L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Ven 25 Juil 2014 00:27 
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Je ne suis absolument plus maître des évènements et je n’ai d’autre choix que de faire confiance à Astérie, qui arrive vers nous le regard serein et confiant. Son message est clair : elle a un plan. J’ai la certitude que nous arriverons, ensemble, comme nous l’avons toujours fait. Je me souviens petits, quand nous menions nos parents en bateau pour obtenir des sucreries supplémentaires. Ici c’est pareil : nous mangerons nos bonbons !

C’est alors que la ruse opère… Astérie saute sur la première occasion pour faire constater à la troupe qu’un homme manque à l’appel. C’est celui qu’elle a tué quelques heures plus tôt. J’admire son sang-froid. Elle qui était si bouleversée par ce meurtre, s’en sert désormais pour mener à bien la mission. Telle que je la connais, elle a inhibé ses ressentis. Il se peut qu’elle craque plus tard…

Ensuite, elle invente une histoire aussi grosse qu’une maison ! Mais le Chef, imbu de sa personne et, tel que ses compagnons me l’ont décrit tout à l’heure, voyant le mal partout (un comble, pour un voleur !!) tombe dans le panneau. Astérie lui affirme, à l’abris des oreilles qui traînent, que le disparu a monté un campement, un peu plus loin, et qu’elle l’a entendu dire qu’il manigançait contre le Chef.

Je suppose qu’ensuite, Astérie s’est appliquée à le convaincre de la véracité des faits, de l’urgence de se rendre sur place pour éviter tout soulèvement de sa compagnie contre lui. A vrai dire, je n’en sais rien. J’ai autre à faire durant la suite de leur conversation : il me faut trouver une corde. Et heureusement que j’y pense !! Si on doit arrêter le chef de la bande, il nous faudra de quoi le ligoter. Et vu la taille du bœuf, il nous faudra faire des nœuds solides ! Je ne sais pas si Astérie, y a pensé durant sa patrouille de l’après-midi - vu sa légèreté d’esprit, ça m’étonnerait ! - mais par pure précaution, je m’en charge.

Je m’éloigne donc de quelques pas, prétextant un besoin urgent, et me planque derrière l’une des tentes, à l’abri des regards. De la corde ? Facile ! Il y en a des mètres entiers sous mes yeux ! Je défais délicatement un tendeur de tente. Les nœuds sont réalisés de façon à pouvoir se défaire aisément et rend mon geste précis et rapide.

(Décidément, tout me semble simple, en une fois… C’est du chanvre en plus ! Rien de plus solide ! On va l’avoir, ce coquillard, on va l’avoir !)

Et criant intérieurement victoire, sans un peu trop vite, je dissimule l’objet de chanvre peu encombrant sous mes habits, tout en rejoignant Astérie et le chef d’un pas vif. Pour augmenter l’illusion et réduire les doutes, je chipote négligemment ma braguette, comme si j’étais en train de la refermer.

Astérie nous emmène alors tous les trois vers la destination présumée de ce campement secondaire.

La marche me semble longue et je ne sais pas trop si ma soeur sait où elle va. Nous passons par des haies d’aubépines, traversées lors de notre arrivée. Ensuite, ce n’est qu’un dédale de branches, de feuilles mortes et de rochers. Seule une chute d’eau semble modifier le paysage monotone qui nous entoure. Il n’y a rien faire, la nature et moi, ça fait quatre… Mon sens de l’orientation en ville est infaillible, mais dans la nature, pour moi, tout se ressemble.

A mes côtés, le chef semble peiner à marcher. Il sue, est essoufflé, et se plaint de la longueur du trajet. Tous les cinq pas, il s’arrête et marque une pause, appuyé sur un tronc d’arbre. Il marmonne entre ses dents et il me semble percevoir un : « Pfeu… J’ai plus vingt ans fils… » quelque peu nostalgique.

(Dis plutôt que tu as trop profité des plaisirs de la vie vieux!)

Astérie nous indique que le campement se situe derrière la petite colline qui nous précède et nous laisse prendre la tête de la marche. Dans la montée, le bandit émet des sons rauques, il a vraiment du mal à se déplacer sur la distance. Il faut dire qu’avec sa carrure, ça ne doit pas faciliter les choses… Par contre, ça fera notre affaire ! Si on doit s’enfuir, à tous les coups nous nous mouvrons bien plus rapidement que lui !

Une fois la colline franchie, dans la pénombre de la soirée et entre les ombres obscures et étranges des arbres, la silhouette clairement c’un corps mort est clairement visible. A notre arrivée, des craquements légers et furtifs retentissent. Sans doute un quelconque animal qui faisait bonne chère de l’individu.

Alors, le brigand comprend. Il reconnait Oudin, celui qu’il, comme tous les autres, appelait « fils ». Vivement, il se retourne vers moi, et dans un même mouvement, nous cherchons Astérie du regard. Que nous trouvons bien vite, une flèche pointée sur le grassouillet.

D’une voix forte et très sûre d’elle Astérie lui ordonne de se tenir tranquille et de se taire, le cadavre faisant preuve de ses capacités de tueuse. Sur le même ton, elle s’adresse à moi et me dicte de le ligoter. Je suis surpris de sa façon de me parler, mais je pense qu’elle est très concentrée sur ses actes.

Et tout en sortant la corde de ma tunique, je ne peux m’empêcher de sourire. J’ai bien fait d’y penser, à cette corde !

Il ne me faut alors que quelques secondes pour ligoter fermement le barbu nain, et le forcer à obtempérer.

Rapidement, notre petit convoi sort des bois, et nous prenons la route de la ville, en marche vers la milice où ce malhonnête sera rendu.

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Sihlaar


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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Ven 25 Juil 2014 11:09 
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Sihlaar s’exécute, et ligote le Chef des bandits avec une corde providentielle qu’il a eu l’intelligence de prendre avec. Sans doute piquée sur le campement des voleurs. Le barbu, sous pression tant par sa respiration difficile que par la présence du cadavre et de ma menace, se laisse faire, ronchon et râleur. Il ne tente ni de se débattre, ni de crier. Il fait face à son sort, et s’avoue vaincu. Un peu vite, peut-être, mais sans doute le défaitisme fait-il partie inhérente de son caractère.

Très vite, et sans plus tarder, au cas où les brigands nous prendraient en chasse, nous prenons la direction de la milice. Il est temps de nous y rendre pour toucher notre récompense et clôturer cette mission courte, certes, mais intense et riche en émotions.

À mesure que nous marchons vers la ville, une crainte naît en moi. Celle que nous nous fassions désormais reconnaître par tous les membres de ce clan dont nous avons arrêté le chef. Et qu’ils décident de nous faire payer cette arrestation. Ajouté à ça le crime de l’après-midi, et je me sens vaseuse à nouveau, comme prise de vertiges mentaux. Je suis le duo formé de mon frère et de notre prise, un peu en retrait, jusqu’à la milice.

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Asterie


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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Sam 26 Juil 2014 00:01 
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Dirigé pour Maâra -5-



Le chemin vers Yarthis se passa sans incident majeur, mis à part un chat perdu qui croisa ta route à un moment pour te suivre sans perdre ta trace jusqu'à Yarthiss




(((à présent que je t'ai trouvé le prétexte pour te rendre à Yarthiss, je te laisse rp seule ton chemin vers cette ville, ainsi qu'un premier rp dans les rues de la ville. A partir de ce moment là, je te suivrai à la trace ! ;) )

_________________
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À votre service, pour le plaisir de rp !


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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Dim 27 Juil 2014 15:52 
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Le chemin suivi par Maâra est loin d'être le simple sentier qui partait de la cabane de pêcheur, il en rejoint un autre à un peu moins d'une demi heure de marche, plus large et trop bien délimité pour être l'œuvre de la nature et des animaux. Les cailloux sont enfoncés dans une terre compacte en cette saison mais creusée par de nombreux passages de roues et de lourds chevaux de traits.
Sur sa route, l'étrange duo silencieux ne croise personne, au plus grand plaisir de l'elfe grise qui s'abandonne pleinement dans un profond et morose silence. Son compagnon la suit un pas en arrière, tout aussi silencieux et ne détourne les yeux des bois environnants que lorsqu'il sent sa maîtresse lui lancer un regard par dessus son épaule, sans mots dire.
Depuis l'arrivée de ce dernier, elle ressent comme une présence permanente mais très différente d'avec Morëla. Ce petit être s'était lui-même imposé à elle il y a quelques temps maintenant, venu se présenter pour l'aider à contrôler un pouvoir dont elle n'avait pas encore conscience à l'époque, un être de magie pure dont elle ressent parfois l'influence émotionnellement mais qui lui est finalement étranger sous bien des aspects … contrairement à la bête enfantée cette nuit. Elle la ressent aussi viscéralement que ses propres fluides, leur esprit ne font qu'un sans que leur émotions, pensées ou avis ne viennent pervertir le lien. Elle ne le ressent pas comme une entente cordiale entre deux êtres partageant de nombreuses affinités, mais comme une fusion, simple et irréfléchie de deux esprits en complète concordance.
Mais qu'en faire ?

Cette longue marche ne fait qu'accentuer l'unique part d'ombre de cette union. Cet être revenu d'entre les morts était-il là dans un but précis, avait-il un dessein à accomplir et devait-elle l'y aider afin de le libérer d'une quelconque manière. Le caractère immuable du lien s'impose à ses pensées mais elle ne peut s'empêcher de se questionner sur ce qu'elle pensait savoir sur la mort et son après, sur l'équilibre qu'une âme défunte est destinée à trouver pour reposer en paix.
A cette dernière réflexion intérieure, elle tourne la tête et observe StorVarg qui, sans qu'un son ou mimique ne soit employé, lui répond que lui non plus n'en sait rien. Puis, d'une même pensée partagée, les deux êtres dont l'esprit de revanche les a rassemblés se résolvent à avancer ensemble jusqu'à tout comprendre.

Après les sentiers tortueux épousant les reliefs et arpentés par les chasseurs, les chemins circonscris par les bucherons, Maâra approche à grands pas de la ville qu'elle aperçoit en contrebas à la lueur de la lune et des lumières du port qui ne dort jamais. Maintenant à vue de l'objectif, elle quitte la route et prend droit devant, à travers bois afin d'arriver aux portes avant le lever du soleil.
C'est dans ce décor qu'elle entend le premier bruit d'animaux ne provenant pas directement de la forêt. Un miaulement, ni plaintif, ni agressif, mais sollicitant l'attention de l'elfe ou peut être quelque chose de plus trivial se dit l'elfe en sifflant entre ses dents pour l'éloigner du lykor. Le chat à la robe d'automne continue pourtant de trottiner à bonne distance, miaulant régulièrement et visiblement peu effrayé par la présence du monstre décharné qui suit la grande elfe grise.

_________________
Maâra - Nécromancienne - Sindel
Ceux qui pensent que les morts appartiennent au passé, ne savent rien du futur


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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Dim 26 Oct 2014 20:42 
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En revenant de la taverne de l'Au-delà.


- Euh... Vous êtes certain que c'est une bonne idée, monsieur... ?

- Ne m’appelez pas monsieur. Deuxième fois.

- Pardon, désolé. Mais alors... Comment suis-je supposé vous appeler, alors ?

- Alcofribas. Tout simplement: c'est mon nom.

- Ah... C'est votre prénom ? C'est un peu déplacé de vous appeler ainsi, non ? Je veux dire, on ne se connaît guère, et nos relations, en dehors de ce service que vous me rendez, sont assez fraîches et ne dépasseront probablement jamais le stade de l'employeur et de l'employé. Pas que je me crois supérieur à vous, bien sûr ! Ni que je répugne à l'idée d'être votre ami ! Enfin... Simplement, il serait plus correct, à mon humble avis, que je vous appelle par votre nom de famille, ce qui...

- Vous pourriez m’appeler caillou, racine ou entrecôte de bœuf, je m'en tape relativement, du temps que c'est pas « monsieur » ou je ne sais quelle fausse mondanité. Ce qui me gène, en l’occurrence, c'est votre incroyable propension à parler sans interruption. J'veux dire, j'comprends que vous soyez stressé par cette situation, mais si ça continue, il se pourrait bien que ma main prenne les devant et oublie momentanément qu'elle vise la joue de mon « employer ». J'suis clair ?

- Euh... Oui. C'est juste... Pardon, mais je ne quitte que rarement la ville. La forêt... C'est un endroit qui me dérange. C'est plein de bêtes, et pire encore si on en croit les légendes locales... Sommes-nous véritablement contraints de venir ici... ?

- Contraint, non. Mais comme je vous l'ai déjà dit, le traqueur sera moins enclin à se montrer en ville, puisque son domaine naturel est la forêt. De plus, c'est également un milieu ou je suis nettement plus à l'aise pour chasser. Et enfin, je peux difficilement tendre un piège en pleine bourgade sans attirer l'attention de la milice du coin. Un civil avec une arbalète chargé et à l'affût, ça rassure pas. Vous voulez pas qu'on s'attire des problèmes, j'ai juste ?

- Bien sûr que non... Mais nous pourrions tomber sur d'autres « problèmes » que le traqueur, ici, n'est-ce... ? Imaginez qu'il y ai des loups !

- Bien sûr, qu'il y a des loups. C'est une forêt. Une forêt à proximité des montagnes, en plus.

- Quoi ?! Mais c'est atrocement dangereux !

- Le loup ne s'attaque pas à l'Homme - surtout s'il s'agit de DEUX Hommes – à moins que nous ne soyons mourant, ou alors qu'il ai la rage. Et j'en sais quelque chose, j'en ai déjà chassé. J'serais vous, je m’inquiéterais pour d'autres choses que les loups...
Alcofribas s’arrêta de marcher, soudainement à bout de patience. Le marchand se plaignait depuis leur départ de Yarthiss. Non, en fait, depuis que le rôdeur lui avait expliqué sa stratégie. Il remettait tout en question, et transpirait la peur et le doute. Alcofribas n'était d’ordinaire que peu sensible aux sentiments d'autrui, mais l'anxiété de ce pleutre finirait par être communicative.

- ...Et puis merde, c'est qui le chasseur, ici ? J'suis payé pour vous aider ou non ? Si vous voulez, on retourne en ville et vous continuez de vivre votre petite vie douillette, tant que vous êtes en vie.

Manifestement, l'autorité semblait fonctionner sur lui. On aurait dit un enfant pourri gâté ! En fait, on ne devait pas souvent lui tenir tête. Ou bien simplement, le marchand n'avait pas l'habitude de se trouver dans un domaine où il s’avérait être incompétent : il quittait rarement son échoppe, et dans ce petit monde qui était le sien, il était roi. (Au détriment de ses clients, si ce qu'avait dit les types de l'Au-Delà était vrai) Là, il était en danger de mort, et la seule solution était de demander de l'aide à un inconnu, rustre et peu digne de confiance - selon ses critères - qui l'emmenait loin de toute civilisation. On pouvait aisément comprendre son malaise.
Mais vérole, il exagérait, tout de même ! Alcofribas connaissait son affaire, et en dehors du prix qu'il avait, certes, quelque peu surestimé, il avait vraiment l'intention de faire les choses correctement.
Qu'on le laisse un peu bosser, quoi !

- Oui. Pardon, pardon.
Le bonhomme baissa la tête d'un air contrit. Un gosse, je vous dit ! Quand Alcofribas reprit la marche, il le suivit sans mot dire.

Quelques centaines de mètres plus loin, les deux hommes s’arrêtèrent de nouveau, toujours à l'initiative du chasseur. On commençait à distinguer, à une centaine de mètres plus loin, une clairière située en contrebas.

- Bon. Ça devrait faire l'affaire. Cette clairière m'a l'air pas trop mal. On fait donc comme on a dit. Vous allez y aller, et rester seul un moment. Comme convenu, je vous donne ma bourse en guise d'assurance.
Il joignit le geste à la parole et tendis à son employeur une petite sacoche en cuir, qui émit un léger tintement métallique quand elle changea de main.

Alcofribas n'avait guère l'habitude de faire ce genre de chose. Mais le commerçant était si paniqué à l'idée de rester seul qu'il avait exigé une garantie qu'Alcofribas ne l'abandonnerait pas. De fait, ce dernier avait peu de chance de se faire avoir : le marchand était bien en chair et répugnait à tout effort physique, il avait donc peu de chance de réussir à se carapater avec l'argent d'Alcofribas... Surtout en pleine forêt. De plus, il souhaitait sincèrement être débarrassé du traqueur, et tenter d'escroquer le rôdeur de quelques malheureuses piécettes n'allait guère en ce sens.
Dans le cas où l'homme succombait... (Et bien quoi ? Le risque 0 n'existe pas) … Et bien le rôdeur se basait sur l'idée que l'argent n'intéressait pas les traqueurs obscurs. Il récupérerait son bien sur le cadavre, voilà tout.

- Alors. Comme il est impossible de savoir combien de temps ça va durer exactement, n'hésitez pas à boire et à manger les provisions que vous avez pris. Et si vous avez d'autres besoins naturels... Assurez-vous simplement de rester dans mon champ de vision. Même si vous crevez de trouille, ne m’appelez pas, n'essayer pas de me parler ou de me faire des signes et ne venez pas dans ma direction. S'il y a vraiment une raison valable pour m’appeler – et j’espère que j'me suis montré clair sur la définition du mot « valable » ! - tenez-vous en au signe qu'on a défini tout à l'heure. Pigé ?

Les traqueurs ont une intelligence limitée, assez pour attaquer un homme seul au milieu d'une clairière, là ou toute autre espèce douée de réflexion aurait humé le piège à des kilomètres. Mais en revanche ils étaient familiarisés, comme tous les prédateurs, avec le concept d'infériorité numérique. Si le marchand montrait trop ouvertement qu'il n'était pas seul, la créature aurait peu de chance de se montrer.
Les traqueurs avaient la constitution d'un humain de petite taille, en dehors de leurs formidables capacités en matière de filature et de camouflage, ils étaient assez faibles physiquement. L'essentiel de leur stratégie offensive misait sur la surprise. Le monstre n’apparaîtrait probablement pas en présence de deux humains, dont un armé.
C'était aussi pour ça qu'Alcofribas se séparait du marchand ici, et pas plus loin : moins de traces il laissait à proximité du lieu choisi pour le traquenard, mieux s'était.

- Restez près des arbres ! Pas totalement au milieu de la clairière ! Si vous êtes trop à découvert, la bête aura moins de chance d'attaquer. Il faut qu'elle se sente en confiance.

Le vendeur de tapis ouvrit la bouche, puis la referma. Il commençait à retenir la leçon, le bougre ! Il accrocha la bourse de son compagnon d'infortune à la ceinture et traîna son sac derrière lui en se dirigeant vers la clairière. Il était à deux doigts de pleurnicher.

Alcofribas quant à lui entreprit de grimper à un arbre, choisi pour sa solidité apparente et la vue dégagée qu'il offrait sur la clairière. Tout en pestant contre son corps vieillissant, il se hissa sur une branche à quelques mètres du sol.
Après avoir éprouvé sa robustesse, il se mit dans une position assez confortable pour la conserver pendant des heures.
La journée, et probablement la nuit, allaient être très longues.

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Alcrofribas, chasseur de monstres.


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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Mer 5 Nov 2014 18:21 
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Alcofribas sursauta. Un chevreuil qui galopait, non loin de l'arbre dans lequel il était installé. S'était-il assoupi... ? Probablement. Sinon, il aurait vu venir le cervidé. Un rapide coup d’œil vers le marchand lui apprit que lui aussi avait sombré dans le sommeil. À moins que... Non. En se concentrant sur son ventre il pouvait le voir bouger au rythme de sa respiration. Pas facile à voir, avec le brouillard.

De quoi aurait-il eu l'air, si son « patron » s'était fait descendre pendant qu'il roupillait ? Mauvaise publicité, ça. Le vieux qui faisait la sieste en pleine chasse.
Bref, tout allait bien.
Depuis trop longtemps.

Une après-midi et une nuit entière s'étaient écoulées sans qu'il ne se soit rien passé. Le rôdeur commençait à craindre que le marchand ne s'impatiente, et ne fasse une bêtise.
Alcofribas, lui, était très patient.

Le seul problème, c'était cette brume qui régnait sur la forêt depuis la veille au soir. Le vieil homme avait dû changer d'arbre pour se rapprocher du marchand, histoire de le voir correctement.
Le plus étrange, c'était que la brume semblait amplifier au fur et à mesure que défilait la matinée. Logiquement, la chaleur et les rayons du soleil auraient dû disperser cette opaque purée de pois. Du moins en partie. Cette forêt était peut-être véritablement bizarre ?
Si le vieil homme commençait non seulement à s'assoupir en plein boulot, mais aussi à accorder du crédit aux racontars des péquenots superstitieux du coin, bonjour la réputation...

Quoi qu'il en soit, la visibilité était mauvaise, et à ce qu'il semblait elle allait le devenir de plus en plus. Mauvais, ça. Très mauvais. La situation évoluait à l'avantage du traqueur. Comment dézinguer une créature qui a naturellement de formidables compétences de camouflages, quand on ne voit pas à 5 mètres ?

Le chasseur perché médita là-dessus en croquant un quignon de pain rance. Il étendit ces jambes, pour ne pas oublier qu'il en avait. Rester des heures dans la même position ne le dérangeait guère mais l'angoisse croissante du marchand le rendait nerveux. Pour le moment, il dormait. Mais il n’arrêtait pas de tourner en rond en regardant de tous les côtés, et hier soir il avait même sangloté.

Voilà pourquoi il était préférable de bosser seul ; il y a moins de facteurs inconnus où hors de contrôle quand on a pas à compter sur les nerfs des autres.



Alors qu'Alcofribas taillait un morceau de bois qui prenait peu à peu la forme d'un oiseau (un oiseau bien en chair, certes) une petite lumière attira son attention. Instinctivement, il pensa à un humain avec une torche ou une lanterne, mais un examen plus approfondi lui révéla qu'il s'agissait simplement d'un lutorina de belle taille, qui volait à un mètre au dessus de la clairière et s'approchait de lui.
L'insecte faisait bien ces 30 centimètres, et était assez lourd, au bruit qu'il faisait en volant. Inoffensif, ces bestioles avaient toujours amusés le chasseur. Gros et patauds, muni d'yeux minuscules, c'était une créature assez comique. Leur trogne lui avait toujours évoqué celle d'un humain simple d'esprit. Ces lumières au bout des antennes leur donnait un aspect de grosse luciole mais... En moins poétique, dirons-nous.

Comme à l'habitude des représentants de cette espèce, l'insecte semblait chercher de la nourriture. Il changea de cap plusieurs fois et finit par jeter son dévolu sur les provisions du marchand. Étant donné l’appétit de ce dernier, il ne devait pas rester grand-chose dans sa sacoche. Ce dernier s'éveilla en sursaut, et cria comme un déjanté en voyant le gros insecte lumineux à quelques centimètres de son visage.
Sa surprise aurait amusé Alcofribas en d'autres circonstances, mais le vieux rôdeur avait omis de se munir de son sens de l'humour, ce soir-là.

Son « appât » se leva brusquement sans cesser de hurler, et voyant la créature s'envoler (la pauvre bête avait du avoir un peu près aussi peur que lui) il sauta sur place et courut à toutes jambes.
Non, Alcofribas ne rêvait pas ! Cet imbécile heureux gesticulait comme une gamine gambadant dans les prés ! Il entra dans la forêt sans un regard en arrière, disparaissant totalement du champ de vision d'Alcofribas.

Ça vous payait pour se protéger, et ça s’éclipsait, comme ça, dans les bois, comme une envie de pisser ! Le chasseur descendit de son arbre aussi vite que ses vieux os le lui permettaient. Il grommela des allusions fleuries, relatives au fait que les parents du marchand auraient été bien avisés de se retenir de concevoir un brave homme comme lui, notamment.

Il traversa la brumeuse clairière en courant, sur les traces du vendeur de tapis. Il hésita au passage à décocher un carreau sur le lutorina, par pure méchanceté. La bestiole faisait du sur place, à quelques mètres au-dessus des provisions du marchand. À peine l'humain hors de vue, elle se jetterais probablement dessus, comme s'il ne s'était rien passé. Cette saloperie ne perdait pas le nord ! Ne jamais faire confiance à un insecte obèse à tête de demeuré ! Alcofribas se surpris à faire des parallèles douteux entre l'obésité de son employeur et celle de l'insecte, ainsi que sur leur niveau intellectuel respectif.
La colère rend votre imagination particulièrement fertile.

Il entra dans les bois l'arbalète à la main, suivant sans mal la piste laissée par un homme presque deux fois plus large que lui. Il n'avait pas du courir bien loin, mais il fallait vite le trouver. Chose inquiétante, on ne l'entendait plus hurler.

S'il n'avait jamais accorder de crédit à la paranoïa du citadin envers les créatures de la forêt, il ne fallait tout de même pas asticoter la chance. Il y avait pire que les traqueurs obscurs dans cette forêt, et Alcofribas n'avait pas signé pour ça.

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Alcrofribas, chasseur de monstres.


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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Ven 14 Nov 2014 17:11 
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Localisation: Quelque part à Yarthiss-city.
Alcofribas courrait en pestant contre les arbres qui lui barraient la route. Et les ronces. Et la brume.
Il avançait plus rapidement qu'il n'en avait l'habitude en milieu forestier. Un bon chasseur ne court pas, il traque, lentement et laborieusement, vous dira t'on. Oui, certes, mais là, il y avait urgence.
Le gros lard (osons le terme, après tant de couardise de sa part, il le mérite bien) qui lui servait à la fois d'employeur et d’appât pour le traqueur des ombres qu'il était censé occire, s'était courageusement carapaté dans les bois.

Étant donné le tempérament de l'homme, et la manière dont ses nerfs avaient été mis à rude épreuve ces derniers temps, cette réaction n'était pas vraiment étonnante. Elle était même prévisible. Mais on espère toujours avoir de la chance. Alcofribas aurait du se fier à son succès aux cartes pour présumer de la sienne, avant de miser dessus.
Il avait déjà épuisé tous les synonymes de « gros » et de « lâche » qu'il connaissait bien avant d'avoir retrouvé le bonhomme.

Il s’arrêta brutalement. Ce qu'il faisait, ça n'allait pas. Ce n'était pas professionnel. D'accord, il y avait urgence, mais Alcofribas ne faisait que courir comme un dératé, exactement comme le faisait son imbécile de compagnon. Il s'accroupit, reprenant son souffle.
Il observa avec attention son environnement immédiat et fit le point. Et c'est bien connu, il est préférable de le faire à voix haute, même si l'on est seul.
- Bon, bon. Un homme dans un état d'hystérie total, sans aucune connaissance des forêts et aucune compétence physique particulière... Que dis-je, un gros tas de... !
… Bref. Un type sans compétence physique particulière se trouve actuellement sans guide ni protection, quelque part dans ces bois, alors qu'il est vraisemblablement recherché par une foutue créature qui veut sa tête. Que ferais un gros lar... Un gars comme ça ?


Son analyse des alentours lui révéla qu'un chevreuil ou un jeune cerf était passé là il y a quelques heures. Il nota également la présence un buisson de succulentes baies des bois. Mais dans l'immédiat, ça lui était aussi utile qu'un nez sur le front.
Les petites branches d'un noisetier arrachées à hauteur d'homme attirèrent son attention. Un examen plus approfondi lui fit remarquer que la mousse était écrasée à de grands intervalles – intervalles qui pourraient tout à fait correspondre à ceux des pas d'un homme qui courrait. Son regard suivi les traces. Elles semblaient se diriger vers une zone moins boisée.

Il se leva et avança de quelques mètres, avec les empreintes de pas pour guide. Il apercevait petit à petit une sorte de clairière, où la végétation était en majeure partie remplacée par de la pierre calcaire se déclinant dans de nombreuses teintes de jaune, du blanc passé au marron clair. Seule la mousse et quelques rares arbustes venaient revendiquer les droits de la forêt ici.
Les gisements de calcaire semblaient dévaler une pente gargantuesque, petit à petit, millénaires après millénaires, dans une chute dont une lignée entière d'Homme ne verrait pas la fin. En effet, la roche s'étendait sur plusieurs centaines de mètres en dénivelé, et disparaissait, avalée par la forêt et le brouillard, dans sa partie basse. Le site aurait fait une carrière idéale pour des races de bâtisseurs, s'il n'était pas situé aussi loin dans le labyrinthe sylvestre.

C'était tout Alcofribas, ça. Ça avait du boulot, et pas des moindres, et ça prenait tout de même le temps d'être sensible à la beauté du paysage. C'est en se faisant mentalement cette remarque que des cavités dans la roche attirèrent son attention.

- Mais... Mais bien sûr ! Un gros poltron comme ça irait se réfugier dans une grotte !

C'est du moins ce que pensa Alcofribas sur le moment. C'est ce qui ressemble le plus à une maison, lieu associé au confort et à la sécurité dans l'esprit de tout citadin lambda perdu au milieu d'un océan d'arbres inhospitalier.
Il se dirigea au pas de course vers le trou le plus proche. De toutes manières, les traces s’arrêtaient là où s’arrêtait l'humus : son ami pansu s'était dirigé dans cette direction. Il était très ardu d'estimer la direction qu'il avait pris en le pistant sur de la pierre, aussi friable soit-elle. Il fallait malheureusement s'en référer à sa logique, désormais, jeu auquel le chasseur se sentait autrement moins confiant que le pistage.

- Je vais lui en coller une, moi, à cette couille molle si je lui met la main dessus !

Arrivé devant l'ouverture, on pouvait constater qu'elle était assez large pour laisser passer un homme, même de belle envergure. Le trou devait être plus petit à l'origine, mais certaines parties s'étaient effondrées du plafond, et s'étaient brisées au contact du sol. C'était fragile, pour de la pierre, le calcaire.
Alcofribas rentra prudemment dans la grotte, et laissa le temps à ces yeux de s'habituer à l'obscurité. Il n'avait pas de torche, et ce n'aurait pas été un problème s'ils étaient restés dans la clairière, relativement bien illuminée la nuit par la quasi-pleine lune de ces derniers jours. Mais non, c'était tellement plus amusant d'aller se terrer dans l'obscurité pour se protéger d'un ennemi qui était là dans son élément naturel !

- Merde, quoi, j'suis pas nyctalope !
Il défia quiconque de lui reprocher cette lacune d'un beau crachat bien épais. Il se racla la gorge, cracha une deuxième fois et mis ses mains en cône.

- Ho ! Vous êtes là ?
Aucune réponse, ni aucun écho. Il avait pourtant crier aussi fort que possible. Ça ne devait pas être bien grand ici. Alcofribas retenta en misant sur la seule chose qui semblait fonctionner sur le marchand : la trouille.

- Hoooo !! Si vous êtes là, sortez, ne faites pas l'idiot ! Vous vous pensez en sécurité ici mais ce n'est pas du tout le cas ! Ces bestioles sont déjà presque invisibles dans la forêt ou dans la brume, alors dans le noir, j'vous dit pas ! Sérieusement, faites pas le con, sortez!
En plus, c'était vrai.

Il avait mal à la gorge. Il faut dire, à force de haleter en courant, surtout avec l'humidité ambiante, et maintenant hurler... Ah ! Ce qu'il faut pas faire. Il était chasseur, pas nourrice, à la fin. Après quelques secondes sans réponse, il se résigna et se mis en quête, sans grand espoir, d'une autre grotte.

- Hééé ! M'sieur Alcofribas ! Je s... Je suis là, je suis là ! Me laissez pas tout seul !
À la fois soulagé et hors de lui, le rôdeur fit demi-tour dans un soupir.
- Mais merde ! Pourquoi z'avez pas répondu tout de suite ? Aller, on arrête les conneries et mainten...

- C'est parce qu'il est là ! Je l'ai s-s-senti, je le sais, oh je vous jure ! Me-me laissez pas tout seul, m'sieur Alcofribas, venez je vous en prie !
Il était terrorisé, si l'on en jugeait par le ton de sa voix. Il bégayait et son élocution naguère impeccable attestait d'une perte de contrôle totale sur lui-même.
- Je... J'ai-je-je je voulais pas crier de peur qu'il m'entende ! Maintenant c'est trop t-tard, venez vite, oh je vous en prie...

- Calmez-vous, calmez-vous. Vous n'êtes pas seul, je suis là et je vais vous aider. Vous n'êtes pas blessé au moins ? Vous pouvez bouger ?
Alcofribas brayait tout en avançant à taton dans la grotte. Sa vue s'habituait peu à peu à l'obscurité. Apparemment, la grotte était assez petite pour que la lumière y pénètre un peu près partout – mais la visibilité était également amoindrie par la brume emprisonnée dans la cavité. Il croyait distinguer une boule dans un coin qui pouvait être son bonhomme.

- Non... Je ne suis pas blessé... Enfin je... J'ai une crampe je crois, mais c'est d'avoir couru... Oh monsieur il est là, je le sens ! C'est comme la dernière fois, je sens une présence qui v-v-veut veut veut me tuer !

Alcofribas le croyait volontiers. Simplement, si la créature s'était retrouvée aussi rapidement dans la même grotte alors que sa proie n'y était elle-même que depuis quelques minutes au maximum, alors qu'elle n'avait donner aucun signe de vie durant plusieurs jours, (il en était même venu à se demander s'il ne s'était pas trompé sur la nature de l'entité qui pourchassait le marchand!) c'est simplement qu'elle était particulièrement futée.
Elle avait flairé le piège.
Elle n'avait jamais été loin de sa cible, et avait simplement attendu le bon moment. Celui-là. Ce n'était pourtant pas une faute professionnelle... Son mentor avait utilisée une technique semblable pour en avoir un traqueur obscur, et Alcofribas lui-même en avait déjà descendu un ! Soit c'était... autre chose, soit c'était un spécimen particulièrement intelligent.

Alcofribas eu une intuition. Si quelqu'un lui avait parlé de ce genre de chose, il aurait ri et dénoncé le ragot de bonne femme ! Mais c'était bien le cas. Si le monstre voulait passer à l'acte, et se trouvait bel et bien dans cette grotte en même temps qu'eux, c'était maintenant, le bon moment pour attaquer.
Avant que les deux hommes ne se rejoignent. Avant que le marchand ne reprenne un tant soit peu confiance en lui. Avant que le chasseur ne s'accoutume totalement à l'obscurité.
Il se saisi de son arbalète, retenue dans son dos par une lanière de cuir. Il tendit la corde et arma un carreau.

Ça n'a pas coupé. Son intuition était juste.
- Foutremerde !

Une petite silhouette, semblable à un petit homme, ou un enfant, mais maigre comme un clou, voûté, et les bras démesurément longs, se jeta sur le marchand. Il n'était même pas caché derrière un rocher : il était simplement immobile jusqu'à présent, et donc quasiment invisible.
Ses jambes s'accrochèrent à la taille de l'humain et ses bras autour de son cou. La majeur partie de son corps avait disparu derrière le marchand, puisqu'il était maintenant dans son dos.
Il devait serrer avec beaucoup de force, pour un si petit corps : la victime n'avait même pas assez de souffle pour hurler.

Alcofribas n'avait jamais fait ça : essayer de toucher une cible collée à un humain qu'il devait protéger. Et surtout pas dans une demi-obscurité chargée de brouillard. Se refusant net toute pensée angoissante, il éteint momentanément son esprit pour se maintenir dans un calme parfait, l'arme en joue.
Il anticipa l'attitude du marchand, qui fut effectivement celle de basculer en avant. Le haut du corps du traqueur fut visible quelques instants. Il commençait déjà à changer de position pour se protéger, tout en maintenant son étreintes sur le cou de sa victime. Foutrement maligne, cette saleté.

Calme comme s'il visait un simple chevreuil dans un talus, il concentrait toute son attention sur le traqueur des ombres. Toute son énergie était focalisée sur sa vue, le seul de ces sens qui n'ai pas encore commencé à décliner avec l'âge. Il avait l'impression de soudainement percer le brouillard et l'obscurité, comme s'il gagnait en acuité visuelle pendant une seconde.
Alcofribas ne se reconnaissait pas. Comme l'intuition qui l'avait poussé à préparer son arbalète alors qu'aucune raison empirique ne l'y invitait, il su à quel moment appuyer sur la gâchette. Et le fit.

Le carreau toucha son ennemi au niveau de l'épaule gauche. Trop en biais pour atteindre le cœur, il était néanmoins méchamment bien placé, étant donné les circonstances. Alcofribas n'osait même pas espérer le toucher. À vrai dire, il resta bêtement immobile, l'air hagard, pendant une dizaine de secondes, stupéfait de son exploit, pendant que la créature se tortillait misérablement à terre. Elle essayait vainement de retirer le projectile, mais son emplacement ne lui donnait aucune bonne prise, et il était trop profondément enfoncé. Il émettait des bruits parfaitement répugnants, et bien trop humains au goût du chasseur.

Il se ressaisi, constata que le marchand se serrait la gorge en reprenant de grandes goulées d'air. Il était donc vivant.
Alors que le traqueur commençait à ramper en gémissant dans les parties les plus sombres de la grotte, Alcofribas chargea un deuxième carreau. Le temps (trop long) que l'arme soit prête, le monstre avait déjà presque disparu dans l'obscurité. C'est sans hésiter une seconde que le vieux rôdeur se concentra sur la tête du traqueur, maintenant à découvert. Il ne fut qu'yeux pendant un instant. Comme à son précédent tir, l'intégralité de son être était voué à percer l'obscurité et le brouillard. Il eut sa tête en joue. Et y fit fleurir du bois et des plumes.

Sans hurler cette fois-ci, la bête devint soudain parfaitement visible et tomba mollement sur le sol calcaire.


En revenant à Yarthiss...

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Alcrofribas, chasseur de monstres.


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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Mer 10 Déc 2014 22:10 
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Esmé avait remis au forgeron peu prolixe l’argent demandé, puis repris le chemin de ses errances, le couteau repassé dans son fourreau, menace tranquille à sa ceinture. Les impératifs matériels remplis – un toit, des repas, son arme réparée, les fluides achetés, le mystère de la pierre gravée éclairci – de nouvelles préoccupations vinrent se placer en tête de la soigneuse organisation de sa journée. Reposée du voyage, remise de l’étrange rencontre sur le tertre, voilà la sorcière songeuse, qui contemplait la bague d’Isaac à son doigt, souvenir qui jetait des éclats opalescents, captant les rayons du soleil à chaque mouvement de la main. Ses pas, comme guidés par un instinct ancien, profondément ancré, l’avaient dirigé vers les quartiers les plus orientaux de la ville, la sortie, la nature ; son inconscient avait-il capté la course du soleil ? ses sens perçurent-ils les parfums de la nature sauvage portés par le vent ? la magie nichée dans son ventre lui soufflait-elle d’impérieux commandements ? Toujours était-il qu’elle quitta la ville, passant dans les rues sans vraiment les voir, abandonnant le brouhaha urbain des colporteurs, vendeurs, voisins, gamins, mendiants, oisifs, commis, crieurs, marteaux, scies, bris, vagissements, bêlements, gloussements, chute, chant, sifflements, grincements, grondements, balivernes, ragots, annonces, dénis ; le son des hommes et des choses, la mélopée des gens et des lieux. A celle qui avait connu pendant des années la solitude tranquille des collines, il fallait autre chose pour ce qu’elle entreprendrait.

En se dirigeant vers la forêt du sud, Esmé trouva ce qu’elle cherchait sans vraiment le savoir. Le lieu s’imposa de lui-même, et elle vint s’y couler avec respect et déférence pour cet univers secret qui lui ouvrait ses portes.

Ce n’est pourtant rien qu’un ruisseau peu profond, dont le lit se partage entre pierres et affleurements de veines d’argile grise, un des nombreux affluents du long fleuve qui traverse le continent. Comme son aîné, serein, tranquille, il serpente et toujours coule vers la mer, entraînant dans son flot un passé à chaque seconde évanoui, une vie nombreuse de plantes, insectes et poissons. Des truites folâtrent encore, tranquilles, entre les rares joncs qui sèment la berge, comme couchées sur les pierres, ondulant légèrement leur queue pour se maintenir contre le courant : les voilà qui parfois font demi-tour, filent, happent un insecte égaré, imprudent. La menthe aquatique sous les rayons de l’automne laisse encore monter dans l’air un parfum léger et reposant que le froid ne tardera pas à éteindre ; Esmé en est consciente, et ne savoure que plus cette sollicitation de ses sens alors qu’elle s’assied sur le parterre mousseux. Sa robe sera sans doute humide avant peu, mais cette considération l’indiffère, c’est une chose qu’elle comprend et accepte : le vent sur le trajet du retour fera bien son œuvre, ou encore le feu de l’auberge. Ce qu’elle goûte, apaisée, l’enivre au point de lui faire oublier tout inconfort, tout ce qui quotidiennement retient son attention, accapare son esprit, la lutte permanente pour sa place, son existence.

Pourquoi ce lieu et pas un autre ? La nature est proche, les arbres encore clairsemés par la coupe qui fait la richesse de la cité, la nature à des centaines de mètre lui tend les bras, et le ruisseau descend de bien plus loin des montagnes, sans doute torrent vigoureux, plein de force, plus haut encore. Là où se repose la sorcière pousse un saule. L’arbre depuis qu’elle l’a découvert l’inspire. Dans ses premières années, par les pages mortes des livres, elle apprit quelles vertus les guérisseurs trouvent à son écorce, et encore les qualités que lui trouvent les botanistes : on écrivait sur sa résistance, ses particularités, les diverses espèces que l’on retrouvait parfois loin au nord, là où rares sont les essences qui croissent. Et vint le temps du départ, de l’apprentissage, du contact à la nature aux côtés de ‘Man Grenotte. Alors le saule, comme bien d’autres, devint un compagnon des errances champêtres, des longues marches, de la vie au cœur des bois que parfois les sorcières privilégiaient à la fréquentation des humains, leurs semblables. Certains s’élancent vers le ciel, d’autres se montrent plus humbles, mais leurs branches souvent reviennent vers le sol, et profondes sont les racines dans la terre, qui se nourrissent des sols, et boivent l’eau. C’est là ce qu’Esmé aime chez les saules : ils lui donnent un aperçu d’un tout, d’un lien continuellement renouvelé entre le vertige du ciel immense et le tangible terrestre, l’immobilité toujours en lien avec l’eau qui courre et se renouvelle, l’élancement du tronc vers un ailleurs, et toujours ce retour vers les origines. La sorcière admire également la ténacité de l’arbre : le tronc creux, pourri de l’intérieur, n’empêche pas le saule de continuer sa longue vie ; ni la foudre ni le vent de l’importune, couché, tombé, encore et encore il se développe ; une de ses branches sciée, abandonnée, fera jaillir toujours de nouvelles pousses ; des baguettes plantées en terre, sans soins, offriront des années plus tard au voyageur une ombre salutaire.

Comme un vieil ami que l’on retrouve, le membre éloigné mais aimé d’une grande famille qui passe le pas de la porte, Esmé salue le saule d’une courte prière, lui souhaitant une vie longue, une éternité bénéfique, et s’excusant de venir ainsi troubler son repos. A proximité, les pieds dans l’eau, un héron cendré semble la contempler, sévère, gardien impassible des lieux.

La sorcière a cherché la paix, la sérénité, sans que la méditation et les divagations de l’esprit soient son but ultime. Cette tranquillité des lieux lui semblait nécessaire pour équilibrer le trouble que son projet n’allait pas manquer de provoquer dans tout son être.




‘Man Grenotte n’est pas une savante, une érudite, comme peuvent l’être nombre de mages. C’est un puits de sagesse et de connaissance, et de cela elle m’a abreuvé alors que je n’étais qu’une pousse avide. Comme ce saule, j’ai grandi, grandi vite, et vite encore. Comme lui, maintenant, je dois me renforcer, devenir cette entité capable de traverser les années et les épreuves. « Pour être fort, faut posséder la force, et faut être capab’ d’pas s’en servir. Ca c’est d’la force. Ceux qu’ont les pouvoirs, qui lancent leurs sorts à tout bout d’champ, ceux là valent pas une bolée d’pisse d’âne. Quand tu peux faire aut’ chose que la magie, tu fais aut’ chose, même si la magie, ça paraît plus facile. C’est pas les sorts qui changent la vie des gens, c’est c’qu’on leur apporte. » Sage ‘Man Grenotte. Et la leçon sur la magie avait continué. Les histoires succédaient aux histoires, et dans les contes, les fables, toujours elle plaçait un enseignement. Elles étaient déjà lointaines, les années où mon esprit se ravissait des prouesses imaginaires de tel ou tel personnage, et pourtant je l’écoutais, avide d’apprendre. Car ‘Man Grenotte ne savait pas vraiment faire la leçon : ou elle racontait, ou elle donnait du travail, toujours mesurées, toujours réfléchie, toujours efficace. « Tu vois, la magie, c’est comme beaucoup d’remèdes, faut pas y aller n’importe comment. J’ai vu des gars pas jojo passer par ces montagnes, le corps tout malade de fluides. Z’avaient pas bonne mine, ça non, une mine affreuse même. Ceux qu’en ont dans les tripes, si y z’abusent, y finissent comme ceux qu’en ont pas, leur corps y suit pas. Faut d’la m’sure, d’la m’sure en toute chose. Même c’qu’est bon, si t’en prends trop, ça d’vient un poison. C’pas pour rien qu’toutes les potions qu’on donne, on dit bien d’pas les user n’importe comment : trois gouttes ça t’sauve, trois gorgées ça t’tue. Ben toute la magie, c’est pareil. La magie, tu la mets dans ton corps. Mais lui, y veut pas forcément qu’tu lui en mettes trop, y faut lui laisser l’temps, qu’la magie elle prenne sa place avec tout l’reste. Qu’elle trouve sa place. Faut y aller douc’ment. Sinon t’es bon pour choper l’mal. Et quand tu chopes l’mal avec la magie, y’a pas grand-chose à faire, faut attend’ qu’ça passe. »




Perdue dans ses souvenirs, Esmé n’a pas eu conscience du temps qui passait. Le héron s’est envolé, sans doute pour aller pêcher plus loin, ou nicher quelque part, en sécurité. Doucement, Esmé sort de son sac les fioles de fluide qu’elle a acheté plus tôt. Les avertissements de ‘Man Grenotte sont bien présents dans son esprit, et loin de ses projets se trouve l’idée de les ignorer. Simplement, il lui faudra les adapter, car le temps manque.

(D’abord l’autre garce, rayonnante de puissance, qui m’aurait mise en pièce si j’avais eu l’idée de résister. Et puis ce guerrier sombre, sur le tertre… Isaac l’a vaincu sans peine… Lui aussi est puissant, très puissant. J’étais faible, sans ressources, et me voilà dans une ville étrangère, probablement avec les sbires de l’autre sur mes traces. Ces foutus fanatiques… Si ils se repointent, faudra que je leur botte le train, d’une force qui les fera se souvenir longtemps qu’on ne s’attaque pas impunément à une sorcière.)

Dans la lumière, les fluides dansent dans leurs prisons, semblables à de vivantes entités en attente d’un jugement. Les fioles retiennent ce qui précisément doit être délivré, n’est que puissance destinée à s’accomplir.

(Je ne m’empoisonnerai pas. Mon corps ne supportera pas autant de fluides, ça non, à ne pas en douter. Mais je peux faire autrement. ‘Man Grenotte a déjà sauvé un gamin qui avait grignoté la mauvaise plante dans la forêt : lavement, purge, les moyens ne manquent pas pour vider le corps de ce qui lui nuit. Pas de raison pour que la magie soit différente : elle aussi fait partie de ce tout qui est ma vie. Je dois tenter le coup.)

Cette magie qui allait affluer dans ses veines, il lui faudrait la canaliser, la déverser, la matérialiser, consumer l’énergie avant que cette dernière ne la consume : son corps deviendra un réceptacle, un transmetteur, un canal, le média idéal entre la magie et le monde. Pareille au saule, elle désire puiser dans une force qui la dépasse de loin, pour la transformer, devenir plus résistante, plus puissante, ancrer le mouvant dans sa stabilité.

La première fiole du fluide de terre a un goût d’argile fraîche, riche, lisse. Un souffle minéral semble se répandre dans ses poumons, une pâte épaisse coule dans sa gorge, manque de l’étouffer, bien qu’elle sache qu’il ne s’agit que d’une illusion, ou d’une réaction de son corps trop longtemps privé de cette substance. Alors sa volonté se dresse, barre d’acier inflexible, une volonté qu’elle veut sans faille. Accrochée à cette sensation d’étouffement, Esmé plonge dans son corps comme un pêcheur à la recherche de perles : ce qu’elle chasse, ce sont des filaments magique, qu’elle rattrape, noue, domine, dresse avant qu’ils ne s’emparent d’elle. Forte de cet afflux, elle se met à penser à la terre, à sa forme, à sa puissance. Dans son esprit, se matérialise une image : la foudre qui tombe, qui abat l’arbre. Cette image, il lui faut la se la réapproprier. Voilà qu’elle se figure l’air, le bleu éclatant des espaces infinis, le soleil qui oppresse, la pluie qui liquéfie, les nuages lourds et noirs ; et sous elle, le sol, solide, stable, puissant, qui s’érode pour mieux se transporter, glisse et se recompose, sans jamais céder. Dans ses veines, il y a de cette force. L’orage encore. La foudre, cette puissance déchainée qui broie l’arbre. Que deviendrait l’homme si d’aventure ce n’était pas la foudre qui tombait. Et si la terre tombait ? Une fulgurance ! Dans ses tripes, le faisceau magique qu’elle a laissé couler depuis ses lèvres s’agite, cette tentative pour le dominer l’épuise. La femme tend la main vers le ciel : elle sait le geste vain, car la magie n’est pas affaire de passes et incantations, mais une affaire entre son esprit et les fluides dans son corps. Elle doit les épuiser pour les matérialiser, opérer un transfert : elle est encore faible, novice, le geste l’aide. Tandis qu’elle serre le poing, elle pense la pierre, la roche, le sable, l’argile, un amalgame furieux, lourd, matériel ; elle forme la colonne derrière ses yeux clos, ouvre à peine les paupières pour observer le résultat de son entreprise. La forme oblongue voile l’horizon comme un brouillard, à l’orée de la consistance. Esmé serre les dents et le poing, s’oblige à penser plus fort cette colonne, l’imaginer sous les doigts, à sentir ses aspérités, sa disparité, à humer son odeur, à comprendre combien serait vaine une résistance ; elle ne cherche plus seulement à dominer la matière, elle accepte également de s’y soumettre. Le craquement de ses os est tangible, alors qu’elle comprend ce qu’il adviendrait de son corps chétif sous l’avalanche d’un chaos rocheux. Déterminée à ne pas céder à la panique, elle ferme totalement les yeux, et serre le poing plus fort, à s’enfoncer les ongles dans la paume de sa main. Son corps vibre, la magie de la terre lui râpe les entrailles, comme un torrent de gravier roulant d’une hanche à l’autre. Son corps vibre, n’est plus que tension. Le point de rupture est là, tout proche, le moment où elle ne retiendra plus rien, où elle se fera dominer par cette magie qu’elle a trop longtemps refusé. Parce qu’elle le sait, elle se sent investie d’une puissance face à la menace qui guette. A l’instant où elle sent ses forces l’abandonner, ce poing dressé vers le ciel, elle l’abat. Et ouvrant les yeux à cet instant, elle a à peine le temps de contempler son œuvre plonger vers le sol, pour disparaître sans même coucher un brin de l’herbe tranquille. La terre ne blesse pas la terre, la matérialisation de la puissance des fluides, faute de cible s’est évanouie. La victoire est pourtant là : cette colonne de roche et de terre, Esmé l’a vue, Esmé l’a sentie au plus profond d’elle, comme un prélude au vide qu’elle ressent soudain.

C’est une ivresse passagère, un moment de folie, la redécouverte de sensations qu’elle a depuis des années oublié. Alors que l’ombre la laisse toujours dans une humeur noire, la terre au contraire la vivifie. Le goût d’humus, de champignons, qu’elle perçoit dans son palais l’encourage. Il lui en faut encore, il lui faut combler ce vide. Encouragée par ce premier pas, elle vide les deux bouteilles de fluide de terre suivant.

La sensation est minérale. Ce n’est plus une argile souple, mais les concrétions, les dépôts successifs, l’œuvre du temps et des éléments qui s’imposent à elle. Dans une confusion passagère, il lui semble que tous ses membres ne sont que de longues stalactites, si rigides et si fragiles. Son propre poids l’enfonce dans le sol, comme un piquet sous les assauts de la masse, et elle comprend déjà qu’elle s’y noiera sans étouffer, dans le doux foyer de la terre humide. Un clignement de paupière et Esmé retrouve la réalité, percevant les fluides insidieux, cherchant déjà leur place dans l’organisme, envahissant la place laissée libre par le dernier effort. Sa dernière tentative pour maîtriser la matière a donné à la sorcière une meilleure compréhension du phénomène qu’elle a abordé. Ce qu’elle veut maintenant est bien loin de la force brute qui présida à la formation de la colonne. La pierre n’est pas que la masse qui s’effondre, broie et entraîne, elle est aussi un projectile. La femme se souvient des gamins qui, armés d’une fronde, s’entraînaient loin du village à renverser des effigies de branches mortes et de paille. Les galets soigneusement choisis volaient, sifflaient, percutaient : un jour, ces cailloux ronds au creux de leurs mains seraient peut-être leur seul moyen de subsistance, pour ramener chez eux un gibier trop lent, ou leur seul moyen de défense, face aux bêtes fauves qui guettent les pâtres autant que le troupeau. C’est cette pierre que pense Esmé, la pierre des frondes, des ricochets. En se raccrochant à la sensation éprouvée à la consommation des deux fioles, elle cherche à former comme deux flèches des pointes de pierre acérées, destinées à blesser, à faire souffrir, à s’envoler vers des cibles autre que de la paille. De l’autre côté de la rive, la pensée tisse une toute autre silhouette, qui n’existe que dans le coin de l’esprit d’Esmé encore agité de colère. Elle est grande, élancée, blonde, souriante, rayonnante, vêtue d’une lourde armure étincelante. Cette hallucination réveille quelque chose de profondément enfoui, et les fluides sombres entrent en ébullition, réclamant également leur part dans la mise à mort. La sorcière les fait taire, les réprime, car elle sait cette force autrement plus insidieuse que celle qu’elle cherche à domestiquer. Les deux épieux à ses côtés ont émergé du sol, paraissent léviter, attendant son ordre, deux chiens de chasse à l’arrêt. Pourtant, la volonté qu’elle projette vers l’objet de sa haine ne paraît pas suffire. Les épieux tremblent, vacillent, mais ne quittent pas son côté. Sentant que sa maîtrise faiblit à chaque seconde, elle décide alors de renoncer à l’un d’entre eux, qui retombe, poussière. Le dernier sous son contrôle semble répondre. Plutôt que de songer à le contrôler d’une quelconque manière, elle se contente d’impulser son départ vers cette femme tant détestée pour tout ce qu’elle représente, pour tout ce qu’elle a fait. Et le javelot de pierre s’élance en sifflant, traversant la représentation immatérielle, se fichant dans le sol tendre, puis disparaissant, absorbé par son élément. Malgré ce demi-échec, de n’avoir pas pu mieux faire, un sourire se dessine sur les lèvres de la kendrane en exil, un sourire dur, comme une promesse funèbre.

« Toi et moi on va se retrouver, et ce jour là, tu n’auras plus tes gardes, tu n’auras plus ta superbe. Je serai là, devant toi, et tu auras... » menace Esmé, s’adressant à l’absente. Peu lui importe que ses paroles se perdent dans le vent qui fait se balancer lentement les longues branches du saule. La femme se relève, époussette légèrement son vêtement pour en chasser les brins d’herbe et les quelques gravillons qui se sont déposés. Un instant elle se demande si elle devrait consommer les trois fioles sombres encore pleines. Et les souvenirs de la sensation impérieuse de la magie se répandant dans son corps la poussent à ranger ces trois objets tentateurs dans son sac : aujourd’hui était déjà beaucoup pour elle, elle ne se sentait pas prête à se laisser saisir par des arcanes tout autrement influents que ceux qu’elle s’est efforcée de maîtriser. Le soir approche, l’heure est au retour à la ville. Il y a là bas un homme qu’elle a abandonné dans de sales draps et dont elle s’inquiète tout de même un peu, malgré l’assurance qu’elle a reçu d’Isaac que tout se passerait bien pour le libre entrepreneur.

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Dernière édition par Esmé le Dim 1 Fév 2015 17:23, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Lun 19 Jan 2015 18:54 
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Perché sur le dos de Lyïl, franchir les murs de la cité est encore plus aisé. Dans un premier temps, je le fais survoler une voie forestière longeant le fleuve. Nombreux sont les humains que j'y aperçois, et il me faut me concentrer sur mon objectif pour ne pas céder à la tentation d'en frapper un. La haine nichée dans ma poitrine semble exacerber la fièvre. Je m'oblige à rester aussi calme que possible, ce qui cause frustration et amertume. Ma monture, elle, semble imperturbable, y compris quand je l'incite à descendre un peu au-dessous des cimes.

Mes yeux sombres balaient les environs. Cela fait un moment que je laisse l'oiseau me porter au-dessus de cette voie balisée quand je songe à une évidence.

( Suivre un chemin aussi dégagé ne me mènera pas où je le veux. Quel genre de secte s'installerait aussi près d'une voie fréquentée ? )

Sur ma gauche, j'ai déjà pu apercevoir des sentiers plus étroits, s'enfonçant dans une partie plus sombre de la zone. S'il y a un gardien dans cette forêt, alors il doit en être proche du cœur. C'est donc sur cette pensée que je fais ralentir Lyïl puis le dirige vers un passage moins distinct. L'odeur forestière me submerge, et je prends par précaution ma sarbacane chargée à la main. Celle-ci demeure sur la huppe bleutée de l'oiseau, mais avec moins de poigne.

Il me faut demeurer prudent. Je ne peux compter que sur mon instinct dans ce genre d'endroit.



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"Être libre, c'est ne pas s'embarrasser de liens."


Dernière édition par Nessandro le Lun 19 Jan 2015 19:28, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Lun 19 Jan 2015 19:08 
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Au bout d'une heure à t'enfoncer dans la forêt, un étrange parfum atteint tes narines. Tu vois au loin une forme blanche qui s'éloigne entre les arbres. Un fantôme ? En tout cas, ça n'a pas l'air naturel. Dans cette direction, se dresse un massif rocheux et, plus loin, tu peux apercevoir les montagnes.

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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Lun 19 Jan 2015 19:28 
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Méfiant, je laisse mon oiseau me porter de plus en plus loin dans cette forêt. Malgré l'heure, l'endroit est parfois encore bien sombre. Mes poumons s'emplissent de cette odeur forestière qui ressemble à celle que j'ai connu, mais pas exactement. Je n'arrive pas à mettre le doigt sur la différence, et je perçois bientôt un parfum étrange. J'ai à peine le temps de m'y intéresser qu'une forme blanche s'esquive entre des troncs. C'est vif, plutôt rapide, et son camouflage n'est pas du tout adapté à la vie en forêt. Mais est-ce seulement un animal ?

Je fronce les sourcils. La dernière fois que j'ai suivi une créature dans une forêt, cela s'est soldé par une embuscade. Je tends mes spirales auditives, et surtout fronce le nez. Les odeurs inconnues me rendent songeur. Qui sait s'il ne s'agit pas d'un pollen étrange ou de quelque autre concoction ? En tous cas, avant de m'être décidé, la chose en blanc s'est encore éloignée. Je m'étonne bientôt d'être à proximité des montagnes. Ai-je déjà fait tant de chemin ?

Plus singulier, un massif rocheux se dresse sur ma route, dans la direction prise par la forme.

( Invitation ou piège ? )

C'est partir du principe que le gardien de la forêt sait que je suis là. Ce serait idiot. Sauf si c'est une créature magique. Est-ce que l'odeur et l'apparition sont liées ? Si c'est le cas, alors je ne vais pas avoir d'autre choix que d'emprunter la même direction. Je n'ai pour le moment aucun indice sur la façon de dénicher le sanctuaire. Ou le gardien.



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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Lun 19 Jan 2015 19:37 
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Alors que tu es plongé dans ta réflexion, la forme blanche jaillit juste devant toi en criant :

« BOUH ! »

Puis, elle éclate d'un rire cristallin. Comportement pour le moins surprenant de la part d'une forme fantomatique indéterminé. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'elle a la taille d'un humain et qu'elle semble féminine. Et aussi, bien sûr, que son sens de l'humour est déplorable.

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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Lun 19 Jan 2015 20:00 
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Je n'ai pas franchement le temps d'exécuter le moindre projet que la forme blanche surgit juste devant moi, s'accompagnant d'un son claquant et moqueur. Mes yeux s'écarquillent, mais la surprise est telle que je déglutis trop vite et suis pris d'une quinte de toux. Lyïl fait vivement du sur-place, lâchant un son chanté plutôt mécontent à ma soudaine tension. Et pendant que j'essaie de me reprendre, un rire cristallin s'élève.

Mes yeux sombres observent la forme. Je ne sais pas vraiment ce que je ressens. Une pointe d'arrogance s'insère en moi, parce que j'avais encore raison. Je suis aussi plus irrité que jamais car c'est encore une apparition d'aspect féminin, humain de surcroit. Et en prime, c'est un esprit farceur. Malédiction !

"Très amusant.", fais-je avec irritabilité.

Un esprit maléfique m'aurait attaqué, pas fait presque sursauter. Oui, presque, parce que je préfère encore être corrompu d'un coup que d'admettre qu'elle a failli me faire peur, cette saleté. Une humaine normale aurait déjà été victime d'une fléchette en pleine face. Sauf que cette chose n'a pas l'air normal.

"Et j'ai affaire à ?", demande-je en lançant un regard appuyé sur sa trogne pâle. Et au passage bien moins agréable qu'une autre. Masculine, elle.

Ce flash de pensée disparait aussitôt de mon esprit. Concentration. Faut encore que je m'abime les yeux sur une silhouette féminine. D'ailleurs, est-ce bien de ce phénomène trop clair pour mes prunelles qu'émane l'odeur ?



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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Lun 19 Jan 2015 20:07 
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Le parfum est presque enivrant à cette proximité. Elle semble bien s'amuser. Mutine, elle précise :

« Je suis la gardienne de la forêt ! J'y ai vu toute sortes des choses, mais jamais de petits hommes ailés. Un aldryde, c'est ça ? Comme c'est amusant ! Tu veux jouer ? »

Elle semble d'une certaine inconstance, comme une enfant, mais inutile de préciser que ce serait un tort de sous-estimer une telle entité.

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 Sujet du message: Re: La Forêt du Sud
MessagePosté: Lun 19 Jan 2015 20:33 
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L'odeur est puissante. Elle vient de cette créature qui répond tranquillement à ma question. Toutes mes plumes se hérissent légèrement, et je manque de pousser un souffle médusé. J'ai devant moi la gardienne de la forêt, qui semble amusée. Elle prétend avoir vu toutes sortes de choses, mais jamais de petits hommes ailés. Que veut-elle dire ? Qu'elle n'a jamais vu de mâle ou qu'il n'y a aucun aldryde dans cette forêt ? J'ai du mal à y croire. Toutefois, le risque infime de tomber sur la plus petite femelle de ma race m'ôte une épine du pied. Enfin, s'il est possible de croire cette créature, évidemment. C'est quand même une entité féminine.

Et voilà le cristal de sa voix qui me demande si je veux jouer. Je n'aurais pas pu tomber sur un arbre gigantesque ou un cerf trop nourri aux fluides de terre plutôt ? Non, il faut que ce soit sur une femelle, d'apparence humaine, et qui a en plus une personnalité de lutin ! Rien que ce dernier point éveille ma méfiance. Et son odeur commence à me rendre nerveux, tout comme une brève avancée de la corruption sur mon abdomen.

"Aldryde. Et pas venu jusqu'ici pour jouer.", fais-je sans détour. "Et si tu es ce que tu prétends, tu dois le savoir."

Comme si j'avais la tête à perdre du temps en jeu ! À tous les coups, cela aurait été une bête charade ou une partie de cache-cache. Sauf que si cette entité protège réellement la forêt, elle doit avoir d'autres atouts dans sa manche. Si elle en a. Raison de plus pour ne pas lui faire la moindre confiance, et essayer de me préparer au plus inattendu.



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