meurtreIl venait de tourner la tête. C'était un mouvement discret, qui ne lui permettait toujours pas de voir son visage, mais c'était beaucoup plus que ce qu'il avait fait jusque là. Prenait-il confiance en elle peu à peu ? Evangelina n'en savait rien, mais ce simple geste la rassura. Elle n'était pas la seule pour se battre contre cette menace qu'elle devait détruire. Elle n'était pas la seule à devoir se battre pour son rêve.
Puis l'inconnu fit un signe de la main, que l'Aniathy prit plus pour une invitation que pour un ordre. Une invitation à le guider vers l'homme qui pouvait les aider, vers Aënith. Evangelina sourit légèrement, puis se tourna vers Larhe. Et à sa grande surprise, il était en train de fouiller le corps du prêtres. Il semblait chercher quelque chose qu'il trouva finalement, puis se releva et se dirigea vers sa compagne.
Larhe lui tendit ce qu'il venait de trouver. Un parchemin, scellé des des côtés et apparemment ayant déjà vu passer devant lui quelques hivers. Evangelina regarda le parchemin puis les yeux de son compagnon.
"Il s'agit de la clef pour ouvrir les souterrains. Le prêtre a dit qu'il l'avait toujours sur lui et qu'il était l'unique moyen d'ouvrir ces souterrains.""Oh, merci Larhe.""Ecoutes... Je t'aime Evangelina. Je ne sais pas où tu vas, ni quel chemin tu empruntes, mais je te suivrais partout. Cependant... Fais attention, certaines choses sont vraiment dangereuses, et certaines actions le sont tout aussi."Larhe avait parlé doucement, mais sans volonté de cacher ses dires à l'inconnu. Celui-ci ne bougeait pas, comme à son habitude.
"Je t'aime aussi Larhe. Et ne t'inquiètes pas, tout ira bien."Evangelina ferma les yeux et posa ses lèvres sur celles de son compagnon. Plusieurs secondes s'écoulèrent, pleines de sensations sublimes et de sentiments, puis l'Aniathy se retira.
"Allons-y, le soir commence à arriver."Les deux Aniathys se mirent donc en route, s'éloignant du temple de Yuimen sans se rendre compte des yeux apeurés mais témoins qui se cachaient derrières une des statues. L'inconnu les suivit sans bruit, si bien même qu'ils se retournaient parfois pour être sûrs qu'il les suivait toujours. Le voyage se passa bien, pendant près d'une demi-heure.
Les trois voyageurs marchaient le long de l'orée de la forêt, suivant la route qui menait vers Lùinwë. Il commençait à faire sombre et les Aniathys étaient de moins en moins rassurés. Ils n'entendaient toujours pas l'inconnu qui les accompagnait mais savaient qu'il était toujours là. Cependant, ce qu'il ne savaient pas, c'est qu'il n'était pas seuls, et que des yeux les regardaient à travers les arbres. Et ses yeux s'approchaient silencieusement...
Evangelina ne les vit pas, mais elle sentait au fond d'elle que quelque chose était différent. C'était comme dans le temple, elle sentait ce qui l'entourait, faiblement, sans parvenir à discerner quoi que ce soit. C'était sûrement la magie qui l'habitait qui lui faisait ressentir tout ça, et cela la fatiguait plus qu'autre chose.
Ce fut Larhe qui les aperçut en premier, alors que leur propriétaire sortait en courant de la forêt. Il poussa Evangelina sur le côté pour la protéger et l'animal le percuta de plein fouet, le faisant tomber au sol, retenant de toutes ses forces la mâchoire de la créature. Evangelina poussa un cri alors qu'elle voyait la créature se débattre pour toucher sa cible. Elle essaya de se reprendre alors que la magie qui l'habitait se mettait à bouillonner.
Et soudain, il y eut un craquement. Larhe n'avait pas réussi à contenir la créature qui venait de refermer ses mâchoires sur son bras.
"Larhe !!!!"Ne pouvant ressentir de douleur, Larhe n'hurla pas, cependant la créature, elle, fut particulièrement surprise. En effet, ni chair fraiche, ni sang, ni muscle tendu ne s'offrit à sa langue. Seulement du bois, principalement. Et apparemment elle ne s'y attendait pas. Elle sauta en arrière eu feulant bruyamment, plus fortement qu'un chat ordinaire. Son museau huma l'air qui l'entourait, ses yeux reflétant la faim de sang qui semblait l'animer. Puis elle se tourna vers l'inconnu, tous les muscles tendus, prêt à se lancer.
Soudain, Evangelina se reprit, et repensa à ce que lui avait dit le père d'Aënith. Il fallait qu'elle se concentre, qu'elle apprenne à utiliser la magie qui était en elle. Elle ferma les yeux, se concentrant de toutes ses forces sur cette puissance qui tournoyait en elle. C'était difficile, car elle était vraiment incontrôlable. Mais au bout de quelques secondes, elle parvint à en maitriser une infime partit, qu'elle focalisa tout de suite vers son serre-tête. Ainsi elle parvint à la contrôler et tout changea. Tout semblait se calmer, l'Aniathy se sentait plus forte, plus puissante.
Elle rouvrit les yeux. Pendant un instant, tout semblait arrêté, et elle put étudier la créature. C'était une sorte de grand rat blanc, plus poilu et plus beau, avec de long poils drus sur le cou. Mais surtout, ses lèvres relevées laissaient apparaitre deux rangées de dents fines et aiguisées. Et ses yeux étaient rivés sur l'inconnu. Au moment où la créature détendit ses muscles, Evangelina libéra l'infime partie de magie qu'elle contrôlait. Cette magie, elle ne pouvait en faire qu'une seule chose, le seul pouvoir qu'elle ait jamais utilisé.
Une ombre noire s'élança vers la créature et l'enveloppa avant de disparaitre. La créature s'affala sur le sol, comme ayant raté son saut. Puis elle se releva. Elle semblait tout d'un coup fatiguée, déprimée.
Malheureusement, elle avait toujours faim, et ce n'est pas sa perte de force et de vigueur qui allait l'empêcher de manger. Elle s'élança donc de nouveau vers l'inconnu, même si ses capacités étaient amoindries.
Et Evangelina n'avait plus le temps de maitriser sa magie...
Ceux qui sont seuls
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Les dieux ne sont qu'enfants, inconscients et inaptes. Ils souffriront comme j'ai souffert, perdront à jamais leur pouvoir et erreront, comme jamais personne n'avait encore erré. Ils pleureront, remplissant les mers, et saigneront, car tel est le sort que je leur réserve, car enfin ils vivront ce qu'ils ont fait vivre...
Merci à Itsvara
« Les hommes ne sont pas nés du caprice ou de la volonté des dieux, au contraire, les
dieux doivent leur existence à la croyance des hommes. Que cette foi s'éteigne et les dieux meurent. » Jean Ray