(( HRP : Quand j'ai écrit mon dernier rp il y a 9 mois, j'ai laissé mon personnage sur la route entre Kendra-Kâr et Bouhen. Donc j'ai essayé de reprendre le récit de façon logique, en commençant 9 mois plus tard et en supposant qu'il s'est rendu à Bouhen pendant ce temps-là ))La place du marché de Bouhen était encerclée. Chaque ruelle pouvant constituer une échappatoire avait été méthodiquement occupée par leur groupe. Aucune personne se trouvant actuellement sur la place ne pourrait la quitter sans qu’ils ne puissent la repérer. Assis à même le sol contre le mur d’une vétuste maisonnée, bloquant la sortie nord-est du marché, Sharis tournait et retournait de sombres pensées lorsque l’homme installé en face de lui lui fit un signe pour attirer son attention.
" Prépare-toi, il y en a un qui tente sa chance chez nous."Le varrockien porta son regard vers la place : Un vieil homme, dont les habits raffinés marquaient son appartenance à une famille de haute lignée, se dirigeait vers eux. Son air agité montrait qu’il savait très bien ce qui l’attendait et quand il passa à leur niveau, le compagnon de Sharis se jeta sur lui… et s’accrocha à sa main dans une attitude de supplication.
-"Mon bon monsieur, auriez-vous une pièce ? Un petit yus ou deux pour un père sans le sou et son fils peu gâté par la nature, soyez généreux !"" Lâchez-moi ! Je suis pressé, je n’ai pas le temps d’écouter vos sornettes !" cria le vieux bourgeois en cherchant à échapper à la prise du mendiant.
Mais celui-ci s’agrippait à la manche et ne semblait pas disposé à abandonner. Affublé d’une simple pèlerine crasseuse et d’un pantalon en toile de jute, il était l’image même de la misère. Il profita de la désorientation de sa victime pour changer de position et s’agenouilla devant lui.
( Somme toute, pensa Sharis,
Il doit avoir le même âge que le bourgeois, mais la pauvreté a tellement altéré son visage qu’il en fait dix de plus ) Comprenant que le mendiant ne lâcherait pas la partie, le bourgeois se composa une attitude qui se voulait hautaine et noble avant de daigner écouter le babillage du vieil homme.
"Grand seigneur, Je m’appelle Talith. Mon fils que voilà est le dernier lien que je possède avec ma famille. Ma pauvre femme a été capturée par un raid de Shaakts et ma fille a succombé à une grave maladie, me laissant seul pour m’occuper du pauvre Sharis. Et comme si Thimoros n’avait pas assez placé de malheurs dans ma courte vie, le pauvre garçon a perdu la raison lorsqu’une poutre lui est tombée sur la tête en travaillant aux docks !"Sharis soupira et fit ce qui était prévu : Il fixa le riche homme d’un air hagard en laissant la bave couler sur ses lèvres, ce qui n’eut pour effet que d’augmenter la révulsion que leur victime éprouvait pour cet infect duo. Voyant que le bourgeois ne prenait toujours pas la parole, Talith continua sur sa lancée en adoptant une pose dramatique, les deux mains levées vers son interlocuteur
"Il ne peut plus travailler, mais mon amour pour lui est trop fort pour que je l’abandonne à son sort ! Las, la vie a encore une fois décidé de briser mes espoirs en laissant…"" Il suffit ! éructa le bourgeois, incapable de garder son calme plus longtemps.
Par Rana, cessez votre numéro ! Voila dix yus, et maintenant laissez-moi passer où j’appelle la garde, et vous sortirez des geôles de Bouhen lorsque votre fils aura votre âge ! "Il jeta l’argent sur le chemin et les pièces rebondirent en tout sens. Talith cessa aussitôt sa performance pour se mettre à la collecte du butin, tandis que le vieux bourgeois s’éloignait le plus vite qu’il pouvait
" Sharis, viens m’aider avant que quelqu’un d’autre n’en profite !"Sharis se leva et aida son compagnon à rassembler les yus. Devant lui, le marché de Bouhen tirait à sa fin, et les citoyens commençaient à se disperser dans les ruelles avoisinante, où les attendaient à chaque fois au minimum un mendiant.
Le système était bien rôdé. La communauté des taudis, bien que vivant dans une réelle pauvreté, possédait un bon sens rare lorsqu’il était question de maximiser les profits. Les horaires des tours de garde étaient bien connus et les séances planifiées avec minutie. Chacun se voyait assigner un emplacement afin d’éviter les conflits, et le marché hebdomadaire de Bouhen qui rassemblait la majorité de la population était aussi la plus grande source de profit des mendiants qui avaient donc inventé un système de tournante où chacun se retrouvait une fois ou l’autre à l’emplacement le plus et le moins rentable.
( Ils feraient probablement fructifier une compagnie bien plus efficacement que ces riches perclus de vices,) se dit Sharis en finissant de ramasser l’or. Cette besogne remplie, Talith et lui se repositionnèrent en attendant leur prochaine victime.
"Cet emplacement est vraiment le meilleur ! dit joyeusement Talith en comptant les profits de la journée.
Wirem est simplement un imbécile qui n’inspire que de la révulsion. Pas étonnant qu’il revienne les mains vides !""Tandis que tu es l’incarnation même de l’innocence et du pauvre hère frappé d'une misère injuste, n’est-ce pas ? "le railla Sharis.
" Je suis surtout un comédien de génie ! Si je n’étais pas né mendiant, j’aurais sûrement fait une carrière fulgurante ! Par contre, je crains de ne pas pouvoir te retourner le compliment…"Sharis le regarda d’un air morne. Il n’avait pas l’intérêt de Talith pour la comédie, et ses rares tentatives infructueuses au début de leur association avaient convaincu son compagnon de lui donner le rôle du fils idiot, tâche dont il s’acquittait sans enthousiasme.
( Je me demande d’ailleurs pourquoi il continue de travailler avec moi… Je ne suis pas vraiment un bon associé,) pensa le jeune homme.
Il continua d’observer la place du marché. Illuminée par le soleil couchant et bordée de hautes maisons, elle était un des rares endroits de Bouhen à détenir un certain charme. Les jours de marché, les étals se remplissaient de marchandises de toutes sortes, des produits de la pêche en passant par des bibelots plus exotiques qui provenaient de tous les continents grâce au commerce maritime intense de la ville. Sharis pouvait sentir les odeurs entêtantes des fragrances de l’étal du parfumeur depuis sa position. Il aurait aimé pouvoir se promener sur la place mais sa présence aurait instantanément provoqué la méfiance des marchands : Les objets disparaissaient souvent derrière le sillage d’un mendiant… Un geste de Talith dans sa vision périphérique le rappela à la réalité.
" Voilà un homme à la bourse fort bien remplie qui s’avance vers nous. Donne-moi ta plus belle tête de demeuré, Sharis !"" C’est un guerrier, et il a l'air mal luné. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, Talith," lui répondit Sharis après avoir observé celui-ci qui s’approchait à foulées rapides.
" Encore une fois, tu sous-estime mes talents, mon petit. Je convertirai Oaxaca au Yuimenisme si je le voulais !"Le regard du guerrier s’attarda sur le visage ronchon de Sharis, qui ne se fatiguait même pas à rentrer dans son rôle. Aussitôt l’homme se figea, une expression étrange sur le visage, qui prit même Talith au dépourvu. Le guerrier resta tétanisé quelques secondes, puis traversa la ruelle en courant à moitié, sous les regards stupéfaits des deux mendiants.
" Si les gens te fuient avant même qu’on ne puisse commencer, je crains que tes effluves soient trop nauséabonds pour provoquer la pitié " lui dit le vieil homme, une fois la surprise passée.
" Je sais que ce n’est pas réjouissant, mais tu vas devoir prendre un bain, mon petit. En attendant, va donc fureter sur la place : Peut-être que les marchands ont laissés derrière eux quelques babioles vendables. "Le jeune homme accepta et parcourut la place sous le regard mauvais des derniers commerçants qui rangeaient leurs produits. Tout en examinant les environs, il repensa au concours de circonstances qui l’avait amené ici. Après avoir tué Shale et s’être échappé de Kendra Kâr, il avait vécu une brève période d’exaltation sur son nouveau statut d’homme libre mais avait vite déchanté : Rowe semblait déterminé à le rattraper et à terminer ce qu’il avait commencé. Le marchand n’avait jamais laissé un de ses voleurs repartir vivant de leur collaboration par soucis de sécurité ainsi que de protection de sa réputation et Sharis représentait la seule exception. Il avait engagé des mercenaires et employait son réseau de connaissances pour tenter de le localiser. N’ayant aucune envie de quitter le continent pour aller se perdre sur des terres inconnues, le jeune homme, en désespoir de cause, s’était mêlé à la foule anonyme de la communauté des pauvres de Bouhen. Neuf mois après l’incident, il vivait une existence misérable, sans rêve et sans objectif. Il s'était coupé court les cheveux pour réduire les chances qu'on le reconnaisse.
( Ca ne pourrait pas être plus éloigné de l’idée que je me faisais de la liberté,) pensa-t-il avec un rire sans joie.
Son travail terminé, Sharis retourna vers son associé et remarqua qu’il avait une discussion animée avec le mercenaire qui s’était enfui devant lui. Celui-ci partit ensuite en lui lançant un regard dégouté de biais et Sharis regarda Talith d’un air interrogateur.
" Tu vois, quand tu n’es plus là, les clients réapparaissent !" lui dit-il avec un sourire en lui montrant une paire de yus.
" Allez viens, la nuit tombe, rentrons chez moi."Talith s’engagea dans une ruelle latérale et Sharis le suivit en emportant ses sombres pensées avec lui.
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