placer, j’aurais aimé compter les pas me séparant de leur position, mieux apprécier le dénivelé… Tant pis, il me faudra faire avec, compter sur la chance… Que Rana porte mes flèches et aiguise mon œil… Puisse Yuimen ne pas considérer comme une offense cette chasse dans laquelle je me lance…

La première flèche vient se ficher à quelques pas seulement du loup que je visais, alertant les deux fauves de ma présence tout en me donnant de précieuses indications sur les corrections auxquelles je devrai me livrer pour que mon deuxième trait porte. C’est ainsi que le premier sang est versé : la flèche suivante déchire le flanc du loup le plus massif sans s’y planter assez solidement ; il me fait face, je n’ai guère pu faire mieux. Alors qu’il parvient à mordre le fût de bois pour retirer cette longue épine qui le gêne et éveille chez lui des instincts contradictoires, le second prédateur se met en mouvement. En moins de temps qu’il n’en aurait fallu à mon cerveau alourdi par les réflexions pour prendre une décision, leur esprit vif opte entre la fuite et l’affrontement de cette menace qui se trouve être également une bonne source de chair fraîche. Auraient-ils choisi de m’éviter sans la faim pour les aiguillonner ? Je n’ai guère le temps de me poser la question, déjà ils se séparent pour encercler mon surplomb, me présentant enfin le flanc mais cette fois en mouvement. Mes réserves de flèches ne sont pas illimitées, je me doutais que cette petite dizaine qui me suffisent largement pour la chasse ne me seraient guère d’un grand secours sinon pour blesser ou handicaper. En d’autres circonstances peut-être, mais pas cette nuit.

En perdant des secondes précieuses je parviens à ajuster un tir dans la cuisse arrière du loup que je n’avais pas encore pris pour cible, lui arrachant une série de jappement de douleur et l’arrêtant dans sa course. De l’autre côté j’entends les halètements de son compère, son poids qui tasse la neige à chaque bond en avant, j’arrive à avoir une assez vague idée de la distance qu’il lui reste à parcourir, et je n’ai plus que trois flèches. Deux vont cribler la cible déjà moins mobile, ratant malheureusement les organes vitaux et la tête mais la mettant hors d’état de me nuire pour des secondes maintenant précieuses. La dernière ne fait qu’effleurer la gueule du loup le plus proche, lui causant une balafre plus douloureuse que débilitante. Encore quelques bonds et il sera sur moi, l’appui de la roche lui donnant un avantage certain pour me bondir dessus. J’ignore à quel point l’hiver l’a affamé, si seul son poil lui donne l’air si imposant ou s’il est encore bien bardé de muscles et de graisse, en somme s’il pourra me jeter à bas et si je pourrai me libérer ; et je ne tiens pas à savoir ! D’un mouvement d’épaule je me débarrasse du carquois et du sac que je laisse tomber au bas du rocher, puis me laisse tomber dans la couche de poudreuse dont j’avais éprouvé la profondeur avant de grimper sur la hauteur. Ainsi le loup n’aura pas le choix : il lui faudra redescendre, me laissant le temps de retrouver mon équilibre, ou bondir depuis le rocher en me laissant une possibilité de l’empaler sur l’épée que je tire au clair.

Au moment où son museau se profile au-dessus de moi j’ai déjà pivoté de quelques pas, englobant ainsi dans mon champ de vision la bête jappant et gémissant un peu plus loin, réduite à boitiller vers moi par la flèche qu’elle ne parvient pas à retirer.

(Que les Dieux me préservent ! Ces loups sont sacrément coriaces ! Je comprends que ce Nécromancien n’ait pas voulu froisser Yuimen en affrontant ces bêtes avec ses pouvoirs, mais je me demande maintenant si ce n’est pas moi qui L’offense maintenant…)

Le loup me dominant fait le choix de bondir sans pour autant faire de moi la cible de son élan. Me suis-je placé trop loin ou est-ce sa patte blessée par ma flèche ? Je perçois un grognement de douleur lorsqu’il se réceptionne mais son approche se fait ensuite comme si rien ne le gêne dans ses mouvements. La légère trace sombre que j’aperçois sur la neige ne suffit pas à me rassurer. Guère familier du maniement de l’épée j’adopte une position à la valeur martiale douteuse mais à mes yeux efficace face à un prédateur, la pointe vers l’avant, solidement campé sur mes jambes, prêt à présenter le fer à la masse d’os, de chair et de fourrure si celle-ci décidait de foncer sur moi : peu m’importe que la peau soit abimée et donc dépréciée aux yeux des marchands, je tiens avant tout à sauver la mienne !

Mon adversaire immédiat manifeste une forme de ruse animale à laquelle je ne m’attendais pas : alors que nous nous trouvions tous deux sur le même niveau de la pente il entame une remontée en tournant autour de moi, m’obligeant à pivoter pour garder un œil sur lui et ce faisant à tourner le dos au deuxième loup ; ma nouvelle position devient moins facile à tenir : même si je devais réussir à le blesser s’il décidait de passer à l’assaut, je ne pourrais guère qu’être entraîné vers le bas et choir avec lui dans un roulé boulé confus où je risquais de me blesser avec ma propre arme, pire de la perdre et de voir avec elle s’envoler mon dernier avantage… Et s’il réussissait en plus à me prendre à la gorge… C’en serait fini de moi.

Il continue de tourner, et moi avec lui, à peu près rassuré par la distance encore assez grande avec le second loup. Ce qui ne fait aucun doute c’est qu’il me sonde ; ce qui m’inquiète est de ne pas comprendre ce qu’il cherche exactement. Ce n’est qu’alors qu’il remonte la pente après avoir fini son cercle que je comprends ce qui est exactement en train de se jouer. Ses pattes sont soudainement moins enfoncées dans la neige, il me paraît plus grand. C’est probablement un rocher dont je n’avais pas soupçonné l’existence, une plaque de glace, j’ignore quoi exactement et le moment n’est pas à se perdre en supposition. Instinctivement je recule mon pied gauche pour assurer mon appui et brandir plus solidement ma lame sur ce corps qui s’approche de moi.

Ai-je la défaveur des Dieux ? Ai-je eu raison d’accepter le marché du Nécromancien ? Trouvé-je enfin dans ces montagnes, face à ces deux loups, le châtiment pour ma faute passée au terme de dix ans d’exil ? Ma botte a glissé. Sur quoi ? Je l’ignore… Le temps semble s’être ralenti alors que je bascule en arrière, emporté par le poids que j’ai transféré sur ma jambe qui s’est dérobée, incapable de retrouver l’équilibre. Je roule dans la poudreuse, protégé par cette couche moelleuse et pourtant si traitre des aspérités du terrain ; en contrepartie le nuage blanc que je soulève dans ma chute m’aveugle en partie, me laissant à peine voir le loup à quelques pas de la position où je me trouvais quelques secondes auparavant et se mettre à bondir vers moi après trois brèves secondes d’hésitation. Ma main se fait plus solide sur la poignée de mon épée, désormais plus que nécessaire pour assurer ma survie.

Qui dois-je remercier de ne m’être pas blessé dans ce dévalement de la pente ? Les Dieux ou une chance qui est la dernière à me vouloir en vie ? Pas assez pour que le loup ait comme moi la défaveur du terrain semblerait-il. A peine ai-je le temps de me reprendre que ses crocs claquent à quelques centimètres de ma gorge, malheureusement pour lui sur l’acier de mon épée bâtarde que j’ai eu le bon sens d’empoigner comme un bâton, mes épais gants protégeant ma main gauche tendis que je brandissais au-dessus de moi cette barre métallique improvisée dont j’espérais qu’elle tiendrait assez longtemps à distance cette gueule meurtrière pour que j’envisage de me dégager.

Etait-ce un effet de mon imagination ou la réalité ? Il me semblait qu’une flamme alimentée par la haine brûlait dans les yeux de ce fauve au dessus de moi, que tout son être ne se mouvait que dans l’objectif de mettre fin à mon existence. Sur ce dernier point, je ne pouvais guère me tromper. Dans mon malheur subsistait une part de veine. Le Nécromancien n’avait pas menti lorsqu’il avait parlé de loups poussés par la faim. La force n’a pas déserté cet animal, cependant je peux apercevoir à la clarté de la lune qu’il n’est plus que l’ombre du chef de meute qu’il avait dû être par le passé. Où sont passés les siens ? Un mâle de cette carrure devrait au moins mener derrière lui six ou sept bêtes au bas mot, pas seulement cet autre compagnon que je devine être sa femelle. Pourquoi pèse-t-il si peu – mais déjà trop ! – sur mes bras tendus ? Ne sont-ils pas prémunis des morsures du froid par une bonne couche de graisse en plus de leur épaisse fourrure quand viennent les mauvais jours ?

Tout en maintenant le corps encore assez musclé pour me poser de sérieux problèmes à bonne distance de moi, le torse labouré par les pattes griffues qui éraflaient sérieusement le cuir de mon manteau, je réussis à grande peine à retrouver un appui stable sur le dos, me ramassant sur moi-même dans un semblant de reptation pour balancer mes deux bottes dans l’abdomen du loup, lui coupant le souffle, lui arrachant un hurlement de rage mais surtout le repoussant assez loin de moi pour que je me relève. Il me faut maintenant plus agir à l’instinct, aussi porté-je au coup latéral au jugé, tout en pivotant pour me trouver face à mon adversaire. Le tranchant de l’épée cueille le loup à la gueule, lui brisant une partie de la mâchoire dans un craquement lugubre et lui déchirant une bonne partie du cou. Ce puissant prédateur s’effondre alors dans la neige qui se teinte de pourpre sous l’hémorragie, fondant à la chaleur du fluide qui quitte ce corps brisé : ce n’est plus qu’un pantin terrassé par la douleur qui émet des bruits de gorge poignant à mes pieds, s’étouffant peu à peu dans son propre sang. Dans l’œil de cette bête qui il y a encore un instant voulait me tuer je ne vois plus la haine, je vois une supplique, la demande légitime d’être achevé rapidement, la panique de la mort qui approche lentement mâtinée de la crainte à mon égard. Cet amas de poil sombre tremblant ne fait même pas mine de bouger lorsque j’approche avec mon coutelas pour lui briser d’une torsion puissante les vertèbres. Son dernier souffle sonne comme une délivrance et, malgré mes gants tachés de sang que je tente de laver dans la neige, je me sens moins sale d’avoir achevé les souffrances de cet animal pour lequel j’en suis venu à avoir de la peine.

Ma sottise me tourne soudain la tête, je prends conscience qu’abîmé dans la contemplation de ce cadavre, de mon œuvre sanguinaire, j’en ai oublié le second loup – la louve ? – qui pourrait à tout moment me faire subir un sort aussi peu enviable que celui de feu son compagnon, c'est-à-dire m’ouvrir la gorge et m’arracher les tripes alors que mon cœur n’a pas encore cessé de battre. Alors que la panique monte en moi comme une colonne d’acier en fusion, un coin de mon esprit me lance un signal autrement plus alarmiste. Le silence… Maintenant que les grognements et les halètements à quelques centimètres de mon visage se sont tus, j’avise le calme de mort qui s’est installé sur ce versant de montagne, à peine troublé par le sifflement du vent et les craquements lointains des congères souffrant sous leur propre poids. Et je me mets à penser… Mon regard se tourne lentement vers la dernière position du second prédateur pour le découvrir gisant sur la couche blanche, dans une mare de sang trop large pour être le fait des seuls traits décochés par mes soins à son encontre ; les blessures, bien que profonde, ne l’auraient pas achevé si vite… Quelque chose ne va pas… La position du cadavre ne correspond pas à une bête s’étant laissée mourir, drainée de toute sa force par l’hémorragie… Avec toute la délicatesse nécessaire pour ne pas produire de bruit parasite, je me baisse pour ramasser mon épée que j’empoigne à deux mains, dans l’attente d’une menace à combattre… Je me raccroche à cette lame comme à une branche au-dessus du précipice, mon seul secours tant mon arc est loin… Quelque chose a tué le deuxième loup tandis que le premier essayait de me régler mon compte, pour disparaître sitôt après que j’eusse remporté l’affrontement… Quelque chose qui me guette peut-être, là, tapi dans un repli du terrain, une ombre défavorable à mon regard que jette la lune… Qui attend peut-être plus loin que je m’en retourne au village pour me saigner comme une belette le ferait d’une poule… Mon cœur ralentit progressivement… Les battements se font moins puissants à mes tempes… La paix en moi rejoint celle des environs en cette nuit d’hiver… Et je l’entends !

Ce sifflement régulier ne peut guère être qu’une respiration. Trop nette à mes oreilles, j’en déduis qu’elle se situe quelque part dans mon champ visuel, dans la même direction que mes pavillons auriculaires. Mon regard se fait plus acéré car je sais maintenant qu’il me faut chercher quelque chose, quelque chose qui vit, qui probablement bouge. Et je la vois ! Au départ je pense qu’il ne s’agit que d’une couche de neige plus fine sur un rocher, laissant voir un peu du gris de la pierre, puis la tache sombre commet l’erreur de poursuivre sa lente reptation, et me voilà fixé. Je distingue une silhouette vaguement humaine qui progresse doucement vers moi, sans hâte, à moitié dissimulée dans la neige, à moitié camouflée par une peau, une fourrure, d’un gris tellement pâle qu’il tire sur le blanc ambiant. La trace à peine visible qu’elle a laissée derrière elle conduit directement au cadavre du deuxième loup.

« Dieux ! Lequel d’entre vous veut encore me châtier ?! Est-ce toi Yuimen pour avoir pris ainsi la vie d’un de tes enfants ?! Ou toi Rana pour avoir perpétré ce vieux meurtre dont je porte encore le poids ?! QUI VEUT MA MORT ?! N’ETAIT-CE PAS ASSEZ ?! »

A mon cri de défi aux puissances supérieures, la silhouette relève pour découvrir un visage dont je devine l’horreur malgré la distance qui nous sépare. Des traits de visage ravagés, couturés de cicatrices bourrelées, les lèvres déchirées, un sourire sinistre étiré jusqu’aux oreilles par des lames acérées, des oreilles taillées dans une parodie grotesque des canons de beauté elfiques, une peau livide et assez fine pour laisser entrevoir les entrelacs des fibres musculaires, les veines et les tendons, les articulations grossies plus que de celles d’un corps sain. Le frisson qui s’empare de moi, remontant de mes jambes pour se frayer un chemin jusqu’à ma colonne vertébrale : je sais que ce n’est pas le froid qui me saisit, du moins pas celui qui depuis quelque semaine déjà a étendu son emprise sur la montagne.

Le poids de l’épée se fait rassurant tandis que je m’efforce de calmer les craintes qui m’envahissent afin de pouvoir penser le plus clairement possible.

(J’ai déjà entendu parler des ces bestioles… Si c’est bien ce que je pense… Maudits soient les Treize et leur Maîtresse ! … Je peux fuir, avec un peu de chance il s’en prendra au cadavre du second loup… Il m’a l’air lent, seulement si c’est par prudence il va falloir que je me méfie si je dois lui tourner le dos… Et en plus j’ignore s’il est seul… Fuir ? Non ! … Je ne peux quand même pas laisser une telle créature errer en liberté dans la montagne, ce n’est pas un loup c’est… Une horreur d’Oaxaca, un monstre ! … Non, pas un simple charognard… Sinon il aurait attendu, comme tous les charognards, que le prédateur ait prélevé son dû pour se repaître des restes… Il aurait fini de dévorer la louve, sans bouger, sans prendre le risque de se frotter à une lame de bon acier, de finir comme le repas qu’il a commencé… Tu veux me crever, me saigner comme un vulgaire lapin…)

« Viens donc crevure ! Fangeux ! Bouffe merde ! Sanie ! J’vais t’faire voir c’qu’arrive aux enfants d’salauds qui s’mettent sur ma route ! »

La caricature de tête se lève légèrement, la reptation de la créature ralentit et deux yeux jaunes se tournent vers moi ; un feulement accompagne ma menace, semblable à ceux des chats, bien plus menaçant. La rage en moi augmente, je reconnais cette sensation qui m’a déjà envahie et l’accueille avec soulagement. Plus rien n’importe que d’occire cette créature, répandre ses tripes dans la neige, la hacher menu, la démembrer en prenant mon temps, la faire souffrir longtemps, très longtemps, pour avoir osé me menacer. Alors qu’elle s’approche toujours aussi lentement de moi je commence à mon tour à me déplacer vers elle.

Un sourd grognement nous arrête dans notre progression et à l’unisson nous tournons notre tête vers la pente pour apercevoir, descendant vers nous avec une lenteur chargée de menace, une masse puissante, une ombre que distingue sans peine, comme si elle avait été baignée d’une lumière d’une lumière propre étrangère à cette nuit d’hiver. Un sentiment de panique m’envahit lorsque je comprends que je ne pourrai jamais lutter contre la bête qui vient rejoindre ce champ de mort, je ne songe plus qu’à fuir à toute jambe, trouver une faille dans laquelle me glisser et attendre l’aube loin des griffes et des crocs qui me réduiraient en charpie en quelques secondes. J’ai déjà contemplé des ours au cours de mes errances dans les montagnes, des femelles avec leurs petits que je me suis bien gardé d’approcher, des grands mâles marquant leur territoire à coup de griffes sur les arbres les plus épais, des plantigrades à l’aspect bonhomme mais assez dangereux pour que jamais je ne me risque à les provoquer. Ils n’étaient rien comparés à celui-ci.

Apparemment aussi paralysé que moi, le traqueur n’esquisse pas un mouvement tandis que le colosse se rapproche de lui, il ne bouge toujours pas lorsque la patte se lève. Dans un bruit d’os brisé, elle disloque sa cage thoracique, déchirant les muscles, broyant les organes ; la gueule de l’ours s’ouvre à peine pour cueillir la tête et la broyer aussi aisément que s’il s’était agi d’un fruit trop mur. Puis, avec la nonchalance qui caractérise son espèce, il se retourne vers moi ; mon épée pend lamentablement au bout de mon bras, inutile puisque je ne peux pas la lever, seuls mes yeux me semblent encore mobiles. Bien qu’à quatre patte la bête me domine de plusieurs têtes et je serais obligé de lever la mienne pour voir la mort venir ; seulement j’en suis incapable. La truffe s’abaisse, hume mes cheveux, ma peau, un souffle brûlant court le long de ma nuque à chaque expiration rauque du carnivore. Plutôt que la douleur, une sensation de petitesse se répand un peu plus dans mon esprit à chaque seconde tandis qu’une voix aussi rauque et menaçante que le grondement d’une avalanche se fait entendre dans mon seul crâne.

(Ce n’est pas ton heure petit homme… Mais prend garde…)





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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 7 Jan 2014 03:56 
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Localisation: Nirtim, Temple de Meno: Se prépare à la guerre.
Aztai tenait sa gueule levée, les mâchoires serrées. Ses yeux étaient captivés par la cime des flammes que produisaient le bucher, se reflétant sur les traits de son armures en Xyuhl. A ses oreilles crépitait le bois, ultime lit de mort de ses frères... pourtant, aucune larme ne brouillait la vue du fauve. Debout, le bras en écharpe, il se dressait devant son malheur et affrontait cette fatalité.
Résolu à ne plus laisser transparaître ses émotions, c'est avec ferveur qu'il retournerait au temple de Kendra Kâr, sa maison désormais.

(Ambervalle restera ta demeure)

(Elle restera la demeure d'Aztai...)

Zénith... aujourd'hui plus que tout sa faera animait sa foi. Lui seul avait su embraser le félin, donner naissance au Champion.

(Aztai...)

(Je sais) Répondit calmement le fauve.

Dans un soupir d'encouragement, il baissa la gueule et observa sa patte droite qui avait donné vie au buché. Les fluides parcouraient paisiblement son corps, synchronisés à même le ki. La magie avait su prendre forme en lui, le tigré avait surmonté cette puissance étrangère.

Lentement, Aztai porta la patte à son bras meurtri, dénichant de l'écharpe en tissu un petit parchemin. Les yeux rivés dessus, il se remémora brièvement les visages du Capitaine Agron, de l'Archiprêtre Moerio et du Diacre Holonust...

"Nous avons un message à remettre... vous ne vous détournerez nullement de votre chemin initial.... un message, une prière... crée des fluides de nos mages les plus puissants. Son destinataire, et bien vous trouverez sans aucun problème de qui il s'agit le moment venu."

(Ô Meno, ce sont des prières que je t'envoie en ce jour)


Aztai sentait les regards des worans dans son dos, mais aucun ne l'interrompit. Levant haut la patte, observant avec attention les flammes devant lui, le fauve relâcha un peu de sa magie. Entre ses griffes refermées, une douce chaleur vint caresser sa paume: le parchemin luisait d'une lumière blanche intense.
Toujours concentré, Aztai ne lâchait pas le bûché du regard, libérant calmement ses fluides, alimentant à son tour le parchemin de sa propre prière.

(La Lance Ardente m'a accordé sa confiance et son soutient, ce sera un honneur de me battre à leurs côtés!)

Soudain, des ronronnements de surprises montèrent à ses oreilles. Alors qu'il terminait sa prière, un phénomène des plus étranges perturba sa magie. Sans aucun contrôle, sa patte ne libérait plus les fluides... elle en absorbait. Plus encore, l'armure de l'Ordre Flamboyant réagissait au contact de la magie: le parchemin vitalisé se vidait simplement, à la grande surprise du fauve qui ne broncha pas.

(Par Meno, est-ce normal...)

(Ces prières ne sont pas adressées à Meno...) Glissa alors sa faera, éclairant sa route.

Un choc lorsqu'enfin Aztai, la gueule mi-ouverte, comprit le phénomène. Ces prières, ou plutôt ce pouvoir qui s'écoulaient en lui... lui était en fait tout destiné. L'ampleur du phénomène était vertigineuse, elle enfonçait le clou, confirmant le costume qu'il endossait.

-Ils le savaient, murmura-t-il calmement.
(Tu le savais aussi. Le temps à fait son office, mais au final le résultat est le même: hier, aujourd'hui et demain, tu y étais destiné)

Le félin lâcha un gloussement, la patte toujours tendue, laissant son esprit ouvert aux offrandes de fluides.

(Ambervalle, Lictaria, la Lance Ardente... toi et enfin moi. Oui nous le savions tous)

Sur ces mots ils sentit la chaleur s'éteindre doucement dans sa paume, la lumière se fit de moins en moins rayonnante. Avant de s'éteindre totalement, les derniers filament magiques s'insinuèrent en lui, le parchemins se réduisant peu à peu en poussière noire...

Baissant enfin la patte, sous le regard captivé de ses frères, Aztai enserrait encore le reste des cendres. Alors qu'il s'apprêtait à quitter le bûcher, une douleur fulgurante lui foudroya le bras, il flancha.

-Aztai! Rugit son père derrière lui, se lançant à son secours.

-Non! Stoppa net le tigré.

Constatant que la douleur était partie comme elle était venue, il porta les yeux vers sa patte droite, stupéfait: le parchemin avait laissé quelque chose dans sa paume, une marque grise encrée dans la peau. La fourrure, très peu épaisse à cet endroit, avait prit la même teinte, distinguant très largement les détails de l'emprunte... une larme.

(Voici la contribution des Fils de Meno, leur présent au nouveau Champion) Expliqua Zénith. (Tu n'es pas sans savoir que les fils de Meno se voient apposé un tatouage par leur père. Ainsi les juvéniles, ces jeunes fils de la flamme, peuvent porter la parole de Meno à travers le monde. Cette une belle image métaphorique, je trouve... Ce symbole t'es certainement accordé car ton destin porte de lourds espoirs...)

Avant que sa faera ne continue, le félin perçu une pointe d'incompréhension dans son esprit qui annonçait un mais.

(Mais... cette larme ne m'évoque rien qui ne s'attache à Meno, si ce n'est peut-être les douze lamentations)
(Étrangement, cette couleur ne m'évoque rien non plus. C'est comme... une tâche.)

Captivé par les fins poils devenus gris, Aztai ne pouvait en détourner ses yeux, jurant qu'il y voyait des reflets de lumière. Il replia sa griffe dessus et gratta la peau parfaitement lisse, intacte. Cependant, ses fluides s'activaient à l'intérieur sans que le fauve ne les commande.

(La larme agit comme un aimant, n'est-ce pas? C'est comme si j'étais sur le point de lancer un sort, prêt à déchainer le feu)
(Exact. Tu ne contrôles pas tes fluides à cet endroit, du moins pas encore. Tu t'habitueras vite, même ma propre est magie ressent l'emprunte, pour l'instant étrangère à nos corps)
(Hum... nos esprits sont si proches, notre union est bien réelle!) Constata le félin, heureux.
(Cette marque agit comme un sceau qui amplifierai les pouvoirs, au contraire de les enfermer)

Aztai analysa ces paroles. Reconnaissant envers la Lance Ardente et pourtant dubitatif devant cette larme, il ne pu aller contre ses sensations:

(Des questions seront posées à mon arrivée. Si l'action de ce tatouage est bénéfique, sa signification reste troublante... les larmes sont souvent évocatrices de désespoir.)

Relevant la gueule vers la fumée montante du charnier, Aztai imaginait des bribes de son futur, alors qu'il devrait déjà repartir sous peu. Désireux d'avancer enfin tel un champion, une pensée pour celle qui avait fait chavirer son cœur le fit sourire tristement. Gaora se tenait derrière lui, muette comme ses semblables, elle était si proche du fauve... et bientôt si loin. Car malgré tout et Aztai le savait, il ne pouvait s'accrocher à elle. L'amour qui le remplissait était une arme à portée de l'ennemi, et toute sa volonté de champion, même de woran, ne pourrait rien si la woranne blanche tombait entre leur griffes. C'était un choix difficile mais la décision était prise, et la douce féline comprendrait.
Lisant les pensées de son maître résigné, Zénith murmura avec sagesse:

(Haaa... l'amour a toujours été la faiblesse des héros)

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Hrp: utilisation de Coupon à l'encre spéciale (tu peux échanger ce coupon pour obtenir gratuitement un tatouage magique à l'encre de ton choix, et sans avoir besoin de le réserver à l'avance) [E=0]
Puisque cette récompense de correction n'avait pas de condition d'utilisation, c'est ainsi que j'ai décidé d'apposer le tatouage magique: Une larme dans la paume droite.
Encre diamant : Magie +4 ; Endurance +2 ; + 1PM MAX (élément au choix [feu]) ; -4 PV MAX

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Fléau des légion d'Oaxaca Image Champion de Meno Image Allié de la Lance Ardente


Dernière édition par Aztai le Mer 9 Avr 2014 01:31, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 12 Jan 2014 18:34 
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Mes plans furent tout autres. Oubliée pour moi l’auberge, la perspective d’un bon repos, d’un repas et de la compagnie des villageois avant de reprendre ma marche. Le Gentâme m’avait laissé plus que des souvenirs, ainsi que j’ai pu le constater lorsque le Nécromancien avait brandit devant moi un miroir. Là où la créature avait touché mon visage, sur ma joue droite, s’étalait maintenant une marque noire, à l’aspect comme au touché semblable aux flétrissures d’une brûlure, dessinant une main décharnée aux doigts longs et fins : le pouce couvrait une partie de mon nez, le majeur remontait jusqu’à mon front, l’auriculaire vers mon oreille, et la paume partait de la commissure de mes lèvres pour recouvrir les pourtours de mon œil qui n’avait pas été lésé par le contact, du moins le pensai-je. Une main noire… Une marque, voilà donc le prix le prix du savoir…

Impossible de me rendre à la taverne d’Alkil sans susciter pléthore de questions, et je préférai me soustraire aux exercices rhétoriques nécessaires pour noyer le poisson en acceptant l’hospitalité du Nécromancien. Je me doutais qu’il ne m’accueillait pas par pur altruisme : un léger sentiment de culpabilité aurait été trop lui demander, mieux valait s’en tenir à l’intérêt que représentait mon cas. Ses yeux brillèrent d’une lueur toute particulière lorsque j’évoquai les grimoires et la maîtrise des arts obscurs qui étaient les siens que m’avait offerte le Gentâme, et pour sa plus grande déception je ne pus me souvenir de détails plus précis sur les grimoires qu’il m’avait été donné de contempler lors de cette expérience surnaturelle. Cependant il consigna tout ce que je lui révélai, de mes impressions les plus vagues aux plus précises, en prenant la mesure de l’empreinte laissée par le Gentâme sur mon visage, approchant de ma peau transformée différentes pierres, y appliquant avec mon accord mâtiné d’une certaine réserve quelques onguents, effectuant à sa hauteur diverses passes des mains qui devaient correspondre à des sorts plus ou moins complexes. Par moi il accédait à un savoir précieux parce que probablement unique, qu’il pourrait sans doute monnayer auprès de confrères ou de personnes susceptibles d’en faire une exploitation plus étendue que la sienne, tout comme je vendais mes fourrures à un pelletier faute d’être capable de les traiter et de les mettre en valeur. Ma seule demande était qu’il m’en débarrasse, à laquelle il répondit qu’il ne pouvait rien faire, qu’il s’agissait là non pas d’une malédiction ou d’un mal d’origine magique qu’il pouvait contrer à l’aide de ses fluides, mais bien d’une blessure physique. Pour voir un jour ma trogne restaurée, il faudrait selon lui que je me rende dans un des temples de Gaïa où un prêtre pourrait éventuellement faire quelque chose pour moi.

La neige a commencé à se tasser dans la montagne, il n’y a pas eu de nouvelles précipitations, ce qui favorise considérablement ma progression. L’image du col emprunté par les voyageurs est encore nette dans ma mémoire, et sans jamais m’y être rendu, je connais sa localisation. Quelque chose au fond de moi m’indique la direction à suivre, me souffle que je m’approche : ce doit être la graine de savoir semée par le Gentâme lors de notre rencontre. Qu’est-ce que cela peut être d’autre ?

Alors mes pas me conduisent à une destination inconnue. Quelques coups de coutelas m’ont permis de transformer une perche de noisetier en un bâton de marche suffisamment long pour me permettre de sonder la couche neigeuse sur laquelle je m’aventure. Non pas que je craigne exagérément les crevasses, je sais d’expérience qu’on ne les trouve pas aussi facilement qu’un lézard sous une pierre pour peu que l’on soit à peu près certain du terrain recouvert par la neige, mais par endroit il est bon d’estimer où on met les raquettes. Comme pour me rendre à Alkil je suis parti à la brune, quand seules les étoiles et la lune dispensaient leur blafarde lumière ; est-ce un effet de mon imagination, ou un phénomène lié à l’altitude et à la couche blanche recouvrant le paysage ? J’ai l’impression que mon regard porte plus loin, distingue mieux les reliefs, les formes, et la profondeur, il me fournit des détails qui me surprennent : là une plaque de glace, là les traces d’un lièvre, les pas légers d’un oiseau. L’heure n’est pas à s’interroger, ma concentration doit avant tout porter sur la marche, mes yeux ne doivent pas l’emporter sur mes oreilles, me focaliser sur ce que je vois risquerait de faire baisser mon attention à des détails autrement plus vitaux : craquements, échos, souffles, autant d’indices sonores qui me sont précieux en ce qu’ils m’informent de l’invisible qui m’entoure.

Les hautes parois rocheuses se teintes de pourpres, de rose et d’or à mesure que le soleil s’élève à l’horizon, sa présence m’indique aussi sûrement que les étoiles, si ce n’est plus, de la direction que je prends : le nord. Pourquoi donc les voyageurs avaient-ils emprunté cette route ? Autre temps, autres pratiques : aujourd’hui il n’y aurait plus aucun intérêt à se risquer dans la partie sur les routes les plus proches des versants nord de la chaîne de montagne, mais qu’en était-il avant le retour d’Oaxaca et ses conquêtes ? Les sinaris et leur damnée longue mémoire pourraient probablement me renseigner, mais ils sont loin, il n’y a que moi pour l’heure, moi et mes questions.

Les chauds rayons sur mon front et le haut de mes pommettes qui émergent de mon écharpe sont un réconfort certain, même si je n’aime guère savoir que la neige sur laquelle j’évolue bénéficie aussi de cette douce chaleur. Fort heureusement, tout est relatif, et le froid qui règne en ces hauteurs me préserve de toute catastrophe liée à une fonte même légère.



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Dernière édition par Jager le Dim 12 Jan 2014 20:53, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 12 Jan 2014 20:52 
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(Indéniablement, c’est le col… C’est là que s’est déroulée l’attaque… La pluie de flèche, la peur, l’odeur du sang, de la pisse et de la merde alors que les voyageurs souillent leurs chausses… Qui pourrait croire qu’il s’est passé là un drame ?... Il faudrait attendre l’été, chercher quelques os qui traînent là… Mais qui sait ce que les sektegs ont pu faire des corps ? … Et les animaux ? … Les charognards ? … Voilà donc la mort anonyme… Des gens qui espéraient rentrer chez eux, qui peut-être avaient une famille, des amis, des personnes qui les attendaient à leur destination… Des personnes qui allaient rester, et qui sont peut-être encore, dans une attente que l’espoir déserte à mesure que le temps passe… Voilà ce qu’il en coûte de partir, de voyager…)

Les impressions sont vives en moi, elles sont ces souvenirs partagés par la créature des enfers, ravivés par ma présence en ce lieu où les individus auxquels ils appartenaient sont tombés. Le malaise qui s’empare de moi n’a d’origine que l’angoisse résiduelle des trépassés, l’agonie longue et douloureuse des blessés… Oui, c’est le bon endroit. Et comme si cela ne suffisait pas, il y a là des repères topographiques sur lesquels je peux m’appuyer. L’ancienne route qui remonte du nord-est, ce rocher, un peu en contrebas, dont la forme n’est pas sans rappeler la tête d’un rongeur, avec cette fissure bien placée qui semble séparer une proéminence en deux incisives minérales. La journée n’a pas été de trop pour atteindre cet endroit, mes jambes sont lourdes de tous les pas qui ont été nécessaire pour gravir les pentes puis pour les descendre, exercice à mon sens encore plus délicat en cette saison ; chaque mètre du trajet me semblait en être cinq, et cette estimation ne doit pas grand-chose à mon exagération. Pourtant, malgré les efforts de la journée, je ne me sens pas encore prêt à monter mon camp, je suis trop prêt du but, et mon esprit est pénétré d’influences qui interdisent à mon corps de prendre du repos. Si cette hache est proche, je dois en avoir le cœur net, je ne peux pas m’accorder une seule heure de sommeil, au risque de voir revenir encore et encore ces rêves, si semblables à ceux qui me hantent depuis des semaines. Si la paix de mon âme exige que je brûle mes dernières forces, c’est un prix que je suis prêt à payer. N’ai-je pas assumé de plus grands risques encore en présence du Gentâme ?

La piste serait tracée de feu sur le sol que je ne pourrais pas mieux la suivre. A chaque pas je revis l’agonie du bûcheron, je m’imagine sans peine à sa place, rampant, rampant encore à m’en arracher la peau sur les cailloux, à m’en user les coudes et les genoux, à m’en déchirer les jambes. Peu importe, rien ne saurait être pire que les flèches qui meurtrissent son flanc. Sous lui ce liquide chaud n’est autre que son sang, il en a encore assez dans le corps, c’est un vigoureux gaillard, pourtant il sait que son heure est proche, que la mort le guette et qu’elle est patiente. Son dernier souhait est de ne pas finir dans l’estomac d’un sekteg, de reposer dignement… Je sursaute, la main sur la poignée de mon épée, prêt à dégainer. Ce n’est rien d’autre qu’un bloc de neige tombé d’un escarpement, probablement sous l’effet du vent qui s’est remis à souffler ; je prends tout de même le temps de scruter attentivement les hauteurs à la recherche d’un signe d’une présence vivante, menaçante : je n’ai que faire d’un petit mammifère, peu m’importe s’il fait dévaler des petits paquets de poudreuse, mais la montagne n’est pas que le refuge des petits animaux, ces hauts sommets, ces vallées et ces cols, sans compter les galeries qui courrent sous la surface, donnent asile à des créatures autrement plus dangereuses. Je me souviens encore de l’ours, immense, qui mit à mort le traqueur…

Les minutes furent longues pour le blessé qui cherchait désespérément un abri, aiguillonné par la crainte et les échos des sektegs dans la montagne. Silence et quiétude sont mes seuls compagnons, je serais bien plus rapide sur du sol solide, j’avance tout de même plus vite qu’un agonisant. Et je sais où je vais, je sais que le chemin est bon. Les fleurs des montagnes se sont fermées, il ne reste rien de l’été de ma vision, les rochers moins sensibles aux décennies que les vivants fournissent des repères. Sans oublier les souvenirs des morts. La lune semble passer derrière un pic même si c’est moi qui me déplace, les ombres se font plus profondes, les ténèbres semblent être la tanière de menaces insoupçonnées. Est-ce encore une émanation d’un temps révolu qui s’empare de moi, ou sont-ce là mes propres ressentis ? Bien que me sachant proche, tout sentiment positif me déserte, comme s’il planait dans ce creux entre deux hautes parois où je me suis engagé un mal ancien, encore vivace, assez pour me saper le moral et m’encourager à faire demi-tour. Tout comme cela ne peut être que l’effet de mon imagination. La faim, la fatigue, l’air moins riche que dans les plaines, tout cela a de quoi me faire tourner la tête… Sans compter la nuit, les rets que la créature des Enfers a jetés sur moi… Et le poids de mon propre passé. N’est-ce pas à sa rencontre que je m’avance ? Que ferais-je de cette légende d’Aaron après laquelle je courre, sinon l’objet de ma réhabilitation, de mon retour ? N’est-ce pas cela que m’a soufflé le vieux sinari ? Ne serait-ce pas la signification de mes rêves, cet homme, cette route vers l’ouest ? Là se dresse mon village… Là vieillissent en paix, du moins l’espéré-je, mes parents, là prospère ma famille.

Mes réflexions ne suffisent pas à m’absorber assez pour me faire oublier le paysage. Il est là, bien plus solide que dans les images qui me furent donné de voir, cet arbre agrippé au rocher, symbole d’une vie qui s’accroche là où n’est promise que la mort. Combien de végétaux ont péri en tentant de se maintenir vainement en ces hauteurs où leurs racines rencontrent plus de rocher que de terre meuble et grasse, ou l’humus riche et odorant n’est qu’une fragrance si légère venue des basses terres qu’elle passe pour un souvenir que les plantes partagent, quelque part dans une mémoire si lente et si profonde qu’aucun être vivant ne peut y prêter l’oreille. Perché sur son éboulement, jamais il ne sera grand, cet acharné conifère, ni même épais, comme ses cousins dont on fait des poutres, des meubles, que l’on inscrit dans le temps, que l’on accueille dans sa maisonnée. Sa verdure persistante brave l’hiver comme son tronc malingre brave les pronostics. L’éboulement causé par la dernière action désespérée du bûcheron ne l’a pas délogé, il est encore là, dominant son petit royaume, solidement ancré ; peut-être le mouvement de la roche et les influences répétées du vent l’ont-ils fait pencher un peu, mais il n’est pas assez étoffé pour vraiment choir, sa fragilité le préserve.

(Rana soit remerciée… Je ne suis pas fou, je suis enfin arrivé… Je t’en prie, n’oublie pas un de tes fidèles dans cette montagne, que ton souffle soit clément avec moi et m’inspire.)

Mais la sagesse seule ne suffit pas à l’homme : parfois la force est nécessaire lorsque seuls ses bras peuvent lui assurer le succès. Le bûcheron que j’ai été a toujours conçu une grande admiration pour les sages, mais tout leur savoir et tout leur discernement des choses humaines ne saurait mettre un arbre à bas sans une lourde cognée et des muscles vigoureux pour la manier. Aussi posé-je mon sac près de ce tombeau improvisé, dégageant un peu la neige d’une pierre plate, et à proximité mon arc dans son étui de peau et mon carquois et le fagot que j’ai constitué à mesure de mon ascension ; je ne garde avec moi que mon épée, par précaution, et mon coutelas à la cuisse, fidèle camarade. C’est avec une certaine appréhension que mes mains gantées se posent sur le premier rocher. Vais-je réussir à le déplacer ? Mes forces me feront-elles défaut, m’obligeant à renoncer, à me reposer et attendre le matin ? Pire, à faire demi-tour pour chercher une assistance, me mettant face à des questions auxquelles je ne voudrais pas répondre ? Le premier bloc, d’une taille modeste, vacille sans peine, et je le roule un peu plus loin d’une poussée ferme. Le deuxième suit la même route, et avec lui le troisième ; il y a beaucoup de gros cailloux que je peux dégager sans exploiter mes forces jusqu’au bout, quelques kilos, sans plus. La sueur commence à couler le long de mes tempes et sous mes vêtements de peau, vite absorbée par le lin et la laine. A mesure que mon travail avance ma température augmente, pour un peu j’enlèverais une couche, si je ne savais pas combien cette tentation est traîtresse. L’heure n’est pas à mourir des conséquences du froid, mais à trouver un cadavre.

M’aidant d’un appui fixe pour pousser de mes bras et de mes jambes, je m’arcboute contre un bloc conséquent dont j’ai dégagé la base opposée à ma poussée pour favoriser son basculement. En m’y prenant à trois fois je le déloge pour découvrir le signe de ma réussite imminente. Je découvre une jambe broyée dans sa botte de cuir, et si la jambe est là, le reste du corps ne saurait être loin. Combien de temps me suis échiner encore à dégager ce cadavre ? Une demi-heure ? Une heure ? Je suis en nage, je dois puer la sueur à des kilomètres, la faim commence à hurler depuis mon estomac et mes membres crient merci. Le sacrifice consenti en valait la peine. C’est bien lui, j’en ai la conviction intime, allongé dans cette grotte sommaire, la hache serrée contre lui. Au moment où je la dégage, je ne peux m’empêcher de désolidariser les os du squelette, et une partie de la chemise en lin tombe en morceau gelés. Je n’ai guère le temps d’examiner ma trouvaille, le soulagement qui s’empare de moi va de pair avec une vague de fatigue qui manque de me submerger. Les limites sont faites pour être dépassées disaient un de mes anciens camarades, j’incline tout de même à penser qu’elles le sont aussi pour être respectées.

Un peu plus loin, je repère un creux dans lequel je pourrais me lover, à l’abri du vent, sous mes couvertures. Je n’ignore pas le danger qu’il y a à m’assoupir si haut dans les montagnes, mais que puis-je faire d’autre ? Allumer un feu qui serait comme un fanal pour tout ce que ces pentes comptent de menaces vivantes ? En dernier recours seulement. La chaleur serait de toute manière gaspillée et le vent ne tarderait pas à en coucher les flammes hésitantes. Le fagot n’est là qu’en dernier recours. Et je ne puis veiller. Priant pour que les Dieux me gardent et m’accordent leur bénédiction, je prépare mon maigre campement. Une longue toile huilée maintenue par des cailloux me protégera du vent, en dessous d’elle je me roule en boule dans les couvertures qui alourdissent mon sac, m’enveloppant dans des peaux. En attendant que le sommeil me prenne je mâchonne mes provisions, du pain sans levain, des fruits secs, que je fais passer avec un peu d’eau. Je m’endors, serrant contre moi la hache, à la manière de celui qui était mort.


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Dernière édition par Jager le Dim 12 Jan 2014 22:38, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 12 Jan 2014 22:37 
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« Aaron ! Aaron ! Il y a un groupe sur le chemin de ronde, près de la porte »

(Qu’est-ce qu’il me raconte, je ne suis pas…)

(Si ! Pour l’heure, tu l’es ! Montre-toi digne de mon héritage, prouve-moi que tu peux lutter comme je l’ai fait, pour les tiens, pour ton village et en dernier lieu pour ta vie !)

« Dis leur de tenir et de ne pas prendre de risques ! J’arrive ! »

Le feu a pris sur l’une des maisons, déjà les femmes qui ne se battent pas se sont ruées vers les puits et les tonneaux dans lesquels les villageois recueillent l’eau de pluie afin d’éteindre de début d’incendie. Mes consignes ont été claires, il ne faut surtout pas que le village brûle, sinon nous serions pris au piège entre les flammes et les attaquants, et c’en serait fini de nous !

(Mais… Quelles consignes ?... Qu’ai-je dit ?)

(Ne cherche pas à comprendre, suis le mouvement. Je partage cela avec toi, ce n’est pas sans raison. Ne te pose pas de questions, ce n’est pas l’heure, attend l’aube et la fin des attaques. Va à la porte, ils ont besoin de toi.)

Avec un ahanement j’abas ma hache sur le crâne d’un sekteg qui a eu le malheur de parvenir jusqu’en haut des remparts, dans le même temps un de mes compagnons repousse l’échelle à l’aide d’une fourche puis se baisse immédiatement pour éviter les traits qui fusent vers nous. L’ayant imité au bon moment, j’échappe aux dards meurtriers qui sifflent au dessus de nous, le félicite et l’encourage en même temps d’une tape sur l’épaule, et me précipite vers l’échelle qui me permettra de gagner le plancher des vaches. Brandissant vers le ciel mon bouclier pour me protéger de projectiles perdus, je courre entre les maisons pour gagner la porte. Comme on me l’avait annoncé, il y a là quelques sektegs qui ont pris pied sur le chemin de ronde et qui repoussent assez les défenseurs pour permettre à leurs comparses de les rejoindre en nombre. Les archers dans la cour hésitent à décocher leurs flèches, je leur ai ordonné de ne pas gaspiller ces dernières dont nous commençons à manquer pour du boulot dont les fantassins peuvent se charger. Mais les fantassins sont en difficulté…

« Pour l’Ynorie ! »

Le cri de ralliement trouve un écho dans toutes les gorges qui le reprennent, le braille de manière fort peu élégante mais assez fort pour faire hésiter un peu les assaillants et redonner du cœur au ventre aux défenseurs. Quelques pas et quelques barreaux d’échelle plus loin, me voilà à nouveau aux côtés des villageois. Mon bras gauche s’engourdit de deux lourds coups de masse qui je pare de mon bouclier taché de sang – du sang de sekteg, encore frais ! – et alors que le guerrier en face de moi s’apprête à armer un troisième coup ravageur, je me fends et lui plante le fer de mon arme dans la cage thoracique, si bien qu’il me faut m’aider de mon pied pour le retirer. Avec un hurlement vengeur, je fonce dans le petit groupe qui a réussi à prendre pied sur nos défenses, avec la ferme intention de les bouter hors de nos murs. Mes hommes sont avec moi, je le sais, nul besoin d’entendre leurs cris aussi belliqueux que les miens pour en avoir l’assurance, ni de percevoir le fracas de leurs armes – certaines n’étant que des outils reconvertis en instruments de mort – pour en avoir l’assurance : aucun n’a failli, aucun n’a déserté son poste depuis que la troupe de garzoks et de sektegs en débuté le siège de notre village, car ils savent tous que leur destin est scellé.

(MAIS QU’EST-CE QU’IL SE PASSE, QU’EST-CE QUE JE FOUS LA ???)

(Arrête immédiatement de paniquer, ce n’est pas le moment ! Fais gaffe à celui-là, c’est un vicieux !)

L’offensive a débuté avec les sektegs, sans doute pour nous épuiser sans entraîner trop de pertes chez les garzoks : c’est pourtant bien l’un d’eux qui se tient devant moi, solidement campé sur ses jambes, impressionnant dans son armure noire ornée de crânes rouges, coiffé d’un casque figurant un carnivore la gueule béante, des crocs probablement vrais saillant de toute part. Sa hache à double tranchant tourne, vrombit, les villageois, avec raison, s’écartent. Seul l’un d’eux n’a pas le temps. Trop fatigué ? Pas assez de réflexe ? Impressionné ? Paniqué ? Phaïtos seul le saura, et puisse son âme trouver le repos, car l’acier noir lui broie le crâne aussi facilement que s’il s’était agi d’un œuf, et son corps s’effondre sans vie à nos pieds tandis que le colosse sombre part dans un rire dément. Hilarité macabre aussitôt interrompue par une flèche qui le touche à la cuisse : les archers en bas ont compris que parfois il fallait prendre des libertés avec les ordres, et je ne manquerai pas d’aller les féliciter. Mais pour l’heure, il me faut en finir. Saisissant l’occasion qui s’offre à moi, je profite de ce que le guerrier est distrait par la douleur et la surprise pour passer sa garde et lui faucher les jambes. Son armure est solide, mais ma hache est lourde, ce qu’elle peut faire d’un arbre, elle peut le faire d’un membre de garzok, fut-il couvert d’une plaque d’acier. Sans vraiment comprendre ce qu’il lui est arrivé, il tombe à genoux, à la bonne hauteur pour que je lui fende en deux le crâne. D’un revers de bouclier je me débarrasse du cadavre qui choit dans la cours ; tant pis, on s’occupera des morts au matin, des nôtres et des leurs. Son arme est restée sur chemin de ronde, je l’envoie d’un coup de talon rejoindre son propriétaire, on en aura peut-être besoin pour équiper un homme au prochain assaut.

Avant tout, il faut tenir. Peut-être que le messager que j’ai envoyé parviendra à temps à Oranan, peut-être qu’une patrouille passera par là, peut-être que les Dieux seront avec nous et nous enverrons un secours. En attendant il n’y a que nous, nous et notre volonté de ne pas céder à ce déferlement de créatures et à tout le mal qu’elles charrient. Ce n’est jamais que le deuxième de leurs assauts, elles attendent la nuit pour nous attaquer, mais tant que nous aurons foi en notre victoire, nous repousserons chacune des vagues qui viennent se briser contre les palissades que nous avons dressées lorsque nous avons bâti ce village, à la sueur de notre front.

« Foutez donc le camp pendant qu’il en est encore temps, raclures ! Y’a pas un Ynorien ici qui vous fera pas bouffer vos tripes ! Chaque dégénéré assez fou pour monter à vos putains d’échelle regrettera qu’sa mère l’ait pas noyé lorsqu’elle a vu sa sale face ! Venez donc mes petits, venez donc mes agneaux ! Qu’on vous renvoie dans les ténèbres dont vous n’auriez jamais dû sortir ! Ah vous croyez qu’les Ynoriens se laisseront faire ? VOUS AVEZ DU LISIER DANS LA CERVELLE POUR AVOIR DE PAREILLES IDEES ! POUR L’YNORIE ! POUR LA LIBERTE ! »

Déjà il me faut partir apporter un peu de soutien ailleurs. La confiance que mes compagnons me portent est un fardeau bien lourd, plus lourd encore que mon bouclier et ma hache, plus lourd que ce foutu casque sous lequel je sue depuis des heures. Là où je vais, je sais que l’espoir revient, et je ne m’en réjouis guère : j’aimerais tellement que d’autres puissent assumer ce rôle, afin que si je tombe – car à chaque instant je peux tomber, je ne me fais gère d’illusion, je ne suis par invincible – puissent prendre le relai et assurer la cohésion de notre groupe, empêcher le vent de la défaite de souffler parmi les braves qui n’ont pas fui quand ils en avaient la possibilité.

En passant dans le village je vois un gamin surgir de l’une des maisons. Je m’apprête à le renvoyer à l’abri avec une bonne taloche pour le dissuader de recommencer lorsque je vois une gourde à sa main.

« Bois. Ma maman elle dit toujours à mon papa qu’il faut boire quand il est au champ et qu’il sue. Il faut boire quand on sue beaucoup, sinon on tombe, c’est ce que dit ma maman. »

« Merci gamin. Donne moi ça, je vais boire, mais toi rentre vite à l’abri, c’est dangereux ici. »

« Aaron… J’ai peur… »

« Moi aussi j’ai peur. Mais faut pas le montrer, sinon les autres aussi auront peur. Ca sera notre petit secret d’accord ? Et on fera comme si on avait pas peur, comme ça les autres n’en sauront rien. »

« Promis, je ne dirai rien Aaron ! »

Et, aussi vite qu’il est venu, il se carapate à l’abri, claquant la porte derrière lui pendant que je bois à long trait l’eau fraîche qu’il m’a offert, m’aspergeant le visage du reste pour ôter le sang et la sueur qui me piquent les yeux. J’aurais pu lui raconter ça pour le rassurer, mais ce n’est que trop vrai : j’ai peur, je suis terrifié à l’idée de mourir, à l’idée que les miens, des hommes de valeur, des femmes, des enfants comme lui, périssent si je venais à faillir…

Pas le temps de se perdre en pensées négatives, d’un coup d’œil j’avise le point où peut se manifester une certaine faiblesse des défenseurs et m’y rend. A nouveau me voilà sur le chemin de ronde pour envoyer aux Enfers mon lot de sektegs assez stupides pour se mettre sur le chemin de ma hache.

A mes côtés il y a Mina. Une carrure de laboureur, un nez en trompette, un visage à faire pleurer les bébés, il n’y a pas à redire, ce n’est sûrement pas Yuia qui s’est penché sur son berceau à sa naissance. Gamin je me moquais déjà d’elle, et j’ai sûrement continué en grandissant. A coup sûr je n’aurais pas voulu l’avoir dans mon lit ! Mais pour l’heure je suis sacrément content de l’avoir à ma gauche, un sabre pris à l’ennemi dans chaque main, y allant de grands moulinets meurtriers, se battant avec une rage à faire pâlir d’envie le plus dangereux des garzoks. Ah ça, il n’y avait pas à dire, elle était laide, mais on ne lui demandait pas de briller dans une cour et de faire des courbettes et des risettes, juste d’étriper aussi efficacement qu’un homme. Quand les feux ennemis s’étaient allumés, elle n’avait rien demandé à personne, elle avait chipé un pantalon à son père, s’était emparée du plus lourd battoir et s’était campée aux côtés des hommes sur les palissades. On crevait tous de trouille et on se serait pas avisé de lui faire la moindre réflexion. Le lendemain elle avait à sa ceinture deux sabres ensanglantés qu’elle avait arraché aux soldats tombés sous ses coups. Et les hommes la regardaient avec admiration pour la première fois, se laissant subjuguer non pas par sa beauté mais par le cran dont elle avait fait preuve. Aucun d’entre nous ne l’aurait mis dans son lit, ça c’est certain, mais putain, je crois pas qu’un seul gars ici se serait amusé de ricaner d’elle encore une fois, et pas seulement par peur.

Le bouclier devient une arme redoutable dès lors qu’on ne cherche pas à attaquer mais à se défendre. Voilà quel est le mot d’ordre, défendre notre position et ne prendre aucun risque. A quoi bon foncer dans le tas, faire une percée ? Dans la plaine, aidés de leurs loups, les garzoks ne feraient qu’une bouchée de nous, ils se refermeraient sur notre petit groupe et nous tailleraient en pièce. Les palissades sont notre salut. Tant que nous restons perchés, que nous nous cantonnons à nous défendre, nous avons un avantage, celui de limiter nos pertes. Nous ne sommes pas des guerriers, nous n’allons pas le devenir en quelques instants, aussi ne pouvons nous pas nous hasarder à des tactiques que seuls peuvent risquer des soldats rompus à l’art de la guerre.

(Est-ce que tu comprends mieux ? Est-ce que tu saisis ce qui est en train de se passer ?)

(Je… je suis toi. Je suis Aaron… Et voici l’attaque du village que chantent les bardes ?)

(On a fait des chansons sur notre village ? Oh putain, si les gars savaient ça… Des chansons ! Ah, un truc est sûr, c’est que je crois moins aux chansons maintenant. On dit quoi de nous, dans la chanson ?)

(Que vous êtes des héros, que vous vous êtes battus pour votre liberté, que vous avez résisté vaillamment. Une très belle chanson, tout à votre gloire.)

(La gloire ! Tu parles d’une gloire ! Tu crois vraiment qu’il y a des gars qui se battent pour leur liberté ici ? Quand je le braille j’y crois pas un instant ! Il n’y a que des gus qui veulent sauver leur peau, celle de leurs femmes, de leurs hommes, de leurs marmots. Tu crois que la fille qu’est en train d’manier une fourche pour embrocher des sektegs alors qu’il y a trois jours elle filait la laine en songeant à son mariage, elle en a quelque chose à foutre de la liberté ? Son homme est mort, elle a pris sa place pour pas finir comme lui, ou pour en finir au plus vite, je sais pas. Tu sais sur quoi on glissait hier ?)

(Euh… non…)

(Dans le vomi ! On en parle de ça dans la chanson ? Des braves types qu’ont gerbé tripes et boyaux lorsqu’ils ont commencé à être couverts de sang, sans trop savoir s’il s’agissait du leur, de ceux de leurs amis, de leurs ennemis ?)

(Non.)

(Ah… les chansons ! Concentre-toi sur le combat, bons dieux !)

Je pivote et d’un même mouvement assène un coup du tranchant de mon bouclier dans les dents d’un sekteg un peu trop audacieux ; il vacille, ma hache achève de le coucher, lui entaillant profondément l’épaule dans le même temps. D’un coup de pied bien placé je le désarme puis me désintéresse de son cas : certes il n’est pas mort et risque de douiller encore un petit moment et cela m’importe peu, non pas par cruauté mais par pragmatisme, car je n’ai pas le temps de lui accorder une mort rapide. Déjà un de ses congénères se présente à moi, une courte pique entre les mains, cherchant à m’embrocher. Mon plastron de cuir bouilli ne représente qu’une bien maigre parade, il me faudrait une cotte de maille, mais pourquoi un bûcheron aurait-il une cotte de maille ? A quoi cela lui servirait-il ? J’ai déjà un bouclier, et une bonne hache, sans parler du casque d’un obscur arrière grand oncle qui était soldat. Plus que ce dont dispose la plupart des défenseurs. Mieux armé, mieux équipé le sekteg, mais plus petit, plus chétif. Parant ses quelques coups je l’accable d’une lourde volée d’attaques dépourvues de toute élégance et de tout caractère martial mais terriblement efficace pour ce que je recherche : l’un d’eux brise la hampe de son arme, l’autre emporte son bras droit avant qu’il ait eu le temps de dégainer son coutelas, d’un bon coup de pied je repousse son petit corps hurlant et braillant sur un autre assaillant qui n’a pas prévu la manœuvre et s’empêtre dans les jambes du blessé alors qu’il essayait de me charger avec son fléau. C’est le petit rien sur lequel je compte pour le décapiter à demi avant de reprendre ma position.

Me voilà au coude à coude avec Mina, nous formons à nous deux le noyau dur de la résistance sur ce point de la palissade, les autres évoluent autour de nous pour contenir les assaillants qui tenteraient de nous déborder. Je remets ma vie entre ses mains les quelques rares instants de relâchement que je peux me permettre pour jeter un rapide coup d’œil au reste des défenses par-dessus les toits. Tous les villageois tiennent bon, je n’aurai probablement pas besoin de bouger à nouveau. Fichtre ! Cette femme est plus dangereuse que les garzoks qui ont eu la mauvaise idée de suivre les sektegs ! Si à l’aube elle et moi avons survécu je lui confierai le commandement de ce quartier de la palissade. Et si un homme le prend mal, je l’enverrai compter combien il y a de cadavres à ses pieds !

« Alors joli cœur, avant qu’on y passe, tu veux pas m’épouser ? »

« Après c’que t’as fait subir à tous ces sektegs ? Hors de question ! J’aurais trop peur d’te contrarier et d’finir comme eux ! »

« Ha ! T’es dev’nu moins con avec l’âge faut dire. Mais j’te comprends. Un mec qu’aurait ma gueule, j’en voudrais pas non plus. L’heure est plus aux regrets, au moins maintenant les gars du village y m’zyeutent autrement. Pis les femmes elles se moquent plus. C’est quand même bête que ça arrive dans ces conditions… »

« Ben… J’sais pas quoi… »

« Gaffe Aaron ! Les archers ! »

Et en plus elle a l’œil ! En effet, les sektegs ont arrêté un moment de balancer leur foutues échelles contre le mur pour y grimper comme des fourmis le long d’une cuillère de confiture, ce qui veut dire que les planqués avec leurs arbalètes et leurs arcs vont nous arroser sans trop toucher leurs copains. Ca ne manque pas ! Les traits pleuvent drus, la mort venue du ciel. Mais entre les interstices des lourds troncs qui constituent la palissade, je remarque quelque chose à l’horizon.

« L’aube ! On a encore tenu une nuit ! »

(Voilà ce qu’on a vécu mon gars. Voilà l’héritage que porte cette hache. Tu comprends ?)




Sur ces mots qui résonnent dans ma tête, je m’éveille en sursaut. La toile a tenu, je suis toujours pelotonné dans mes couvertures, il fait encore nuit mais mon horloge interne me souffle que le jour ne tardera pas à se lever. Mon corps est brûlant comme si j’avais de la fièvre, pourtant je ne ressens aucun autre symptôme du mal. Est-ce lié à la vision que j’ai eu ? Etait-ce d’ailleurs une vision, ou un rêve ?

Avant de me remettre en route pour Alkil je décide d’apporter une sépulture digne de ce nom au bûcheron Ynorien, rempilant des rochers sur son squelette pour qu’aucun animal ni aucun autre nuisible ne vienne les déranger. Avant de l’ensevelir à nouveau, je prélève les trois flèches, d’une facture plus fine que celles des sektegs – probablement le fruit d’un pillage –, encore en excellent état que je glisse dans mon carquois. Il me faut partir vite si je veux encore faire le chemin d’une traite, aussi ne m’attardé-je guère.



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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mer 5 Mar 2014 05:07 
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Maël fut quelque peu surpris lorsque tu lui présentas le coutelas, il sembla hésiter puis accepta. Il le prit de sa main droite et l'examina comme le ferait un connaisseur. Il testa du bout de l'ongle la qualité de l’affûtage, regarda le manche, puis le soupesa pour vérifier son équilibre.

"Je crois que ça va aller monsieur, merci " Dit-il tout en transféra le coutelas dans sa main gauche. L'espace d'un instant Maël ouvrit la bouche comme s'il voulait te dire quelque chose, mais il se ravisa.

C'est ainsi qu'il marcha toujours à ta suite, baissant la tête afin d'éviter de regarder toute cette neige aveuglante par la réflexion du soleil toujours présent malgré le froid intense qui sévit en ces lieux.
Maël serra davantage le poignard lorsqu’il vit que tu semblait sur le qui vive.

Les minutes s'écoulaient, vous poursuiviez votre marche, mais il ne se passa rien. Le silence était pourtant toujours aussi présent et pesant. Puis Maël, s'arrêta.

"C'est ici monsieur que l'espèce de loup nous a attaqué, je reconnais cette bute, ces arbres "

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Il s'arrêta net, le souffle court, la scène de la veille faisant à nouveau surface dans son esprit.

Si Jager est encore aux aguets, il discernera un petit bruit, un craquement d'un pas dans la neige à sa droite derrière lui.

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À votre service, pour le plaisir de rp !


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mer 5 Mar 2014 11:04 
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"C'est ici monsieur que l'espèce de loup nous a attaqué, je reconnais cette bute, ces arbres "

Voilà de quoi mettre le courage dans les chaussettes d’un homme aguerri, alors un gamin… Autour de nous, le silence s’est fait toujours plus épais, enveloppant et menaçant à la fois. Pour avoir couru les bois, je me suis habitué à entendre tous les sons de la nature en toutes les saisons, à percevoir la musique du monde qui vit autour de moi ; j’aime à m’endormir, quand vient l’été, bercé par le chant des insectes et les mélodies des oiseaux nocturnes, parfois entendre un cri animal, un appel retentissant dans la montagne. Les autres saisons sont riches de parfums et de couleurs, quand l’hiver au contraire tend à tout rendre uniforme, trop lisse, trop blanc quand la neige se fait épaisse et dure. Aussi n’apprécié-je guère ce silence, quand bien même serait-il le fruit du hasard. Le vent dans les branches et les craquements ne me suffisent pas.

Au loin, en contrebas, s’étendent les plaines de Nirtim, tournées vers le sud et la mer, partiellement enneigées pour les pans les plus proches de la montagne, la terre est plus libre à mesure que l’on s’avance vers le rivage. J’ai rencontré des hommes et des sinaris qui affirmaient qu’il s’agissait là d’une influence du climat, de l’Imiftil et de ses déserts, dont les tempêtes portent parfois le sable jusqu’en nos contrées, de la proximité de l’Aeronland et de ses courants. A toutes ces théories, je n’y entends goutte, je ne saurais dire qui a raison ou tort, ce sont là des affaires d’érudits qui me dépassent, comme probablement elles dépassent ces paysans qui d’années en années retournent la terre, sèment et récolte, bénissant les Dieux de leur bienveillance lorsque l’hiver n’est pas trop rude, les gelées points trop précoces. Pour moi, comme pour eux je pense, ces écarts de température pourraient bien être dus à un immense dragon couché sous la terre, laissant parfois échapper de sa chaleur, que cela ne nous concernerait guère plus, à moins, bien sûr, qu’il ne lui toque de s’éveiller.

Lorsque se fait entendre le craquement, à ma droite, derrière moi, mon corps prend le relais de mon esprit. Tout en pivotant je m’efforce de passer en partie devant Maël qui s’est posté derrière moi, mon bras bande l’arc, la flèche encochée prête à partir, mes pieds ont trouvé seuls leur équilibre ; j’aurais pu décocher le trait à l’aveugle, comptant sur mon seul instinct, pour effrayer la menace, ou simplement la blesser ; mais rien ne me disait qu’il s’agissait d’une menace, ç’aurait pu être un paquet de neige qui, en s’effondrant sous la pression du vent, aurait produit un son comparable à celui d’un pas. Les oreilles dressées, j’attends un autre signe tout en balayant l’espace devant moi ; si menace il y a, elle peut venir de plus d’une direction à la fois.



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Dernière édition par Jager le Ven 7 Mar 2014 11:55, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 6 Mar 2014 06:37 
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Un grognement horrible se fit entendre, mais de l'endroit opposé d'où venait le craquement. Puis apparut le propriétaire de cette voix:



Image


Image



Ce dernier fonce sur toi à toute allure, griffes devant

"Par Yuimen" s'écria Maël "Il est encore plus gros que celui qui a attaqué Angry "


((( Il n'y a qu'un Liykor, la deuxième image est pour te permettre de mieux voir ses équipements.
Comme tu l'auras deviné, un combat dirigé est sur le point de débuter. Tu as droit à une action simple + une attaque par post. Bien sûr, tu peux donner des indications à Maël et ça ne compteras pas comme une action simple ;) )))

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 7 Mar 2014 11:53 
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Un jour un arbre est tombé à quelques pas de moi, ses branches ont giflé mes joues, je me souviendrai toujours du déplacement de l’air, du craquement qui a envahi mes oreilles, de la crainte qui s’est emparée de moi lorsque j’ai compris ce qui aurait pu m’arriver. Le soleil avait joué contre moi, je n’avais pas perçu l’ombre du colosse végétal en pleine déchéance, le son ne m’était pas étranger, je me trouvais dans un espace qu’il fallait défricher, donc considéré comme sûr ; et personne n’avait crié. Après avoir infligé une raclée au bûcheron peu attentif et encore moins habile qui s’était chargé d’abattre cet arbre, mon père était venu me voir alors que je tremblais encore, en proie à une frayeur incontrôlée. Il m’a expliqué quelque chose que j’ai gardé à l’esprit toute ma vie : chaque individu qui naît à son heure pour mourir, et si cette heure n’est pas venue, c’est que ce n’est pas le moment ; en attendant d’être fixé, il faut se battre pour vivre, encore et encore, ne jamais renoncer, car peut-être l’heure n’est-elle pas encore venue.

La bête qui s’élance vers moi est une créature de la nuit, de l’ombre, une masse impressionnante de fourrure et de muscles, armée de griffes et de crocs, les yeux oranges flamboyant d’une lueur mauvaise. Se découpant sur la neige, sa silhouette est d’autant plus impressionnante qu’elle contraste avec le paysage, comme un être de cauchemar envahissant un rêve paisible.

« Dégage de derrière-moi et planque toi ! » crié-je à Maël. A dire vrai, je me souciais peu de lui sur l’instant, je voulais simplement qu’il ne se mette pas dans mes jambes au pire moment. Si je dois mourir, il est fort probable que le liykor s’en prenne à lui par la suite, aussi me concentré-je sur ce dernier plutôt que sur l’enfant. Au moment où je m’étais retourné, mon arc était déjà bandé, la flèche encochée, prête à s’élancer vers un éventuel adversaire. Mais le moment n’est pas encore venu de me mettre en mouvement. Parfois il faut attendre, parfois il faut être patient, plutôt que de se hâter. M’efforçant de faire taire à mes tempes le battement sourd, et la peur qui noue mes tripes, solidement campé sur mes deux jambes, j’attends. Ces secondes me semblent s’étirer en une éternité, les mouvements de la machine à tuer lancée vers moi se faire plus lents, la neige et la glace s’envoler en gerbes étincelantes dans le soleil. J’ai le temps, aussi infime soit ce répit.

Et je laisse s’envoler l’acier vers la cible. Dans le même mouvement, je me déplace sur le côté pour avoir le soleil dans le dos et attendre mon adversaire, cherchant dans mon carquois une deuxième flèche à encocher.


((( Attaque : CC Tir Précis, niveau 6, avec arc for+2, 1 flèche de bonne qualité MAJ+10, for+5 ; action simple : déplacement pour se mettre dos au soleil et flèche prélevé dans le carquois dans le même mouvement. )))

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 9 Mar 2014 23:55 
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Jet de dés: Attaque de Jager: 85 Réussite
Jet de dés riposte du Liykor: 30 Échec
(Les dés étaient de ton côté ;) )

Maël t'écouta sans faire aucun commentaire et s'éloigna de vous en courant.

Le projectile fila droit vers le liykor et l’attint à l'épaule droite, tout juste sous son armure. Le liykor surpris rugit de douleur, mais ne s’arrêta point. La bête féroce et rompue au combat plongea sur toi.

Malheureusement pour lui, il te manqua. Nul ne sut, si c'est le soleil, ta rapidité de déplacement ou sa blessure qui le fit échouer, mais quoi qu'il en soit, il atterrit dans la neige non loin de toi.

La choc au sol cassa le bout de flèche qui sortait de son épaule.
Bien décidé de ne pas te manquer cette fois, il se releva rapidement et tenta de te transpercer de ses longues griffes.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 10 Mar 2014 10:57 
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(Une bonne flèche de foutue !)

Elle a pourtant porté au-delà de mes espérances, plantée profondément dans l’épaule droite de la bête, lui arrachant un terrible rugissement de douleur. Mais ce n’est pas tout à fait une bête que j’affronte, si bien que mon adversaire continua se course vers moi sans se soucier un instant de la blessure, toutes griffes dehors, et, heureusement pour moi, sans grand succès. Je l’ai sans doute esquivé, à moins qu’il n’ait été aveuglé par le soleil – je crois me souvenir d’un homme au village qui racontait que ces créatures vivaient la nuit et ne supportaient guère les agressions de l’astre du jour – mais il s’amena trop près de moi pour que l’arc me soit d’une véritable utilité. Je pourrais sans doute tirer une flèche, mais après mon léger avantage serait mis en défaut par sa masse impressionnante et ses longues griffes, sans parler de sa mâchoire qui pourrait sans doute me broyer le bras comme une brindille. Aussi laissé-je tomber l’arc et la flèche dans la neige pour me saisir de ma hache, dans ma main à temps pour faire face à la nouvelle attaque du liykor.

Du coin de l’œil j’ai vu s’enfuir Maël, qui quitta mon champ de vision. Soudain une crainte m’envahit : et s’il y a un autre prédateur dans la montagne ? Que deviendra ? Il me faut donc en finir le plus vite possible avec cette foutue saloperie pour aller m’assurer qui ce gamin ne craint rien.

(Va pas croire que tu pourras fourrer facilement ton museau puant dans les tripes d’un enfant de l’Ynorie…)

Tout en trouvant mon équilibre sur mes deux jambes, alors que le liykor fonce vers moi, je pousse un rugissement venu droit du fond de mes entrailles, de mon passé, cumulé de ma haine, de ma rage et de ces bas instincts que je jugule. Visant le défaut de l’armure au niveau du bras gauche, je m’imagine la branche noueuse d’un arbre coriace, une essence particulièrement dense, résistante, et frappe avec toute ma force.

(Notre force ! Je suis avec toi, ne l’oublie pas ! Hors de question que mon âme reparte dans les limbes de l’oubli !)

(((Attaque : Utilisation CCAA Trancheur, niveau 6, avec Hache d'Aaron)))




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Dernière édition par Jager le Mer 12 Mar 2014 12:01, édité 1 fois.

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