<< AuparavantDélit de fuite
Il m’emmena donc dans la planque que j’avais surveillée une partie de la matinée et me fit entrer en me tenant la porte, quelle ironie. L’intérieur était étonnamment en bon état, propre et meublé. Je pus apercevoir une grande pièce avec de nombreux fauteuils ainsi qu’une cheminée et une pièce qui ressemblait à une cuisine. Rien à voir avec le délabrement de l’extérieur, ils cachaient bien le fait d’avoir des moyens ces voleurs. Jonas laissa son escorte en bas et me fit monter. Il y avait trois pièces à l’étage mais une seule ouverte, donnant sur une pièce spacieuse contenant plusieurs chaises, un fauteuil, un grand bureau en bois sombre et lustré sur lequel étaient posés beaucoup de papiers. Tout ça ne ressemblait pas à la planque d’une simple chef d’une troupe de voleur, il y avait sans doute autre chose. Jonas ferma la porte puis s’installa dans le fauteuil et m’invita à m’asseoir dans une des chaises qui lui faisait face. Il ouvrit une enveloppe avec un coupe-papier, sorti le document qu'elle contenait et le plaça sur une pile avant de s’adresser à moi.
- J’ai quelque chose à vous proposer demoiselle.Nous y voilà … je sentis un léger frisson me parcourir. Je n’allai probablement pas aimer la suite.
- Je suis à la recherche de nouveaux membres dans ma petite organisation et j’aimerais vous donner une place.Je ne m’y attendais absolument pas et n’eus donc aucune difficulté à feindre la surprise. A quel point ce type était confiant ? Il ne m’avait posé aucune question, il connaissait juste mon nom et encore j’aurai pu lui en donner un faux. Soit il estimait être intouchable, soit il ne me voyait pas comme une menace potentielle, ce qui était stupide dans les deux cas. Mais je tenais peut-être le moyen d’en savoir plus sur la sœur de Vyrl, autant jouer le jeu.
- Je viens seulement d’arriver, excusez-moi mais je ne connais pas votre organisation…- Je dirige une petite affaire avec un petit nombre d’employé, mais nous grossissons à vue d’œil et je viens d’avoir un contrat extrêmement profitable et j’ai besoin de plus de collaborateurs.Bon sang si Vyrl ne m’avait pas briefé j’aurai pu croire à ces paroles. Techniquement il disait la vérité, il omettait juste de parler du caractère illégal de ces activités. Pas si stupide que ça finalement.
- Je vois… pouvez-vous m’en dire plus ? Il est vrai qu’un travail ne serait pas de refus… Quel genre de travail proposez-vous exactement ?Il se leva et fit le tour du bureau avant de s’adosser à lui. Il me regarda fixement et je pus lire une envie dans le regard. Nouveau frisson sur l'échine.
- Et bien la plupart de ce que je propose je me refuse à vous le proposer, ce sont des travaux ingrats qui ne vous siéraient pas. En revanche il y en a un que je peux vous proposer et qui peux démarrer immédiatement.Il s’éloigne du bureau et passa dans mon dos avant de poser sa main sur mon épaule et de la descendre lentement dans mon dos. Le contact me fit frissonner et il dut prendre ça comme un consentement car il posa ses deux mains près de ma gorge et caressa lentement. Je déglutis, je n’avais pas envie d’en arriver là, il était grand temps de partir. Je me levai et lui fit face.
- Je … je vais y réfléchir si vous voulez bien…Il me sourit mais se rapprocha de moi. Je reculai jusqu’à toucher le bureau sur lequel il me plaqua brusquement. Là je paniquai.
- Que… lâchez-moi !Il lâcha une de mes mains et porta sa main sur mon cou. Je me figeai en voyant son regard, il n’y avait plus qu’une bête assoiffée, non pas de sang, mais de bien pire et j’étais la proie. C’est là que je regrettai de ne pas avoir d’arme sur moi. Il porta son autre main sur mes jambes et commença à relever lentement ma robe. Je devais l’arrêter, je devais l’empêcher…. Il arriva u niveau de mes genoux. Me calmer, je devais me calmer, réfléchir…. Il toucha le haut de mes cuisses. Cette fois se fut de trop. Une boule de feu apparut dans ma main et je la lui lançais en plein visage. Il hurla tandis que ses cheveux prenaient feu et qu’une odeur nauséabonde de chair brûlée emplissait la pièce. Mais plutôt que de tenter de fuir, il resserra sa prise sur ma gorge, cherchant à m’étouffer. La douleur et le manque d’air furent vite insupportables et je me débattis, cherchant quelque chose pour me défendre. Ma main heurta un objet et je m’empressai de le saisir et de frapper avec. Le coupe-papier que j’avais pris s’enfonça dans sa gorge et du sang jaillit, coupant net ses vociférations dans un gargouillis innommable, puis il s’affaissa avant de tomber sur le sol. Je restai un instant sur le bureau, reprenant mon souffle et essuyant le sang qui barbouillait mon visage. Mon cœur battait la chamade, j’avais eu tellement peur. J’avais tué un homme… J’avais brûlé le visage d’un homme avant de lui transpercer la gorge… bizarrement cela ne me fit rien, je pouvais toujours réfléchir et agir. Je devais d’ailleurs faire quelque chose, vite !
Les cheveux de Jonas brûlaient toujours, je me dépêchai de les étouffer avec sa cape. L'odeur était horrible et je réprimai un haut-le-coeur puis j’allai derrière le bureau pour observer les papiers. Avec un peu de chance, j’allais tomber sur un qui me renseignerai sur la sœur de Vyrl. Bijoux… Sacs…Poissons… Kisp… Tiens, ce nom me disait quelque chose. Je mis ce papier de côté et continuai de fouiller. Je finis par tomber sur quelque chose d’intéressant. Apparemment il y avait plusieurs enlèvements à mettre sur le compte de Jonas et de sa bande. En lisant rapidement en diagonale je repérai plusieurs informations importantes, comme des dates, des numéros de bâtiments et encore ce nom : Kisp. Je pris donc ces papiers en plus des autres et fourrai le tour dans la sacoche qui se trouvait sur le bureau avant de la mettre en bandoulière. Le problème maintenant était de sortir d’ici. J’avais du sang sur le visage et les mains et je savais que ça ne passerait pas inaperçu, même dans cet endroit. Il y avait bien une fenêtre, mais je n’allais pas risquer de sauter … Quelqu’un frappa à la porte pile à ce moment-là.
- Chef, vous êtes là ? Le gros est arrivé, il voudrait vous voir.Merde merde merde. Je n’avais plus le choix. J’ouvrai la fenêtre et visualisai la hauteur. C’était le premier étage et la rue en dessous était complètement vide, pas le moindre objet, sac ou ordure pour me réceptionner. Tant pis, je devais tenter. Plutôt que de sauter comme une idiote, je m’agrippai au bord et me suspendis lentement jusqu’à avoir les bras tendus, avant de lâcher. La chute fut courte et l’atterrissage brutal. Je sentis ma cheville droite se tordre sous le choc et je glissai, me tapant le dos contre le mur d’en face et me cognant la tête par la même occasion. La douleur de ma cheville et de ma tête étaient vives et me clouèrent sur place quelques secondes avant que je ne songe à bouger. M’appuyer sur ma jambe était une torture et je clopinais jusqu'au bout de la ruelle avant de jeter un œil aux alentours. Personne sur ma gauche mais, sur ma droite, les deux hommes en faction devant la planque allaient me voir et j’étais tellement suspecte qu’un panneau « arrêtez-moi » sur mon torse serait moins voyant. Je remis mon capuchon, espérant cacher mon visage et j’allai tenter d’avancer, l’air de rien, lorsque j’entendis quelqu’un crier dans la maison. Les deux gardes se retournèrent et j’en profitai pour m’éloigner de la planque en rasant les bâtiments de gauche. Ma jambe me lançait terriblement et j’avais du mal à maintenir une vitesse constante. Je passai ainsi devant deux ruelles avant de m’écrouler, ruisselante de sueur, ma cheville n’était qu’une bulle de douleur atroce. J’avais probablement fait pire que simplement me la tordre. Je n’osai pas l’examiner et me forçai à me remettre en marche, en sautillant sur un pied. C’était ridicule et plus difficile que je ne l’aurais cru, la terre meuble ne m’aidant pas à conserver mon équilibre. Après une dizaine de minute, il fallait l’avouer, j’étais complètement perdue. Je n’avais jamais été dans cette partie de la ville et je n’avais aucun moyen de me repérer. Je pris à droite et continuai d’avancer, espérant tomber sur un lieu ou un visage familier. Au bout de la ruelle j’entendis un bruit de cavalcade venant dans ma direction. Avisant des planches posées contre le mur, je me hâtai de me cacher derrière. Je vis un groupe de cinq hommes dépasser la ruelle sans ralentir. J’espérai sincèrement qu’ils n’étaient pas à ma recherche, car je ne n’allais pas pouvoir leur échapper très longtemps.
J’attendis que les bruits de course ne s’éloignent avant de me remettre en route. Je traversai la rue et pris une nouvelle ruelle adjacente. De là, je commençai à entendre quelque chose, comme un bruit de fond. Espérant trouver une rue familière, j’avançai donc vers le bruit de fond lorsqu’un autre bruit derrière moi me fit l’effet d’une douche froide.
- Elle est là !Je ne me retournai pas, je n’avais pas le temps ! Je me hâtai vers le bout de la ruelle et débouchai sur le port de commerce. J’eus un sourire d’espoir, mais j’étais loin d’être sortie d’affaire. Je slalomai entre les marins, essayant d’oublier la douleur de ma cheville avec plus ou moins de succès. Alors que j’espérai les avoir perdue, deux hommes apparurent face à moi, couteau à la main, le regard empli de haine. Je ne réfléchis pas, j’enlevai mon capuchon pour avoir un meilleur champ de vision puis je générai une boule de feu. Je n’allais pas me laisser faire ! Ils eurent un moment d’hésitation, après tout personne n’a envie d’être touché par ça, mais l’arrivée de trois autres hommes dans mon dos leur donna du courage et l’un des deux me chargea, son coutelas tendu au bout de son bras. Avec ma cheville blessée, j’eus du mal à esquiver son attaque et il m’entailla l’épaule gauche, m’arrachant une grimace de douleur. Je parvins cependant à lui lancer la boule de feu alors qu’il me dépassait, touchant son dos, le faisant tomber et mettant le feu à ses vêtements. Il se releva en hurlant et se jeta en courant dans le fleuve non loin. Les autres m’encerclèrent, prudents. J’avais de plus en plus de mal à me tenir debout, j’étais exténuée et ma respiration devenait saccadée. D’une minute à l’autre ils ‘allaient me sauter dessus tous les quatre et je serai submergée. Une idée, vite ! Ma cheville me faisait tellement mal que mon attention était divisée entre les hommes qui me tournaient autour et la douleur, m’empêchant de réfléchir convenablement. Je vis un groupe d’une dizaine de personnes s’approcher de nous. Et merde, ils étaient combien comme ça ?
- Que se passe-t-il ici ? Un grand homme, visiblement un marin, détaillait la situation en croisant les bras et toisa les hommes avant de les invectiver.
- Bande de raclures d’égouts, vous êtes à quatre pour affronter une jeune fille seule et visiblement fatiguée, pitoyable. Déguerpissez bande de parasites !Les quatre hommes ne l’entendirent pas de cette oreille. L’un d’eux lui répondit, avec une voix grave et tremblante de haine.
- Cette salope a tué le chef des Noirs Desseins, nous voulons sa tête et tu ferais mieux de ne pas te mettre en travers de notre route.Le marin me regarda comme s’il avait du mal à croire leurs paroles puis éclata de rire avant de parler d’un ton jovial.
- Fallait le dire tout de suite que vous étiez de la bande des Noirs Desseins, ça change tout ! Les gars, massacrez moi ces raclures !Les marins chargèrent les bandits en vociférant et les quatre hommes s’enfuirent sans demander leur reste. Les marins ne les poursuivirent pas loin, mais les insultèrent tout le long. Le grand marin s’approcha de moi, mais prudente, je reculais. Mauvaise idée, ma cheville ne supporta pas l’idée et je ne pus retenir un gémissement de douleur. J’haletais, ma vue se brouillait de plus en plus et je sentais de la sueur perler sur mon front mais je pouvais encore me défendre. Je générais une boule de feu tant bien que mal, faisant reculer les marins. Mais cela n’eut pas l’air d’impressionner le grand qui s’approcha de moi, s’agenouillant non loin.
- Gamine, éteins moi ça, et on va t’aider.- Pas… besoin…Oui j’étais stupide mais j’avais mal et je voulais simplement retourner à l’auberge, cesser de souffrir. Alors que j’allais tenter d’avancer, je vis arriver un nouvel attroupement. Aaah mais la paix !
- Skarld, qu’est ce qui se passe ?- Ah Cap’taine, apparemment cette jeune fille a eu des ennuis avec les Noirs Desseins.- Vraiment ? … Oh mais je te reconnais gamine ! Pourquoi vous ne l’aidez pas vous autres ?Il désigna ma boule de feu qui faiblissait.
- Elle ne se laisse pas faire Cap’taine.Faisant fi de ma boule de feu, le capitaine s’approcha de moi. J’avais du mal à discerner tant ma vue se brouillait, mais sa tête ne m’était pas inconnue.
- Capt’aine … Ivark ?- Lui-même gamine ! Éteins-moi ça, qu’on puisse t’aider.J’étais de toute façon trop fatiguée pour lancer ma boule de feu et je l’éteignis, provoquant un soupir de soulagement chez les marins. Le capitaine voulut me faire avancer mais ma cheville me lança de nouveau, m’arrachant une grimace de douleur. Il voulut examiner mais le simple contact de sa main me fit sursauter et je tentai de m’éloigner mais trébuchai et tombai à la renverse. Il se pencha sur moi.
- Je ne te veux pas de mal gamine, je veux juste examiner ta cheville.J’avais du mal à parler.
- Pas… le temps. Je dois… - Tu n’arriveras jamais à rien dans ton état. Il faut…- Pas le temps ! J’avais crié la dernière phrase mais je le regrettai aussitôt, je devais économiser mes forces. Les marins me regardèrent comme si je délirais, ce qui était peut-être le cas, je n’étais pas en état de réfléchir. Bon sang ce que j’avais mal ! Je vis les marins s’écarter brusquement et un visage familier se pencha sur moi.
- Yliria, tu vas bien ? Je suis désolé je..Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, je lui assénai une claque. Enfin j’essayai et je parvins tout juste à donner une petite tape, je n’avais plus de force dans les bras, dans le reste du corps non plus d'ailleurs. Vyrl me regarda d’un air désolé ce qui ne me calma pas vraiment. Je détestai son air de chien battu !
- Espèce de …. Où….étais-tu ?- J’allais….- Pas le temps… tiens… Je lui donnai la sacoche contenant les papiers que j’avais dérobés à Jonas. Il me regarda d’un air dubitatif après avoir examiné le contenu.
- Merci… mais je ne sais pas lire.Aaaah mais c’était possible d’être aussi chiant ? J'en avais tellement marre que j'étais sur le point de pleurer de rage, et de douleur aussi. Le Cap’taine vint à mon secours en lui prenant la sacoche des mains et en feuilletant rapidement quelques documents. Il eut un rictus de rage et les rangea avant de me regarder, une lueur d’admiration ou de contentement dans le regard, je n’avais su dire sur le moment. J’étais toujours au sol et je commençais sérieusement à avoir mal au dos à force de rester allongée sur les pavés. Il appela un marin qui me souleva comme si de rien n’était. Je voulus protester mais je parvins tout juste à articuler un « non » indistinct avant que le marin ne se mette en route, le Cap’tain et Vyrl nous précédant. Je crois que ce fut à ce moment que je perdis connaissance.