Inscription: Mar 19 Nov 2013 18:33 Messages: 1366 Localisation: Oranan - Maison des Kizukis
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Précédent_________________ Alors qu'Azuha avançait dans la neige, la Forêt lui parlait, ou parlait à l'autre guerrier. Dans tous les cas, elle n'y faisait pas vraiment attention. Elle marchait, sans se soucier du reste du monde, en suivant la route.
La neige craquait sous chacun de ses pas. Le vent s'infiltrait dans les moindres interstices de son armure, glissant calmement le long de sa peau, roulant contre les perles de sueur. La plaie de son œil, vieux souvenir d'un vil homme, était comme un loup qui lui dévorait le visage. Son armure, de fer et de cuir, qu'on avait dit légère, devenait un fardeau de plus en plus lourd à porter. L'énergie développée pour soulever sa cuisse à chaque pas, Azuha la retrouvait en chaleur tournante à l'intérieur du four de cuir.
Douleur.
La neige craquait sous chacun de ses pas, le son résonnait jusqu'à dans ses os, si faible était-il. Ce son, si familier, et une sensation pourtant si absente. Mais à chaque pas plus intense. À chaque pas, la neige était plus fraiche au contact de ses pieds. À chaque pas, l'armure était plus légère. À chaque pas, l'œil d'Azuha était plus douloureux. À chaque pas, l'esprit d'Azuha fondait un peu plus dans son passé.
Bientôt, Azuha n'était vêtue que de haillons. Des haillons qu'elle connaissait bien. Des haillons qui lui avaient collé à la peau pendant trois ans. Des haillons qui étaient devenus son corps, sa chair, sa peau. L'odeur, elle s'en souvenait bien. L'odeur du sang, l'odeur de la sueur, l'odeur des rats... elle ne connaissait que trop bien cette odeur. C'était la sienne. Ça a été la sienne.
Azuha marchait dans la neige, errant sans but précis, sans direction. Elle avançait vers l'inconnu, venant de l'inconnu.
Derrière elle, elle entendait des sons. Des bruits. Du fer qui grince contre du fer. Du bois qui couïne contre du bois. Des râles, des souffles, et des pleurs. Elle ne se retournait pas, elle savait ce qu'elle verrait et ne voulait pas le voir. Elle savait maintenant pourquoi elle avançait. Elle savait ce qu'elle fuyait. Elle fuyait ces hommes et ces femmes dont la vie a été arraché à leur corps, dont la liberté n'a plus de raison d'être, dont l'existence était liée à la volonté d'un seul homme. Et elle fuyait cet homme. Cette homme qui lui avait tant pris, qui lui avait tant volé, arraché, sans jamais prévenir, sans jamais s'annoncer. Elle fuyait ce lâche voleur qui n'a jamais eu la dignité d'agir en homme et se cachait de tous.
Grikk.
On le connaissait peu, même dans les pays du Nord. Beaucoup vous diraient qu'ils n'ont jamais entendu d'un nom comme ça. Tous, à vrai dire. Mais certains, à la description d'une enfant venue d'Ynorie dont l'œil a été arraché, vous diront que leur mémoire leur susurre quelques mots. Grikk n'a jamais été un homme assumé, fier de ses idées. Il n'était pas convaincu lui-même de la providence de ses activités. Il n'y retirait pas de joie, il n'y retirait que peu d'Yus. Il n'en retirait pas grand chose, au final, mais le faisait quand-même.
Pauvre homme.- Pourquoi ?, dit une voix derrière Azuha.
Azuha reconnaissait cette voix. C'était la Sienne. Il était là, derrière elle, tout près. Trop près. Azuha pressa le pas. Elle ne voulait pas être près de lui.- Pourquoi ?, répétait la voix, toujours aussi près d'elle.
Azuha allongea encore plus le pas.- Pourquoi ?, répétait toujours la voix, sans jamais s'éloigner.
Quand Azuha se mit à courir, la voix répétait encore « Pourquoi ? » de plus en plus fort, de plus en plus proche.
Azuha s'arrêta, épuisée. Elle ne pouvait plus courir, et elle savait qu'insister ne servirait à rien. Courir n'arrangerait rien. Elle repris son souffle, et se releva.- Pourquoi ?, repris la voix, juste derrière elle.Azuha se retourna. Il était là, juste devant elle. Ses bottes de paysan, son pantalon de lin mal cousu, sa chemise teinte à la terre et au sang... ses bras poilus lavés dans la boue, son cou large comme un chêne, sa barbe inégale de sept jours suintante et puante, ses cheveux touffus mal coupés dégoulinants de sueur... Tout était là. Et ses yeux. Des yeux sans énergie, des yeux sans conviction. Il regardait droit devant lui, les yeux perdus dans l'infini du passé et de l'avenir.- Pourquoi ?, répéta-t-il. Pourquoi t'ai-je traitée comme je l'ai fait ?Azuha recula d'un pas, par réflexe. L'homme était trop près pour ne pas être dangereux.- Pourquoi ?, répéta Grikk une nouvelle fois. Pourquoi toi, et pas un autre enfant ?Azuha se détourna et voulu se remettre à courir, échapper à cet homme un peu plus longtemps. Mais il était toujours devant elle.- Pourquoi ?, répétait-il. Pourquoi t'ai-je retiré ton œil ?Azuha partit dans une autre direction. Il était toujours face à elle.- Ne pouvais-je pas simplement te fouetter, te frapper ?Azuha trébucha.- T'insulter...Cet homme était partout.- Pourquoi ?, répétait-il encore. Pourquoi personne ne voulait de toi ?Azuha tourna encore.- Avais-tu donc si peu de valeur ?Azuha tomba à genoux.- Pourquoi ?, répéta l'homme encore, en la regardant soudainement avec des yeux sincèrement inquiets. Pourquoi es-tu partie ?Azuha tremblait. Son corps tout entier avait froid, sa peau devenait bleue. Elle sentait de moins en moins ses doigts, ses oreilles et ses lèvres.
Grikk tendit lentement la main vers sa gauche.- Regarde. dit-il calmement. Regarde à quoi je t'ai enlevée.À l'autre bout de son bras se dressait la maison du clan. L'herbe du petit jardin, les fleurs bordant l'allée, le chat errant dormant paisiblement devant la porte, le son si précieux des cigales qui chantent, le clapotis de l'eau de l'étang, les rires des enfants jouant dans les salons, l'odeur du thé émanant des cuisines, le sourire de son frère lui faisant signe de venir, tout respirait la joie, la bonne humeur, le bonheur.
La maison.
Elle voulait y retourner.- Et pourtant, tu t'enfuis ici ? demandait Grikk, laissant les nerfs l'emporter petit à petit. La neige commençait à tomber. Azuha tremblait de plus belle quand chacun des flocons tombant du ciel se posait sur sa peau blême.- Qu'y a-t-il donc ici qui soit mieux que chez toi ?Il se pencha et ramassa une poignée de neige froide et poudreuse.- Est-ce la neige ? - il lança la neige sur Azuha. Il ramassa une autre poignée de neige, et souffla dessus. La neige se solidifia.- Est-ce la glace ? - il lança la boule de glace sur Azuha. Il sortit un éventail de la manche de sa chemise.- Est-ce le vent ? - il balaya l'air en direction d'Azuha, lui envoyant un vent glacial et violent.Azuha commença à penser qu'elle ne survivrait pas à cette expérience. Son corps était bientôt complètement changé en statue de glace.- Regarde-toi ! Tu deviens glace ! Tu te transforme en glaçon ! Est-ce là ce que tu cherchais ? Est-ce ça ton salut ? Ton œil t'était-il à ce point précieux que tu ne pouvais vivre sans et a préféré mourir de froid ?! Tu seras éternellement terrorisée ! À jamais, ton image sera celle d'une enfant martyre qui s'est enfuie vers sa propre mort ! Est-ce réellement ton souhait ?!! Puisses-tu geler pour l'éternité et ne jamais mourir ! Puisses-tu souffrir pour toujours et être un témoin éternel de ta propre couardise et de ta propre stupidité ! Puisses-tu perdre ton œil encore et encore et ne jamais en guérir !Azuha sentait que toute chaleur allait bientôt la quitter. L'espoir de revoir un jour son frère, sa mère, sa chambre, sa maison, n'était bientôt qu'une idée insaisissable, impensable, imprenable.
C'est alors que, du froid de la glace et de la neige, Azuha sentit sa poitrine s'animer d'une faible chaleur chancelante. Faible, mais suffisante pour rappeler à Azuha d'où elle venait. Il y avait dans cette chaleur une magie qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle l'accepta avec un cœur grand ouvert, ferma les yeux, et laissa la chaleur émaner de son corps.
L'énergie s'échappa de son corps frigorifié, emportant avec elle la glace et la neige, et toute la froideur de l'univers. Le monde était blanc, le monde était neige, mais le monde était chaud. Et la glace qui enveloppait Azuha s'envola pour former, à côté d'elle, la silhouette d'un Grand Loup Blanc.- Quoi ?! s'exclama Grikk. Comment ... que... QUOI ?Le grand loup s'adressa à Grikk.- Sache, l'ami, que le froid et la glace ne sont pas signe de mort et de solitude. Vendre des vies volées, en revanche, est signe de grands tourments et d'un mal profond.Avant même d'attendre une réponse, le loup se jeta sur Grikk la gueule grande ouverte, referma sa mâchoire sur son coup, et arracha son crâne à son corps d'un simple coup de patte. Il cracha la tête de Grikk sur son corps meurtri.- Plus jamais tu ne tourmentera Azuha, vaurien.Le loup se tourna vers Azuha, à présent debout et pleine d'énergie. Elle allait se jeter sur lui pour l'étreindre et lui exprimer son amour et sa gratitude, mais avant qu'elle put esquisser un mouvement, le bras de Grikk avait muté, était devenu une longue lame tranchante et avait coupé une patte du Grand Loup, qui tomba à terre tête la première.
Un grognement se fit entendre, puis un grand silence.
Azuha s'approcha du Loup, tandis que Grikk se relevait et replaçait sa tête sur son épaule.- Alors, Azuha. Fière de ses amis les loups, hein ? On a trouvé des compagnons sympatiques et pratiques, alors on se repose dessus, c'est ça ?Grikk s'avançait vers Azuha, qui reculait d'un pas à chaque pas de l'autre, laissant le Loup à son triste sort. Le Bâton des Glaces du clan Kizuki apparut discrètement dans la main de la jeune Ynorienne.- Et on les abandonne dès qu'ils ne sont plus utiles, en plus ! Bien ! Quelles valeurs, ma grande ! Honnêteté, courage, et loyauté ! Tu les cumules, dis-moi !Pendant ce temps, derrière l'homme qui s'avançait vers Azuha, qui ne reculait plus, l'herbe poussait autour du corps du Loup et des plantes grimpantes ont commencé à s'enrouler autour de ses membres.- T'es toute seule, maintenant, ma pauvre. Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant, hein ? T'enfuir vers une falaise ? Courir vers la première lame que tu verras ?Les plantes qui s'enroulaient autour du corps du Loup commençaient à reconstituer sa patte perdue. Azuha brandit son bâton vers son ancien maître.- Ah bah on tente de se défendre ! Quel renversement de situation, dis-moi ! Que vas-tu donc tenter ? Un coup de froid ? Une attaque de rhume ?Elle condensa son énergie, concentrée sur la simple idée de se débarrasser de cet énergumène.- Ouh, j'ai peur ! Je vais peut-être tousser trop fort et cracher un bout de ma langue !Le loup était à présent debout et prêt à l'attaque. Des épines lui avaient poussé. Il n'était plus fait de glace, mais de plantes et d'épines. Il grognait en direction d'Azuha et de Grikk. Azuha changea de cible et visa le loup. Elle relâcha son énergie et lança un projectile de glace qui vient se planter directement dans... la poitrine de Grikk qui venait de sauter devant elle en criant « NE M'IGNORE PAS ! » . Grikk disparut. Seul le Loup restait face à elle. Elle était seule face à cette menace inconnue. Ou non. Azuha était sur un cheval, dirigé par un homme en armure. Du coin de l'œil, Azuha pouvait voir, derrière le loup, une panthère noire armée de deux épées. Elle cligna des yeux et secoua la tête, persuadée de toujours délirer.
Azuha avait toujours son bâton à la main. Bien. Utiliser le katana ne serait pas bonne idée dans cette position. Temps est venu de tester le bâton de ses ancêtres.
Elle dirigea le bâton vers l'animal, condensa son énergie de la même façon qu'elle l'avait fait plus tôt, et relâcha._________________ Tentative d'apprentissage du sort évolutif Pic de glace et utilisation de ce sort sur le Loup Epineux _________________
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  Couleur : #88bbee Joueur : Oddwel
Dernière édition par Azuha le Dim 22 Juin 2014 00:25, édité 3 fois.
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